Assise au bar en sirotant un nectar alcoolisé, Svenja restait songeuse. Quitté l'académie en douce pendant les cours ne s'était pas trouvé chose facile et Svenja avait bien failli ne pas éviter le concierge cette fois-ci. Un jour, elle se ferait bien coincer, elle s'en doutait, mais tant pis, elle en profitait pour l'instant. L'alcool réchauffait si bien son intérieur qu'elle soupirait presque d'aise en ce moment. Elle avait vraiment l'impression d'être libre et que tout pourrait s'offrir à elle. Un léger sourire se pointa sur ses lèvres. Ne pouvait-elle pas déjà tout s'offrir? En fait, elle pouvait s'offrir tout tant que cela était dans les moyens des autres. La pensée l'amusait beaucoup et déjà des fourmis venaient chatouiller ses doigts. Elle n'avait pas encore risqué de faire quelques vols à l'extérieur de l'académie, profitant généralement plutôt du moment de n'avoir ni surveillant ni professeur sur le dos pour prendre un verre. Sûrement que Nailah lui remettrait sur le nez d'avoir sécher le cours de géographie, surtout si elle se rendait compte qu'elle avait été boire de l'alcool également.

Secouant la tête négativement en soupira, Svenja ramassa son sac en bandoulière et donna quelques pièces au barman avant de mettre son sac sur ses frêles épaules. Elle avait beau avoir une meilleure alimentation, son corps n'avait pas pris beaucoup de formes grasses. Peut-être un contrecoup de l'entrainement qu'elle faisait avec Nailah en plus du cours de combat. Cela lui importait peu après tout. Elle avait suffisamment de formes pour plaire aux hommes et femmes qui voulaient bien payer pour avoir du bon temps. Resserrant son manteau contre elle, son pied s'accrocha dans une chaise occupée et elle s'étala de tout son long sur le sol, attirant les regards de bien des gens, dont la femme assise. Celle-ci était plutôt bien faite, beaucoup plus féminine que Svenja, à la chevelure de jais. Se relevant, le visage rouge et penaud, Svenja se pencha en s'excusant.

— Vraiment navrée, madame, j'espère ne pas vous avoir trop bousculée, navrée encore, pardonnez-moi...

Et ramassant ses effets, Svenja s'excusait encore en reculant vers la porte avant de sortir, d'un air navré. Elle marcha un bon moment dans les rues, son attitude d'excuse se changeait délicatement en joie pendant sa marche. Finalement, entre deux bâtiments à quelques rues du bar, Svenja se laissa tomber au sol dans la ruelle, en riant. Les larmes lui venaient presque aux yeux. Son sourire fendait son visage d'une oreille à l'autre alors que ses yeux regardaient le ciel. Puis, plongeant la main dans son sac, elle en sortit une petite bourse de cuir. D'une main, elle l'a lança dans les airs avant de la rattraper. Décidément, elle n'avait pas perdu la main et c'était là une bonne récolte qui s'était produite. Elle ouvrit la bourse et en découvrit quelques pièces et un petit carnet. Remettant les pièces dans son sac, elle garda le carnet et l'ouvrit, plissant les yeux pour y lire l'écriture fine et délicate qui s'y trouvait. Cependant, alors qu'elle voulait profiter du soleil pour mieux lire, une ombre vint lui obstruer la vue. Peut-être un nuage ou un dragon... Qui persistait à rester dans sa lumière. Levant la tête, elle vit à l'entrée de la ruelle une femme à la chevelure noire comme la nuit...

— Merde...

Songeant que Nailah lui en voudrait à mort pour ce coup, Svenja eut le réflexe de glisser rapidement le livret dans son sac en se levant et de se diriger à toute vitesse dans le fond de la ruelle, sautant sur quelques caisses de bois pour sauter par-dessus le muret dans le fond de la ruelle, mais le sort était contre elle et son pied glissa du bois pour s'enfoncer dans les caisses. Une jambe écorchée prise dans le bois, l'autre pendante à côté des caisses, Svenja retint un cri de douleur... Et il y avait toujours cette femme qui s'approchait d'elle...

Si ce n'avait pas été de ces caisses de bois qui avait faibli sous son poids, Svenja s'en serait sorti beaucoup plus rapidement. Si elle s'en sortait, elle se promettait d'avoir une séance avec Nailah sur comment évaluer le terrain autour de soi pour sa propre sécurité. Cependant, l'inconnue vint la rejoindre rapidement. Son comportement étrange fut rapidement expliqué par la voix du serveur qui semblait prendre la poursuivante pour une voleuse. L'idée était plutôt amusante et Svenja ne put retenir un sourire qui était caché par la main de la femme.

Toujours prise dans les caisses, elle vit l'autre femme descendre et lui demander de lui rendre ses biens. Croisant les bras en souriant, Svenja se sentait tout de même en instant de pouvoir, malgré la douleur fulgurante qu'elle tentait de cacher. La femme était trop proche pour lui lancer un projectile et même si c'était pour la distraire, Svenja n'aurait pas le temps de se déprendre sans se faire plus mal. Mieux valait gagner un peu de temps et surtout d'aide, de toute façon, son sac était pris dans le bois également et il fallait d'abord se dégager avant de sortir quoi que se soit du sac.

— Sinon quoi, tu appelles les gardes? Je crois qu'ils seront très heureux de te voir plutôt que moi-même.

Svenja la tutoyait ouvertement. Se faire appeler « jeune fille » par une femme qui avait probablement le même âge avait de quoi être insultant. C'était certainement le but même de la remarque d'ailleurs. La preuve de la rapidité et de l'agilité démontrée par cette femme donnait tout lieu de croire à quelqu'un d'entrainer. Comme Nailah le lui avait souvent dire, ruse et rapidité contre la force. Il ne souhaitait plus qu'à y croire.

— Comme tu vois, je suis pris dans ses caisses de bois et même si je voudrais te remettre tes choses, en étant coincé, c'est physiquement impossible, à mois d'avoir le pouvoir de déplacer les choses par magie. Donc, tu m'aides à descendre de ces caisses et je n'appelle pas les gardes.

C'était un revirement de situation qui plaisait beaucoup à Svenja. Elle songeait même à raconter à Nailah cette aventure, seulement, l'idée de lui expliquer que c'était parce qu'elle avait pris quelque chose à quelqu'un d'abord lui refroidit légèrement l'esprit.

La jeune femme qui lui faisait face perd patience. Ce devait donc être vraiment important ce petit calepin et Svenja prit note mentalement de l'apparence de celle qui lui faisait face. La dague face à l'étudiante ne la fit pas broncher. L'inconnue lui fit rapidement comprendre qu'elle avait plutôt intérêt à obtempérer sagement et sans son aide. Soit, cela permettait d'avoir tout son loisir de se déprendre et de trouver une façon de se sauver rapidement. Pendant un instant, très bref, l'idée d'interpeler mentalement sa dragonne lui traversa l'esprit, mais cette idée disparut aussitôt qu'elle prit naissance dans sa cervelle. Il y avait peu de chance qu'elle vienne à elle de toute façon.

— Bon, mais laisse-moi un peu de place, les caisses son plutôt instable et au cas où elle me ferait tomber sur toi, tu ne serais pas plus avancée...

Les propos étaient logiques. L'inconnue était un peu plus loin, mais à bonne distance en cas où sa dague devrait fuser vers Svenja. Elle en prit note mentalement, ce devait être une experte avec les dagues et mieux valait ne pas la sous-estimer. D'abord, Svenja se pencha pour estimer la profondeur des caisses et voir sur quoi prendre appui pour s'en sortir. C'est à cet instant qu'un objet vint frapper contre la partie sensible de la cheville. Retenant un cri de surprise et un peu de douleur, ce qui pouvait tout de même facilement passer pour simplement les débris de bois dans sa chair, Svenja ramassa ce qui lui semblait être un oeuf, mais beaucoup plus gros que celui d'une poule ou de n'importe quel volatile qu'elle avait déjà vu. Serait-ce... un oeuf de dragon? Doucement, elle le glissa dans sa besace avant de continuer à se dépêtrer des caisses de bois.

Posant finalement les deux pieds au sol, elle secoua ses vêtements remplis de poussières de bois. Le tissu de ses pantalons était déchiré par endroits et un peu de sang le maculait. Expliquer pourquoi elle avait toutes ces blessures serait aussi difficile que de sortir de cet endroit. Avant que la jeune femme ne lui demande à nouveau ses effets, Svenja se mit déjà à fouiller dans sa besace.

— Oh! Quelques pièces sont sorties! Ce n’en sera pas long.

On entendait en effet le son des pièces qui se faisaient brasser dans le fond de la bourse. En réalité, Svenja avait toujours quelques pièces dans le fond de sa bourse et elle en prit trois dans sa main, transférant son énergie glaciale dans les pièces qui se transformaient en petits glaçons. Elle fit attention à l'oeuf toutefois. Rapidement, Svenja sorti sa main de la bourse en lança vers l'inconnue les trois glaçons qui fusèrent en direction surtout du bras armé. Ils n'étaient pas assez gros pour blesser gravement, mais Svenja contait surtout sur le poids des pièces et le froid, en plus de l'effet de surprise, pour que l'inconnue lâche sa dague déjà en main. Sans regarder le résultat, la jeune femme effectua une roulade avant, oubliant la douleur de sa jambe, pour se retrouver vers la sortie de la ruelle et se mit à courir comme elle le put, changeant souvent de rue. Elle espérait réussir à semer cette femme.

L'académie était déjà en vu au loin quand Svenja se risqua à ralentir, surveillant derrière elle. Bien que ne voyant pas la jeune femme, elle se doutait qu'elle n'était pas loin. Voulant reprendre sa route, elle sentit doucement ses pieds quitter le sol alors qu'une bonne poigne prenait ses épaules.

— Silvare?
— Tu as été assez longtemps en dehors des cours. Là, nous allons être en retard pour le cours de combat.
— Je ne crois pas que je sois en état pour combattre.
— Bien sûr que non, tu n'es jamais en état pour te battre, mais tu es dans cette école et tu vas y suivre les cours...

La conversation se poursuivit ainsi jusqu'à l'arrivée dans l'académie. Toujours en possession de quelques pièces supplémentaires, Svenja n'avait aucune idée quoi faire de l'oeuf trouver et encore moins du carnet bien étrange qu'elle possédait...