Aloysius avait, comme tous les matins avant de prendre son service, ouvert la boite aux lettres qui se trouvait à l'entrée de son bureau. Il en avait saisi une liasse de papier et c'était mis à les lire en jetant les papiers inutiles dans la cheminée où ils serviraient à allumer le feu. Bien évidemment Briquet vint sauter sur la table pour s'assoir sur le tas de message. Il y eut une petite lutte de pouvoir et le concierge ne réussit qu'à extirper un seul papier supplémentaire : celui du professeur Garon. Ou plutôt de la charmante miss Gwen.

Le concierge relut le message plusieurs fois en fronçant les sourcils. Mais qu'est-ce que c'était que ce truc ? Il n'avais pas été mis au courant qu'un message codé avait été mis en place pour lutter contre les Wyrms. Donc, ça ne devait pas être ça. En tout cas, cette jeune femme restait fidèle à sa réputation : un peu trop tête en l'air pour se rendre compte que ce qu'elle écrivait ne voulait rien dire pour quelqu'un d'autre qu'elle.

Une tête vint se mettre sur son bras, le faisant lâcher le papier, en interrogeant :

"Tu fais quoiiiiiiii ? Aloy, ça me gratte entre les ailes..."

Avant de le regarder d'un air qui voulait dire 'occupe-toi de moiiiiii !' Le vieil homme jeta un coup d'oeil à son dragon et montra le papier :

"Qu'est-ce qu'elle a voulu dire ?"
"C'est de qui ? Ça dit quoi ?" demanda le rose soudainement intéressé.
"C'est de la prof de survie. Je te lis le message..."

Après lecture et écoute attentive de la part du dragon, il répliqua d'un ton un peu dédaigneux :

"Ca me parait évident, mon pauvre Aloysius. Ce boudin à pattes a un faible pour toi. Regarde bien : elle veut que tu l'aides à prendre son pied. Elle se sera trompée de fente, elle aura voulu mettre ça dans ton courrier personnel."
"Tu crois ? Ca me parait un peu bizarrement dit quand même."
"Mais ouiiii ! T'as pas vu le regard qu'elle te jetait quand tu lui tourne le dos ?"
"Non, peut-être parce que je lui tournais le dos ?"
"Et bien, mon vieux, laisse moi te dire qu'elle en pince pour toi."
"Tu crois ?"
"Oui. Ha la la la, mais qu'est-ce que tu ferais sans moi, petit humain ?" termina Briquet en sautant nonchalamment de la table comme si la discussion était close et ne méritait plus son intérêt.

Il alla se rouler en boule sur un coussin moelleux près de la cheminée et qui était pour le moment baigné par le soleil, se releva, fit deux tours sur lui-même comme pour chercher une meilleure position avant de se rallonger exactement comme avant. Lorsqu'il entendit le gond de la porte bouger, il ouvrit une paupière et souhaita :

"Travaille bien, Aloy, moi je t'attends ici."
"Feignant !" lui répliqua la voix de son maître avant de refermer la porte.




La matinée passa vite et il alla dès la fin du repas dans le gymnase. Il plissa le nez. Il avait dû y avoir un cour le matin, c'était une véritable infection. Il ouvrit en grand les portes et les fenêtres et trouva, qu'effectivement, il y avait besoin d'un peu de rangement. Mais en même temps, si mademoiselle Garon avait un faible pour lui, elle ne serait pas venu pour le voir manier son balai. A moins que ce soit sa maîtrise de cet objet long et dur qui lui avait donné des idées.

Un sourire ne put s'empêcher de venir poindre sur le visage du concierge. Du bout des doigts, il lissa sa moustache, passa la main dans ses cheveux blancs pour les réarranger, vérifia rapidement que ses habits étaient propres et corrects tout en repérant du coin de l'oeil trois toiles d'araignées abandonnées.

Il regarda autour de lui, repéra un cheval d'arçon -encore un sous entendu- et alla se caler contre l'objet en prenant un pose qu'il estimait attrayante. Il n'y avait plus qu'à attendre.

— Et n'oubliez pas de m'apporter la semaine prochaine votre devoir sur les trois meilleurs conseils de survie. Sur ce, je vous souhaite un bon diner!

Les étudiants quittaient la salle rapidement, Gwen n'ayant pas vu l'heure passée, une élève avait du lui rappeler que le diner avait débuter depuis 10 minutes. Il lui arrivait à l'occasion de finir plus tôt, mais plus tard, c'était rare. S'excusant en bafouillant, la professeure les avait donc congédier afin d'elle-même aller manger.

Passant dans la salle des professeurs, elle se retrouvait seule à table, la majorité devait manger dans leur propre bureau. Tant pis, elle s'occuperait d'un livre qui l'attendait déjà à sa place. Son macaroni chinois fut distraitement englouti alors qu'elle passait les chapitres du nouveau livre sur les vivaces. Quoi de mieux pour préparer en apprendre sur les possibles plantes à prévoir au programme à partir du printemps prochain? Il était facile d'amener de nouvelles sortes dans la serre puisque le soin des plantes était un volet du cours d'herboristerie. Elle en était à la moitié de son plat lorsque son dragon lui communiqua une information d'une importance capitale.

— Gwen... Mes griffes sont trop longues...
— Ça peut attendre un peu non? Je suis en train de manger.
— Non, tu dois être en train de lire, et ton diner doit refroidir. Mais je veux bien attendre après les cours de l'après-midi pour que tu t'occupes de mes pieds.
— PIEDS!

Quoi que venait de dire Reskar à son allié, il comprit rapidement qu'elle avait oublié quelque chose qui semblait important. Haussant les épaules, il se retourna dans sa caverne et grattait légèrement le sol dans le vain espoir de les limer.

De son côté, Gwen laissait son livre ouvert à l'envers sur la table, sa fourchette dans son plat et filait à toute allure vers le gymnase. Elle n'avait pas eu de réponse du concierge concernant sa demande, mais elle le savait bien occupé, elle serait déjà reconnaissante qu'il accepte de l'aider, mais il ne faudrait tout de même pas trop le faire attendre.

Arrivant dans le gymnase, il était déjà présent, accoté sur le cheval d'arçon. Reprenant son souffle, elle lui fit un sourire d'excuse.

— Pardonnez-moi, j'ai été prise en cours et avec le diner, pas que je vous avais oublié, loin de là, enfin, je suis heureuse que vous soyez là.

Le tout était sorti d'un coup et c'est un long soupir qui s'échappa de ses lèvres alors que son coeur battait d'avoir couru les étages pour descendre dans ce pavillon. Replaçant une mèche de cheveux, elle ne remarquait hélas pas les possibles sous-entendus qu'elle avait pu faire ni les poses bien avenantes que lui faisait le concierge. Sortant son trousseau de clefs de la poche de sa jupe longue, Gwen ouvrit une porte qui lui était destinée dans le gymnase. C'était l'endroit où elle rangeait le matériel nécessaire pour son cours de pistage. En ouvrant la porte, il devenait de plus en plus évident de la véritable raison du message du professeur.

Dans la pièce maintenant visible, plusieurs étagères supportaient des formes de grandeurs très diverses, en plâtre, métal, bois et autres matériaux. C'était des pieds qui lui servaient pour monter les pistes à découvrir par les élèves. Vers la gauche, cependant, sur le sol de pierre, un devinait l'impact d'une de ses sculptures et des résidus de grosseurs diverses de ce qui avait du être un pied.

— Voyez-vous, je prenais le moulage de cheval lorsque j'ai aperçu venant du coin par là une forme bien étrange. Je crois bien avoir vu un rat, ou tout simplement un petit dragon de terre. Enfin, ça a passé rapidement, mais j'ai perdu l'équilibre et me suis retrouvé là, contre l'étagère, et le coup dans mon dos m'a fait échappé le pied qui s'est littéralement explosé au sol.

Elle reprit un instant son inspection avant de retourner son regard vers le concierge.

— Même la broche s'est tordue et j'ai un peu peur de me blesser en la ramassant, mais je me suis dit que vous deviez avoir des gants solides pour le faire, non?

Alosius commençait à s'impatienter. Il tambourinait ses doigts sur son balais lorsque qu'enfin la porte s'ouvrit sur la professeur. Son visage passa instantanément de ronchon à sympathique et il se redressa. Sa collègue -après tout, ils étaient bien collègues puisque payés par la même personne, non ?- s'excusa tout en lui annonça avec force son bonheur de se trouver en sa compagnie. Le concierge se pencha tout en répondant :

"Mademoiselle Garon, sachez que ce plaisir est bien partagé."

Ce fut à ce moment là -ou presque, il y avait eu soupir et réajustement de coiffure- que la professeure extirpa des clés de sa poche. Aloysius sentit son sourire s'agrandir lorsqu'elle en ouvrit une porte. Ainsi, cela allait se passer là, dans l'intimité moite de cet endroit exigüe ? C'est que la damoiselle devait aimer les sports acrobatiques. La brune ouvrit en grand lui montrant l'endroit. Il repéra vite qu'il n'y avait nulle lumière dans ce placard. Acrobate mais prude tout de même, la prof.

Cette dernière se mit alors à parler d'un moulage de cheval. Aloysius, du haut de ses soixante deux ans, se figea. Elle se prenait le moulage de cheval avait-elle dit ? Le concierge ne savait plus s'il devait être impressionné par la discrétion de la pratique des moeurs de la fille ou être franchement dégoûté. Sa tête décomposée indiquait que sa morale, pourtant faible, l'entrainait vers la deuxième solution. Il respira à fond. Odeur de sueur, de transpiration, de poussière et de renfermé. Il sentait comme un arrière goût acide et piquant dans la bouche.

Il vit la fille se retourner vers lui et ses zygomatiques se contractèrent à la dernière minute pour faire apparaître un sourire crispé avec des dents serrées. Il n'était pas certain que s'il ouvrait la bouche, il ne vomirait pas sur la... prof. Et bon sang, cela enseignait à des générations d'enfants innocents ! Finalement, quelques mots parvinrent à ses oreilles :

... vous deviez avoir des gants solides pour le faire, non?

Merde, une fin de phrase. Pire encore, une question. Et des gants pour faire quoi ? Des images se bousculèrent à l'entrée de son cerveau comme une manif de végétariens quand on faisait rentrer la commande de viande de la semaine pour nourrir les dragons. Et son cerveau ferma la porte à ses images comme il le faisait au nez des manifestants.

Ce fut d'une voix blanche et un peu transpirante qu'il répondit les dents serrées :

"J'ai quelques paires de gants solides dans ma réserve mais..."

Il avala sa salive, respira un grand coup et continua :

"Vous êtes bien sure de ce que voulez faire ? Ce n'est pas très... "

Sain ? Franchement dégueulasse ? Contre nature ? Il hésitait à dire qu'il fallait la faire brûler dans un bûcher allumé avec les dragons de feu de l'académie.

"Hygiénique ?"

Pas tout à fait le mot qu'il cherchait mais convenable. Il restait un peu pâle. A voir si avec ses cheveux blancs et sa moustache tout aussi blanche, ça se voyait vraiment ou si on avait juste l'impression qu'il avait un chat dans la gorge.

Gwen le regardait d'un air indécis.

— Hygiénique? Enfin, c'est certain que si l'on se coupe, ça peut s'infecter, mais c'est justement le but d'utiliser des gants, pour éviter de se couper.

La professeure posa une main sur sa hanche. Son souffle reprenait tranquillement place après sa cour un peu plus tôt.

— Enfin, nous ne sommes quand même pas pour laisser tout ça en plan. Imaginez qu'un élève entre dans cette pièce... Bon d'accord, il y a peu de chances qu'ils aient la clef, mais tout de même.

Un soupir termina sa phrase alors qu'elle scrutait la demie-pénombre de la pièce.

— Aussi, rajouter une lumière avec un interrupteur ne serait pas un luxe, je crois que j'en glisserai un mot au directeur, car on n'y voit rien et franchement, je n'ai pas envie d'échapper encore un pied.

Non, mais il ne manquerait plus que ça, de ne plus avoir de pied pour faire les pistes à suivre pour le cours de Pistage et de Survie. Et puis quoi encore, on va demander à tous les dragons de se prêter au jeu? Il y avait déjà Reskar qui s'y amusait...

— Mais vous devez bien avoir une lampe-torche pour vous aider dans votre travail, question d'y voir quelque chose. Au fait...

Elle prit un temps pour l'observer de la tête au pied.

— Vous n'êtes pas un peu chic pour ramasser du plâtre en miettes? Vous allez assurément vous salir. Je veux bien croire que nous ne payons pas pour le lavage, mais tout de même...

Elle secoua la tête alors qu'elle recherchait quelque chose dans le coin du mur.

— Je crois bien que le trou par où la bestiole est passée est par ici...

[pardon c'est un peu court, mais je crois qu'il y a matière à réponse tout de même]

Se couper ? Il n'était pas très doué en reproduction équine mais il n'était pas certain qu'il puisse y avoir moyen de se couper. Cette prof devait être définitivement folle en plus d'être étourdie. Il était suffisamment abasourdi pour ne rien trouver à répondre à la femme qui continua. parlant de ne pas le laisser en plan. Il n'était plus sur de bien comprendre maintenant mais cela correspondait à ce que lui avait dit Briquet. Il devait devenir dur de la feuille et ne pas avoir compris ce qu'elle disait avant.

Il réussit tout de même à balbutier sur la suite :

"Le directeur ne s'occupe pas de ce genre de petits détails matériels, c'est plutôt mon rôle."

Il disait cela par habitude, ses pensées tournaient plutôt autour du fait qu'elle n'avait pas envie de laisser échapper son pied. Briquet avait sûrement raison, elle s'était trompé de fente. elle avait dû vouloir lui parler personnellement. Sinon pourquoi avoir choisi cette heure de l'après midi où c'était désert ?

"Je suis une lampe torche... EUH ! Enfin ! J'AI une lampe torche, je voulais dire, bien évidemment. Ha ha ! Un gros modèle. J'ai cru comprendre que vous aimiez les gros modèles. "

Elle parlait d'essuyer les plâtres maintenant ? Ah !!! Il commençait à comprendre. Elle avait dû se faire jeter par son amant du moment et elle venait trouver réconfort dans ses bras -ou vengeance, ne sait-on jamais avec les bonnes femmes. Il ne savait pas vraiment s'il devait s'en sentir flatté ou pas.

"Chic, vous êtes trop aimable Gwen. J'essaie d'être le plus chic type possible..."

Il la contempla de pied en cap alors qu'elle se penchait pour pointer quelque chose dans un coin. L'aguicheuse, l'allumeuse ! Il avait maintenant une superbe vue sur sa croupe. Avec ces petits jupon qui n'en faisait que mieux apprécier ce qu'ils cachaient. Quel cul, mon dieu ! Quel cul !

Il referma rapidement les portes mais, sans clef, un rai de lumière éclairait l'endroit d'une faible pénombre.

"Et si on utilisait cette lampe torche pour vérifier ce trou ?"

Il avança d'un pas vers elle. L'endroit était petit, il se trouvait déjà collé à elle. Il posa sa main sur sa hanche.

"Et dans quelle position préférez vous que je colmate la brèche ? "

— ah bon? J'ignorais que vous touchiez aussi à l'électricité, décidément, vous êtes plus un homme à tout faire qu'un concierge, M. Rierdan...

Le dévisageant dans le noir, Gwen n'était pas tout à fait certaine de savoir exactement ce que l'employé tentait de lui dire. Sa voix devenait hésitante lorsqu'elle lui répondit.

— Bien... Vous savez, lorsqu'il n’y a pas d'éclairage suffisant, il faut plus de lumière, donc un plus gros modèle de lampe-torche est nécessaire, mais je dois avoir ne pas trop savoir où vous voulez en venir...

L'homme sembla satisfait du compliment indirect que lui faisait la professeure. Cependant, le but n'étant pas de le flatter, mais bien de lui faire remarquer que pour faire le ménage, on n'usait pas les mêmes vêtements que pour une réunion. Enfin, certaines personnes ont des drôles de goûts. Elle se souvenait d'une étudiante de première année qui était arrivée dans le cours d'herboristerie en petite robe et talon haut. Elle n'avait pas apprécié devoir déterrer à quatre pattes dans le jardin...

Alors qu'elle tentait de retrouver le trou, le peu de lumière qui passait par la porte diminua grandement alors que le concierge fermait la porte. Se relevant, elle se retrouva face à face avec l'homme qui lui fit une proposition aussi camouflée que le faisait le professeur Nicola. Cependant, la naïveté de Gwen ne pouvait saisir toutes les nuances dans ce propos.

— Déjà en éliminant le peu de lumière que vous avez, je crois bien que la lampe-torche reste votre seul éclairage possible, mais je ne vous aie pas vu entrer avec une dans cette pièce, donc je vois mal comment vous allez y voir quelques choses? D'autant plus que vous risquer de vous accrocher auprès des étagères qui contiennent des éléments fragiles comme je vous l'ai déjà dit ou de vous accrocher dans les débris qui sont à la base la raison de notre présence ici.

Elle sentit la main sur sa hanche et c'est à ce moment qu'elle figea. Elle n'était pas habituée à des gestes de proximité en dehors des membres de sa famille et sa condition de vieille fille ne l'aidait pas non plus à savoir comment réagir. De plus, la question de l'homme n'avait aucun sens avec sa main sur la hanche. Cela prit bien une minute avant que la jeune femme réponde à l'homme.

— C'est vous qui savez réparer les murs, pas moi. Sinon, je ne vous l'aurais peut-être pas demandé. De plus, je pense qu'il est plus urgent de ramasser les débris d'abord avant de s'occuper du trou. Surtout que je suis convaincu que votre dragon pourrait s'occuper de chasser la créature qui y vit, n'est-ce pas?

Gwen recula doucement d'un pas, mais sentit rapidement l'étagère dans son dos. Néanmoins, la main avait quitté sa hanche et elle se retrouvait plus maître de son corps.

— Peut-être aurais-je de la traite d'abord avec le directeur avant de vous demander directement de venir nettoyer cette pièce?

Aloysius eut un sourire :

"Un homme à tout faire ? Je peux faire tout ce que vous désirez sans aucun problème."

S'il avait compris ce que Gwen voulait dire, il aurait répondu que tenir son auberge impliquait de savoir tout faire et qu'au bout de deux ans, il s'était ennuyé à être seulement concierge. Il l'écouta cependant. Plus de lumière ? Pas grave ! Cela lui donnerait une excuse pour tâter. Le concierge eut un sourire salace alors qu'elle lui disait qu'elle ne l'avait pas vu entrer avec cette lampe torche. Bin tiens, et à quoi servaient les vêtements sinon ? Mais du coup, il faudrait qu'elle en fasse la découverte.

Il posa sa main sur sa hanche. Ellle eut un petit recul sois disant effarouché. L'aguicheuse ! L'allumeuse ! Faire la jeune fille prude alors qu'elle savait parfaitement, et depuis le début, ce qu'elle faisait ! Elle qui avait l'air d'avoir eu des pratiques équines. Avait-elle même, elle et son dragon ? Aloysius secoua la tête, essayant de chasser cette pensée avant de vomir. En même temps, ce fut ce moment que choisi la fille pour se redresser et se retourner. Il n'y avait que peu de lumière mais nom d'un chien, quels roberts !!!! Il y eut bien une minute où elle le laissa regarder tranquillement. Si ça, ce n'était pas un signe qu'elle voulait de lui, tiens ! Elle blablata pendant qu'il restait les yeux fixés vingt centimètres en dessous de son regard. Il se réveilla un peu lorsqu'il eut le mot 'directeur' qui lui passa par les oreilles.

"Oh, vous savez, je suis même pas sur que le directeur sache s'occuper tout seul à ce niveau là, je veux bien aider avec les débris mais avec celui là, c'est trop demander."

Il s'approcha d'un pas, il marcha sur un peu de plâtre, l'écrasant un peu plus sous sa semelle sans s'en préoccuper et murmura :

"Par contre, je vais vous aider à ramasser ceux-là avant de sortir ma torche. On va faire attention à éviter les étagères. Un peu d'acrobatie ne fera pas de mal."

Oui, les ramasser hors de la gangue de tissu qui les enserraient, ces deux belles mamelles. Il avança d'un pas et leva les mains jusqu'à la poser sur sa poitrine et à serrer un peu les doigts. Pour un peu, il en aurait littéralement bavé. Ils débordaient hors de son corsage.

Plus la conversation allait, moins Gwen comprenait la situation. Ce concierge était-il devenu si vieux qu'il en perdait la tête? Peut-être était-il temps pour lui de prendre sa retraite... Le bruit du plâtre qui se brisait sous les pieds fut facilement perçu par Gwen. Peut-être le concierge devenait réellement sourd avec les années, mais il aurait dû au moins percevoir le changement de sol sous son pied.

Et c'est à ce moment qu'il posa sa main sur son sein.

Gwen n'émit pas un cri, ni même un gémissement, mais rapidement, elle posa ses mains sur les poignets du concierge afin de les tordre inversement et qu'il lâche ainsi sa poitrine. Beaucoup oubliaient que Gwen avait également suivi les cours de l'académie, elle n'en serait pas professeure sinon, mais que sa deuxième matière où elle excellait, c'était l'autodéfense, que son professeur de l'époque lui donnait une formation spéciale dans les cours de combat. Avec son don, Gwen aurait été destiné à servir l'armée au niveau de l'espionnage et c'est avec l'autodéfense que le combat serait le plus approprié en cas de capture. Elle relâcha sa prise sitôt qu'elle put être libre de son corps.

— Par Limlug, Rierdan, vous n'êtes qu'un pervers!

S'éloignant de l'homme, elle rouvrit la porte et resta dans l'embrasure. L'ouverture de la porte fit rejaillir la lumière dans la pièce et éclaira faiblement les débris au pied du concierge.

— À quoi pensiez-vous lorsque je vous ai demandé de venir ici? Non finalement, je ne veux pas le savoir.

Gwen n'était pas en colère, mais découragée. Décidément, son frère avait raison, les hommes ne veulent qu'une chose, le corps d'une femme. Elle avait beau ne pas avoir connu d'hommes encore, elle ne se laisserait pas prendre ainsi par le premier venu.

— Sachez que votre comportement est tout à fait déplacé et le directeur aura vent de tout ça.

Gwen replaça son corsage correctement et s'apprêta à partir.

Mais que ? Mais qu'est-ce que c'était que ce bazar ? Aloysius grimaça en maugréant un peu lorsque la fille lui fit une clé de poignet. Et il se fit copieusement insulter alors qu'elle reculait hors du placard. Le vieil homme en resta abasourdi. Alors tout d'abord elle l'aguichait et ensuite elle jouait la dignité indignée ? Et en plus, elle menaçait d'en parler à ce petit jeunot de directeur ? Si on lui pinçait le nez, on en aurait du lait à celui-là ? L'idée même de recevoir une remarque d'un type de l'âge de son fils lui était insupportable. Ah mais ça en était trop !

Il hurla presque :

"Quoi ?! Mais vous vous foutez de moi, espèce de sale perverse !"

Il y avait effectivement bien un pervers dans la salle mais ce n'était pas celui qu'elle avait désigné. Du moins de son point de vue. Et en plus, elle se tripotait les nichons sous ses yeux ! Alors qu'il l'avait à peine effleurée ! Elle se fichait de lui, c'était indéniable. Et elle lui tournait le dos ! Et elle s'en allait ! Mais c'était quoi ce délire ! Puis elle marchait vite aussi ! Il n'arriverait pas à la rattraper comme ça. Il s'empara de son balai et le lança devant elle, sur la porte qu'elle allait bientôt franchir, de façon à la surprendre et à ce qu'elle s'arrête. Il allongea le pas et l'attrapa à son tour par le poignet.

Sa voix était maintenant glaciale.

"Allez cafter ça auprès du directeur et je vous promets que votre carrière ici est finie. C'est moi que vous traitez de pervers ? Vraiment ? Alors qu'il n'y a pas cinq minutes vous étiez brûlante à me raconter vos exploits sexuels avec un moulage de cheval ?"

Il minauda ensuite, levant une main d'une manière outrageusement féminine et l'imita

"Oh Aloysius, que vous êtes chic, venez me faire prendre mon pied avec votre grosse lampe torche !"

Il la regarda à nouveau, les éclairs dans les yeux.

"Oui, hein, vous me faites venir pour essuyer les plâtres parce que vous vous êtes fait plaquer et ensuite, vous me balancer le sac à la tronche ? Je suis vieux mais pas sénile ! je veux bien être gentil mais pas qu'on m'utilise ! Si le directeur me fait une seule remarque, je jure que tout le monde saura que vous êtes déviante. "

Il pointa un index impérieux vers elle avant de mettre le point final à sa hargne :

"Et quand les parents des élèves sauront ce que vous êtes, vous croyez vraiment qu'ils ne se battront pas pour que vous quittiez votre poste ?"

Il laissa passer un temps pour que cette idiote reconnue imprime ce qu'elle lui disait. Il la lâcha et s'essuya la main contre son pantalon comme si le fait de la toucher lui était vraiment dégoûtant. Il fulminait contre elle. Il y avait intérêt qu'elle se calme tout de suite parce que sinon il pourrait probablement faire une bêtise.

Spoiler:

Le hurlement du concierge fit frémir la professeure. Oui, elle savait combattre, mais saurait-elle suffisamment se défendre contre lui? Elle avait réussi à la prendre par surprise au départ, mais en face à face, elle n'avait pas beaucoup de chance cette fois-ci. Le balai qui percuta la porte la fit sursauter et inconsciemment, une pensée la dirigea auprès de son dragon, Reskar. Celui-ci dormait à point fermé dans la caverne, mais il savait se mouvoir rapidement au besoin. Il ne pourrait cependant entrer dans le bâtiment de l'académie et défoncer le mur serait un peu extrême comme moyen de secours...

La rattrapant, le concierge lui prit le poignet assez fortement. Il lui parla de proche sur des sujets qui feraient rougir une vierge... ce qu'était justement Gwen, bien qu'elle ne s'en vantait pas. Elle le laissa dévider tout son bagage de bêtise où elle n'y comprenait rien. Lorsqu'il l'a lâche, elle le regardait hébéter. Calmement, sans même lever le ton, elle prit sur l'étagère à côté de la porte un moule en plâtre représentant la forme d'un pied d'un canard.

— Ceci est le moule d'un pied de canard, d'un colvert pour être plus exacte. Je m'en sers dans le cours de pistage, que vous avez déjà suivi même si cela fait longtemps, pour que les étudiants apprennent à suivre une trace sur le sol.

Reposant la sculpture, elle pointa alors les débris éparpillés aux sols et écrasés par les souliers du concierge.

— Ça, c'est ce qu'il reste du moulage de pied d'un cheval qui sert exactement à la même utilité que le pied de canard que je viens de vous montrer. Cependant, j'ai fait un faux mouvement en le prenant et il s'est brisé au sol. Comme il y a de petits morceaux et de la broche, par crainte de me blesser, je vous aie envoyer un message pour que vous veniez nettoyer le plancher. Je vous ai même fait part d'un trou dans le mur qui laisse entrer de la vermine qui devrait être votre tâche de chasser.

Elle prit un temps pour prendre sa respiration. Bien qu'elle n'avait pas haussé le ton, elle avait appuyé certains maux, parlant comme à un enfant parfois, question de se faire bien comprendre par celui qui était vieux ET sénile à son humble avis.

— Je crains fort que le poste le plus en danger soit le vôtre, car les parents savent très bien que c'est vous qui vous occupez des punitions des étudiants et je doute fort qu'un homme qui voit des allusions sexuelles dans du nettoyage soit vraiment le genre de gardien pour les enfants que les parents souhaitent...

Elle ne le regardait pas de haut, mais était plutôt claire dans ses affirmations. Reste à savoir, qui le directeur croirait entre elle, avec qui il avait été à l'école ensemble et le concierge, qui avait été aussi leur concierge du temps qu'ils étaient étudiants...

Loin du gymnase, Briquet se réveillait et s'étirait en baillant. Il s'assit et se donna un coup de langue sur le museau, histoire de bien se réveiller. Il regarda la pendule. Alors, la grande aiguille était... Il essaya de se souvenir comme le vieil homme faisait pour lire cette machine puis haussa les épaules et se tourna vers la fenêtre. Il vit la hauteur du soleil et se dit que le temps était bien long. Il sortit de la pièce et alla rejoindre son humain d'une démarche tranquille, ouvrant les poignées des portes quand il le devait, facile quand on volait. Quelques minutes plus tard, il ouvrit la dernière porte pour entendre des éclats de voix. Il jeta un oeil où il vit le vieil homme et la femme se disputer. Ouh là, il recula prudemment, fermant la porte au maximum mais n'arrivant pas à la fermer -elle était trop lourde- et alla attendre un peu plus loin dans un petit bouquet d'herbes. Ce n'était pas ses oignons.

A l'intérieur, Aloysius s'était vu surpris par le ton calme et posé de la professeure. Quand il la regarda faire ses démonstrations avec le canard, il comprit le quiproquo. Si la prof s'était arrêtée à la première partie de sa litanie. Le concierge se serait excusé platement, très gêné. Mais voilà, elle avait continué, rajoutant de l'huile sur le feu. Il réagit au quart de tour, d'un ton sévère :

Dites donc, Garon ! Je suis concierge, pas dératiseur et encore moins votre larbin. Le ménage, c'est l'affaire des femmes.

Mais là, elle asséna la dernière partie de sa tirade : elle l'accusa assez peu subtilement d'abuser des enfants. Son corps réagit dès qu'il comprit cela. Ce fut lorsqu'il entendit le choc qu'il se rendit compte de la baffe magistrale qu'il lui avait donné.

"Il faudrait être un monstre pour penser à toucher aux enfants !"

Bon d'accord, il se rinçait l'oeil en été avec les étudiantes mais uniquement les cinquième années, celles qui n'étaient plus des enfants.

"Mais il faut croire que vous l'êtes."

Gwen n'avait pas entendu le mouvement qu'avait pu faire le dragon du concierge et n’avait donc aucune idée qu'une présence était proche. Celle-ci commençait à virer complètement cingler avec cet abruti qui ne comprenait strictement rien à une simple demande qui pourtant était polie. L'explication calme n'avait pas eu l'effet escompté, ayant débordé du sujet, le professeur de survie devenait rouge de rage. Elle ne put éviter la gifle qui lui laisserait une marque pour un bon moment. Sa tête avait suivi le mouvement et n'étant pas bien positionnée stablement, elle tomba au sol.

*RESKAR!*

Le nom, crier par télépathie à son dragon, attira l'attention de celui-ci, dans sa grotte bien endormie. Il sentit la panique, la colère et les larmes de son alliée et se leva en vitesse pour trouver moyen de la rejoindre. Courant rapidement le terrain vague qui le séparait des bâtiments, le dragon assez imposant ne prit pas la peine d'avertir les gens et dragons sur son passage, bousculant un petit dragon rose. La vitesse élevée ne lui permit pas de s'arrêter à temps et il fonça de tout son corps contre le bâtiment de pierre qui vibra sous l'impact. Il était tout de même fait solide, mais quelques pierres auront besoin surement de remplacement ou de mortier...

Proche du sol, Gwen se retrouva la main sur un manche de bois. Le balai que le concierge avait lancé contre la porte était toujours au sol. Sans réfléchir plus longtemps, elle s'en saisit et se releva, le balai tournoyant dans sa main gauche avant que la droite ne le stabilise, le bout sans la brosse pointant devant le concierge.

— Si vous croyez vous en sortir après cela, vous vous mettez le doigt dans l'oeil. Mais vous ne devez même plus bien voir de vos yeux...

C'est à ce moment que la secousse se fit sentir dans le bâtiment. Bougeant légèrement, le bout avec la brosse du balai se coinça derrière une étagère. Gwen avait l'habitude des bâtons, mais ceux-ci n'avaient généralement pas d'extrémité difforme...