Non Cam, je refuse d’aller dans la ville, c’est trop dangereux !
T’es qu’une poule mouillée Rhéa ! Comment veux-tu que je m’entraine si on reste à l’écart des seuls lieux intéressants !
Tu n’es pas prête …
Ca fait plus de deux ans que je m’entraine et si je ne tente pas ma chance, comment je saurais si j’en suis capable.
Certes … Mais ne compte pas sur moi pour venir, je préfère aller chasser dans le désert …
D’accord ! On se retrouve ici dans quelques heures alors !

Me levant d’un bond, je saluai la dragonne et quitta la partie de l’oasis de Sélébor où nous avions trouvé refuge. C’était l’endroit le plus près de Bethleas où Rhéa avait accepté de s’avancer et encore, j’avais du l’amadouer pour qu’elle vienne sans rechigner. Regardant la ville qui s’étendait devant moi, je souris doucement. User de mon don de caméléon m’amusait plus que je n’osais l’avouer. Bien que sérieuse, j’appréciais le fait de pouvoir déambuler dans les rues sans me faire repérer, manger à ma faim en volant et entendre les habitants se disputer entre eux parce qu’un fruit ou un bout de pain avait disparut.

Après avoir fuit Keven, on avait fait une première halte à Terreclaire. Cette terre ressemblait beaucoup à Keven et nous avait permis de prendre conscience que nous étions désormais des hors-la-loi. Se débrouillant pour chasser nous même notre propre nourriture ou volant dans les villages où nous passions, nous évitions de laisser des traces même s’il arrivait parfois que ma forme de caméléon défaille et que la fuite soit notre dernière chance de ne pas nous faire capturer par les villageois.

Frôlant les murs des maisons de Bethleas, je cherchais un but à ma sortie, ne voulant pas revenir les mains vides pour prouver à Rhéa que j’avais enfin fait des progrès. Bientôt j’arrivai en vue du port et surtout des entrepôts. Me dirigeant par là-bas, je réussis à me glisser dans l’un d’eux alors qu’un bateau était en train d’être décharger. Mon regard s’illumina en voyant une caisse ouverte dévoilant quelques armes blanches. M’approchant avec intérêt, j’attrapai un petit poignard et l’observais avec attention, oubliant provisoirement l’endroit où je me trouvais et surtout le fait que mon camouflage n’était pas au point …

Hé ! Vous là-bas !

Sursautant vivement, je tournai la tête vers la voix qui venait de m’interpeller et remarqua un homme qui se dirigeait à grand pas dans ma direction. Reposant l’arme, je partie vers la sortie de l’entrepôt mais deux autres hommes se trouvaient devant, m’empêchant de disparaitre dans les rues. Portant ma main à ma ceinture, j’attrapai ma dague, prête à me battre s’il le fallait.

*Rhéa j’ai besoin de ton aide !*

Essayant de communiquer avec la dragonne, je compris qu’elle était trop loin et je me concentrai sur les hommes qui s’avançaient vers moi. Eux aussi avaient sortis des armes et je souris doucement en me disant qu’il allait falloir que je mette enfin en pratique mes années d’entrainement avec ma sœur. Finalement, ça allait au moins servir à quelque chose …

Un premier tenta un geste vers moi mais ma dague vola pour lui entailler l’épaule avant de revenir dans ma main. Je ne voulais pas les tuer, je n’étais pas une sauvage mais s’ils insistaient je ferais mon possible pour les mettre en échec et ainsi fuir. Concentrer sur les deux hommes me faisant face, je ne remarquai pas les trois autres qui arrivaient derrière. Quand ce fut le cas, ils étaient déjà trop près … Serrant les dents, je tenta d’user de mon don pour disparaitre mais la peur était trop présente et m’empêchait d’être aussi efficace que je l’aurais voulu.

Hé ! C’est la fille qui a été vu à Dwem ! Douglas veut la voir !

Haussant un sourcil en voyant les hommes qui marquaient un arrêt à la citation du jeune homme, je voulu en profiter pour me faufiler entre eux mais ils réagir beaucoup plus vite que je l’avais prévu et bientôt je me retrouvai entre les mains d’un homme, ma dague dans celles d’un autre.

Bougez pas petite dame, on vous veut pas de mal mais le chef souhaite vous rencontrer.
Ah ouais ? Bah pas moi !

Finalement j’aurais mieux fait d’écouter Rhéa aujourd’hui … Je l’entendais déjà me sermonner sur mon incapacité à me débrouiller seule alors que les hommes m’encerclaient et me guidaient à travers les ruelles vers un lieu inconnu. Ce n’était pas faute d’avoir fait attention mais bon à cinq contre un et avec un don pas complètement maitrisé ce n’était pas l’idéal … Entrant à leur suite dans une des nombreuses maisons donnant sur cette petite allée, je fus bientôt amenée dans une salle où on me laissa seule. Ce que je pouvais me sentir démunie sans la dragonne et sans mon arme …

-Tu as de la visite.

Douglas leva la tête vers l'arrivant qui avait parlé et s'étira. Depuis une heure qu'il était penché sur cette fichue carte des terres inconnues, encore fort incomplète, il avait mal aux côtes et au dos. Il s'étira et fit craquer quelques vertèbres, puis se leva de sa chaise. Il roula le parchemin qui recouvrait tout son bureau, et sur lequel était dessinée une carte des terres inconnues, la rangea dans un petit secrétaire en bois qu'il referma à clef, et sortit de la pièce pour aller dans une autre, un étage en-dessous. Malgré les semaines écoulées depuis qu'il s'était réveillé, et les entrainements quotidien qu'il s'infligeait pour reprendre ses forces, il se sentait toujours fatigué, et ses côtes le faisaient toujours souffrir. Il n'était pas prêt pour retourner au combat si la guerre éclatait de nouveau ou s'il devait affronter les Ailes Ecarlates, et cela le terrifiait. D'autant plus qu'il devrait désormais protéger Molly, qui n'était pas en état de se battre en ce moment, et ce bébé à venir pour lequel il avait encore des sentiments partagés.

Il chassa ses pensées en arrivant à l'étage inférieur, avant d'entrer dans la pièce où l'attendait leur "visiteuse". Elle avait eu vent d'une jeune femme et de sa dragonne, fille d'un capitaine de l'armée territoriale, qui s'était enfuie suite à une histoire sombre et bancale pour ce qu'on lui en avait rapporté. Si auparavant il ne se serait pas inquiétait du passé d'une éventuelle recrue, l'heure était différente et on ne pouvait plus se permettre de compter parmi nos rangs des renégats et des meurtriers. Mais avant de tirer des conclusions hâtive, Douglas souhaitait en savoir plus sur celle qu'ils avaient surpris en train de dérober des biens, en utilisant un don fort utile par les temps qui courent...

Douglas se redressa de toute sa hauteur et entra dans la pièce. La jeune fille semblait un peu perdue, comme si elle cherchait quelque chose ou quelqu'un. Probablement la séparation d'avoir sa dragonne. Douglas avait demandé à Magma de rester avec elle pendant l'interrogatoire, et de jauger de son caractère et de ses aptitudes. Elle lui ferait un rapport le soir-même.

Les mains dans le dos, les cheveux relâchés qui masquait une partie de son visage balafré, Douglas s'avança vers la jeune femme et l'invita d'un geste à s'asseoir sur la chaise à côté d'elle. Il s'avança ensuite vers la fenêtre et perdit son regard au-dehors, tournant le dos à sa "victime" pendant quelques secondes, en silence. Il ne la craignait pas en cet instant, car elle était désarmée et il avait suffisamment confiance en son propre don. Finalement il se tourna vers elle.

-Je suis Douglas McCallan, Général de la faction Progressiste de l'armée Wyrm. Tu as été surprise en train de voler des armes et pour ce que j'en sais, ce n'est pas la première fois. Dis-moi Camrynn, comment se fait-il que la fille d'un capitaine de l'armée territoriale atterrisse en terres inconnues et devienne une vulgaire voleuse ?

Il connaissait son nom et des bribes de son histoire personnelle, et il espérait en apprendre plus en jouant la carte de la provocation. Il ne craignait pas de la mettre en colère, en connaissant un rayon sur le sujet et elle tâterait de ses flammes si elle s'en prenait à lui, mais il espérait ne pas avoir à en arriver là. Il ne lui laissa pas encore le temps de répliquer et continua.

-Ça t'intéresserait de faire partie d'une famille à nouveau, d'avoir un but et d'utiliser ton don à quelque chose de plus important que de voler des armes ou quelques orbes dans les bourses des riches ?

Prenant le temps de regarder la salle, je me demandais si je pourrais en fuir facilement ou pas. Posant une main sur la table, je tentai une nouvelle fois d’entrer en contact avec Rhéa mais la dragonne était toujours inaccessible. Poussant un long soupir en me disant que je n’avais plus l’habitude de me débrouiller seule, je levai les yeux rapidement en entendant des bruits de pas. Quelqu’un venait … Regardant rapidement autour de moi, je ne vis aucun endroit ou me cacher, aucun endroit où « disparaitre » en laissant croire à ma fuite. Grimaçant légèrement, j’attendis donc que la porte s’ouvre et je regardai avec une certaine curiosité l’homme qui venait d’entrer.

L’homme était imposant et intimait un certain respect rien que par sa présence. J’avais déjà eu l’occasion de rencontrer ce genre de personne quand je côtoyais encore les proches de mon père et plus particulièrement certains membres de l’armée territoriale mais là, je savais que je n’avais pas à faire à eux puisque j’étais en territoire Wyrm …

Le fixant sans un mot, j’attendais de savoir la raison de ma présence ici, à part le fait que je me sois introduite dans un de leur entrepôt bien sûr. Je me souvenais parfaitement que l’un des hommes avait dis que « le chef » voulait me voir … Moi ? C’était quand même bizarre quoi … M’asseyant sur la chaise qu’on venait de me désigner, je ne quittais pas l’homme du regard, essayant de juger de sa condition physique et de mes chances de gagner dans un combat. Mais ce qui me stoppa fut la question du dragon et donc de la possibilité qu’il ait un don. Le mien n’était pas efficace en combat mais peut-être le sien l’était-il …

Je retins un cri de surprise quand il m’appela par mon prénom et parla de mon père. Comment pouvait-il savoir ça alors que je taisais mon identité à toutes les personnes que je croisais. Serrant les dents à l’idée d’avoir été remarquer alors que j’aurais préféré l’inverse, je souris brièvement en le fixant droit dans les yeux. Il cherchait à me déstabiliser, je reconnaissais une technique que j’aimais employer avec ma sœur et qui réussissait à tous les coups quand la personne en face n’y prêtait pas attention.

Il enchaina en parlant de famille, de mon don ainsi que de ma façon de vivre. Serrant les poings, mon regard s’assombrit l’espace d’un instant avant que je ne lâche un petit rire. S’il avait plutôt bien commencé en essayant de me déstabiliser, il s’était complètement loupé sur la suite de son discours …

Alors que ce soit déjà clair entre nous, je n’ai rien volé dans cet entrepôt, je ne faisais qu’admirer la qualité de vos armes. J’en ai déjà une et ça me suffit largement !

Bon ok, en ce moment je ne l’avais plus et elle me manquait mais j’espérais bien qu’il me la rendrait parce que je ne me voyais pas retourner voir ce forgeron pour lui demander de m’en refaire une … surtout après lui avoir dérober la première juste sous son nez …

Ensuite, je ne suis pas une vulgaire voleuse, disons plutôt que je me sers là où il y a en trop et juste quand je ne peux pas faire autrement !

Je me souvenais encore des premières fois où j’avais du voler parce que je ne trouvais rien à manger et que la chasse n’avait pas été assez satisfaisante pour nourrir la dragonne et moi-même. Je n’étais pas très fière de faire ça mais en deux ans de vie sauvage, j’avais bien dû m’y faire doucement.

Et pour terminer si vous êtes si bien renseigné pour savoir qui est mon père, vous devriez aussi savoir que la famille n’a jamais été un concept très positif pour mon épanouissement personnel …

Et merde ! Voilà que je recommençais à parler en des termes que ma sœur aurait qualifié de trop élaborés pour une guerrière. Oui mais voilà, jamais je n’avais été une guerrière et jamais je ne le deviendrais, ce n’était pas ce que je comptais faire de ma vie. Enfin … ce n’était pas ce que j’avais voulu en faire jusqu’à y’a deux ans, maintenant … et bien maintenant j’avais tendance à vivre au jour le jour …

Le fixant donc de mon regard noisette, je lui souris légèrement satisfaite des réponses que j’avais apportées à ses questions. Je me fichais bien de qui il était de son grade et même de sa quelconque importance, ce qui m’intéressait, c’était de savoir la raison précise de son intérêt pour moi …

Sauvage. C'était le mot qui s'imposait à l'esprit de Douglas en écoutant Camrynn. Il se rendit compte aussi que les informations qu'il avait eu, étaient erronées et incomplètes. Ses espions n'étaient plus aussi nombreux qu'avant la guerre, ni plus aussi efficaces. La meilleure d'entre eux était actuellement immobilisée et par sa faute en plus. Molly était enceinte et après la naissance du bébé, elle devrait patienter encore avant de retourner réellement sur le terrain. Il allait être papa ! Cette perspective le réjouissait au plus haut point, mais l'inquiétait aussi. Serait-il un bon père ? L'enfant l'aimera-t-il ? Molly accepterait-elle de lui confier le bébé malgré son don dangereux ? Malgré toutes ses inquiétudes, il avait hâte de tenir ce petit être né d'un amour improbable, qu'il aimait déjà de tout son coeur. Il voulait le crier sur tous les toits et son coeur bondissait chaque fois qu'il y pensait. Si bien qu'il se surprit, revenant à la situation présente, à avoir un sourire imbécile, son regard posé sur la jeune fille, et le perdit quand il se rendit compte de cela. Camrynn pouvait se méprendre sur ce sourire. Il se racla la gorge et se tourna de nouveau vers la fenêtre avant de revenir vers la jeune fille.

-Oh pardon ! Tu n'es pas une voleuse. Simplement une curieuse fanatique d'armes de belle facture. Le problème est le même cependant. Tu t'es introduite illégalement dans un entrepôt militaire. C'est un délit et je ne sais pas encore quoi faire avec toi par rapport à cela. Je suis curieux de savoir quelles sont tes explications.

Était-elle une délinquante dérangée qu'on devait mettre aux fers, condamner à des travaux d'intérêt général, ou la renvoyer sur les territoires pour qu'elle y soit juger et condamnée, ou relaxée ?

Avait-elle des raisons pour s'introduire dans des lieux surveillés et dérober ce dont elle avait besoin pour vivre ? Il y avait suffisamment d'endroits et de personnes prêtes à aider, pour que le vol ne soit plus indispensable depuis bien longtemps. Et il y avait aussi besoin d'espions, beaucoup ayant péris durant la guerre. En même temps, Douglas ne voulait pas avoir l'air de favoriser et récompenser les criminels. Il devrait peut-être faire un exemple avec Camrynn, et il n'aimait pas cela. Être devenu la tête pensante des Wyrms n'était pas de tout repos, et il avait encore du mal à se faire à ses nouvelles responsabilités.

-Ton don est précieux, autant que ta dragonne, et j'ai peut-être quelque chose à te proposer. La guerre a fait beaucoup de victimes, dans tous les camps, et j'ai perdu beaucoup de mes espions. Puisque tu es capable de passer inaperçue, un poste d'espionne chez les Progressistes t'intéresserait-il ? Tu aurais un logement, carte blanche pour circuler partout où tu désirerais aller - y compris dans les réserves d'armes pour admirer les collections...-, tu aurais de quoi manger ainsi que ta dragonne.

Il ne lui laissa pas le temps de répondre encore et continua sur sa lancée.

-Au cas où tu refuserais cette chance que je t'offres, je devrais prendre des mesures suite à ton introduction dans l'entrepôt. Prends quelques jours pour réfléchir à ma proposition, et reviens me donner ta réponse ici-même. Si tu ne revenais pas d'ici une semaine, tu serais pourchassée. Je ne tolère pas l'indiscipline dans mes rangs, j'espère que tu comprends. Nous sommes une armée, pas un camp de vacances. En attendant, reste loin des lieux où les civils n'ont pas le droit de se rendre, et rappelle-toi que tu n'es pas la seule à pourvoir "disparaître". Ajouta-t-il avec un léger sourire qui déforma ses brûlures au visage et dans son cou.

A peine avait-il fini de parler, on frappa à la porte. Douglas se détendit légèrement et autorisa la personne à entrer. Une jeune femme à peu près de l'âge de Camrynn entra et posa un plateau avec du pain et des fruits frais ainsi qu'une cruche d'eau sur la table. Puis elle repartit sans un mot. Douglas tira la chaise de l'autre côté de la table et s'assit en face de sa prisonnière. Il arracha un bout de pain et se servit un verre, et invita Camrynn à se restaurer si elle le souhaitait.

-La famille telle que la conçoivent les wyrms n'a rien à voir avec ce que tu as pu connaître jusqu'à maintenant... qu'aurais-tu à perdre à nous laisser te le prouver ?

Il croqua dans le bout de pain et plus un mot de sortit de sa bouche, signe que la jeune fille avait carte blanche pour argumenter sa défense.

L’homme souriait … un sourire bizarre … Haussant un sourcil, je ne le quittais pas du regard attendant de savoir la suite, savoir ce qui allait m’arriver parce que là, j’étais pour le moins piéger et je savais parfaitement que je ne pourrais m’en sortir que s’il décidait de me relâcher.

Ecoutant ses mots, je serrai les dents et les poings pour ne pas réagir violemment. Enfin verbalement parce qu’il ne fallait pas rêver, il était imposant et je doutais d’avoir le dessus en duel. Illégalement … Ca me faisait drôle d’entendre ça quand on savait que les Wyrms étaient tous « illégal » et du coup je souris légèrement à cette phrase. Il voulait des explications ? Bah moi aussi, je voulais savoir la raison du pourquoi il voulait me rencontrer mais ça je ne saurais surement que si j’acceptais de me confier un minimum, une histoire de donnant-donnant …

Hum … je m’entrainais juste pour parfaire mon don mais … apparemment va falloir que je m’entraine encore plus parce que c’était loin d’être une réussite … Je vous assure que je ne voulais pas poser problème et je m’excuse de ma présence en ces lieux, je n’y remettrais plus les pieds, je peux vous le promettre !

Je doutais que ma proposition soit acceptée mais il fallait que je tente ma chance, je ne désirais aucunement mourir ou finir enfermée. D’ailleurs c’était bizarre, il y a deux ans, j’aurais tout fait pour mourir et rejoindre mon fiancé et mon enfant et là … Là je pensais juste à Rhéa …

Il en vint enfin à la partie qui m’intéressait … L’écoutant en silence, je me pris à m’imaginer acceptant son offre. Plus besoin de voler, plus besoin de voyager tout le temps, juste vivre et travailler en utilisant mon don. Dans un sens c’était le rêve mais … J’avais fuis pour ne pas devenir un soldat et là c’était exactement ce que je ferais, je deviendrais l’un d’entre eux alors que le fait de ne pas poser mes bagages quelques parts me donnait l’impression de ne pas être comme eux.

Et si je refusais ? Il continua et répondit à ma question muette … Merde … dans un sens j’étais piégée, je n’avais pas le choix … Rhéa n’allait pas apprécier de se retrouver ainsi dans un cul de sac et j’allais m’en prendre plein la tronche. Si seulement je l’avais écouté et que je n’étais pas venue ici …

Je n‘entendis pas les coups sur la porte, ni la voix de l’homme autorisant la jeune femme à entrer, je ne remarquai sa présence que quand elle posa le plateau sur la table. J’hésitai à bondir et à m’en servir comme otage pour sortir de là mais … ce n’était pas mon style, je ne pouvais pas faire ça … La regardant donc sortir en silence, je reportai mon attention sur Douglas qui s’installait en face de moi comme si de rien n’était. J’avais faim, je ne pouvais guère le cacher vu mon regard sur les fruits mais je me retins un instant jusqu’à ce qu’il ajouta quelques mots. Poussant un long soupir, je haussai les épaules avant de tendre la main et d’attraper un fruit, le mangeant doucement.

Je vois que vous vous êtes arrangé pour ne pas me laisser le choix. C’est soit vous rejoindre, soit mourir et n’ayant aucunement envie de mourir … Mais je ne suis pas seule, je dois d’abord en parler avec ma dragonne …

Me servant un verre d’eau, je le pris tranquillement pour boire une gorgée avant de sourire en repensant à tout ce qu’il avait dit. Peut-être que je pourrais déjà me renseigner un peu plus, histoire d’avoir toutes les cartes en main pour en parler avec Rhéa parce que ça serait un gros défi de lui faire accepter. Moi ? Et bien … n’ayant plus aucun but dans ma vie … il me semblait que je venais d’en retrouver un …

Si … jamais j’accepte, j’espère que vous me redonnerez mon arme. Je dois dire que … j’y tiens assez. Après votre histoire de famille … Je suis plutôt une solitaire donc ne comptez pas que je me mêle à vos petites fêtes ou réunions ! Sinon … Espionne ? Et … en quoi consiste ce poste ?

Oui j’étais curieuse et alors ? J’adorais utiliser mon don et même si ça ne faisait que deux ans que je l’avais, je le maitrisais pas trop mal à mon goût et peut-être qu’avec un but plus précis, ça m’aiderait à devenir encore meilleure mais ça, ça restait encore à voir …

-Mourir ?

Douglas partit d'un éclat de rire, ayant pris soin de ne pas s'étouffer avec la gorgée qu'il était en train de boire en écoutant Camrynn répondre à son offre. Il avait parfois dû en arriver à des extrêmes, c'est vrai, mais jamais il n'avait tué de sang froid et exécuté des criminels.

-J'ai l'impression de notre réputation est pire que ce que je croyais, et ça ne m'étonne pas qu'on nous oblige à faire la guerre pour faire entendre notre voix. Il n'a jamais été question de te tuer, je te rassure. Ni toi, ni ta magnifique dragonne. Si tu t'enfuyais, ou si tu refusais mon offre, tu serais condamnée à des travaux d'intérêt généraux, histoire de te rendre utile. Peut-être que tu serais emprisonnée pendant quelques semaines. Mais je n'irai pas jusqu'à te couper la tête ou te pendre, rassure-toi. Tu as encore de longues années devant toi... du moins, si tu ne te fais pas attraper par pire que moi.

Douglas s'essuya la bouche après avoir croqué dans une pomme et se leva pour se diriger de nouveau vers la fenêtre. L'air était doux et il avait soudain envie de rejoindre Magma et de voler haut, sentir le vent dans ses cheveux et laisser son don s'exprimer sans avoir peur de blesser quelqu'un. Mais l'heure n'était pas à la détente, ni à la réjouissance. Il faudrait encore patienter pour cela.

-Ton arme te seras rendue si tu décides de nous rejoindre. En tant qu'espionne, tu seras envoyée sur les territoires, ou bien là où j'aurai besoin de paire d'yeux et d'oreilles supplémentaires. Tu devras te faire aussi discrète que possible, et écouter ce qui se dira. On pourra te fournir une fausse identité, pour t'infiltrer parmi les civils, mais ça ne devra pas t'empêcher de te montrer discrète... car si tu te fais attraper par l'armée, je ne pourrais rien faire pour toi, dans l'immédiat en tout cas, et il faudra t'armer de patience.

Douglas se demandait si la jeune fille était capable d'une telle prouesse, et estima préférable de ne pas encore l'envoyer sur les territoires finalement. Il ajouta donc.

-Mais avant cela, tu devras faire tes preuves, et t'entrainer pour que ton don ne te lâche pas en cours de mission. On pourra t'aider pour cela. Malheureusement, je ne pourrais pas te confier à Molly, qui est notre espionne en chef, car elle n'est pas... disponible en ce moment. Molly est ma compagne, et c'est elle qui s'occupe en autre de former les futurs espions. Mais elle est enceinte et va bientôt accoucher. Elle doit se reposer.

Une lueur de joie passa dans le regard de Douglas et un léger sourire vint éclairer son visage, tandis qu'il pensait à l'être aimé et à cet enfant qui n'avait pas été prévu.

-Tu as de la chance, cet évènement me rend moins amer que d'habitude. Si tu m'avais connu il y a un an en de pareilles circonstances, je t'aurai mis aux travaux forcés dès aujourd'hui.

On toqua deux fois à la porte et le général perdit son sourire.

-Entrez.

La porte s'ouvrit et un homme à la silhouette fine entra dans la pièce.

-Emmène-la à sa dragonne et veille à ce qu'elles aient à boire et à manger. Donne leur description aux gardes de la ville et libère-les. Transmet également ceci : Camrynn Lockhart doit revenir voir Douglas ici dans trois jours. Si à l'aube du quatrième jour il n'y a pas l'ombre de Camrynn ou de sa dragonne, vous avez quartier libre pour les ramener par tous les moyens nécessaires.

L'homme acquiesça, lança un regard inquisiteur à la jeune femme et sortit de la pièce pour attendre Camrynn dehors. En fermant la porte, il esquissa un sourire en croisant le regard de Douglas. Il aimait faire peur aux nouveaux, et c'était un peu un passage obligé pour maintenir l'ordre dans les rangs. Douglas continua de regarder Camrynn et s'adressa finalement encore à elle.

-Tu es libre. Pour le moment. Je te dis à dans trois jours. Tu peux venir plus tôt si tu en as envie, et si tu veux discuter de notre accord ou de quoi que ce soit d'autre, je serais toujours là.

Il croqua enfin dans sa pomme et retourna observer le coucher de soleil depuis sa fenêtre. Pas de vol aujourd'hui.

Haussant un sourcil en le voyant éclater de rire, je me demandai l’espace d’un instant en quoi mes paroles étaient amusantes. En d’autres lieux et d’autres situations, je n’aurais surement pas appréciée qu’on se moque ainsi de moi mais là je n’étais guère à mon avantage …

L’écoutant en silence, je suis un peu rassurée. Si un temps j’avais voulu mourir, ce n’était plus le cas et même je dirais que le danger d’être découverte m’apportait de l’adrénaline et j’adorais ça. Son discours sur mon « futur travail », si je l’acceptais, était des plus intéressants. Je devais utiliser mon don pour en savoir plus sur ... Bah sur ce qu’on me demanderait mais ce qui me plaisait le plus dans tout ça, c’est la possibilité de voyager encore et encore pour aller sur les différents territoires. C’était l’un de mes rêves … Et même si là, ça allait être pour du travail … Non en faite, c’était encore mieux que ce soit pour le boulot, ça rendrait l’attrait de la découverte encore plus passionnante.

Je sursautai légèrement en l’entendant annoncer la suite. Que je doive m’entrainer était tout à fait logique, je reconnaissais même que j’étais loin d’être encore au top de l’utilisation de mon don. Mais … parler de sa compagne et de son état me mit profondément mal à l’aise. Reposant le verre sur la table dans un claquement sec, je serrais les dents et les poings alors que certains souvenirs me revenaient en mémoire. Je devais apprendre à gérer ça … Ces sentiments contradictoires n’étaient pas bon pour peaufiner mon don …

Levant les yeux vers l’homme qui venait d’entrer dans la pièce, je soupirai en écoutant Douglas. Il ne me laissait pas le choix … Même si j’étais douée, je ne pourrais pas fuir éternellement et fuir les autorités plus les Wyrms, ce n’étais pas l’idéal … Me levant doucement, je m’avançai vers la sortie sans lancer le moindre regard à l’homme chargé de m’accompagner. Je me fichais bien de lui, là en ce moment tout ce qui me préoccuper, c’était de rejoindre Rhéa et de m’éloigner de ces lieux. Je ne parlais pas de fuir mais juste aller plus loin pour pouvoir discuter avec ma dragonne et réfléchir tranquillement à mes possibilités.

Trop aimable à vous …

J’avais dit ça sur un ton assez cynique avant de passer à côté de lui pour sortir de la pièce. Une dizaine de minute plus tard, j’étais aux côtés de Rhéa qui semblait rassurée de me voir en forme mais qui me lancer un regard des plus étranges. Je haussai les épaules avant de grimper sur son dos pour que nous puissions rejoindre l’Oasis où nous avions pris l’habitude de dormir.

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Cam … Tu dois te décider … Dans quelques heures, nous ne serons plus les bienvenues dans le coin …

Allongée à même le sol, j’ai les yeux fixés sur le ciel et les quelques étoiles qui commencent à apparaitre dans le ciel. Voilà trois jours que je passais mon temps à regarder le ciel, comme si ce dernier allait m’aider à savoir quoi faire. De son côté Rhéa avait dit qu’elle ferait ce que je désire mais j’avais rapidement compris qu’elle souhaitait rejoindre les Wyrms, il ne fallait pas être devin avec toutes les insinuations qu’elle m’avait faite.

Sans rien dire, je finis par me lever et m’avança vers la dragonne. Cette dernière se leva et sans même poser de questions attendit que je grimpe sur son dos pour décoller et se diriger vers la ville. Se posant au plus près du bâtiment où j’avais été retenue prisonnière, je sautai de son dos avant de regarder l’homme qui s’approchait de moi. Je le reconnue comme étant celui qui m’avait raccompagné vers Rhéa quelques jours plus tôt.

Je viens voir le chef !

Pas un bonjour, pas un s’il te plait, juste un ton sec et direct accompagné d’un regard sombre et déterminé. Je venais de faire mon choix et j’espérais juste que je ne le regretterais pas un jour ou l’autre. Suivant donc l’homme, je fus mener à nouveau dans cette fameuse salle sauf que cette fois, je m’installai de moi-même sur la chaise en attendant Douglas. Quand il passa le seuil de la porte, je ne lui laissai pas le temps d’en placer une que je lançai d’une voix forte et sûre.

Ok je reste ! Mais je vous préviens, je suis une solitaire donc ne cherchez pas à me faire bosser en équipe sinon vous risqueriez de manquer rapidement d’un homme …

Croisant les bras sur la poitrine, je le regardais droit dans les yeux. Oui il était impressionnant et par certains côtés il me rappelait mon père, mais depuis mon départ de la maison, je m’étais promise de ne plus jamais me laisser faire et même si je « participais » à leur groupe, ça ne voulait pas dire que je leur appartenais.

La journée avançait dangereusement vers le crépuscule, et s'il n'avait pas de nouvelle de Camrynn d'ici le lendemain, ce serait à lui de prendre une décision. Il espérait ne pas avoir à en arriver là. La jeune femme semblait avoir du potentiel, et Douglas s'était pendant une seconde retrouvé en elle, dans son regard déterminé. Il était en train de remplir des papiers quand on frappa à sa porte. Il était rentré depuis quelques heures, après un vol en compagnie de sa dragonne Magma. Les alliés avaient ainsi pu discuter des récents évènements et se retrouver seuls, comme avant. Cela avait redonné du courage au Général et son humeur était remontée. Qu'en serait-il par rapport à Camrynn ?

Il releva la tête et fit entrer son invité. D'une voix amusé, l'homme lui indiqua que la jeune femme était revenue, et qu'elle l'attendait dans la salle d'interrogatoire. Douglas sourit et le remercia. Le délai était scrupuleusement respecté. Maintenant, qu'elle serait sa décision ? Cela restait à voir.

Douglas se leva de sa chaise et accompagna l'homme jusqu'à l'étage inférieur. Il eut seulement le temps de passer la porte et de faire un pas, que la jeune femme, plus déterminée que jamais, lui donnait sa réponse. Douglas sourit de nouveau et hocha la tête.

-Très bien. Ravie de l'entendre. Rassure-toi, l'avantage des espions, c'est qu'ils sont plus discrets quand ils travaillent seuls. Mais avant de t'envoyer en mission réellement, on dois d'abord tester tes aptitudes et t'entrainer, jusqu'à ce que je décide si tu es prête ou non à aller sur le terrain. Je te communiquerais le nom d'un soldat à aller voir. Ça devrait bien se passer avec lui. De toute façon, tu n'a pas vraiment le choix à ce niveau-là. Par la suite, tu auras plus de liberté. Mais pour ça tu vas devoir faire tes preuves.

Douglas se dirigea de nouveau vers la porte, s'apprêtant à sortir. Il se retourna vers Camrynn.

-Si tu as des questions, c'est maintenant. Je suis assez occupé en ce moment.

Sans le quitter du regard, j’écoutais ces mots en silence. Qu’il soit d’accord pour me laisser travailler seule, me faisait plaisir mais je me doutais qu’il ne serait pas conciliant sur tout. Un léger soupire s’échappa de mes lèvres quand il parla de tester mes aptitudes. Je savais très bien de quoi j’étais capable, la seule chose dont je n’avais pas l’habitude, c’était de faire partie d’une organisation. Depuis un peu plus de deux années maintenant, je voyageais seule avec Rhéa et les ordres et les consignes, je ne connaissais plus ça. J’espérais juste que le soldat que j’allais voir était du genre patient parce que sinon ça n’allait pas forcément très bien se passer.

Le voyant repartir vers la porte sans rien ajouter d’autres, je compris que l’entretien était terminé et que désormais j’étais libre. Ecoutant sa dernière phrase, je secouai vivement la tête en signe de négation. Non, je ne voyais pas quoi dire, j’allais devoir m’entrainer encore et encore, chose que je faisais déjà sans arrêt sauf que … je n’avais plus besoin de voler pour me nourrir, ça c’était un truc que j’allais avoir du mal à faire …

Réalisant que j’avais oublié un truc important, je sortis rapidement pour me retrouver face à l’homme qui m’avait accueilli. Ouvrant la bouche pour l’interroger, mon regard se posa sur ce qu’il tenait à la main. Ma dague ! Ma précieuse alliée ! Douglas avait tenu parole et maintenant que j’étais libre, je pouvais enfin récupérer mon arme. La prenant avec précaution, je remerciai l’homme qui haussa un sourcil en remarquant que j’étais aussi capable de politesse. Bah voui, ça arrivait parfois !

Sortant tranquillement du bâtiment, je rejoignis ma dragonne qui semblait soulagée que j’aie enfin décidé de me poser un peu. On ne dirait pas mais elle, elle aimait être avec d’autres surtout que là, l’ambiance des lieux semblait quand même assez détendue. Rejoignant le lieu où nous avions l’habitude de dormir, elle voulait que je lui donne mes impressions mais moi, tout ce que je voulais, c’était dormir, on aurait bien le temps d’y voir plus clair demain et peut-être, de s’en mordre les doigts, seul l’avenir le dirait …