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[CLOS] Nos plus noirs souvenirs.

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Candel Harfang
Candel Harfang
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Message [CLOS] Nos plus noirs souvenirs. I_icon_minitimeVen 12 Sep - 18:10

La ferme était baignée d'un chaud rayon de lumière, prémisse d'un automne clément. Douce était la vie, dans cet endroit reculé, éloigné de plusieurs miles de Carabas et des Gorgos. Parfois, il était tentant de croire que les événements d'un an auparavant n'avaient été qu'un songe. Chaque nuit, pourtant, lui rappelait ce qu'il ne pouvait oublier. La mort du dragon noir, la mort de son frère. S'il y avait un souvenir, c'était le seul qui lui restât, surnageant dans les eaux noires de sa conscience qui s'était tant de temps débattu avec la mort.

Assis sur un banc, sur le porche de la maison, il regardait se lever le soleil, immobile et silencieux. Hanté par trop de souffrances, il aimait à s'asseoir ici, écoutant les bruits de la campagne, savourant la simplicité de ce moment, lui qui n'avait plus aucune idée de ce qu'il avait été. Juste des murmures sans visages, des larmes sans objets et un sentiment de manque qu'il pensait uniquement causé par la mort du dragon dans ses rêves. Arkhail, sa merveille noire, son frère, laissait un vide immense sans plus pouvoir se souvenir de leur rencontre ou de leurs aventures. Il ne restait plus que l'impression poignante d'être démuni, seul au monde, et plus vulnérable que jamais.

Des mèches noires et bouclées, constamment en batailles, tombaient sur ses yeux cernés et il humecta ses lèvres gercées d'une langue râpeuse et abîmée. Les cicatrices rosées dont étaient perclus son pauvre corps ne laissait pas de place au doute quant aux souffrances endurées.

L'un des coqs de la ferme chanta, saluant le soleil comme chaque matin depuis des années. Il entendait vivre la ferme autours de lui, comme un cœur battant pour celui qui sait écouter. Les roses trémières se fanaient lentement. Une année entière dont il n'avait qu'à peine conscience....
Vêtu d'une simple chemise blanche et d'un pantalon de toile noire grossière, il n'avait plus rien de sa grandeur de jadis. Une grandeur oubliée avec le reste de sa vie.
Et, dans le silence, le bruit de la porte le tira de ses songes éveillés, lui faisant tourner la tête pour voir arriver Orléane. Il l'admira un instant sans rien dire, dans le petit jour. Il la trouvait belle, chaque jour passé avec elle était un baume passé sur ses plaies. Elle qui l'avait sauvé, elle qui veillait sur sa vie était devenue sans qu'il n'y prenne garde, aussi essentielle que l'air que l'on respire.

Doucement, s'appuyant sur un grand bâton de marche, il se releva avec difficulté, son corps se dérobant trop vite à ses efforts et il manqua de tomber. Malgré tout, une fois plus assuré, il la rejoint dans l'embrasure de la porte, sans trop savoir quoi faire. Il aurait aimé pouvoir marcher, pour mieux l'aider dans ses tâches. Il était cependant si faible...
"Je vais t'aider. Pour les poules." Dit-il de sa voix râpeuse, sa voix grave autrefois abîmée sans qu'il ne sache comment. Cela venait certainement de là, son absence de goût et les cicatrices dans sa bouche qui s'étendaient jusqu'au léger pourtour de ses lèvres pâles et fines.
Il ne parlait pas souvent, fixant longuement le vide, son esprit s'évadant dans le lointain. Parfois, un peu de lucidité, comme à cet instant, lui revenait et il tentait d'alléger la vie de sa bienfaitrice.
Marchant avec difficultés, lourdement appuyé sur le bâton nécessaire à son équilibre, il n'ajouta rien, se contentant de rejoindre le poulailler afin de ramasser les œufs et donner du grain aux volailles.

Soudain, alors qu'il nourrissait les volatiles, un vertige le prit, le faisant tomber à genoux, malgré le bâton. La douleur lui tira un gémissement et il dû attendre que sa tête cesse de tourner pour se relever difficilement. Sa propre impuissance lui était plus douloureuse que tout le reste. Brossant son pantalon du plat de la main, il leva les yeux sur le soleil qui achevait de se lever, un peu de grain renversé du sac qu'il tenait auparavant et que les poules se disputaient déjà en caquetant.
Finalement, il remballa le sac, avant de rejoindre le champ où la jeune femme s'escrimait déjà. Lui prenant doucement le poignet, pour la forcer à le regarder, il l'attira dans ses bras, sans rien dire, la serrant un instant tendrement contre lui. Son parfum, familier, apaisa un instant ses doutes alors qu'il sentait son corps pressé contre le sien.

Déposant un baiser sur son front, il la relâcha, toujours sans mots dire, boitant péniblement jusqu'à l'entrée de la ferme. Comment est-ce qu'un sociopathe peut comprendre qu'il est amoureux ? Et ce sentiment l'effrayait. Parce qu'il était terriblement familier.
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Message [CLOS] Nos plus noirs souvenirs. I_icon_minitimeSam 13 Sep - 10:02

La nuit avait encore été agitée, Candel se débattant dans son sommeil à cause de cauchemars trop violents. Orléane l'avait prise dans ses bras, caressant doucement sa joue, remettant quelques mèches de ses cheveux en arrière. Tous deux se rendormaient dans les bras l'un de l'autre dans une chaste étreinte jusqu'au petit matin. Elle ne l'avait pas entendu se lever et avait continué à dormir pendant de précieuses minutes, d'un repos qu'elle méritait amplement pour tout le travail qu'elle abattait chaque jour. Elle ne s'en plaignait jamais, aimant à se sentir utile, son esprit meurtri trop occupé à prendre soin d'un autre pour éviter de penser à ses propres malheurs. Elle avait trop à faire pour cela, et c'était tant mieux.

En ouvrant les yeux ce matin-là, elle remarqua que Candel n'était pas à ses côtés. Il était probablement assis sur le perron, comme il le faisait souvent, appréciant sans doute la plénitude de l'endroit, le calme de la campagne, rythmée par le chant du coq, le caquètement des poules, le piaffement des chevaux et le vol paisible des dragons d'air qu'on apercevait parfois au loin. Orléane alla se laver et s'habiller pour sa longue journée d'une robe longue marron, la ceignant à la taille d'un tablier plus clair et d'une ceinture de cuir, soulignant ses hanches, à laquelle était attachée quelques bourses contenant des objets utiles pour son travail. Elle avait ramassé ses cheveux en un chignon lâche en arrière, d'où s'échappaient quelques mèches, et noué un fichu blanc pour tenir le tout et éviter d'être gênée. Puis elle était sortit à son tour.

Il était là, admirant les premiers rayons du soleil qui annonçaient une belle journée. Orléane lui sourit alors qu'il se relevait péniblement pour la rejoindre. Elle fit un pas vers lui pour le soutenir avant qu'il ne tombe et lui lâcha le bras aussitôt pour se redresser. Elle voulait être sa béquille qui l'aidait à marcher, le soutenir en chaque instant, mais elle ne voulait pas non plus qu'il se sente plus rabaisser et la jeune femme tentait parfois de ne pas l'aider, de ne pas lui porter secours, comme pour lui laisser une dignité perdue dans cet état diminué, et qu'il reprenne pied, de lui-même... c'était une torture pour elle qui avait souvent tendance à en faire trop, plus pour les autres que pour elle. Elle passa une main dans ses cheveux sombres et lui sourit alors qu'il lui annonçait vouloir l'aider pour aller nourrir les poules et ramasser les oeufs. Elle hocha la tête. Bien sûr, elle ne pourrait pas lui interdire et le priver de la seule chose qu'il pouvait faire sans trop se faire mal, ni trop se fatiguer, étant consciente cependant que cela demandait un effort important pour son corps encore faible. Elle le suivit du regard alors que Candel s'éloignait en direction du poulailler de sa démarche mal assuré, et elle perdit aussitôt son sourire. Elle soupira et se dirigea quant à elle vers le champ, où beaucoup de travail l'attendait.

Elle entendit les poules caqueter un peu plus fort et leva les yeux vers le poulailler, comme pour s'assurer que tout allait bien. Elle écouta une minute, résistant à la tentation presque irrésistible de courir là-bas pour voir si Candel allait bien. Elle secoua finalement la tête et se remit à son travail, l'estomac contracté. Quelques minutes après, elle sentit une main froide lui saisir le poignet et vit Candel à ses côtés, l'attirer à lui.

-Candel ! J'ai les mains pleine de terre ! S'exclama-t-elle sans se débattre cependant et enlaça le corps de l'homme, posant sa tête contre son torse et fermant les yeux. Elle entendit son coeur battre un peu fort et se douta que quelque chose n'allait pas. Mais c'était monnaie courant dans son quotidien désormais. Alors elle ne s'en formalisa pas, et ne montra pas l'angoisse qui lui enserrait le coeur et l'esprit.

Il se recula pour lui déposer un baiser sur le front et Orléane aurait souhaité plus en cet instant mais elle soupira d'aise malgré tout et lui sourit alors qu'il s'éloignait de nouveau d'elle pour retourner vers la maison. Elle l'observa un moment avant de décider de le rejoindre. Mine de rien, elle crocheta son bras de libre et l'accompagna jusqu'à l'intérieur. Elle l'aida à s'assoir et se dirigea vers la cuisine pour préparer une boisson fraîche et quelques fruits qu'elle déposa sur la table. En passant près de Candel, elle passa de nouveau sa main dans ses cheveux noirs et lui sourit de nouveau, malicieuse cette fois.

-Me laisseras-tu te les couper un jour ? Ils te tombent dans les yeux et tu n'y verras bientôt plus rien pour marcher. Ne t'étonnes pas alors de trébucher si souvent.

Elle s'assit finalement à ses côtés et lui tendit un verre d'une boisson rafraîchissante avant de boire à son tour dans son verre. Elle savait qu'elle ne pourrait pas rester longtemps avec lui car elle avait beaucoup à faire, mais retardait le moment de le laisser pour une bonne partie de la journée.
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Candel Harfang
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Message [CLOS] Nos plus noirs souvenirs. I_icon_minitimeSam 13 Sep - 21:49

♫ Thème

Elle et lui. Seuls dans ce monde fou.
Candel éprouvait une curieuse sensation en la voyant s'escrimer tout au long du jour. Douce enfant... Au fond, il aurait voulu lui épargner tant de labeur. Mais son corps se dérobait toujours. Un an. Un an et il n'était pas même capable encore de rester debout sans support. Cette idée était douloureuse, comme un millier d'aiguilles plantées dans son corps.

Et alors qu'elle protestait d'avoir de la terre sur les mains, il haussa laconiquement les épaules. Quelle importance. Il avait envie d'être auprès d'elle. Parfois, l'étrange sensation de langueur lui semblait s'étirer à l'infini. Que ne puisses ces jours et ses nuits dans ses bras durer encore et encore, pour la vie entière.
Candel n'était plus qu'une ombre, il se souvenait avoir été dragonnier, puisque son dragon était mort, mais en dehors de cela, il n'y avait plus que des sensations fugaces et des murmures sans visages et sans noms.
Orléane serait-elle toujours là ? L'angoisse le torturait lorsqu'il n'était pas auprès d'elle. Comme si elle pouvait disparaître comme tout son passé, s'effilocher à son tour, pour ne plus laisser qu'un songe. Ou pire, qu'il la perde ainsi qu'il avait perdu Arkhail.

Secret et silencieux, il ne parlait jamais de trop, et ses témoignages d'affection avaient une étrange candeur, comme une maladresse. Baisers, caresses. Douces étreintes à la faveur de la nuit. Que veut dire l'amour lorsqu'on ne comprend les choses comme tout le monde ?

Il sentit qu'on lui crochetait le bras et il se laissa guider vers la chaumière aux murs blanchis à la chaux sans protester, le pas malhabile, comme celui des faons qui n'ont pas encore appris à tenir sur leurs pattes. Et alors qu'il se laissait tomber péniblement sur une chaise, déposant son bâton à portée, il sentit une nouvelle fois la blanche main dans ses cheveux, ressentant toujours une agréable chaleur chaque fois qu'Orléane le touchait.
Et sa taquinerie, alors qu'elle lui soulevait une mèche de ses cheveux noirs, qui était effectivement beaucoup plus longs que dans un passé dont il avait oublié la teneur, lui fit hausser un nouvelle fois les épaules.
"Longs. C'est mieux." Dit-il, le regard lointain, tout en chassant un peu ses cheveux et les calant derrière ses oreilles. "C'est pas important."
Il captura un instant le papillon blanc de sa main entre ses longues phalanges arachnéennes, déposant un baiser sur le dos de la main salie par la terre. Il se sentait coupable de ne pouvoir l'aider plus.

"Ne pourrais-tu rester ? Ou je pourrais aller vendre les légumes à ta place... Tu dois être fatiguée."
Les yeux noirs avaient une profonde intensité à cet instant où la lucidité lui revenait. Il pouvait bien aller vendre, il le devait, malgré son angoisse vis à vis de Carabas, où le sang de son dragon avait rougi les rues.
Candel n'avait aucune idée qu'à ce moment même, il était recherché par ses frères. Son univers se réduisait à Orléane. "Laisse-moi venir. Je pourrais te protéger." Que pouvait bien faire un infirme amnésique ? Mais Candel se refusait à se laisser réduire à si peu. Pas tant qu'il lui resterait un souffle de vie.
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Message [CLOS] Nos plus noirs souvenirs. I_icon_minitimeMar 16 Sep - 11:13

Orléane laissa Candel lui attraper la main qu'elle passait dans ses cheveux et soupira d'aise quand il y déposa un baiser. Ce n'était pas la première fois qu'il refusait que la jeune femme lui coupe les cheveux, comme refusant de ressembler à celui qu'il était avant, titubant vers un nouvel avenir, en sa compagnie. Mais Orléane acquiesça. C'est vrai, ce n'est pas important, un simple détail dans la vie d'un homme, un balbutiement inutile. Cela ne changeait de toute façon rien à la manière dont elle voyait son compagnon, toujours trop pâle et trop maigre mais à qui elle trouvait malgré tout un charme qui la touchait particulièrement.

Les mots qui suivirent la fit sourire un peu plus, un fugace instant, avant qu'une ombre ne passe de nouveau dans son regard, avec la fin de la phrase de Candel. Elle ne pouvait pas rester malheureusement, car elle avait trop de travail, mais elle se serait bien laissée tenter pour passer du temps avec lui cependant. Et les récoltes n'étaient pas à un jour près. Ceci dit, elle avait encore du mal à retourner à Carabas, ayant l'impression qu'on l'épiait à chaque coin de rue, à chaque tournant, comme si on la traquait pour une faute qu'elle n'avait pas commise, comme si les regards noirs qui se posaient sur elle lui reprochaient ce qui s'était passé il y a un. Pourtant elle était fautive de rien, elle le savait, mais son inconscient lui jouait des tours qu'elle parvenait mal à contrôler.

Son coeur manqua un battement alors que Candel lui proposait d'aller à Carabas pour vendre ses produits, ou venir avec elle et la protéger. Bien sûr elle était fatiguée, bien sûr elle aurait préféré rester là à se reposer, mais ce n'était pas possible. Quant à l'accompagner en ville, ou y aller sans elle, s'était impensable. Pourtant, elle se sentait moins seule quand Candel était à ses côtés. Elle sentait comme s'il touchait son âme pour lui donner une force invisible et pourtant bien là, lui permettant d'avancer, de mettre un pied devant l'autre et continuer son chemin. Mais Carabas restait toujours Carabas, avec tout ce que cela impliquait pour elle.

-Je... je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée que tu viennes avec moi à Carabas. On ignore toujours comment et pourquoi tu as terminé... dans cet endroit misérable, et il serait peut-être plus prudent que tu n'y retourne pas. Pas encore.

Orléane avait les larmes aux yeux rien que de repenser au jour où elle l'avait trouvé dans la fosse près du corps froid de son père, accompagné de l'odeur nauséabonde de la décomposition, à la fin d'un jour funeste. Parfois elle souffrait encore dans le bas ventre et entre ses cuisses de l'affront qu'on lui avait fait, se souvenant de chaque détail de cet instant où une partie d'elle s'était envolée, partie en éclat en même temps que son innocence. Elle n'en avait pas parlé à Candel, d'une part, parce qu'elle avait été trop occupée à tenter de le remettre sur pieds, mais aussi parce qu'elle ne voulait pas l'accabler avec son fardeau qu'elle tentait d'oublier chaque jour et qu'elle revivait chaque nuit dans ses pires cauchemars. Il ignorait donc qu'elle avait été violée et qu'elle n'avait échappée à la mort, ou pire, à l'esclavage que parce qu'elle s'était montrée trop fragile ou que son père s'était battue pour elle, refusant de laisser sa fille aux mains de personnes peu recommandables. De plus, s'il avait atterri dans la fosse commune c'était soit parce qu'il était un criminel qui s'était fait attraper, soit qu'il s'était opposé aux Gorgos, ou qu'il représentait une menace pour eux, et cette idée était la plus probable pour Orléane. Quand elle l'avait trouvé, Candel portait les marques de tortures et elle n'osait imaginé ce qu'il avait enduré. Revenir à Carabas pouvait l'aider à retrouver ses souvenirs de ce qui s'était passé, mais était-ce une bonne idée ? Certes la jeune femme souhaitait que Candel retrouve son passé, mais pas au prix d'une souffrance contre laquelle elle ne pourrait rien.

-Je n'irai pas à Carabas aujourd'hui, je vais faire le tour des villages et des habitations aux alentours. Tu n'auras qu'à conduire la charrette et m'aider à encaisser les orbes. Ensuite, nous iront faire quelques achats, il nous faut de nouveaux habits pour cet hiver, ceux de l'année dernière sont trop abimés et... ils me rappellent trop... ma famille.

Elle se leva de nouveau pour débarrasser la table. En passant près de la fenêtre, son regard tomba sur la hache posée sur la souche derrière la maison, attendant d'être utilisée pour fendre à nouveau le bois comme autrefois. Elle eut alors la vision de son père pendu en place publique à Carabas. Un élan de rage lui enserra le coeur et elle serra les poings et les dents pour retenir des larmes qui ne coulaient plus depuis bientôt une année, mais la douleur était toujours là, présente au creux de son ventre. Elle resta ainsi pendant plusieurs minutes, se remémorant le son de la hache quand son père l'abattait avec force sur le billot, et le bruit clair des bûches fendues qui tombaient les unes sur les autres. Elle revoyait le sourire de l'homme, grand et fort, aux cheveux blonds et au regard clair, un homme bon et juste, qui aimait la vie, et qui avait payé de la sienne pour sauver Orléane. Elle ne se rendit même pas compte que le col de sa chemise était déjà humide et que des trainées claires parsemaient la poussière sur son visage déformé par le chagrin. Elle n'avait sentit la tristesse l'envahir plus que d'habitude et que les sanglots résonnaient dans la maison, en des cris déchirants le silence d'un endroit autrefois havre de paix, aujourd'hui terni par des souvenirs sombres.
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Message [CLOS] Nos plus noirs souvenirs. I_icon_minitimeMar 16 Sep - 16:25



Impotent, impuissant. Rien d'autre qu'un vague reste de dragonnier, sans pouvoirs, sans souvenirs, sans dragon. Cette idée de ne pouvoir seulement venir avec Orléane à Carabas lui fit serrer les poings et il délaissa l'assiette de fruits après n'avoir pioché que quelques quartiers, bien maigre repas, mais guère plus ne passerait. Certaines choses ne changeaient pas, malgré tout.
Et s'il lui arrivait quelque chose ? Ne pourrait-il seulement essayer de la protéger comme elle veillait sur lui depuis des mois ? Sa voix rauque avait des accents douloureux d'une rage contenue. Il ne laisserait pas un simple possible l'éloigner encore et encore de la jeune femme. Il y avait des dangers à Carabas, dont il ne se souvenait guère, mais son être entier vibrait d'aversion pour cette ville qui avait vu tomber le dragon noir. Son frère.

"Quelle importance ?" Sa voix grinça. "Qu'ils m'attrapent encore. Et cette fois, qu'ils coupe ma propre tête pour ne pas que je m'échappe." Il n'était pas même sûr qu'elle l'ai entendu. Ce sifflement glacial qui passa ses lèvres, alors que ses yeux noirs s'allumaient d'une lueur d'orage. Qu'on le tue ? La belle affaire. Il n'avait pas de famille, personne ne devait le chercher - cela faisait un an tout de même, on l'aurait retrouvé. S'il avait connu des gens, avant, ils devaient le penser mort. De plus, il désirait ardemment la mort, du plus profond de son être mutilé, et mettre ainsi un terme aux souffrances mentales et physiques : comment pouvait-il même encore respirer sans son Allié ?
Mais il y avait Orléane, ce qui retenait sa main de tout geste inéluctable. Elle était seule, tout comme lui. Et il avait beau ne rien savoir d'elle, ou simplement le minimum, elle était familière, douce et son unique lumière au cœur des ténèbres.

Lorsqu'elle choisit d'aller plutôt faire le tour des maisons du village, il s'en sentit soulagé pour elle, mais malgré tout partagé d'un sentiment duègne : l'envie de se rendre dans cette ville de malheur faisait son chemin en lui depuis plusieurs semaines. Il éprouvait le besoin morbide d'arpenter les rues qu'il voyait chaque nuits dans ses songes et d'y trouver peut-être quelque chose qu'il ne pouvait obtenir en restant cloîtré dans la ferme : des réponses aux inlassables questions qui le taraudaient.

"Je vais venir. Ce sera plus facile." Conduire un charrette restait à sa portée, aussi terrible que soit cet aveu de faiblesse. Le silence qui s'était si longuement étiré entre eux ne fut brisé que par le départ d'Orléane de la pièce, laissant l'homme en noir seul dans la fraîche pénombre de la pièce.
Son regard se posa machinalement sur l'étagère contenant des flacons et des bocaux d'herbes simples. Il connaissait par cœur chaque recoin de l'endroit. Chaque jour, son regard se posait sur cette étagère et chaque jour, comme un mantra, lui venait en tête les diverses utilisations des herbes, vestiges d'un savoir immense à présent endormi.
Il connaissait le nom latin de chacune, et les propriétés curatives ou au contraire, mortelles. Un tel savoir lui faisait peur : d'où lui venait-il ?

Soudain, un bruit inhabituel le fit sursauter et il déporta aussitôt son bâton de sa main droite à la gauche, la main directrice, s'y appuyant pour boiter vivement vers la porte ouverte sur le jardin éblouissant de soleil.
Un instant aveuglé, portant sa main en visière, il n'eut pas à chercher très loin. Orléane, toute droite dans ses petites chaussures simples, pleurait à gros sanglots. Il ne l'avait jamais entendue se plaindre, ni même pleurer. Il savait qu'elle avait perdu son père. peut-être était-ce... Une réminiscence éveillée. Candel n'avait jamais bien compris les chagrins des autres, ou leurs joies. Cependant, à cet instant, il se hâta pour venir l'enlacer de derrière, grand échalas brun, au corps brisé et noueux. Il la recueilli au creux de ses bras, comme l'on recueille un oisillon tombé du nid, la laissant s'appuyer contre lui. Il voulait être là pour elle. c'était la seule chose qu'il pouvait faire pour la remercier de l'avoir sauvé - bien qu'une part de lui, plus sombre, aurait souhaité qu'elle n'en fasse rien.
Maladroitement, de sa main libre, il lui caressa les cheveux, sans trop savoir quoi faire. Il n'avait jamais su consoler ou réconforter. Pourtant, à cet instant, il était là, la laissant épancher sa peine sur sa poitrine.
Et de la voir pleurer ainsi, de ce qu'il pensait être la mort de son père - bien qu'il ignora tout des sordides tenants et aboutissants de l'affaire réelle - son coeur s'en serra et quelque chose qui venait d'un passé nébuleux, le força à dire d'une voix plus féroce que tendre :
"Ils paieront le prix du sang. J'en fais le serment, petite. Je leur ferais payer le sang par le sang. Par mon dragon, ils payeront."

Arkhail... le Divin. Etait-ce bien lui ? Tout était si trouble et pourtant, si clair, l'espace d'un instant, comme si les voiles opaques qui masquaient son identité s'étaient un instant agités, lui rendant un peu de lucidité pour une fraction de seconde. Il en aurait pleuré de frustration. Ces mots, ils étaient familiers, comme de vieux amis... Les avait-il prononcés un jour ? A qui et pourquoi ? Pourquoi avait-il l'intime et brûlante conviction qu'il avait le pouvoir de décréter une telle sentence ? Qui avait-il été ? Cette obsédante questions le tourmenta violemment, faisant poindre une migraine aussi brusque que violente et il agrippa le corps svelte d'Orléane, presque douloureusement, pour ne pas tomber.
Ciguë et Aconit, gueule de loup, Napel. Ils verraient un jour, ils verraient, ceux qui avaient brisés la plus belle fleur de ce jardin de roses...
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Message [CLOS] Nos plus noirs souvenirs. I_icon_minitimeSam 4 Oct - 15:05

Les cris lui déchiraient la gorge en même temps que l'âme et sa voix n'était plus que sifflement quand elle sentit une présence et un corps chaud contre le sien. Elle se laissa aller contre Candel, agrippant de ses petites mains sales les habits sombres de son compagnon, les froissant entre ses doigts. Elle finit par se retourner et enfouit son visage dans le cou de Candel, peinant à respirer, à bout de force, à bout de larmes, hoquetant comme une enfant fragile. Elle sentit Candel s'accrocher à elle et se sentit vaciller, comme s'ils étaient sur le point de tomber. Les mots du jeune homme résonnaient encore dans sa tête alors qu'elle se reprenait petit à petit. Ainsi détournée du lieu familier, le visage dans le col de Candel, ses bras autour de son corps svelte, Orléane releva le menton, le visage crispé, les sourcils froncés, l'air décidé. Elle resta ainsi un moment à observer l'homme pâle de ses yeux clair, se laissant envahir par une rage contenue, qui semblait passer de Candel à Orléane, comme pour le vider d'émotions négatives, et l'aider elle à trouver une force nouvelle.

Orléane s'extirpa en douceur des bras de Candel tout en tenant toujours son bras, et se recula un peu. Sans un regard pour le billot et la hache, Orléane posa une main sur la joue de Candel, renifla et sécha ses larmes.

-Je veux qu'ils meurent... siffla-t-elle entre ses dents. Tous autant qu'ils sont. Je veux qu'ils paient pour tout le mal qu'ils ont fait, à mon père, à ton dragon, à toi et à... moi. Avant que je ne rende mon dernier souffle, les Gorgos ne seront plus.

Elle laissa retomber sa main et s'essuya de nouveau le visage, puis elle se dirigea vers le champ, la tête haute, le pas décidé. Elle avait encore du travail avant d'aller en livraison et ce n'était pas le moment de lambiner. Elle avait besoin aussi de se changer les idées et de déverser son énergie, sa colère et sa haine, des sentiments qu'elle détestait ressentir, mais qui étaient bien là, présent au plus profond de son être, depuis le jour où elle avait été souillée. Elle se demandait parfois si la proximité de Candel n'éveillait pas en elle son côté le plus sombre. Mais cette idée la faisait aussi frissonner de plaisir et elle se retourna pour lui jeter un dernier regard avant qu'il ne disparaisse à sa vue. Un sourire étrange planait sur ses lèvres. Une lueur nouvelle trônait dans son regard. La jeune et gentille Orléane était en train de changer et il était trop tôt pour savoir si c'était une bonne ou une mauvaise chose.
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