Ah. Le Désert de Firthan. Sacré four, n’est-ce pas ? Cela vaut le coup d’œil mais point de temps à cueillette de paysages dépeuplés pour le valet que je suis.

Habillé comme un marchand Narth venant de Dali sur un chameau, je suivais la piste d’Hattusha Beptvapara-Te-Roroa. Le doyen Haalu savait faire des merveilles mais non des miracles. Même avec une rééducation, la belle du Soleil ne songeait qu’à rejoindre son peuple. Je ne pouvais que la comprendre, elle ne pouvait décemment pas rester sans réagir devant une pluie diluvienne de sang sur ses terres. Devant l’immensité de sable devant moi, je souris. C’était une bonne idée de venir à Narthan pour s’établir, surtout pour moi qui suis un Wyrm. Aisément, je pouvais revenir sans éveiller les soupçons de mes compagnons d’infortune. Enfin, l’un d’entre eux avait eu la bonne ou mauvaise idée de me suivre. Je ne vais point vous mentir, ce fut très divertissant. Mon côté féminin sans doute, celui de se sentir désiré même si c’est ma gorge qu’il aurait voulu pour sectionner mon artère carotide mais ce ne fut pas le cas. Ayant voulu gratifier son succès, je lui avais tout raconté. Plus je lui avais livré et plus il m’avait semblé voir en lui l’expression d’un enfant devant un homme qui se transformait en monstre devant ses yeux mouillés de terreur. Il avait espéré un espion appartenant aux Territoires, bien sûr mais ce ne fut pas le cas au grand bonheur de ma sublime déesse aux écailles d’ébène qui se prélassait dans mes atours de marchand. La voir dissoudre un corps entier pour le faire disparaitre à jamais est toujours un spectacle dont je ne me laisserai jamais. Lamia n’a pas un gros appétit mais son instinct de survie lui défend de laisser des traces derrière un forfait. Si juste cet attribut ne faisait pas d’elle la partenaire idéale…

Le soleil tapant fort, il fallait que je fasse vite. La chance était avec moi, seul le zéphyr tranquille balayait le paysage irréel. Pratique pour suivre une piste que j’effaçais derrière moi. La Reine était toujours en danger et le Sanctuaire ne devait pas être trouvé. Autant sécuriser la damoiselle des sables jusqu’au bout.

Plus tard, je tombai sur un lieu étrange. Je fais assez confiance en ma mémoire pour ne pas être en déroute autour des Monts Cendrés mais…je n’avais jamais vu de sable noir de ma vie. Aux pieds des Cracheurs, c’est normal, avec la pluie qui s’abat très rarement et les cendres, le sable devient gris ou noir selon les saisons, les courants et les éruptions de ces avatars de fureur. Là, rien à part du sable noir, pas de traces de lutte et…qu’est-ce ce que c’était que ça ? Je m’approchai, le chameau tout aussi dubitatif que moi devant cette similitude de division par zéro me suivait de près et je m’accroupis en laissant ma bien-aimée Lamia sortir de mes vêtements pour ausculter le bout de tissu tâché.

- Du sang…celui de cette femelle à la peau sombre… D’ailleurs, pourquoi ne t’es-tu pas déguisé en Roroa ? Simplement ?
- Car le désert est tout aussi cruel que toi, ma belle d’ébène et que changer mon teint de peau et la couleur de mes cheveux serait possible mais plus gourmand en énergie, répondis-je en buvant une gorgée d’eau de ma gourde.

Je ramassai le morceau de bandage de lin pour le fourrer dans ma poche et repris mon investigation.

- Là. Des traces de nourriture régurgitée et une odeur de cadavre.

Je n’osai ajouter de commentaires légers car j’avais un peu la boule au ventre. J’espère que personne n’avait osé toucher à ses cheveux d’or sinon j’allais être indisponible pendant des lunes à torturer les roturiers qui avaient osé faire du mal à la Reine Te-Roroa. Je ne la connais pas, elle ne m’est pas familière malheureusement mais elle était liée à nous comme Lamia l’était autrefois. De plus, elle était la promise de mon Maître, digne, forte et qui avait réussi à réchauffer un tant soit peu son cœur de pierre. Sans qu’elle ne le sache, je lui étais redevable.

A quelques pas, des traces d’un dragon massif et des cadavres de vautours à semi ensevelis.

Quelqu’un était venu, l’avait secourue et par…

- Là-bas, il y a encore du sable noir mais en quantité moindre.
- Je ne connais aucun Wyrm capable de noircir du sable.
- Un manipulateur de sable, on a creusé une dune.
- Il va falloir que j’enquête au berceau des dragonniers le plus rapidement possible. On prendra trop de temps à camoufler tout ce sable mais au moins les cadavres et les traces de dragon. Rapport puis nous verrons si je dois partir au nord ou pas.

Tout le monde était pressé dans le désert écrasé par un Dieu Soleil courroucé par la disparition de sa fille.