Courant à travers les couloirs de l’école, je me fichais bien des regards qui se posaient sur moi. Je savais que certains allaient surement se moquer de ma tenue rapiécée mais je m’en fichais. Aujourd’hui il n’y avait pas cours et aujourd’hui j’avais reçue une lettre de ma mère. Ces dernières se faisaient rare, ma mère et moi n’ayant pas grand-chose à nous dire mais … contrairement à ce que je voulais bien laisser croire, mon village me manquait, ma maison me manquait, et ma mère … oui un peu aussi.

Glissant sur le parquet, je pris le virage sur les chapeaux de roue avant de m’éloigner des zones les plus peuplées de l’académie pour rejoindre quelques recoins que j’avais découvert lors de mes promenades. Ralentissant ma course, je me dirigeai vers une petite porte qui donnait dans un placard sous un escalier de pierre. J’avais remarqué que la porte ne fermait pas correctement et du coup, je pouvais m’y glisser et me retrouver au calme. Depuis quelques temps j’avais donc « aménagé » le lieu, apportant de quoi s’installer tranquillement et s’éclairer si j’avais besoin d’y voir comme aujourd’hui même.

M’arrêtant devant la porte, je regardai derrière moi pour être sur de ne pas être suivie puis je glissai mes doigts le long de la porte, jusqu’à trouver la petite ouverture me permettant de déverrouiller l’accès au placard. Me faufilant à l’intérieur, je calai la porte entrouverte pour être sur de pouvoir ressortir et m’installa sur les couvertures tout en attrapant de quoi allumer quelques bougies.

Puis je déchirai rapidement l’enveloppe pour parcourir des yeux l’écriture fine et serrée de ma génitrice. Elle me donnait des nouvelles du village et d’elle et je serrai les poings en lisant son annonce comme quoi elle vendait la maison pour s’installer dans une petite chambre au dessus de l’auberge où elle travaillait. Apparemment elle n’avait pas les moyens d’entretenir la maison et devait donc s’en séparer si elle voulait pouvoir continuer à vivre et essayer de mettre de l’argent de côté pour m’acheter de nouveaux vêtements.

Une larme perla aux coins de mes yeux. Je m’étais imaginée que l’été prochain, j'allais retourner dans mon village et reprendre pour quelques temps ma vie d’avant mais visiblement ça ne serait pas le cas. La nostalgie de tous ces souvenirs m’envahie et la vision de mon père rentrant à la maison vint se superposer là-dessus m’arrachant quelques sanglots.

Crispant mes mains sur la lettre, je la froissai sans m’en rendre compte alors que les larmes brouillaient ma vue et que je me mettais à pleurer. Ca faisait si longtemps que ça ne m’était pas arrivé que j’entendais la voix inquiète de Gaëdre qui me demandait où j’étais. Je ne lui répondis pas. Même s’il avait voulu me rejoindre, il en aurait été incapable vu que j’étais à l’intérieur de l’académie mais … il aurait fait tout ce qu’il fallait pour que quelqu’un vienne me voir et me ramène à lui. Dans un sens c’était presque ce que je voulais. Je me souvenais parfaitement du jour où j’avais appris la mort de mon père et où Gaëdre avait été là pour essuyer mes larmes. Jamais je n’avais repleuré depuis mais là j’en avais besoin, je ne voulais plus sourire tout le temps alors que j’étais complètement perdue ici et que je ne m’y sentais pas à ma place.

Remontant mes genoux contre ma poitrine, j’attrapai mes jambes entre mes bras et me laissa aller à pleurer me disant que de toute façon, ce coin de l’académie n’était pas assez visité pour que quelqu’un m’entende.

Je pleurais tellement que je ne remarquai pas de suite que quelqu’un me parlait. Ce fut que quand il entra que je réalisai qu’il s’était adressé à moi. Ne bougeant pas, j’essayais d’arrêter mes pleurs, me disant que ce n’était pas génial d’être dans un tel état face à un camarade de classe mais ce dernier posa une main sur mon épaule et s’adressa à moi d’une voix douce et réconfortante.

Ses gestes remplis de tendresse me rappelaient un peu ceux que mon père me faisait les rares fois où j’avais pleuré étant petite parce que j’étais tombée et que je m’étais fait mal. Plongeant mon regard dans celui de Maelen, je le regardai sourire et l’écouta en reniflant.

Maelen …

Quand il ouvrit les bras, je ne pus m’en empêcher et je me jetai contre lui, les larmes coulant en flots le long de mes joues pour venir mouiller le haut du jeune homme. Crispant mes mains contre lui, je me laissais aller jusqu’à ce que les larmes se tarissent. Me calmant petit à petit, je finis par prendre sur moi et je me redressai doucement en essuyant mes yeux avec la manche de mon pull.

Je … je suis désolée Maelen, ce n’est pas dans mes habitudes de pleurer ainsi. Surement le mal du pays qui me fait ça …

Oui surement ça … Ainsi que les commentaires de ma mère dans sa lettre. Parfois je me demandais si je retournerais vraiment là-bas l’été prochain où si je demanderais l’autorisation de rester à Lindorm mais bon, j’avais encore le temps pour y penser sérieusement.

Ses mots et la caresse de sa main sur mes cheveux m’aidèrent à me calmer doucement. Là, à ce moment-là, j’aurais pu croire être à la maison et que ce réconfort venait de ma mère mais … vu les mots qu’elle avait utilisé dans la lettre, je doutais presque de ces souvenirs, me demandant si je ne les avais pas rêvé. Poussant un léger soupir devant ma faiblesse passagère, Maelen m’empêcha d’utiliser mon pull comme mouchoir et m’en tendit un. Hésitant à l’accepter, je finis quand même par le prendre, ayant besoin d’être un peu plus présentable que dans l’état lamentable que j’étais.

Je grimaçai quand il me demanda de lui en dire plus, de m’ouvrir à lui. Même si j’appréciais le jeune homme, je ne pouvais pas nier qu’il n’était pas du tout du même monde que moi. Allait-il comprendre au moins mes doutes et mes angoisses qui sembleraient surement n’être que des broutilles pour lui ? Je n’en savais rien mais il avait raison sur une chose, j’avais besoin de parler.

J’ai reçu une lettre de ma mère où elle m’annonçait qu’elle a du vendre la maison où j’ai toujours vécu. Maintenant elle a une simple chambre au dessus de son lieu de travail. Tout ça parce qu’elle a voulu m’acheter des habits pour que je ne passe pas pour une souillon ici. Et pourtant c’est comme ça que beaucoup me voient …

M’interrompant un instant, j’acceptai le bonbon que me tendait le Ventus et pris le temps de le déballer avant de continuer.

Jamais je n’aura du faire l’alliance, au moins on aurait toujours notre maison et j’aurais quand même continué à voir Gaëdre même sans être lier à lui. Mais … il voulait que j’aie un meilleur avenir. Et mon père aurait surement voulu la même chose mais je sais maintenant qu’ils avaient tord. Tout est de ma faute …

Serrant les poings, je remarquai le bonbon déballé dans ma main et l’enfourna dans ma bouche avant de fermer les yeux pour empêcher quelques larmes de couler encore. J’entendais Gaëdre qui semblait s’en vouloir aussi mais je l’ignorais, préférant être avec le jeune homme pour le moment même s’il ne devait pas avoir eu une vie aussi nulle que la mienne.