Le silence du matin. Seuls ses pas légers brisant le calme plat. Il salua quelques surveillants occupés à leur ronde afin de surveiller les éventuels petits malins qui chercheraient à dormir là où ils n'étaient pas les bienvenus.
Dehors, l'hiver avait rendu l'herbe de la cour craquante de givre et son souffle dessina bientôt de léger nuages de fumée dans le froid du matin. Le jour n'était même pas encore levé et le ciel étoilé s'étendait au dessus de Lindorm, sans nuages pour gâcher la beauté de la voûte céleste, seulement un instant troublée par une ombre plus noire que la nuit. Une ombre de dragon qui vint se poser près du terrain d'entraînement, alors que le professeur approchait en silence.
Dragon et dragonnier, si différents mais pourtant complices. Ils se regardèrent un instant, échangeant des images, des sensations, dans leur étrange manière de communiquer, sans paroles, sans sons superflus. Ils n'avaient pas besoin de cela pour se comprendre et, en dehors d'Asma, Jörmung était l'unique créature à véritablement tout connaître de cet homme qui se prétendait professeur puisque cela l'amusait un temps.
Jörmung s'en satisfaisait à la condition de n'être dérangé par quiconque, dragon comme dragonnier. L'agressif dragon de glace intimidait souvent les étudiants qui auraient pu vouloir l'approcher et seul Kahan, comme depuis toujours, trouvait grâce à ses yeux.
Vêtu d'un pantalon ocre et de bottes montantes ourlées de fourrure rouge au dessus du cuir impeccablement verni, et d'un chaud manteau brun doublé d'hermine, ses longs cheveux nattés tombant dans son dos, Kahan venait comme à son habitude pour son entraînement matinal. Qu'il pleuve, qu'il neige ou qu'il gèle, comme cette fin de nuit, il venait s'entraîner. A sa ceinture tombait son fauchon et sa dague courbe, prêtes à l'emploi.
Mais ce matin, Kahan ne serait pas seul. Rejoignant le terrain herbeux, il dérangea du bout du pied quelques touffes d'herbes gelées et glissantes. Parfait pour apprendre à ce gamin comment combattre réellement. Sans le confort d'une aire de combat bien proprette qui n'existait sur nul champ de bataille. Et suivant les règles précises du duel armé.
Ni pouvoirs, ni dragons. Jörmung, silencieux, s'était couché à l'écart, observant comme toujours son allié. Car Kahan savait que c'était la curiosité qui animait son dragon, il l'avait senti en marge du reste : une curiosité coutumière de voir si un jour un adversaire arriverait à surprendre le vieux dragon qu'il était.
Kahan avait commencé ses échauffements, s'étirant tranquillement, en un rituel presque sacré pour lui, déliant ses muscles engourdis par la nuit sous les vêtements. Il attendait de voir si Raphaël viendrait. Il en était certain. Le Ventus ne se dégonflerait pas.