On était en fin Août. La matinée avait passé avec les préparatifs de la rentrée prochaine ; déjà quelques élèves se trouvaient là. Le concierge travaillaient avec les entrepreneurs des environs et les employés à retaper l'académie au maximum avant le début des cours. L'objectif : ne pas déranger les élèves dans leur apprentissage. Pour cela, des coups de marteau qui faisaient résonner la plomberie ou des trous dans la toitures qui transformaient les salles en marécages n'étaient pas de bon augure.

Aloysius avait donc passé la matinée à vérifier l'avancée des travaux et à donner les ordres, Briquet dormant sur une pierre à se faire griller par le soleil. A midi, durant la pause, ce dernier était donc suffisamment en forme pour enquiquiner son maître pendant que ce dernier cherchait à prendre un peu de repos. Il avait beau dire et essayer de se prouver qu'il était encore jeune, cela faisait quelques années que le concierge aimait bien entamer l'après midi par une sieste. Sieste que la boulette ne voulait résolument pas lui laisser prendre.

A la place, le reptile avait réussi à le trainer de force jusqu'au jardin -grâce à sa persuasion et sa force d'agacement, Briquet ne pouvant pas vraiment lutter physiquement avec son allié. Dès qu'il avait obtenu l'accord du concierge pour aller dehors, il s'était dirigé vers un meuble du bureau et avait essayé d'attraper quelque chose dessous. Sans succès. Il s'était donc retourné vers le vieil homme en faisant les yeux doux et ce dernier avait récupéré l'objet avec son balai. Une balle. Et Briquet d'ajouter :

"Puisque tu la tiens, tu n'as qu'à la porter jusqu'au jardin !"

Sur le moment, Aloysius s'était demandé si Briquet n'avait pas fait exprès de faire rouler cette balle aussi loin pour qu'il n'ait pas à la trimballer. En tout cas, il s'était fait avoir une fois de plus. Ils étaient donc sortis dans le jardin et Aloysius lançait la balle à son dragon qui courrait pour la rattraper. Il s'amusait à la lancer plus ou moins fort, plus ou moins haut, plus ou moins loin et cela lui laissait un peu de temps à se reposer assis sur un banc. Briquet lui ramenait la balle dégoulinante de bave, la queue dressée et haute, fier de lui et heureux du petit jeu. Le concierge lança la balle mais celle -ci rebondit sur un arbre et alla rouler hors de vue dans la cour près de l'entrée. Briquet détalla pour la rattraper. La balle ralentit jusqu'à s'arrêter définitivement en cognant contre une paire de pattes.

Elle était presque installée. Le reste de ses affaires arriverait après, pas qu'elle attende des tonnes de choses, mais puisqu'elle allait rester la quelque temps...D'ailleurs, les quartiers des profs étaient mieux, mais alors vraiment mieux que ceux des élèves. La promiscuité en permanence, ce n'était pas son truc. Il y avait des choses qu'elle ne voulait pas savoir sur ses congénères. Qui ronflait la nuit, qui puait des pieds quoi qu'il fasse, qui était amateur de symphonies aériennes nocturnes. Alors les chambrées, merci bien !

Elle avait eu une sorte de reunion avec le directeur, c'était plutôt étrange, il devait avoir un an ou deux de moins qu'elle peut être. Elle se souvenait un peu de lui, comme de beaucoup d'autres, sans avoir d'impression vraiment figée à son égard. Mais elle allait bien s'occuper des gamins. Leur apprendre comment voler convenablement, comment prendre des risque de façon calculée, comment voler en groupe. Si ça pouvait leur éviter de finir entre quatre planches, ou estropiés comme elle en avait vu tant..

Dolly, ma caille, je te retrouve dans le jardin ! dit-elle à son dragon, qui, vu sa taille, n'était pas venu inspecter ni sa chambre, ni la salle des profs. Ah, la salle des profs, ça devait bien être le seul endroit ou elle n'était pas arrivée à s'introduire pour faire un tour...Prof à l'Académie. Elle en riait presque encore. Elle n'avait pas été un cancre, loin de là, mais franchement une bonne partie du règlement était surtout la pour pourrir la vie des pauvres gosses. Enfin, oui, de leur apprendre la discipline. Non, mais on pouvait être discipliné sans devoir faire son lit au carré tous les matins, quand même ?

Le dragon d'air l'attendait dehors, pas exactement ravi de se retrouver à l'academie. Lui aurait préféré aller quelques temps à Bianca, et l'avait fait savoir plutot deux fois qu'une. Mais bon, lui aussi était mieux installé, maintenant. Elle traversait la grande cour, et une sorte de baballe pour chien roula jusqu'aux pattes avant de Dolly. Pleine de bave. Eurk. Et elle vit débouler de derrière les arbres un petit, enfin minuscule dragon rose...Alors lui, elle n'aurait pas pu l'oublier, et faillit se mettre à eclater de rire. Allumette, ou Briquet ? Ah oui, Briquet, le dragon du dragon. Du concierge. Et Dolly était franchement aussi amusé qu'elle.

"Tiens, Briquet ! ça faisait vraiment un bout de temps hein, qu'on s'était pas vu ? ça fait bien quelques années que j'était plus à l'Academie..."

Elle renvoya la balle vers le dragon et partit à son tour vers les arbres.

"Monsieur Riordan ! Monsiiiieur Riordaaaan ! Je crois que j'ai récuperé le jouet de Briquet !"

Et effectivement, le concierge était là, et elle s'approcha de lui, un grand sourire sur le visage.

"Eh bien, ça faisait un sacré bout de temps hein ? Et l'Académie n'a pas changé !"

Briquet courait à fond de train pour rattraper la balle. Il commença à ralentir lorsqu'il vit qu'elle se trouvait contre des pattes de dragon. Il marchait quand il commença à lever la tête, surpris, pour voir son congénère. C'était un nouveau celui-là ? Sa tête lui disait pourtant vaguement quelque chose. Il s'arrêta, fouettant l'air de sa queue. Pourquoi avait-il un mauvais pressentiment dans l'échine ? Des paroles humaines lui firent froncer les écailles qu'il n'avait pas. L'humaine du nouveau venu le connaissait ? Et d'après ses dires, une ancienne élève. Mais pourquoi il se sentait de plus en plus nerveux. Il se dirigea vers elle, histoire d'essayer de retrouver qui c'était. Mais une petite brise passant près de l'humaine vint se perdre dans ses narines. Briquet reconnu instantanément l'odeur.

Une sueur froide coula entre ses ailes et il fit demi-tour, galopant encore plus vite qu'à l'aller. Des petits nuages de poussières se soulevaient sous ses pattes. Il pleurait en se dirigeant vers son humain :

"Alo-o-o-oy ! Aloooy !"

En entendant son sobriquet (ha ha) l'humain se redressa et fronça lui aussi lse sourcils. Qu'est-ce qui pouvait bien mettre sa tête de mule de dragon dans cet état là ? Il n'eut pas vraiment le temps de se poser une autre question que le dragon sauta dans ses bras pour venir se blottir contre son torse en essayant de se cacher sous ses vêtements. Il semblait terrorisé, faisant fondre le coeur du vieil homme qui essaya de le calmer en le caressant.

"Bah Briquet ? Qu'est-ce qui ne va pas ?"

Une petite voix lui répondit :

"C'est elle ! Elle revient ! Alooooy ! Je ne veux pas qu'elle recommence avec les casseroles !"
"Les casseroles ? Recommencer ? Mais qu'est-ce que tu racontes ?"
"Monsieur Riordan ! Monsiiiieur Riordaaaan ! Je crois que j'ai récupéré le jouet de Briquet !"

Aloysius releva la tête et sentit dans ses bras le marshmallow qui essayait de disparaître. Il vit une jeune dame pleine d'énergie venir vers lui. Elle le connaissait ? En plus, il y avait quelque chose qui le titillait. Riordan ? Il y avait peu de monde qui prononçait son nom comme cela. Au fur et à mesure qu'elle s'approchait, il la détaillait. Elle lui disait quelque chose cette fille mais quoi ? Il se leva, elle le connaissait, il n'y avait nul besoin d'être malpoli. En sentant son maître bouger, Briquet migra du torse pour aller se cacher dans le dos de son maître sous sa veste, le rendant bossu et laissant dépasser sa queue rose qu'il oubliait tout le temps. Aloysius grogna à voix basse à la chose :

"Fais gaffe avec les griffes, tu me fais mal."

Mais étrangement, ce dernier ne dit rien. Ce simple fait de ne pas entendre son dragon répondre le mit vraiment mal à l'aise. La fille se trouvait devant lui.

"Eh bien, ça faisait un sacré bout de temps hein ? Et l'Académie n'a pas changé !"
"Et bien, peut-être, mademoiselle. Vous êtes une ancienne employée des lieux ? Je suis désolé, j'ai l'impression de vous connaître mais je n'arrive pas à me souvenir. "

Il failli ajouter que son dragon lui avait l'air de l'avoir reconnu mais se souvenant qu'il essayait de se cacher dans son dos -avec peu de succès il fallait dire- il ne voulu pas le dénoncer à cette semi-inconnue.

La veste du concierge avait l'air de bouger toute seule, et de gigoter. Et un bout de queue rose emergeait des pans de la veste. Elle entendit un vague couinement terrifié venant de sous les vêtements, et se mit à rire de la scène. Derrière elle, son dragon était aussi follement amusé. Valenta n'avait rien de spécialement terrifiant, loin de là.

- Oh, mon pauvre Briquet tu m'as l'air complètement terrorisé ! Ne me dis pas que c'est moi te qui fous la frousse, comme ça !

Elle s'approcha de la queue rose qui pendouillait un peu misérablement sous la veste.

- C'est encore cette vieille histoire de casseroles qui te fait peur ? C'est vieux pourtant comme histoire, et c'est quand même une des rares choses que je n'ai pas retentées !

Elle n'avait pas pensé au fait qu'il ne pourrait pas la reconnaitre. Il la prenait pour une ancienne employée. Pourtant, elle devait faire partie des étudiants qu'il devait ramener régulièrement à leur dortoir après la fin de leurs heures de colles.

- Non, je n'ai jamais travaillé à l'Académie, avant, ce sera ma première année. Monsieur Fletcher m'a proposé de devenir professeur de monte et vol pour cette année. Je crois qu'il espère que je vais arriver à les faire voler en escadre sans provoquer de catastrophes.

Elle se planta devant lui, souriante et ravie de son petit effet.

- Je suis Valenta Ricci, et je crois que vous devez vous souvenir un petit peu de moi, quand même non ? Je serai presque un peu vexée, si vous m'aviez complètement oubliée ! Moi, je vous ai reconnu tout de suite.