Les yeux perdus sur la pluie qui tombait sur les carreaux de la salle de Tactique, Maelen poussa un long soupir. Il inspira profondément et essaya d’évacuer de son esprit tout ce cafouillage qui était survenu à la bibliothèque. Il s’en voulait, terriblement.
Il avait l’impression d’être un garçon misogyne, sexiste à tendance violente, alors qu’il était le contraire. Il fallait toujours qu’il panique et qu’il angoisse. C’était le même problème avec sa phobie du vide.A vrai dire, en cet instant, il avait l’impression de n’avoir rien pour lui, si ce n’est son nom.

Posant son regard sur le dos d’Estefania qui se trouvait au premier rang, il eut une moue un peu triste et détourna ses pupilles pour fixer les nuages gris qui déversaient leur torrent d’eaux depuis ce matin sur Laragon.
Il avait voulut courir après la jeune fille quand elle s’était enfui, mais il avait préféré lui laissé du temps pour se calmer un peu. Il s’en voulait qu’elle est entendu sa conversation avec Ludvig et elle devait le prendre pour un beau salop.
Néanmoins, il avait noté qu’Estefania semblait aussi avoir du faire des sacrifices au nom de sa famille.

Sa situation semblait inextricablement empêtré dans un bourbier…et il n’avait qu’une envie c’était de courir, courir aussi loin que possible et tout oublier.

Son regard fut attiré par des silhouettes sur le terrain d’entraînement et il reconnu la masse d’Arrad sous la pluie. Il aperçu Shaem et ses lèvres s’étirèrent doucement. Son cœur s’apaisa un peu et il sursauta quand la cloche retentit. Se levant un peu précipitamment, il laissa ses affaires en plan et traversa la classe rapidement pour demander d’une voix qu’il jugea un peu trop forte:

« Quinto, pouvez-vous rester quelques instants s'il vous plaît ? »

La moitié de la classe le fixa et ses joues s’empourprèrent légèrement alors qu’il se reculait pour laisser les autres sortir. Quand ils ne furent plus que deux, Maelen ferma la porte et se tint droit devant sa jeune fiancée.
Mal à l’aise, il baissa les yeux et s’inclina devant elle, ses cheveux touchant presque le sol.

« Je vous présente mes excuses pour ce midi ! Je ne voulais pas vous blessez, je…Je suis sincèrement désolé. »

Se redressant, il fouilla dans ses poches et en sortit un petit pot de crème.

« Après votre départ, je suis passée à l’infirmerie pour vous prendre un peu de crème anesthésiante pour votre poignet..Je.. »

L’ouvrant, il mit de la crème sur ses doigts et voulut lui prendre la main pour l’étaler quand il se souvint qu’elle n’aimait pas être touchée. Retenant son geste, il referma le pot et le lui tendit en lui faisant un petit sourire.

« J’espère que cela pourra alléger la douleur..»

Baissant les yeux, il soupira :.

« Je suis vraiment désolé…pour tout ce qui vous arrive.. »

Préférant ne rien dire pour ne pas dire de bêtise, il se contenta de la fixer avec un air un peu penaud. Il croisa ses grands yeux bleus sévères et ne put s’empêcher de se dire qu’il allait devoir vivre toute sa vie avec cette femme à ses côtés…et qu’il ne savait vraiment pas vers quoi il s’engageait.

Au départ il n’avait pas vraiment fait attention à ce petit bout de femme hautain. Il ne lui avait jamais adressé la parole alors que pourtant, ils venaient tout d’eux d’Aéria. A bien y repenser, il s’était peut être déjà quelques fois croisé à des réceptions, mais son visage ne l’avait jamais marqué. Ses traits étaient peut être trop simple, sa couleur de cheveux trop banale…il ne savait pas vraiment. Peut être était-cette posture hautaine et froide qui l’avait tenu éloigné. Lui qui riait à gorge déployée et faisait craquer ses doigts dans un bruit désagréable n’avait rien à voir avec Estefania.
Maelen n’avait jamais connu sa mère, il avait été élève par son père et Shaem, les seules domestiques femmes, ou esclaves n’avaient eu que peu d’influence sur sa vie. Alors quand sa fiancée le fixa pour lui lancer froidement de ne pas parler fort et de ne pas se courber autant, il se demanda si c’était ça d’avoir une mère intransigeante. Il avait la désagréable impression que quoi qu’il fasse, elle ne serait jamais satisfaite de lui. Car tout avait trop mal démarré…

Pourtant l’éducation de son père n’avait pas été laxiste, il maitrisait à la perfection les nombreuses coutumes des nobles Aériens, il savait saluer, danser comme un prince charmant, manger avec élégance, se vêtir avec soin et goût, rire à quelque chose qui n’était pas drôle, sourire, séduire. Il était même plutôt cultivé et se découvrait une passion pour les efforts physiques, mis à part le vol, il s’épanouissait vraiment à Lindorm. Il avait d’ailleurs hâte que le beau temps revienne pour aller s’entraîner au tir à l’arc le matin.

Restant bien droit devant Estefania, il lui tendit le petit pot de crème et poussa un léger soupir blasé quand elle lui répondit. Pourtant, il nota la légère rougeur sur ses joues et son regard se perdit dans ses boucles brunes pour courir sur son cou. Fronçant un peu les sourcils, il détacha ses yeux des bandages qu’il avait aperçus et la sentit poser le pot sur sa poitrine.

Ses yeux se firent un peu interrogateurs et sa mâchoire se crispa quand elle lui avoua avoir une douleur qui ne se soignait pas si simplement. Il retint la colère qui grondait au fond de lui et il serra les dents pour ne pas succomber aux émotions qui balayaient son cœur. Son regard se fit un peu triste pendant quelques secondes et il la regarda le dépasser. Une douce odeur de fleur d’oranger lui picota les narines et son cœur ralentit légèrement. Il lui suffisait de fermer les yeux pour voir Shaem et cela l’apaisa.

Il préféra ne pas lui répondre, qu’avait t-il à lui dire après ? S’excuser encore et passer pour un pleutre ? La rabrouer et passer pour un arrogant ? Maelen n’était pas doué pour trouver les mots justes, alors il se contenta de garder le pot contre lui.

La situation d’Estefania paraissait aussi compliquée que la sienne, tous deux semblaient porter des sentiments à des personnes qu’ils ne pouvaient obtenir. Ce déchirement commun le calma et le fit légèrement sourire. Ses muscles se détendirent un peu et son dos se relâcha. Il n’avait aucune idée de comment faire pour s’entendre avec la jeune fille. Elle ne semblait pas répondre aux codes habituels et il avait l’impression d’être le pire miséreux quand elle le fixait de ses grands yeux bleus.

Retournant à sa table en silence, il rangea ses affaires dans sa sacoche et enfila son manteau noir. Sortant ses longs cheveux de sa capuche, il resta là à fixer les silhouettes des autres élèves sous la pluie, à suivre des yeux le Saabi qui donnait ses indications. Sa main se posa sur la vitre froide et il effaça un peu la buée pour continuer à discerner Shaem. Ses joues s’empourprèrent et ses yeux s’emplirent d’un amour infini pour le professeur.
Peut être devrait-il aller le retrouver et lui amener une serviette pour se sécher ? Ou alors un thé bien chaud ?

Se mordant les joues dans un tic absurde, il se retourna et fut surprit de voir qu’Estafnia était encore là.

« Vous avez oubliez quelqu’un chose Princesse ? » Demanda t-il sans pouvoir retenir le surnom de franchir ses lèvres. Il se maudit intérieurement et s’insulta dans sa langue natale d’être aussi peu adroit.
Essayant de garder un sourire de circonstance, il la salua élégamment et se dirigea vers la porte de la salle.

Comment avait-il réagit quand son père agonisant lui avait annoncé la nouvelle de ses fiançailles ? Oh, il s’était révolté, hurlant qu’il n’avait pas besoin de femme, clamant que jamais on ne lui imposerait qui que soit, il était suffisamment grand pour choisir lui-même, et il avait même évoqué le fait de rester seul, toute sa vie. Mais son père avait rit avant d’être prit d’une quinte de toux. Un Ortega ne pouvait décemment pas rester célibataire toute sa vie, surtout pas quand ils n’allaient rester que deux dans tous l’Aéria. Maelen avait prié en cet instant pour ne pas à avoir épousé sa cousine Mara. Chose qui se faisait fréquemment.
Non, il lui avait simplement donné le nom de cette camarade de classe et il l’avait fixé sans le voir. Il avait cherché dans son esprit des souvenirs de cette silhouette et son cœur s’était serré. Le Ventus avait tout tenté pour faire annuler ce mariage, mais au bord de la mort, son père avait donné son dernier ordre. Il épouserait Estefania IV Candelaria-Modesta Quinto. Point final.
Rempli de rage, il avait voulu lui hurler qu’il avait retrouvé Shaem et qu’il l’aimait. Mais il s’était tût, meurtri par cette décision qui allait à l’encontre même de ces principes et qui bafouerait sa vie jusqu’à sa mort. Puis son père était mort et il avait caché l’existence du Saabi, il l’avait gardé au creux de son cœur et s’était juré que jamais personne ne le séparerait de lui.

Quand il apprit qu’Estefania était dans le même cas que lui, il se calma. Il avait eu toute l’après-midi pour ressasser ce qui s’était passé dans la bibliothèque et la preuve flagrante qu’il cherchait pour abandonner son projet insensé de rupture était là sous ses yeux. Ils étaient prit aux pièges, tous les deux. Empêtré dans les fils d’un destin qu’on avait soigneusement organisé pour eux. Elle avait dû renoncer à celui qu’elle aimait, et Maelen ne pourrait jamais être avec Shaem autrement qu’en le cachant et en mentant.
Alors, quand il vit sa silhouette sur le terrain d’entraînement, trempé des pieds à la tête, il ne put que le fixer avec tout cet amour qui bouillonnait en lui. Il devait parler avec Estefania, essayé de comprendre, faire des compromis sans s’attirer les foudres de la jeune fille, il voulait savoir, qui était cet homme qu’elle aimait. Il aurait tout donné pour qu’elle puisse le rejoindre au lieu d’être contrainte à devoir se marier avec lui, un inconnu.
La colère qui était montée en lui sous refus catégorique de la jeune femme quand à son aide, disparu lentement.
Au moins, peut être pourrait-il alléger sa peine en étant quelqu’un sur qui elle pourrait compter, peut être que sa bonne humeur naturelle pourrait la faire rire et que leurs prisons dorées seraient moins lourde à porter.
Alors il l’affubla du joli surnom de « Princesse ». Car c’était les airs qu’elle se donnait, puis peut être que cela permettrait de les rapprocher un peu.

Se retournant, il la fixa en souriant doucement, puis il acquiesça. Il fit quelques pas dans sa direction tout en nattant ses longs cheveux blancs. Ses doigts croisèrent les mèches avec une dextérité assez étonnante pour un homme et il la noua avec un ruban avant de la laisser pendre dans son dos.
Marchant à ses côtés en silence, il redressa un peu les épaules et remarqua qu’il la dépassait d’au moins deux têtes.

Les mains enfoncées dans les poches de son manteau, il demanda en souriant doucement :

« Vous avez été blessé pendant l’Alliance ? »

Remontant sa main, il indiqua son épaule où il avait aperçut les bandages.
Les élèves passaient à leurs côtés sans les déranger, comme si leurs auras de petits nobles les tenaient éloigner.

Riant doucement, il se pencha vers Estefania et souleva sa longue frange pour lui montrer la longue cicatrice qui se ressoudait lentement le long de sa tempe pour se perdre dans ses cheveux.

« Un petit souvenir de Keven ! »

Ses yeux s’accrochèrent aux siens et quand ils arrivèrent devant la porte de sortie, il la poussa et s’inclina légèrement pour la laisser passer. Laissant la porte se refermer dans son dos, il vit qu’effectivement la pluie tombait à torrent. Norn devait être calfeutré dans les refuges pour dragons d’airs. Il n’aimait pas être mouillé, cela embrouillait ses plumes et il devait passer un temps fou pour les remettre en place. Intrigué, il demanda calmement :

« Parlez-moi de votre dragon ? Comment vous êtes-vous rencontré ? Je n’avais jamais vu de dragon de Lumière avant le votre, ils sont si rare… »

Souriant, il fixa l’horizon barré par la pluie et aperçu les silhouettes des 4 eme années qui restaient vainement sur le terrain d’entraînement malgré le déluge.

Les barreaux de leurs prisons semblaient inextricablement liés à ce qu’ils allaient décider de faire de leur relation. Relation imposée par leurs familles, pour qui leur consentement et leur bonheur semblait être obsolètes. Maelen aurait pu refuser, il aurait pu dire non mais il devait prouver qu’il était un adulte et qu’il assumerait ce qui lui incombait d’être. Un Ortega.
Le Ventus voulait que la porte de leurs cage reste ouverte et que chacun puisse se sentir libre, libre de faire ses propres choix sans que cela ne peine à l’autre. Après tout, ils n’étaient encore que deux inconnus l’un pour l’autre.
Maelen était persuadé qu’Estefania n’était pas ce qu’elle prétendait être, que derrière ces gestes rigides se cachait une envie d’exploser. Elle était une dragonnière aguerrie pour une première année, son dragon était un être de Lumière et il l’avait choisit parmi toute une famille, elle n’était pas n’importe qui, et il le sentait.
Son sourire s’évanouit quand elle lui avoua n’être que sa future épouse, et il baissa les yeux. Non, pour lui c’était hors de question. Il tracerait sa route comme il l’entendait, avec Estefania à ses côtés. Elle serait libre de faire ce qu’elle voulait, que cela lui plaise ou non.
Blessé par l’évocation de Shaem et du simple constat qu’Estefania semblait entretenir l’esclavagisme en Aéria. Il cru que courir lui ferait du bien, il cru que jeter ce parapluie et la fixer dans les yeux lui révélerait son véritable caractère. Mais il se fourvoya. Il ne pu que voir des larmes de rage couler sur ses joues.
Et il courut, comme il le faisait tout le temps maintenant. Il courut pour évacuer de son esprit ces douloureux sentiments qui percutaient son cœur. Peut être que s’il courrait suffisamment vite, il arriverait à quitter cet endroit pour s’enfuir loin de son destin insoluble.

Il voulait que la Lucem le rattrape, court à ses côtés sous la pluie pour partager quelque chose. Pour crever cet abcès entre eux, pour évacuer dans la douleur et l’effort tout ce qui pesait sur son corps. Et Estefania le rattrapa, elle brillait comme une lanterne et elle cria que son choix d’être à ses côtés était déjà contre nature. Maelen la fixa surprit, les yeux un peu écarquillé et il voulut lui répondre mais il sentit ses bras se nouer autour de sa taille et ils décollèrent en flèche.

Complètement halluciné, Maelen fixa le sol s’éloigner de plus en plus, la pluie martelant son visage pour disparaître au profit de nuage cotonneux et au doux rayon du soleil. Ses pieds ne se raccrochèrent à rien et il sentit ses viscères se tordrent dangereusement. Il voulut hurler, hurler de peur mais la main d’Estafania le tenait fort. Il la fixa les larmes aux bords des yeux. Son cœur se serra en même temps que ses intestins et il aurait voulut pouvoir lui dire combien il était désolé, combien il s’en voulait qu’elle soit emprisonné dans sa cage, à ses côtés. Mais il ne pu que devenir de plus en plus pâle, se mordant les joues avec une force surhumaine pour ne pas paraître pitoyable.
Levant les yeux pour ne pas voir le sol, il vit un immense dragon de lumière onduler avec grâce à travers les nuages. Tendant la main pour le toucher, comme hypnotiser, il regarda les arc-en-ciel rebondir sur ses écailles et il ne put que déclarer, oubliant toute peur tellement le dragon était impressionnant :« Il..il est magnifique… »

Puis, à peine eu t-il finit sa phrase qu’Estefania le lâcha. Il sentit son corps tomber, tomber de plus en vite, la peur remonta le long de sa gorge et son esprit s’accrocha à Norn. Il paniqua, fermant les yeux, cherchant à se raccrocher à quelque chose mais il n’y avait rien. De la bile au fond de la gorge, il hoqueta et cru qu’il allait hurler quand les douces mains de sa fiancée le rattrapèrent. Elle ne brillait plus et semblait tomber avec lui. Entrecroisant ses doigts avec les siens, il plongea ses yeux dans ceux bleus d’Estefania et un sourire pointa sur ses lèvres alors qu’elle riait à gorge déployée. Les battements de son cœur s’accélèrent et il essaya désespérément de se calmer. Il repensa à ses cours, essayant de canaliser cette peur irrationnelle et se persuada qu’il ne craignait rien. Du moins il l’espérant.
Serrant avec une force désespérée les mains d’Estefenia, il hurla :

« Je vous fait confiance ! »

Le vent claquait contre son visage et alors qu’il s’attendait à défaillit au moindre instant, il sentit son cœur se calmer légèrement. Son ventre se détendit et même si il resta crispé, il savoura les rayons du soleil reflété par Trismegistus. Oui, il lui faisait confiance, il ne la connaissait pas vraiment, mais il devait lui faire confiance. Leurs routes ensembles seraient longues et pavées d’incertitudes mais au moins, il se dit qu’il devait croire en elle.

Ne voyant toujours pas le sol arriver, il fut presque rassurer et une ivresse sans nom l’emporta. Le rire de la Lucem le fit sourire et il osa décrocher une de ces mains pour lui attraper le visage avec douceur et l’attirer vers lui. Frottant son nez contre le sien alors que leurs visages étaient fouettés par le vent, il posa ses lèvres sur les siennes gardant son regard ancré dans les pupilles bleues de la jeune femme. Souriant à travers le baiser, ce fut un échange bien chaste qu’il lui donna. Un baiser pur et emplit de sincérité. Il ne lui promettait rien, si ce n’est de tout faire pour alléger son fardeau.

Se reculant, il hurla à travers le vent : « Je suis désolé pour celui que vous aimiez..Je..Je comprends tout à fait... » Puis, alors qu’ils traversèrent un nuage, il raccrocha sa main à la sienne entrecroisant ses doigts avec les siens et il la dévisagea avec curiosité. « Estefania, rien ne vous oblige à n’être que mon épouse. Vous êtes libre d’être qui vous voulez être. Jamais je ne vous enfermerais dans un carcan qui n’est pas le votre, jamais je ne vous imposerais quoi que se soit… » Baissant les yeux pour chercher le sol, il continua de crier :« C’est une promesse que je vous fait Estefania. Je le jure ici et maintenant, vous êtes libre ! Libre de choisir votre destin, libre de choisir qui vous voulez devenir. Libre d’aimer qui vous le souhaitez. Jamais je ne vous le reprocherais.. »

Tournoyant dans les airs, Maelen retrouva peu à peu des couleurs, sa natte tapant contre ses reins. Puis tout d’un coup, une salve d’air les souleva pour les faire remonter un peu et Norn fondit sur eux. Il déploya ses immenses ailes bleues et plongea à leur rencontre :

« Je peux savoir ce que tu sais Maelen ?! Je te rappelle que tu as peur du vide.. » Gronda t-il en fixant la Lucem d’un œil mauvais.

Le Ventus éclata de rire et tendis la main pour frôler les plumes de son dragon.

« Norn, voici Estefania, ma fiancée. Estefania, Norn mon meilleur ami… »

Attiré par la panique de Maelen, Norn avait volé aussi vite qu’il pouvait et les avait rejoins en plein ciel. Il replia ses ailes pour tomber à leur vitesse, et sa gueule s’élargit dans un sourire.

« Ravie de te rencontrer petite humaine. Tu es bien la première lui faire vivre autant de sensation forte sans le voir s’évanouir ou se vomir dessus. »Grognant de rire, il tournoya autour d’eux avec la souplesse des dragons d’airs et créas des trous d’air qui rendirent leurs chutes plus brinquebalante. Souriant, Maelen refusait de lâcher la main de sa fiancée et il lui avoua :

« Dés que le sol va apparaître, je vais sans doute perdre connaissance. Ne m’en voulez pas trop ! »

Souriant, il inspira profondément et pendant de longues secondes il ne put détacher son regard des yeux bleus de la jeune fille. Jamais il ne l’aurait cru capable de ça, jamais il n’aurait un instant pensé qu’il l’embrasserait en plein ciel. Et cela le rendit heureux…

Cette sensation au fond de son ventre, qui enflait dans son cœur et lui donnait envie d’hurler. Cette sensation, il la connaissait. Il se souvenait parfaitement de ce moment, ce moment où il avait balayé toute rationalité de son esprit pour plonger dans le ciel bleu. La mer s’était confondue en miroir avec le ciel et il était tombé. La peur avait surgit, mais aussi cette douce et palpitante émotion. Ce sentiment que les dragons devaient éprouver à tournoyer dans les airs, un sentiment de liberté salvateur. Aucune emprise ne pouvait les atteindre, et quand Maelen fixa l’épaisse couche de nuage sous lui, il n’eu qu’une envie, celle de glisser dedans et de remonter en flèche pour se fourrer avec un plaisir ultime dans cette masse cotonneuse et nager à l’infini. Pourtant, il ne pu empêcher ses larmes de peur de s’envoler de ses yeux, il ne pu s’empêcher d’avoir les boyaux à l’envers et d’avoir envie de vomir tout ce qu’il lui restait dans l’estomac.
Ne serait-il donc jamais débarrassé de cette stupide peur qui le paralysait depuis l’enfance ? Grandirait-il enfin un jour assez pour ne plus être terrorisé par la moindre terrasse ? Il devait trouver un moyen pour la combattre, il devait enterrer au plus profond de lui cette phobie maladive.

Fixant les grands yeux bleus d’Estefania, il préféra regarder son sourire plutôt que de voir la terre se rapprocher à toute vitesse. Des images de lui s’écrasant au sol se glissèrent sournoisement dans son esprit, mais il les rejeta en bloc. Il faisait confiance à Estefania. Il serra sa main plus fort alors qu’une salve d’air les soulevait doucement.
Norn apparu, et cria à l’encontre de la jeune fille, mais Maelen le rassura. Tout allait bien. Enfin pour le moment.
Rougissant quand sa fiancée se moqua un peu de lui et sa phobie, il détourna le regard un peu mal à l’aise et ravala les larmes de peur qui apparaissaient aux coins de ses yeux. Il avait la terrible impression de passer un test, qu’elle le jugeait et se ferait son idée de lui, que chaque mot qu’il disait était important.
Inspirant profondément pour ne pas mourir en oubliant de respirer, il répondit à ses sourires, essayant de paraître somme toute assez confiant, même si au fond de lui-même, il tremblait comme une feuille. Il ne voulait pas remplacer celui qu’elle aimait, et jamais il n’essaierait, mais il voulait juste qu’ils puissent s’entendre suffisamment pour pouvoir faire leurs vies ensemble. Comme l’entendait leurs familles.

La panique traversa son regard quand Estefania lui lâcha la main et il voulut lui crier quelque chose, mais déjà ses bras se refermait autour de son corps, et il renversa sa tête en arrière, souriant en retrouvant la pluie frapper ses joues. S’accrochant comme il pouvait, il retrouva le dos confortable de Norn et tout d’un coup la sensation fut moins vertigineuse. Souriant en enfonçant ses mains dans les plumes de son dragon, il vit Estefania plonger en avant et quelques chose fouetta son visage plus violement que la pluie. Ses doigts frôlèrent ses joues et du sang macula sa peau.
Ses yeux s’agrandirent sous la peur et il se pencha en avant pour fixer l’étoile qu’était sa fiancée avec terreur. Elle était blessé, elle…

Paniquant, il cria son nom et ordonna à Norn de plonger vers le sol à toute vitesse.

« Estefania ! »

Le vent fouetta son visage et la peur pour sa fiancée prit le pas sur la peur du vide. Il n’avait qu’une envie, atteindre le sol le plus rapidement possible. Soulevant son corps comme lui avait apprit Shaem pendant les cours, il s’aplatit sur le dos pour faire le moins de prise au vent et en quelques secondes ils furent sur le sol. Sautant de Norn, il courut vers Estefania qui lui souriait et fut rassuré de la voir debout en riant. Poussant un soupir de soulagement, il s’avança les vêtements complètement trempé et le Ventus la vit fixer sa main avant de tomber en avant.
Courant, il ouvrit grand les bras et la rattrapa avant qu’elle ne touche le sol. Emporté dans son élan, Maelen finit assit sur le sol, sa fiancée entre ses bras.

La peur le prit et il lui dégagea rapidement le visage de ses cheveux et posa sa main devant sa bouche. Elle respirait toujours.

« Shaem !! » Hurla t-il, pas sûr que le professeur l’entende. « Shaaeem ! » Impuissant, il gronda paniqué : « Norn, va chercher Shaem, il est sur le terrain. Dis lui que c’est urgent ! Elle saigne beaucoup… » Le dragon décolla dans la seconde en direction du professeur.

Glissant ses mains dans la chemise de sa fiancée, il ignora ses sous-vêtements et écarta les pans pour voir les bandages se remplirent de sang. Que devait-il faire ? Bon sang, il devait réfléchir, il essaya tant bien que mal de se souvenir des cours de premiers secours, et il tira la jeune fille contre lui pour lui poser sa tête contre son épaule. La pluie tombait sur eux et il la frictionna pour la garder au chaud alors qu’une de ses mains tentaient vainement d’appuyer sur la plaie pour stopper l’hémorragie.

*Il arrive* L’avertit Norn alors qu’il décollait de nouveau pour le rejoindre.

Posant son front contre celui de sa fiancée, il se balança d’avant en arrière mort de peur. Sa main continuait inlassablement de lui frotter le bras pour la réchauffer et il murmura son nom doucement, sentant l’angoisse monter en lui de plus en plus rapidement.

« Ca va aller, ça va aller…Tout va bien se passer… »
Sa main fut bientôt pleine de sang, mais il s’en ficha et jeta des regards désespérés dans la direction du terrain avant de voir la silhouette de Shaem arrivée en courant…

Il pleuvait à seau au-dessus de l'Académie de Lindorm et pourtant les élèves n'étaient pas dispensés de cours. C'était le cas, par exemple, des 4e années qui avaient cours de monte dragonique sous l'oeil attentif du professeur Nazarian et de son dragon bougon.
Arrad n'aimait clairement pas la pluie, non pas qu'il ne pleuvait jamais dans sa nation d'origine en Lostrego, mais elles étaient plutôt rares et il pouvait s'abriter à sa guise dans les montagnes lorsqu'elles arrivaient. Or là il n'avait pas le choix, il devait rester sous l'averse et surtout ne pas "exprimer" son mécontentement. En digne dragon de foudre, il avait la particularité de faire crépiter des éclairs autour de son corps dès qu'il était mécontent .. . ce qui arrivait régulièrement. Or l'eau et la foudre ne faisaient pas bon ménage et s'il se laissait aller à générer le moindre éclair, il risquait de filer un bon petit coup de jus à toute la classe.

* Ils ont pas intérêt à nous faire tourner en bourrique *

Alors oui, le gros dragon était ronchon à l'opposé de son dragonnier qui prenait un plaisir non feint à donner son cours. La pluie ne le dérangeait pas plus que ça, certes il pesait bien trois kilos de plus avec ses vêtements imbibés d'eau qui lui collaient à la peau et qui rendaient ses mouvements un peu moins aisés, mais il aimait la difficulté.
Il appréciait d'autant plus ses cours avec les 4e et 5e années puisque les élèves avaient alors fait le choix de garder son cours dans leur cursus scolaire et étaient d'autant plus motivé durant ses cours. Ils avaient déjà 3 voir 4 années de base derrière eux et ça permettait de Shaem d'attaquer dans le vif du sujet. Comme aujourd'hui où la pluie ajoutait une difficulté à son cours, rendant les écailles des dragons glissantes faisant perdre un point d'appui à ses élèves qui devaient se concentrer d'autant plus sur leur équilibre et leur position.

Il était au sol en train de conseiller les élèves sur cette difficulté lorsqu'il vit arriver deux élèves du coin de l'oeil. En temps normal, il n'y aurait pas prêté attention aux curieux, mais il LE sentit, il reconnut sa longue chevelure blanche ... et par défaut la jeune fille qui l'accompagnait.
Voilà tout juste une semaine et quelques jours qu'il avait choisi de céder aux sentiments de Maelen et au sein, et il avait appris par la même occasion que le jeune homme, son petit ami donc, était fiancé! A une petite noble d'Aeria qui plus est! Autant dire que Shaem se trouva légèrement perturbé en les voyant arriver tous les deux, la jeune fille protégeant son "fiancé" à l'aide de son parapluie.
Une pensée franchement pas digne d'un adulte de 29 ans professeur de l'Académie alors qu'il pensait à l'une de ses élèves. Mais c'était plus fort que lui et le Saabi n'était pas toujours rationnel lorsque l'on touchait à ses affaires. Bien heureusement Arrad le rappela à l'ordre mentalement l'obligeant à se reconcentrer sur sa classe pour poursuivre ses explications.

Il se reconcentra tellement bien, le dos tourné à son compagnon et celle qui l'accompagnait, qu'il ne le vit pas se mettre à courir ignorant deux de ses élèves qui leur suivirent des yeux. Il ne se rendit compte de quelque chose que lorsqu'ils furent plusieurs à regarder la gamine se transformer en boule de lumière. Shaem s'interrompit brièvement, pestant intérieurement, puis ordonna un peu sèchement à ses élèves de se mettre en selle. Il était temps de passer à la pratique.
Il montait lui aussi sur Arrad lorsqu'il regarda malgré lui apercevant la lumière entraîner Maelen bien haut dans le ciel.

* Fais-lui confiance Shaem *

« C'est en elle que je n'ai pas confiance »

Remarque légèrement amère avant que son imposant dragon pousse ses pattes et se mettent à battre des ailes pour s'élever dans les airs suivi des élèves et de leurs dragons.
A partir de ce moment, Shaem parvint à reporter toute son attention sur ses élèves mis en difficulté par la pluie et leur équilibre mis à mal. Avec Arrad, il leur demanda d'effectuer des trajectoires les uns derrière les autres, à distance respectable, en augmentant progressivement la difficulté. Et comme à son habitude, il les conseillait aidé par Arrad.
Au loin, il lui sembla apercevoir une nouvelle boule lumineuse, mais il n'y fit pas vraiment attention surtout que sa vision était amoindrie par le rideau de pluie. Il attaquait les figures, lorsqu'un dragon seul déboula soudainement sous le nez d'Arrad et Shaem reconnut immédiatement le dragon de son jeune compagnon. Son cœur manqua un bref battement et il écouta le dragon faisant signe à ses élèves de s'arrêter. Visiblement la fiancée de Maelen avait des soucis et le jeune homme l'appelait à l'aide.

« Dis-lui que j'arrive »

Alors même si l'idée le fit brièvement grincer des dents, il ordonna à ses élèves de se rassembler autour de lui et il les informa qu'Arrad prenait la suite du cours, un dragon doué de parole d'un élève servirait de traducteur. Son dragon le déposa au sol et Shaem mettait à peine pied à terre qu'il s'envolait déjà ... il avait beau raler le gros dragon prenait son rôle au sérieux.
Ayant une confiance aveugle en son compagne écaillé, il se mit à courir dans la direction que Norn lui avait indiqué et bientôt il retrouva Maelen à genoux, le dos courbé et le front appuyé contre celle de sa fiancée. Une image qui ne l'aida pas vraiment à apaiser la créature jalouse qui grognait au creux de son ventre et pourtant il se retint de les séparer en tombant à genoux à côté d'eux.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé Maelen ? »

Une question pas méchante, plutôt automatique, il avait besoin de savoir pour agir de la meilleure des façons par la suite. Tout en l'écoutant, il ne regarda pas même s'il sentait sa panique et que son instinct le poussait à détourner son attention de la fiancée et de prendre Maelen dans ses bras pour le rassurer. Comme il l'avait fait si souvent.
Mais à l'instant, il ne devait pas faire passer Maelen en priorité, aussi difficile que ça l'était pour lui il devait s'occuper de celle qui allait être marié à son amant dans un futur plus ou moins proche. Il laissa donc son regard courir sur la jeune fille, notant le fait qu'elle était inconsciente et surtout la main de Maelen qui appuyait visiblement sur une plaie. Le sang coulait malgré tout et le Saabi se débarrassa de sa tunique longue restant en pantalon et tee-shirt, pour utiliser le vêtement - trempé certes - comme compresse.

« Retire ta main »

Les automatismes revenaient : compresser la plaie pour arrêter le saignement puis si c'était possible, transporter le blessé au point médical le plus proche pour qu'il soit soigné avec un équipement adapté. Il pressa son vêtement sur la plaie de la jeune fille dès que Maelen avait poussé ses mains.
Et ce fut qu'à ce moment qu'il releva les yeux sur le visage de son compagnon rencontrant son regard. Il sentit son coeur battre légèrement plus vite face à l'inquiétude qui marquait les traits du garçon et il dut encore prendre sur lui pour se retenir de le prendre dans ses bras.
Foutue sale habitude!

« Ça va aller Maelen, appuie sur le vêtement le temps que je la prenne dans mes bras. On va l'emmener à l'infirmerie »

Il avait besoin de ses deux mains pour attraper la jeune fille autrement qu'en la jetant comme un sac à patate sur son épaule. L'idée était tentante, certes, mais pas vraiment recommandée vu l'état de la jeune fille.
Ce serait que partie remise.
Il attendit que Maelen exécute sa demande avant de glisser ses bras sous le corps de la jeune fille avant de se redresser et de la caler contre lui.