Regarde Vivi, nous arrivons.
La voix mentale de Vishthra résonna dans mon crâne doucement, pour ne pas brusquer mon réveil. Elle m'avait conduit jusqu'en Waterfield, alternant vol et repos, planant dès que les courants aériens le permettaient. Nous nous déplacions souvent de nuit car elle a les rétines assez fragiles, et au vu des étendues d'eau que nous avions survolées, je ne pouvais que comprendre son envie d'éviter la réflexion de la lumière depuis le sol. Et puis, elle m'avait prévenue, le voyage ne serait pas une mission, plus comme un déplacement d'agrément, sans pression ni contrainte.
Nous avions donc pris notre temps, profitant de chaque escale pour nous reposer. Appréciant le silence entre nous, loin des agitations de l'Escadron de Givre de mon ancienne affectation. Un peu d'intimité avec celle qui me considère comme sa fille de cœur, et moi comme une tante caractérielle nous fit du bien. Elle n'avait pas à suivre des ordres, à m'emmener dans des endroits dangereux, et moi je la laissais dormir dans une grotte de passage la journée pour profiter des paysages inconnus; la laissant gelé la grotte de son souffle avant de s'y installer.

J'ouvris un œil, me décollant légèrement du dossier sur lequel j'étais, mes vêtements chauds remis depuis longtemps dans la petite valise solidement accrochée au flanc de la dragonne des glaces. Je retirais la couverture que j'avais coincé dans mon harnais, habituée depuis longtemps à dormir sur son échine, qui bien qu'osseux, est l'endroit le plus sûr du monde pour m'endormir à mes yeux.
M'étirant à moitié, les cheveux en bataille, refaisant mes couettes de manière totalement automatique, j'ajustais mon regard sur les plaines verdoyantes de Waterfield, un grand sourire aux lèvres.

-C'est beau ! Je ne m'en lasse pas.

Devant moi, des ruisseaux, des cascades, des forêts mystérieuses: un vrai paysage féerique que nous explorerons sûrement ensemble à l'occasion.
Sentant ma joie de revoir ce chaud et verdoyant pays, Vishthra se mis à faire quelques vrilles, me réveillant complètement sur le coup. Elle s'amusait à le faire depuis notre départ de Valhöll. Juste pour le plaisir de m'entendre lui demander d'arrêter de faire ça, même si harnacher comme je le suis sur son dos, je n'ai aucun risque de tomber.
Mais bon, je suis rodée maintenant!

-Je suis réveillée, c'est bon ! Alors, toi aussi tu es contente de retrouver l'Académie? lui demandais-je, retirant ma couverture en la décoinçant des sangles qui me maintenaient, appréciant l'air frais du matin sur mon visage, comme le souffle d'une agréable journée à venir.
Un grognement amusé résonna dans mon crâne, je me dis que mettre ma dragonne de bonne humeur est toujours l'une de mes joies. Même si un petit déjeuner qui soit autre chose que du poisson ne me ferait pas de mal. je lui transmis cette dernière information en image d'un plat chaud, garnit de pommes de terre croustillantes et de viandes moelleuses pleine de sauce.
Vishthra fit résonner sa voix mentale, tellement limpide, quoique toujours aussi directe, tellement différente de la voix brisée que l'on peut entendre. Tellement moins "vieille".

Évidemment, sinon nous n'y serions pas retournés. Mon rocher m'attend là-bas. Et tu as aussi déjà mangé du gibier sur le chemin je te le rappelle.
L'amusement dans sa voix devint ironique sur les derniers mots, vu qu'elle préfère geler ses proies avant de les avaler en entier, sans distinction. N'aimant pas dénaturer le gout de sa proie et la préférant croustillantes également.

Là, je ris, mais je ris! "Son rocher", le rocher si confortable que quand elle dort en s'enroulant autour, on dirait une partie de la caverne, totalement invisible dans son sommeil.

-Tout ça pour ton petit confort, moi qui pensais que tu voulais juste me faire plaisir. Hoquetais-je, entre deux fous rires.

Un sourire mental plus tard, nous fîmes un arrêt, me permettant de me rafraîchir, de me changer et d'avaler une pomme, cueillie sur un arbre non loin.
Nous repartîmes vers l'entrée de l'académie, toujours aussi impressionnante de loin avec ses murailles fortifiées.
Dès que je fus descendu en glissant via l'aile de Vishthra et que j'eus récupéré mes affaires, j'entendis un " Je te laisse t'installer " et la dragonne de glace disparut rapidement, filant droit vers "sa" grotte.
Je sais pertinemment qu'elle va retrouver son rocher, pour faire sa sieste, après avoir gelé l'endroit où elle s'installe et ceci pour éviter qu'on ne la prenne comme perchoir. Technique simple mais efficace selon elle.

La saleté !

Me voilà maintenant toute seule en terminant de m'installer dans mes quartiers, déballant mes petites affaires, récupérant ma tenue d'infirmière: une blouse, la sacoche de médecin que m'a offert mon père à mon départ avec tout le contenu médical propre à un médecin ornée de l'adage de notre clan : « La mort arrive. Avez-vous la conscience tranquille ? ». Et ceci en lettres stylisées, en petits caractères tout de même mais un rappel constant de mes origines où le froid peut devenir mortel à tout moment. Pour que je pense à ma famille malgré la distance qui nous éloigne les uns des autres, toujours aussi fiers de moi, l'unique fille qui suit ses traces.
Guillerette, je partis vers l'infirmerie, vers le premier lieu choisi et non imposé depuis ma rencontre avec Vishthra contente de commencer cette nouvelle vie.