Ah, les hommes, un sujet on ne peut plus féminin. Les petites badineries de l'amour n'avaient jamais touchées Bryne O'Cuinn, qui plaçait dans le mariage la fierté de son pucelage et de son premier baiser. Femme du monde, à l'éducation stricte, autrefois élevée comme future Prêtresse de l'Unique, elle en avait conservé une foi sincère et désarmante en son Dieu. Et un certain sens des usages.
Bryne avait toujours passé sous silence le sujet des hommes, gardant ses distances avec la gente masculine,. Hagen n'avait jamais non plus laissé aucun des possibles prétendant accéder aux suaves baisers de sa dragonnière. Non point que le dragon la voit autrement que comme une jeune femme : il lui avait dit; les hommes ne pourraient que lui briser le cœur. Hors, le dragon répugnait profondément à la voir se donner à quiconque n'en serait digne. Voir sa compagne d'aventure subir les affres de la trahison et des blessures amoureuses lui serait par trop insupportable. Cela expliquait la férocité du titanesque dragon aveugle à l'égard des prétendants de la jeune femme.

Alors Bryne s'y était faite. Les émois adolescents, elle n'en avait jamais connu et son premier amour allait à un homme digne de son rang et de ses idéaux. Et elle n'avait osé en parler à Céleste avant ce jour clément. Peut-être était-ce la douceur de l'air, la paix revenue ? Peut-être y avait-il à présent un peu de place dans sa vie pour ces choses là. Peut-être était-ce aussi la peur secrète d'un mariage arrangé, à présent qu'elle n'était plus que professeur. A n'en pas douter, elle donnerait un enfant à son époux, puis fuirait dans la guerre la douleur de n'être seulement maîtresse de son destin que sur un champ de bataille. A moins qu'elle puisse choisir, si le parti était assez bon. Ce serait bien là son unique et premier caprice. Doux caprice que celui d'un cœur aimant.
Cependant, cette discussion serait remise à plus tard. A croire que l'Unique avait là une curieuse facétie, comme pour l'empêcher de se dévoiler trop vite.

"Je vous en prie, très chère, allons donc y offrir un thé à notre invitée." Fit-elle résolument polie, ainsi qu'à l'accoutumée.
La jeune Jillah semblait se remettre. C'était une fille charmante, de leur genre d'éducation et cela apaisait l'éventuel regret de Bryne à n'avoir pu se livrer à sa meilleure amie. Peut-être était-ce mieux ainsi. Peut-être était-ce là quelque signe divin afin de lui démontrer que l'élu de son cœur ne saurait être sien ? Et dans le fond de son âme silencieuse, l'écho d'un regret avorté avant même de naître.
"Je vous en prie, Mademoiselle, c'est toujours un plaisir pour nous que de former des recrues enthousiastes quant à leur avenir militaire." Elle sourit, avec délicatesse, la jeune femme aux cheveux verts, tout en suivant Céleste vers l'un des salons de thé de la place, accompagnées par le dragon de Jillah, charmante créature aux yeux d'ambre. Bryne avait l'habitude de ne pouvoir être escorté de son Allié. Hagen était par trop titanesque pour seulement convenir aux rues étroites du centre-ville. Parfois, elle aurait aimé le rapetisser afin d'être toujours avec lui. Mais c'était là une envie d'enfant bien indigne d'elle. Elle sentait sa présence dans son esprit, cependant, à chaque instant passé, comme une aura familière et bienveillante de centaines de tonnes d'amour.

S'installant en terrasse, sous un parasol coloré, à une charmante table de bois, elles pouvaient ainsi continuer de jouir du beau temps et discuter à leur aise. De plus, le ciel seyait bien mieux aux multiples papillons qui entouraient Céleste.
"Je vous en prie." Fit-elle en tirant la chaise en rotin à Jillah, afin de faciliter ses mouvements, saluant mentalement l'absence de plainte malgré ses boitillements. "Je vous donnerait un onguent de ma composition, lorsque nous reviendrons à l'académie, mademoiselle. Cela devrait calmer les élancements de votre cheville."
Parfaite en tous points sur l'étiquette et le soucis des autres, telle était Bryne, mais qui la connaissait vraiment savait que ce n'était là que l'une de ses facettes, et la rapière à son côté malgré ses vêtements civils, n'était qu'un témoin silencieux de cet état de fait. Celle de l'arme létale sous le charmant minois au sourire mondain.

S'asseyant à son tour avec élégance, lissant sa robe sur ses genoux, elle s'enquit de Céleste, toujours de sa voix douce. "D'ailleurs, ma chère, comment va ton bon ami ?" Ha, les badinages sur l'amour... Bryne aussi pouvait aisément y participer, bien qu'elle n'osa entrer dans des détails, en particulier avec Jillah en leur compagnie. Elle ne voulait pas gêner Céleste. "Je me suis laissée dire qu'il pouvait à présent vous retrouver plus souvent. Cela doit vous réjouir." Elle se tut, consultant un instant la carte des thés que venait de leur apporter le serveur, avant de se décider. Alors que le jeune homme revenait prendre leur commande elle prit un thé noir kevii, aux arômes floraux, ainsi qu'une assiette de scones pour elles trois. Les pâtisseries étaient décidément son petit pêché personnel...

Soudain, un mouvement au coin de son regard attira son attention et elle tourna la tête pour voir une silhouette à présent familière. Haute taille, au dragon si reconnaissable... Son cœur s'emballa d'émoi et elle resta un instant bouche sèche, incapable d'en croire ses yeux. Comme si l'Unique invoquait cette vision alors même qu'elle s'apprêtait à parler de lui... Son cœur bondissant, elle porta machinalement la main à sa poitrine. Fergus Mac Lochlainn. Lui ici ? A Laragon ? Juste sur cette place. La tête lui tourna un instant. Un tel coup du destin.
Elle ne prit pas immédiatement conscience de son étrange comportement, ses yeux brillant brusquement d'une douce flamme et une rougeur montant rosir délicatement ses pommettes.
Un instant perdue dans un monde où il n'existait qu'elle et lui qui avançait vers leur table, elle se sentit plus vulnérable que jamais. Une sensation honnie et désirée à la fois. Elle se contint de ne pas s'élancer à sa rencontre comme la première roturière venue. Heureusement le serveur venant déposer leur commande la tira de son trouble par une diversion bienvenue. Elle se trouva soudain face à un terrible dilemme. Celui de faire comme si elle ne l'avait pas vu ou bien l'inviter à les rejoindre...
Troublée, le coeur battant la chamade, elle se redressa légèrement sur sa chaise. Une dame ne hèle pas comme le premier charretier venu, aussi se contenta-t-elle d'attendre qu'il parvienne à leur hauteur.
Il avait dû voir de loin les papillons de Céleste, assurément.
"Capitaine Mac Lochlainn ? Vous ici ? Quelle heureuse coïncidence. Souhaitez-vous nous rejoindre pour le thé ?"
Elle parvint à maîtriser sa voix, pour l'empêcher de vaciller et il était heureux qu'elle soit assise car ses jambes lui semblaient molles et faibles. Une bien étrange attitude pour qui connaissait très bien Bryne O'Cuinn...

Jillah ne savait pas si c'était de la chance ou bien le contraire. De la chance car elle avait toujours rêvé de voir comment était sa jeune professeur en dehors des cours, de la malchance car son arrivée avait plutôt été catastrophique, voire même carrément embarrassante. Et en plus, elle l'empêchait de discuter avec son amie.

D'ailleurs...la jeune femme ouvrit soudainement de grands yeux, oubliant quelques instants sa cheville douloureuse. Plein de papillons, des dizaines de papillons, voletaient autour de la dénommée Céleste. C'était...un rêve? Jillah n'avait jamais vu ça. Impressionnée, elle retrouva cependant l'usage de la parole, le temps de les rassurer toutes les deux sur l'état de sa cheville, plus douloureuse qu'elle ne voulait bien l'avouer, mais elle détestait se plaindre. Ce n'était pas son genre.

Une fois rassurées, les deux femmes l'invitèrent à prendre le thé. Sérieusement? A elle? Jillah papillonna des cils mais accepta poliment, finalement, elle penchait plus pour la chance. Elle se tourna légèrement vers Salaun qui, de toute manière, resterait dans le coin, sans pour autant les coller, sa dragonnière était entre de bonnes mains. Ces deux femmes savaient se battre puisqu'elle faisait partie des escadrons d'élite.

Tout en marchant, boitillant tout de même légèrement car elle ne pouvait totalement s'appuyer sur sa cheville douloureuse, l'étudiante Terra réfléchissait. Ces deux femmes seraient ses supérieures lorsqu'elle rejoindrait les escadrons d'élite pour son année militaire obligatoire et même ensuite. Elle avait encore du mal à y croire vraiment.

Salaun, lui, les suivait à bonne distance, pour être certain que tout se passerait bien, une mesure de sécurité sans doute inutile, mais il n'y pouvait rien, il ne voulait plus que Jillah soit victime d'un attentat quel qu'il soit.

La jeune Terra se tourna une dernière fois vers lui en souriant, elle se sentait en sécurité, il n'avait pas à s'en faire. Puis, elle se détourna de son dragon et s'assit sur la chaise tirée pour elle par Bryne:

-Je vous remercie...

Un onguent, oui, ça soulagerait sans doute sa cheville. Elle acquiesça simplement d'un signe de tête et se tint sage, jusqu'à ce qu'on la sollicite à nouveau. Lorsqu'un jeune homme vint prendre leur commande, elle demanda la même chose que son professeur, habituée à boire du thé de sa nation d'origine depuis longtemps, elle n'osait trop en goûter d'autres pour le moment.

Souriant poliment au jeune homme, elle détourna les yeux à son départ et écouta la conversation de ses aînées....Hein? Elles parlaient bien d'un homme? Mais un ami ou...non, ça ne la regardait pas. Mais la surprise était de taille, elle qui s'imaginait naïvement qu'elles parlaient seulement du front, de batailles ou autre...non, elles parlaient de sujets bien plus légers aussi.

Ce qu'elle pouvait être idiote parfois! La plupart des femmes parlaient des hommes! Pourtant, ce sujet la mettait toujours mal à l'aise. Heureusement, pour le moment, on ne lui demandait rien et elle espérait presque que cela continue ainsi.

Cela aurait pu être le cas, mais soudainement, son professeur principal perdit la parole et elle vit ses joues prendre une adorable teinte rosée. Hein? C'était possible de voir Mademoiselle O'Cuinn avec une telle expression? Jillah allait de surprise en surprise dis donc! Se pourrait-il qu'elle soit...amoureuse? Après tout, pourquoi pas, même si c'était dur à imaginer.

La jeune Terra se retenait de se tourner la tête pour ne pas l'indisposer. Cependant, elle ne pouvait ignorer la présence d'une tierce personne à quelques pas d'elle. La voix de Bryne s'éleva soudainement, et l'identité de l'inconnu lui fut révéler. Il s'agissait bien entendu d'un homme, mais pas n'importe lequel! Il fallait être un ermite pour ne pas avoir entendu parler du capitaine Mac Lochlainn, d'autant plus que son père avait aussi exercé en tant que capitaine avant de devenir le premier conseiller du gouverneur de Keven quelques années plus tôt.

Jillah risqua un regard, levant légèrement la tête pour l'apercevoir, incapable de dire quoi que ce soit, ce qui aurait sans doute été inconvenant puisqu'il ne la connaissait pas. Elle préférait laisser son professeur profiter de ces retrouvailles qui semblaient être importantes pour elle.

Se penchant légèrement, elle prit tout de même la liberté d'observer le dragon du nouveau venu. Et elle n'était pas déçue...Son dragon était...magnifique...oh pas autant que son Salaun, elle n'était pas objective de toute manière, mais elle devait bien avouer qu'il était...magique.

Avenante malgrés une rigidité qu'elle ne cachait pas, Celeste restait courtoise envers la jeune élève. Elle connaissait le nom de Le Derrien, l'ayant souvent entendu à Keven. Mais il était dur de rapprocher Aodren Le Derrien à cette demoiselle, ils ne se ressemblaient pas du tout. Elle ne pressa aucune question cependant, d'où elle venait n'avait que peu d'importance au final. Elle était une élève Terra et serait une de ses recrues. Juste à cause de cela Celeste ne pouvait se permettre de se montrer trop familière. Elle avait tellement l'habitude des jeunes dragonniers qui quittaient les Lianes Terrestres une fois leur année terminée qu'elle ne se liait jamais vraiment avec eux avant qu'ils ne soient "officiellement" intégrés dans l'armée.

Et même si la jeune Jillah semblait avoir les faveurs de Bryne - ce qui était assez important à noter - Celeste ne dérogeait jamais à sa façon de faire. Néanmoins elle lui offrit sourire et politesse alors que les trois femmes s'asseyaient avec plus ou moins de grâce à la terrasse de l'Orient Rouge, le salon de thé préféré de Celeste. Le dragon de terre s'installa non loin d'eux et la dame aux papillons lui offrit un sourire calme et posé. Elle aurait aimé elle aussi qu'Ambrosia puisse venir ici pour déguster du thé tout en observant les passants.

"Les onguents du Capitaine sont très efficaces, vous verrez," commenta Celeste en saluant les dons d'herboristerie de Bryne, non sans rappeller au passage le rang que cette dernière avait toujours pour les membres des Lianes Terrestre. Jusqu'à preuve du contraire, elle était toujorus leur capitaine et ils étaient fidèles.

Toutes installées, Celeste retira son chapeau pour le poser sur le côté de la table, dévoilant ses cheveux bruns coiffés avec soin. Aussitôt plusieurs papillons vinrent se poser dans ce nid de fortune alors que d'autre déjà flânaient à droite et à gauche. Offrant à Bryne un sourire beaucoup plus ouvert qu'à Jillah elle l'observa s'installer et lui demander avec une voix aussi douce que celle de ses papillons comment se portait l'homme qui partageait sa vie. Celeste ne retint pas un léger rire poli en voyant les joues de ses deux compagnes se teinter à la mention des hommes.

"Il va bien, merci," fit Celeste, sa voix soudain plus enjouée. "Il doit bientôt arriver à Laragon lui aussi et j'espère que nous pourrons passer un peu de temps ensemble," fit-elle, ses yeux s'illuminant soudain à l'idée.

En observant la femme il était impossible de ne pas voir qu'elle était heureuse à la mention d'Ivar. Ils étaient un couple un peu athypique et elle-même ne se serait jamais vu avec quelqu'un comme lui... mais il avait fini par la toucher. Et elle devait bien l'avouer, elle tenait à lui. Juste la mention de son nom avait le don de réveiller les papillons qui someillaient au fond de son être. Elle avait finie par l'aimer, et elle était fière de partager sa vie.

Elle commanda un thé fruité d'Aéria, se sentait d'humeur légère. Elle était en permission, en compagnie de son amie Bryne ainsi que d'une agréable jeune fille. La candeur qui émanait des deux jeunes femmes amusait Celeste qui, contrairement à Bryne et Jillah, était beaucoup plus au fait et ouverte sur ces choses là. Observant les passants, son attention soudain fut reportée sur la capitaine.

Sans crier gare, les phéromones de Bryne s'emballèrent, dévoilant à Celeste un visage de son amie qu'elle n'avait jamais vu auparavant. Car il était idiot de penser que seuls les animaux sécrétaient des phéromones. Les humains avaient leur propres signaux invisible même s'ils n'en avait que très peu conscience. Mais pour la lieutenant le doute n'était pas permis. Bryne dégageait soudain des phéromones d'attirance, elle voulait plaire, elle voulait être remarquée. Et ce regard troublé....

Celeste tourna la tête en direction du champ de vision de Bryne, cherchant à trouver qui pouvait bien affoler à ce point quelqu'un d'aussi rigide que la professeure. Elle savait depuis quelques minutes que quelqu'un avait réussi à toucher le coeur emprisonné de la guerrière mais cela restait une information toute récente et qui interressait beaucoup Celeste. Son regard tomba sur la seule personne que les deux femmes connaissaient et la petite brune sourit avec amusement. Fergus Mc Lochlainn ? Vraiment ? Se tournant à nouveau vers Bryne, elle la vit dévisager le capitaine avec une indécence propre aux premiers émois. Mais c'était plus que pardonnable, c'était tellement adorable pour la dame aux papillons. Elle était heureuse pour son amie qui ne reprit conscience de ses actes que lorsque le serveur revint.

"Merci," fit Celeste avec élégance, sentant bien qu'elle avait perdue Bryne pour le moment.

Souriant avec douceur elle offrit un léger clin d'oeil à Jillah pour la mettre à l'aise. Cette pauvre enfant se retrouvait au milieu d'officier de l'armée, elle devait être perdue. Se tournant vers Fergus qui approchait de leur table, Celeste se leva avec grâce et senti quelques papillons s'envoler avant de revenir sur elle.

"Capitaine," fit-elle avec sérieux. "Quel plaisir de vous voir ici, joignez vous donc à nous," offrit-elle à son tour en montrant une chaise libre à leur table. "SI je m'étais attendue à vous rencontrer. Comment allez vous ?" demanda-t-elle en se rasseyant.

Elle connaissait Fergus, elle ne pouvait pas ne pas le connaître. Il était celui pour qui Ivar avait abandonné son poste. Il était celui que son compagnon admirait. Et elle comprenait pourquoi, tout comme elle comprenait l'attirance de Bryne pour lui. Il était d'ailleurs très étonnant de découvrir cette nouvelle facette de son amie alors que celle-ci semblait ne plus savoir où se mettre. Alors, pour l'aider, Celeste déploya quelques phéromones appaisant. Les papillons voletèrent autour de la table quelques instants avant de reposer sagement sur Celeste, ne bougeant plus comme s'ils n'étaient au final que quelques décorations dans ses cheveux.

Découvrir Fergus Mac Lochlainn, ici, à Laragon, juste devant leur table était un étrange coup du destin. Le coeur battant, elle en oubliait les usages, prise d'un vertige propre à son premier amour. Jamais elle n'avait succombé aux charmes de quiconque. Elle vivait sa vie dans la pureté et l'honneur. Jamais elle n'était tombée amoureuse. Jamais elle n'avait songé si intensément à un mariage d'amour là où un mariage arrangé se tramait. Epouser Fergus, homme d'honneur et de droiture serait un rêve pour elle. Un bien doux rêve. De ceux qu'elle ne pensait pas possible. Car elle était par trop novice et elle, habituellement si fière et si orgueilleuse, se trouvait bien piètre parti face à lui, parangon de vertu, capable de se jeter sous le feu d'un dragon pour protéger sa lieutenant.

Amoureuse, elle l'était bel et bien, avec toute la sincérité de son cœur de tourterelle. A cet instant , magique, il n'existait plus que lui. Elle éclipsa même son dragon, sans vraiment le vouloir. Il était là, dans toute sa prestance et les phéromones apaisantes l'aidèrent cependant à ne pas fuir cette situation nouvelle et inconfortable, elle qui ne fuyait jamais devant rien.
Elle se sentit rassénée et jeta un coup d'oeil a son ancienne lieutenant, sachant très bien que c'était de son fait. Elle la remercierait plus tard et se contenta d'un signe de tête complice. Reprenant un peu pied devant les frasques du dragon lupin, elle s'autorisa un sourire plus timide qu'à l'accoutumée.

"Pardon, où sont donc mes manières ! C'est un plaisir et un honneur, Maelice, et vous-même, Capitaine." L'entendre manquer de l'appeler Capitaine avait fait battre son cœur en un écho plaintif. Personne ne savait vraiment pourquoi Bryne, avec la paix revenue - mais toujours fort à faire dans l'armée - était partie pour l'académie et devenir enseignante. La raison était plus triste qu'heureuse mais elle ne l'avait encore confiée à quiconque.
Jillah, Céleste, Fergus, Maelice et elle-même se retrouvèrent donc attablés et lorsque les fleurs lui furent tendues, elle se sentit rosir comme une jouvencelle. "Merci Capitaine, c'est très aimable à vous. Maelice, prenez donc un scone, ils sont délicieux." Dit-elle en voyant le dragon lorgner sur les pâtisseries, admirant sa beauté et son maintient. Il était si élégant, ce dragon, tellement éloigné de bien des siens. Il semblait si bien élevé... Un homme avec un dragon aussi fantastique ne pouvait pas être un homme de mauvaise vie, pensait-elle, naïvement aveuglée par la tendresse que lui inspirait l'homme pourtant défiguré mais si beau à ses yeux.

"Miss LeDerrien est mon élève, effectivement. Quelle chance vous avez, mademoiselle, de rencontrer aujourd'hui tous ces officiers, vous qui êtes si intéressée pour faire carrière !" Elle lui sourit, encourageante, l'incitant à profiter de cette chance qu'auraient peu d'élèves que de côtoyer leurs aînés gradés pour un moment aussi badin.
La présence de Fergus la rendait toute chose et elle avait l'impression étrange d'être démunie. Elle avait envie de lui parler, de rester un peu avec lui. Peut-être le pourrait-elle. Elle renifla doucement la senteur délicate de l'une des roses du petit bouquet si galamment partagé, les joues rosies de plaisir. Il leur avait offert des fleurs... Elle s'en sentit transportée d'une émotion indigne d'elle. Situé face à elle, elle devait se retenir de ne pas le fixer trop longuement, entreprenant de boire son thé avec eux tous, à petites gorgées. C'était agréable. Moins que guerroyer. Mais agréable.
Elle se sentait sourire, un peu malgré elle. La surprise préparée par les professeurs et les Capitaines occupait son esprit, et elle pria avec sincérité avoir l'occasion de côtoyer Fergus. Peut-être partageraient-ils une danse ? Elle s'en sentit fébrile. Il ne fallait pas rêver, il avait certainement déjà quelqu'un dans sa vie...
"Céleste m'a dit que le Capitaine Björnhulf venait aussi à Laragon. Est-ce pour ce que vous préparez ? Il y a tant de préparatifs... Les professeurs vous aiderons au mieux, assurément. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, je suis à l'académie."
Elle espérait le voir, sans oser le formuler. Elle aurait tout donné à cet instant, pour quelques secondes d'intimité, avec lui. Mais elle avait passé l'âge de rêver.

Jillah sourit à Céleste et acquiesça d'un simple signe de la tête avant d'écouter la conversation en se sentant un peu comme une intruse. En plus le sujet de leur discussion tournait autour de leur cœur, ce qui était assez surprenant de la part de deux femmes gradées de l'armée d'élite. En même temps, la jeune femme se disait que justement, elles restaient des femmes, mais elle avait presque l'impression d'entrer dans leur intimité alors qu'elle en connaissait une depuis le début de l'année, et l'autre depuis quelques minutes à peine. Ce n'était pas un peu rapide?

Salaun, lui, écoutait d'une oreille distraite, observant les alentours, sur le qui-vive, même si son attitude calme et sereine démentait son état d'esprit véritable. Un mouvement sur sa droite attira soudainement son attention, mais ce n'était que Bryne qui venait de se redresser.

Ce genre de comportement surprit la jeune étudiante Terra qui n'avait jamais vu son jeune professeur agir ainsi. Le rose de ses joues, son expression, le langage de son corps, tout chez elle transpirait d'une impatience propre à toute adolescente amoureuse. Amoureuse, le professeur O'cuinn? Après tout, pourquoi pas.

Pour ne pas paraître impolie, elle attendit que l'objet de son attention arrive près d'elles trois, jetant juste un coup d’œil au dragon élégant qui l'accompagnait. Comme toujours, la jeune femme sourit, elle adorait les dragons, n'importe lesquels, pourvu qu'ils soient de compagnie agréable.

Elle tourna finalement la tête vers l'homme qui s'adressait à elle, remarquant son visage affreusement brûlé, mais pourtant, cela ne la dégoûta pas. Il dégageait tant de prestance que cela effaçait presque cette vilaine cicatrice. A l'entente de son prénom, elle se redressa un peu trop précipitamment et failli renverser sa tasse qu'elle rattrapa de justesse avant de s'incliner, comme on le lui avait appris, le rouge aux joues et le cœur battant, devant le militaire:

-Oui je...c'est mon père effectivement. Enchantée capitaine.

Elle se redressa en souriant, elle avait, bien sûr, entendu parler de lui par son père qui se tenait toujours au courant de ce qui se passait pour les armées du territoires.

Evidemment, le comportement de Maelice, qu'elle prit d'ailleurs pour une dragonne au début, l'amusa, son petit manège ressemblait presque à celui d'un chien:

-Enchantée également Maelice. C'est...un honneur de rencontrer une drag...un dragon, aussi élégant que vous.

Puis elle se tourna vers son professeur en souriant, de même qu'à Céleste qui faisait son possible pour la mettre à l'aise. Elle se rassit ensuite en lissant sa robe et regarda le bouquet tendu par Fergus en écarquillant les yeux, c'était bien la première fois qu'un homme avait ce genre d'attention pour elle. Elle rougit une nouvelle fois, de plaisir évidemment, et sourit au charmant capitaine:

-Merci beaucoup, elles sont très belles.

Salaun, de son côté, avait un peu l'impression d'avoir été oublié, il fallait dire que le numéro de Maelice devait absorber l'attention de tout le monde. Il toussota légèrement pour rappeler sa dragonnière à l'ordre, tandis qu'elle souriait au dragon de Fergus. Elle failli en lâcher son scone qu'elle réussit, heureusement, à récupérer. Fusillant l'impudent du regard, la jeune étudiante Terra le désigna, paume tournée vers le ciel:

-Oh et je ne vous ai pas présenté Salaun, mon fidèle compagnon.

L'intéressé inclina donc la tête avec élégance, avant de poser son regard orangé sur les deux nouveaux venus. Puis il reprit son rôle de gardien, surveillant les environs sans en avoir l'air, aussi immobile qu'une statue, hormis ses yeux qui ne rataient rien de ce qui se passait dans la rue et autour des quatre humains.

Jillah lui offrit un dernier sourire avant de se retourner pour observer les trois personnes...quatre si on comptait Maelice, assises près d'elle. Elle sentait son professeur un peu plus détendu, ce qui n'était pas plus mal, même si elle dévorait presque le nouveau venu du regard. A l'époque où elle ne s'intéressait pas encore aux garçons, contrairement à la plupart des jeunes filles de son âge, elle avait beaucoup observé leur comportement. L'âge n'y changeait apparemment rien.

Son cœur se mit à battre un peu plus fort quand elle repensa à Nahel, loin d'elle, chez les wyrms, traître au territoire mais fidèle à son cœur. Il n'était décidément pas comme les autres hommes...elle se souvenait encore de ce qu'elle avait ressenti, quand Aldo était revenu à l'académie après plusieurs années d'absence...la jeune femme se mordit l'intérieur de la joue, ce n'était pas le moment de penser à lui. Posant le bouquet à ses côtés, elle offrit un scone à Maelice qui semblait être bien tenté par cette chose sucrée, contrairement à Salaun qui s'en fichait, apparemment.

C'est surtout quand elle entendit qu'il se préparait quelque chose que son regard se fit brillant et empli de curiosité. Elle se tourna donc vers le capitaine Mac Lochlainn:

-le capitaine Björnhulf est ici lui aussi?

La jeune femme se traita intérieurement d'idiote. Là, elle s'était montrée bien trop empressée, elle rougit légèrement, gênée de son attitude:

-Veuillez m'excuser...mais mon père me parle souvent de ce qui se passe dans l'armée d'élite. Cela fait quelques années que j'entends parler de vous et du capitaine Björnhulf...je ne pensais pas vous rencontrer en personne si rapidement...

Que pouvaient-ils donc bien préparer alors? Il y avait déjà deux capitaines et un lieutenant à cette table, qu'est-ce qui l'attendait encore en cette merveilleuse journée?

C'était là bien la première fois que Celeste se retrouvait à prendre le thé avec Fergus Mac Lochlainn. Et malgrés son air un peu effrayant dû à la large cicactrice qui recouvrait la moitié de son visage, il n'en restait pas moins un homme charmant. En soit, l'officier comprenait ce qui pouvait attirer Bryne vers cet homme. Il avait l'élégance mais aussi la discipline. Sans doute Celeste aurait-elle pu éprouver autre chose que de la sympathie pour cet homme si elle n'avait pas été courtisée par Ivar. Mais pour elle, pas question de changer d'avis. Elle se sentait bien avec son amant, elle avait l'impression de pouvoir être elle-même et de lâcher prise. Et même s'il l'ennervait par moment, elle avait beaucoup de tendresse et d'amour pour son compagnon.

"Mon cher Maelice," fit Celeste avec un petit mouvement de tête poli et mesuré. "C'est un honneur et un plaisir que de vous rencontrer," salua-t-elle d'une voix douce et posée, ses mains posées élégament sur ses genoux.

C'était un fait, Maelice était un dragon magnifique. Il était très différent d'Ambrosia qui était beaucoup plus grande et imposante, mais aussi plus simple. Souriant poliment, la jeune femme écouta les présentations de chacun, demandant à ses papillons de ses poser ou de s'éloigner. Elle-même pouvait les trouver encombrant quelques fois et elle sentait bien que leur présence n'était pas au goût du dragon de feu.

Elle fut cependant surprise de recevoir elle aussi quelques fleurs. Observant le petit bouquet de fortune entre ses doigts, elle se surpris à se sentir flattée d'une telle attention. Elle en lacha un tout petit rire discret.

"Si je m'attendais," fit-elle. "Merci Capitaine, ce présent me touche,"

Peut-être serait-il convenable d'inviter Fergus à dîner, un soir où elle pourrait être avec Ivar. Elle les savaient très bons amis et elle se sentait un peu curieuse de les voir ensemble, ils n'avaient rien en commun si ce n'étaient leur grade.

"Carrière ?" répéta soudain Celeste en redressant un oeil sérieux vers Jillah. "Il est rare de nos jours que les apprentis dragonniers souhaitent faire carrière," commenta-t-elle, la voix soudainement dénuée de légereté. "Si tel est le cas, vous recevrez bon acceuil aux Lianes Terrestre mademoiselle,"

Celeste n'était pas spécialement douce contrairement à ce que certains pouvaient penser. Elle était rigide et ferme la plupart du temps mais cachait sa dureté sous une épaisse couche de politesse et d'élégance. Elle n'était pas non plus froide envers l'élève mais gardait une certaine distance. Elle était ainsi, par trop souvent avait-elle vu des recrues changer d'avis ou justement ne jamais en changer.

Saisissant sa tasse de thé entre ses doigts fins, elle la porta à ses lèvres pour goûter le liquide sucré. Ivar serait bientôt sur l'île, elle espérait tellement pouvoir passer un peu de temps avec lui. A cette pensée, elle eut un léger sourire amoureux. Penser à son amant la rendait heureuse. Cette journée et ces vacances se passaient dans le calme et la quiétude, c'était reposant. Bientôt ils auraient un nouveau capitain au sein de son escadron et Celeste ne pouvait s'empêcher d'avoir une pointe de regret concernant Bryne. Elle était un bon capitaine.

Ce fut Jillah qui la sorti de ses pensées, et le nom de son amant. Redressant la tête elle ne masqua pas un petit sourire amusé mais garda une tête de circonstance. Elle était fière de sortir avec Ivar et son absence lui pesait parfois, elle ne voulait pas montrer à quel point l'évocation de son nom pouvait la faire réagir. Elle resta donc droite et sereine.

"Chaque capitaine est très différent l'un de l'autre," fit Celeste posément. "Mais tous on un grand sens du devoir," rajouta-t-elle. "Votre père est aussi quelqu'un qui demande le respect. Soyez aussi droite que lui et vous avancerez," Celeste aimait à donner des conseils. Elle aussi avait de l'ambition, mais préférait pour l'instant rester où elle était. Elle ne savait pas dans quelle direction elle se rendait avec Ivar et attendait un peu avant d'accepter une nouvelle promotion.

♫ Thème

Comme il était paisible, ce drôle de moment. La paix avait un goût étrange. Doux-amer. Et, mordant à petites bouchées dans son scone, elle osa un regard à la dérobée vers l'homme de ses rêves. Celui qu'elle, la froide machine implacable, avait pour la première fois désiré. Elle convoitait tant Fergus, même si elle le connaissait peu. Elle voulait croire qu'il était un homme pour elle, sans encore oser dire à personne les vérités et les raisons cachées. Toutes ses choses qu'elle gardaient pour elle, tout au fond de son cœur.

Un peu troublée, ce qui n'était pas dans ses habitudes, elle mettait à profit les moments où l'on ne faisait pas attention à elle pour recomposer son attitude impeccable. Jillah semblait ravie et elle pouvait la comprendre : au même âge elle aurait exulté du plaisir de se retrouver ainsi entourée par des officiers en permission. C'était pour cette raison qu'elle l'avait inclue tacitement à leur petite sortie : elle gageait que Céleste comprenait cela. Elles étaient amies depuis trop longtemps pour qu'elles ne se comprennent sans avoir besoin de mots.
Et puis Jillah était fille d'une très bonne famille, à leur capitale, ce qui aidait grandement Bryne a faire montre d'un certain favoritisme à son endroit. Elle irait loin, si elle ne succombait pas aux tentations faciles des femmes de mauvaise vie. Mais Jillah était bien élevée, malgré sa maladresse, qui n'était pas une tare en soi. Aussi la jeune professeur était-elle confiante.
Elle laissait les autres parler, tenant délicatement sa tasse de thé, les joues rosies de la joie simple d'être en compagnie de Fergus, de Jillah et de sa meilleure amie, sous ce soleil apaisant. C'était là un étrange climat pour une femme comme elle mais... C'était maintenant sa vie, monotone et languide.

Elle observait d'un œil un peu surpris les frasques de Maelice : ce dragon n'était pas banal ! Elle qui imaginait - et idéalisait - Fergus comme un parangon de droiture, d'honneur et d'austérité était surprise de lui découvrir un dragon si... décalé. Et les propos teintés de douceur du Capitaine lui serraient la poitrine : il semblait si gentil avec elles toutes. Elle l'avait imaginé un peu comme elle, objet de fantasmes inatteignables, trop droit et sévère pour seulement s'abaisser à la taquinerie. Et pourtant... Il alternait sérieux et douce pique bon enfant, notamment vis-à-vis de Céleste et de sa relation avec Ivar. Ivar... Cet homme, elle ne le cernait pas trop, mais il semblait sérieux et sincèrement aimant vis à vis de sa meilleure amie. Céleste était heureuse et c'était la seule chose importante. Elles n'étaient pas tenues aux même choses concernant leurs amours.

Alors que Fergus expliquait à la ronde la raison de leur présence à tous ici, Bryne pâlit soudain et, alors qu'il terminait, s’exclama sans pouvoir se retenir : "Capitaine ! C'était un secret ! Ne le dévoilez pas sinon toute l'école sera au courant d'ici demain et qui sait qui pourrait s'inviter si tous en entendait parler !" Elle semblait sincèrement remuée, Bryne, qu'il défie ainsi - à ses yeux - un ordre direct du général de ne pas encore ébruiter leur projet. Puis, rougissant, troublée par son regard, elle baissa les yeux sur la nappe et prit une gorgée de thé, visiblement remuée. Elle n'avait pu s'empêcher de retenir sa langue. Désobéir avec autant de légèreté, qu'avait-il dans la tête ! Bryne prenait définitivement trop les choses au sérieux et à cœur.

Quant la suite vint, la jeune femme ne put empêcher sa main d'avoir un léger loupé, en même temps que son coeur retenait un battement et elle s'empourpra violemment. Elle savait bien ce que l'on disait d'elle dans son dos, elle n'était pas stupide - et cela lui était parfaitement égal - mais l'entendre de la bouche même de l'homme pour qui elle nourrissait de tendre sentiments la perturba tant qu'elle manqua de renverser un peu de thé sur sa robe et reposa brusquement la tasse. Une sorte d'étrange colère couvait en son sein, qu'elle cacha sous un regard plus dur qu'elle ne l'aurait désiré :

"Si faire passer le devoir et l'honneur avant les amusements futiles et le confort est faire preuve de réserve et d'un tempérament taciturne, alors oui, assurément, je le suis." Sa voix claqua, plus qu'elle ne l'aurait voulu, et elle reprit, d'un ton plus amer, cette fois : "Ceci dit, je suis professeur à présent, et présentement en visite avec ma chère amie et mon étudiante : je ne vois là aucune raison de me montrer austère. La guerre et la vie civile sont deux choses bien distinctes et une femme de mon rang ne saurait cependant batifoler comme la première écervelée venue." Elle se tut, sa voix trahissait trop sa rancœur. Tous, il s'amusaient, s'aimaient, vivaient... Tous avec tant d'insouciance ! Elle n'avait jamais eu ce luxe. Jamais elle n'avait pu aimer, se laisser porter par le cours du destin. Elle fouaillait dans les ronces pour tracer sa propre voie et répondre aux aspirations de sa famille. Elle n'avait jamais été insouciante. Jamais réellement plus heureuse que sur le champ de bataille, simplement préoccupée par la vie et la mort. Mais cela, cet homme ne pouvait pas le savoir, elle en avait conscience : elle n'était pour lui qu'un nom sur un registre, qu'un nom pour les batailles à mener. Mais elle, elle était tombée amoureuse d'un nom, d'une réputation mais aussi d'un homme qu'elle avait vu, de loin en loin, et dont les exploits avait bercé son cœur de douces illusions. Que l'Unique lui pardonne : elle aurait voulu le choisir lui devant tous et devant son dieu.

Consciente d'avoir jeté un froid, elle se reprit, évitant un instant le regard de Fergus, qui la blessait et qu'elle convoitait pourtant confusément. Prenant un nouveau scone, elle avait pourtant le coeur bien lourd. malgré tout, elle se forçait à sourire, à reprendre comme si de rien n'était.
"Mais ne faites pas attention à moi, je n'ai rien de bien passionnant. Racontez-nous plutôt ce qui se passe un peu sur les Territoires. Sans information confidentielles cette fois, Capitaine." C'était à la fois une taquinerie et un sujet sérieux. Cependant, elle souriait. C'était tout ce qu'elle savait faire. Etre une jolie poupée docile, parfaite en toutes circonstances. Et jamais elle ne pourrait l'épouser, lui qu'elle aimait si tendrement...

Cette journée était véritablement pleine de surprises! Elle tombait d'abord sur son professeur principal et une de ses amies qui était tout de même lieutenant des Lianes Célestes, puis sur le capitaine Mac Lochlainn et son drôle de dragon. Car oui, Maelice l'amusait véritablement, son comportement théâtral la faisait rire et cela lui faisait du bien!

Elle lui offrit un scone tandis que Salaun se rappelait à son bon souvenir. Il fallait dire qu'il était tellement discret contrairement au dragon du capitaine! Elle le présenta et se mordit la lèvre lorsque Maelice l'asticota à sa manière, ce qui lui valut un regard légèrement blasé de la part de son propre dragon:

-Bien entendu, mademoiselle.

Qui avait dit que Salaun n'avait pas son caractère? Jillah se mordit la lèvre avant de rougir devant les fleurs que lui tendait Fergus. Ce n'était pas si souvent qu'un homme lui offrait des fleurs, à elle qui les traitait avec dédain la plupart du temps. Elle commençait cependant à les voir autrement en grandissant et comprenait ce que le professeur O'cuinn lui trouvait, il était charmant et charmeur.

Celle-ci l'avait d'ailleurs présentée et n'avait pas hésité à déclarer que sa jeune élève désirait faire carrière dans l'armée. Un peu gênée car elle ne se sentait pas encore vraiment prête à aborder de sujet aussi sérieux, elle sursauta presque lorsque Céleste s'adressa à elle et elle se raidit légèrement en remarquant un léger changement dans son comportement. Le lieutenant caché derrière ses bonnes manières sembla refaire surface à cet instant:

-Je vous remercie...il me tarde de vous rejoindre. En vérité, mon père a fait partie de l'armée territoriale avant d'être conseiller du gouverneur de Keven alors...il m'a raconté. Et puis, cela fait déjà quelques années que j'y songe...

Sa décision était prise. Jillah n'était pas du genre à changer d'avis une fois qu'elle faisait des choix aussi importants.

Mais son choix avait aussi été motivé par sa volonté de protéger ceux qu'elle aimait, et Nahel en faisait partie, lui qui avait rejoint les wyrms et elle s'inquiétait pour lui en permanence. Surtout que cela faisait maintenant près d'un an qu'elle n'avait plus de nouvelles. Si elle faisait toujours bonne figure, c'était pour mieux cacher la tristesse et la peur profonde qui l'habitait depuis la guerre qui avait déchirée le territoire.

La jeune femme but une gorgée de son thé et le reposa un peu trop brusquement en apprenant que le capitaine Björnulf était là lui aussi. Deux capitaines, qui préparaient quelque chose...mais quoi? Elle ne pouvait s'empêcher d'être curieuse à ce sujet, mais le dragon du capitaine détourna son attention en évoquant l'amoureux du lieutenant Avedissian. Ecarquillant légèrement les yeux, elle se tourna vers elle avant de baisser les yeux. Après tout, cela ne la concernait pas. Mais elle était bien surprise d'apprendre qu'elle sortait avec le capitaine Björnulf!

Elle se tut cependant et sirota délicatement son thé avant de croquer dans un scone sur lequel elle avait étalé un peu de confiture.

Et si elle désirait toujours savoir ce que les capitaines et lieutenants préparaient avec la complicité de l'académie sans oser demander, Fergus y répondit tranquillement. Une parade puis une réception! La jeune kevii ne put s'empêcher de sourire et ses yeux pétillèrent de plaisir:

-J'ai hâte d'y être! Oh et je vous promets de ne rien dire, pour ne pas gâcher la surprise, bien entendu.

Ca pour lui changer les idées, ça lui changerait les idées! Mais elle se recomposa rapidement une attitude polie, se rendant bien compte qu'elle se conduisait encore un peu comme une enfant excitée d'aller au parc d'attraction.

Salaun, lui, nul doute que cet événement ferait du bien à sa dragonnière. Il regardait cependant Maelice, à la fois agacé et amusé par son comportement excessif.

Quant à Jillah, elle se mordait souvent la lèvre inférieure pour ne pas trop rire ou se cachait derrière sa main, mais elle offrait aussi des scones à ce dragon qui se conduisait comme une véritable diva. Totalement à l'opposé de son dragonnier.

Celui-ci s'adressa ensuite à son professeur principal et ne put s'empêcher de constater à voix haute qu'elle était bien différente de ce que l'on racontait sur elle. Elle-même l'avait pensé mais elle n'aurait jamais osé l'exprimer à voix haute car elle ne voulait pas la vexer, même si cela ressemblait plus à un compliment maladroitement tourné qu'à autre chose.

Seulement, son professeur ne semblait pas le prendre de cette manière et elle répondit avec une véhémence qu'elle ne lui connaissait pas, avant de se calmer petit à petit pour en revenir au sujet qui les concernait tous les trois. A savoir, avoir des nouvelles du territoire.

Jillah aussi voudrait bien savoir et une autre question lui brûlait les lèvres, qu'elle n'osait cependant poser à voix haute. Elle sentait le regard orangé de son dragon dans son dos et elle savait qu'il était contre l'idée, mais il fallait qu'elle sache, elle se décida finalement et se jeta à l'eau:

-Et les wyrms...se tiennent-ils tranquilles pour le moment?

Sous ses dehors plutôt calmes, une tempête d'émotions s'agitait en elle. Elle était morte d'inquiétude pour Nahel, mais elle avait également peur pour d'autres de ses camarades déserteurs. Elle connaissait aussi certains noms de par son père même si celui-ci répugnait toujours à les lui donner. Elle savait comment le faire craquer, et puis, elle les gardait pour elle. Sans oublier qu'il y en avait qui étaient officiellement recherchés et leurs portraits étaient parfois placardés un peu partout.

A vrai dire, elle détestait ça. Son teint était devenu blafard, mais ils pourraient sans doute tous mettre ça sur le compte de sa propre agression dont elle gardait des traces, notamment la grande cicatrice qui barrait son œil droit. Mais elle ne pensait pas à elle, même pas à sa grande sœur agressée également, mais bien à ses anciens camarades et aux frères et sœurs de ses camarades actuels ainsi qu'aux disparus...et notamment Nahel. Pourvu qu'il soit encore en vie, en sécurité, quelque part où l'armée d'élite ne pourrait pas le retrouver. Personne à l'Académie n'était au courant de leur relation, car lorsqu'il était encore avec elle, ils se cherchaient, sans pour autant se conduire comme un couple, car la jeune fille découvrait alors ce que pouvait être l'amour, sans le savoir. Cela faisait peu de temps qu'elle en avait pris conscience et elle ne pouvait même pas lui dire...

Reprenant soudainement conscience de l'endroit où elle se trouvait, elle se redressa et se mit à sourire:

-Je suis désolée, je sais que le professeur vient de vous demander de ne pas dévoiler d'information confidentielle...je ne vous demande pas de détails bien entendu...mais je...j'aimerais que cette paix dure au moins encore un peu...

Une journée paisible à Larragon, en compagnie de gens paisible. Tout du moins c'était ce à quoi ils ressemblaient en cet instant, attablés à cette terrasse, sirottant chacun une tasse de thé et dégustant quelques scones savoureux. Pourtant chacun avec une tempête qui bouillonnait au fond de leur âme, chacune de nature différente mais bien présente. Ils souriaient pourtant en ce jour de paix, comme si rien ne pouvait arriver. S'amusant des réactions des dragons, discutant de tout et de rien. Celeste était contente, cette journée se passait bien et elle se sentait réellement en vacances. Cela dit son regard était ferme quand Jillah parlait de son futur, elle respectait les choix de la jeune fille mais tant qu'une année à ses côtés ne se serait pas écoulée et qu'elle n'aurait pas officiellement intégré leur escadron pour de bon, elle ne se détendrait pas totalement. Tant de choses pouvaient se produire en un an après tout.

"Vous serez la bienvenue parmis nous mademoiselle Le Derrien," conclut le lieutenant en étalant un peu de confiture sur un scone, les papillons se reposant à présent dans ses cheveux et sur son bêret. Elle ne rougit pas quand Fergus la taquina, elle se tourna vers lui et sourit calmement. Ses yeux ne cachaient cependant pas la lueur qui s'allumait quand il était question de son amant. Oui, elle tenait à lui. "Cela se voit-il tant que ça ?" demanda-t-elle sur un ton badin, un léger rire sortant de sa gorge. "Je plaide coupable cela étant dit," rajouta-t-elle en portant la viennoiserie à ses lèvres.

Il n'y avait rien de sérieux dans cette conversation et c'était tant mieux. Les vacances étaient là pour faire oublier quelques jours les affres de la guerre après tout. Celeste souriait en secouant la tête alors que le capitaine des comètes de feu décidait de lâcher le morceau. Elle aurait crut qu'il aurait pu tenir sa langue un peu plus longtemps, mais sans doute n'avait-il pas pensé à mal. Il devait être excité à l'idée de revoir son vieil ami et d'autres. Tout le monde serait réunis bientôt, cela faisait longtemps.

"Il faudra que nous dinions un soir tous les trois avec Ivar," lança-t-elle, se demandant comment Ivar se comporterais à côté de son ami. Elle les savait proches, mais elle était curieuse de voir à quel point. Elle avait envie de voir une autre facette de sa personnalité.

Bryne n'était pas aussi légère qu'elle cela dit. Après tout Fergus avait lâché le morceau et elle semblait bien embêtée que le secret soit dévoilé aussi rapidement. En ce moment elle ressemblait à une adolescente alors qu'elle cherchait inconsciemment à attirer l'attention du capitaine sur elle. Celeste sourit un peu plus, retenant un rire. Elle aimait quand Bryne se montrait plus ouverte, elle la trouvait tellement plus jolie. Mais elle savait aussi le poid de ses responsabilité et de son sang. Cela ne l'étonnait cependant pas de la voir parler et réagir de la sorte, elle l'avait acceuillie au sein des lianes terrestres, elle avait été son mentor pendant longtemps... elle la considérait comme une amie et avait beaucoup de respect pour elle. Et même si Jillah était prête à garder le secret, elle savait que Bryne n'était pas à l'aise. Après tout c'était un ordre direct du général que Fergus venait de piétiner. Celeste n'était pas aussi véhémente, bien qu'habituellement elle se serait redressée pour faire la leçon au capitaine. Elle savait que ce n'était pas un secret d'Etat et que tout ceci n'était au pour apporter un peu de liesse. Ce n'était donc pas la fin du monde qu'une personne soit au courant.

"Je compte sur vous pour garder le secret mademoiselle," fit cependant Celeste en portant son thé à ses lèvres. "Ce sera là votre tout premier ordre de ma part," rajouta-t-elle avec autant de sérieux que de légèreté.

Mais alors que tout semblait n'être que paix et badinerie. Fergus eut un mot de trop. Celeste le sut immédiatement, son regard s'assombrissant légèrement alors qu'elle tournait déjà le regard vers son capitaine. Bryne était une femme sensible, beaucoup plus qu'on ne le croyait. Et elle l'était d'autant plus alors que c'était Fergus qui était en face d'elle. Il était clair qu'elle avait de l'affection pour le capitaine des comètes de feu. Elle serait blessée. Et elle le fut. Et elle réagit comme elle l'avait toujours fait.

Sa langue claqua, son dos se redressa et sa tête également. Celeste n'était pas surprise par la réaction de son amie. Cependant elle n'ajouta pas d'huile sur le feu en se mélant de cette conversation. A la place elle posa une main sur celle de Bryne et la carressa subtilement. Ce n'était pas grave, il ne la connaissait pas encore. Elle lui sourit tendrement alors que l'ancienne capitaine se rasseyait, essayant tant bien que mal de faire bonne figure. Et elle y arrivait avec briot. Bryne était quelqu'un qui savait parfaitement sourire.

Celeste aurait voulu dire un mot de plus mais Jillah la devança. Le mot wyrm fut lâché et chacun des officiers réagirent à leur manière. Celeste se raidit légèrement, son regard s'assombrissant avec sérieux. Ce n'était pas un sujet dont elle aurait aimé débattre pendant ses congés, mais elle ne pouvait décement pas ignorer le sujet non plus. D'autant plus que ce qui émanait de la future recrue intriguait la lieutenant. Elle fronça des sourcils, pouvant sentir les phéromones qui émanait de l'étudiante terra. Elle voulait savoir, c'était certain, elle cherchait à ce qu'on lui réponde. Mais il y avait aussi cette envie d'être discrète. Sans parler de son expression. Elle était inquiète. Son regard dévia sur la cicatrice ornant le visage fin de l'élève, elle savait ce qui lui était arrivé même si elle n'avait rien mentionné plus tôt. Mais qui n'était pas au courant à Orëa de la colère d'Aodren Le Derrien quand il avait appris que sa petite fille avait été attaquée. Cela avait fait le tour de leur capital en moins de quelques heures.

"Vous vous méprenez mademoiselle Le Derrien si vous ne vous inquiétez que des wyrms. Notre rôle n'est pas exclusivement de protéger le territoire de ces rebelles, ce n'est sans doute d'ailleurs qu'une des choses les plus mineures auxquelles nous avons à faire. Mais vous apprendrez cela bien assez tôt," corrigea Celeste d'une voix douce et ferme. Non, les wyrms n'étaient pas leur principal problèmes, même s'ils faisaient beaucoup parler d'eux. "A vrai dire, pour l'instant je peux vous le dire, ils se tiennent tranquille," fit-elle.

Elle ne lâcha pas la jeune femme du regard, cherchant à comprendre ce que voulait savoir Jillah. Quelque chose dans sa façon de parler et des phéromones qu'elle relâchait indiquait à Celeste que ce n'était pas exactement ce qu'elle voulait savoir. Avait-elle des connaissances parmis les wyrms ? Ce ne serait pas une surprise, après tout les wyrms étaient des humains avec de la famille, des amis... ils avaient tournés le dos à leur cercle pour rester auprès de leur dragon, oubliant qu'il y avait des gens qui s'inquiétaient pour eux. Le lieutenant ne pressa cependant pas la jeune fille de questions. Elle n'était pas là pour faire un interrogatoire après tout.

♫ Thème


Elle se sentait si en colère, tant contre elle-même que contre Fergus : pourquoi lui disait-il d'un ton si badin des choses pareilles. A la fois vexée et troublée, elle tentait bien de garder une contenance mais le voir rattraper sa tasse, se retrouvant si soudainement proche d'elle, la regardant d'en dessous lui fit violemment monter le rouge aux joues.
Si près d'elle qu'elle s'en sentie encore plus désarçonnée. Cet homme... Qu'elle désirait tant pour ami était à cet instant plus proche qu'il ne l'avait jamais été. Elle n'était pour lui qu'une étrangère, une inconnue et pourtant, elle l'aimait, d'un sentiment si pur qu'il lui consumait l'âme, la rongeant doucement. Que n'aurait-elle donné pour un instant seuls à seuls, pour un instant privilégié... Mais il la prendrait pour une folle : ils ne se connaissaient pas et pourtant, à force de rêver de lui, c'était comme si elle le connaissait depuis toujours. C'était l'Unique qui lui désignait cet homme si semblable à elle.

"N'en... Parlons plus, ce n'est rien." Dit-elle en se rasseyant, les joues rosies alors qu'il lui rendait sa tasse droite. "Merci."

Trop troublée pour parler, elle laissa à Céleste et Fergus le soin d'entretenir la conversation avec Jillah, se perdant un instant dans des brumes songeuses faites de battements de cœur et de l'étrange sensation qu'avait laissé en elle leur proximité imprévue. Elle aurait bien été en peine de suivre ce qu'il fut dit ensuite, se contentant de rêvasser, finissant son thé à petites gorgées afin de retrouver une attitude plus neutre et calme.
Lorsque la conversation tourna vers les Roroas, Bryne leva un instant le nez de sa tasse alors que le Capitaine s'adressait à elle.
"Nous avons des professeurs de cette ascendance à l'académie. Ce sont assurément des gens dont nous aurions fort à apprendre, en dehors de nos différents guerriers." Dit-elle après un instant de réflexion, posément. Elle était une arme faite pour la guerre mais savait aussi reconnaître la richesse d'une culture, même ennemie.
Soudain, elle s'étouffa. Une danse ? Elle et lui ? Profondément chamboulée, elle détourna la tête en rougissant. Il lui proposait d'être son cavalier ? Son coeur s'emballa et elle dit sobrement : "Oui." D'une voix basse, un peu étranglée. Elle sa cavalière ? De l'homme qu'elle aimait en secret ?
Remuée au plus profond d'elle-même par ces sentiments qu'elle n'avait jamais éprouvé pour personne, elle ne put trouver les mots qui seyaient, ne pouvant que songer que le bal ne viendrait jamais assez vite pour ce précieux moment. "Je veux dire, oui bien sûr. Je vous l'accorde." Dit-elle, se reprenant un peu, remise de sa surprise. Se pourrait-il qu'elle puisse un jour l'aimer et être aimée en retour ? C'était un doux rêve.

Déjà, il prenait congé mais Bryne avait le cœur battant, les jambes encore coupées de la promesse de la danse à venir.
"Je vous en prie. Prenez soin de vous, Capitaine. Je vous verrais pour la parade." Déjà il s'éloignait. Et pourtant, Bryne se sentait heureuse et, quand il se fut éloigné, elle posa les yeux sur sa meilleure amie, revenant doucement sur terre. "Pas de commentaires, Céleste !" Dit-elle, plus par taquinerie qu'autre chose, sachant très bien que la Lieutenant n'était pas dupe. "Je... Je crois que je vais rentrer aussi, tu m'excuseras très chère. Je me sens un peu lasse, pour tout dire. Tu sais où me trouver si tu souhaites passer un peu de temps en ma compagnie." Lasse ou plutôt comme dans du coton. Etrange sensation que celle du bonheur simple de savoir que l'on reverra l'être aimé... "Jillah, veuillez m'excuser aussi. Si vous souhaitez rentrer, je peux vous escorter mais je crains d'être de bien mauvaise compagnie à présent..." Elle eut un petit sourire, plus doux qu'à son habitude. "Ne vous éprenez pas du premier imbécile venu, nous les femmes avons un cœur trop facilement brisé par les idioties des hommes." Se levant avec grâce dans sa robe blanche, elle leur fit une révérence élégante avant de s'éloigner à son tour, et ses talons claquant sur les pavés étaient autant de battements de cœur....


[Clos pour moi les filles ♥ Merci pour ce topic !!)

La discussion était légère et agréable, surtout avec Maelice qui se donnait en spectacle, jusqu'à ce que le capitaine Fergus fasse une boulette qui mit son professeur en colère. Jillah ne l'avait jamais vu ainsi! C'était à la fois étrange mais en même temps, très touchant. Si les autres élèves la voyaient se comporter comme une jeune fille amoureuse, ils n'en croiraient pas leurs yeux. Mais voilà, Bryne O'cuinn était irrémédiablement amoureuse du capitaine Mac Lochlainn, ça se voyait comme les yeux au milieu de la figure!

Ajoutez à cela sa boulette concernant la surprise qu'ils préparaient avec les autres capitaines présents sur l'île de Larragon, dont le capitaine Björnulf qui était apparemment proche de Céleste Avedissian. Fergus la taquina gentiment à ce propos ce qui fit sourire la jeune fille.

Pour tenter d'alléger l'atmosphère, Jillah promit de garder le secret concernant la parade et le bal prévu par les militaires et les professeurs de l'académie. Elle se tourna vers Céleste et acquiesça d'un signe de tête en souriant:

-Vous pouvez compter sur moi Lieutenant, je sais tenir ma langue. Je ne vous décevrai pas.

On pouvait lui faire confiance pour cela, même si elle avait hâte d'y être! Mais...avec qui allait-elle y aller? Il fallait qu'elle commence à réfléchir à la question. Nahel n'était pas là...D'ailleurs, elle ne put s'empêcher de demander si les wyrms se tenaient tranquilles.
Evidemment, elle était bien consciente qu'elle venait de lancer un pavé dans la marre et qu'ils risquaient de se demander pourquoi cela la préoccupait tout à coup. A moins qu'ils ne se souviennent qu'elle avait été agressée par l'un d'eux, même si techniquement, ils s'en étaient d'abord pris à sa soeur et qu'elle s'était jetée sur eux sans réfléchir pour la sauver.

C'est là qu'elle avait reçu quelques blessures qui avaient laissé des marques sur son corps, et notamment, la cicatrice qui barrait son oeil droit. Même si à vrai dire, elle n'y pensait plus, elle s'était habituée, étonnamment. Elle qui avait toujours aimé contrôler son image pour être la plus parfaite possible. Mais cette agression l'avait fait grandir, en quelque sorte.

Comme elle l'avait prévu, le capitaine Fergus ne lui dit pas grand chose mais évoqua les roroas, et leur reine...Hattusha...Hattusha qui était en vie...son cœur se mit à battre plus vite lorsqu'elle pensa à son amie. Elle avait tellement hâte de la revoir, de s'assurer qu'elle était bien là, en chair et en os.

-Je...je comprends.

Bien entendu, il ne pouvait rien lui dire...mais au moins, ils n'avaient arrêté personne. Nahel...où était-il? Céleste en rajouta d'ailleurs une couche en précisant qu'il n'y avait pas que des wyrms dont elle devrait s'inquiéter. Bien entendu, elle s'en doutait, mais l'homme qu'elle aimait ne faisait pas partie de ces autres dangers. Elle se retint de répliquer vertement, elle n'était pas une petite fille naïve, contrairement à ce que beaucoup pouvaient penser, elle se renseignait dès qu'elle le pouvait, pour se préparer au mieux à ce qui l'attendait à sa sortie de l'académie.

-J'en suis bien consciente lieutenant. Mais je vous remercie de me répondre aussi sincèrement.

Avec tout ça, elle en avait presque oublié sa cheville. D'ailleurs, elle se tourna un instant vers Fergus alors que celui-ci proposait à son professeur de lui accorder une danse pour se faire pardonner. Il y avait fort à parier que cela allait lui faire plaisir.

Jillah préféra ne pas insister sur le sujet des wyrms, de toute manière, il était visiblement temps pour tout le monde de rentrer. La jeune fille termina son thé qui avait quelque peu tiédi mais elle s'en fichait à présent. Maelice prit congé des jeunes femmes à sa manière.

Salaun releva la tête et posa ses yeux orangés très expressifs sur l'élégant dragon du capitaine:

-Au revoir mademoiselle, j'espère que vous trouverez une parure qui mettra en valeur votre élégance toute féminine.

Il n'allait pas se laisser marcher sur la queue sans rien dire non plus! Le dragon de Terre avait beau être de nature sage et tranquille, il n'était pas du genre à se taire lorsqu'on le cherchait. Jillah ne put s'empêcher de pouffer de rire avant de se lever pour saluer Fergus:

-Ce fut un plaisir capitaine, il me tarde d'être au bal et de pouvoir discuter à nouveau avec vous et avec le capitaine Björnulf.

Elle lui offrit un sourire rayonnant et le regarda s'éloigner. C'était vrai que sa silhouette n'avait rien de conventionnelle, elle imaginait plutôt les soldats comme des hommes musclés et imposants. Ce n'était absolument pas son cas, mais il restait charmant et sa compagnie était tout sauf déplaisante. Elle comprenait que son professeur soit tombée sous son charme. Elle paraissait d'ailleurs encore troublée par cette rencontre fortuite.

Elle aussi désirait rentrer, sans doute pour réfléchir un peu à tout cela, de fait, son conseil avait tendance à faire pencher la balance en faveur de cette hypothèse. Jillah lui sourit, elle était déjà amoureuse, mais Nahel n'était pas un imbécile, sa situation était juste...compliquée.

-Je vous en prie professeur. J'aurai Salaun pour m'escorter jusqu'à l'académie. Je vous retrouve là-bas. Reposez-vous bien professeur.

Elle allait sans doute rentrer elle aussi, et puis, elle devait aller à l'infirmerie pour sa cheville.

La jeune fille se tourna vers Céleste, toujours debout près de Salaun:

-Je vais également rentrer, bien que je serai bien restée encore un peu pour discuter avec vous. Mais je dois faire surveiller l'état de ma cheville. J'ai en tout cas été très heureuse de faire votre connaissance et je vous remercie pour votre accueil. Il me tarde de faire ma première année auprès de vous. J'espère pouvoir discuter à nouveau avec vous lors du bal. Je vous souhaite une bonne fin d'après-midi.

Salaun la salua également et marcha aux côtés de sa dragonnière. Cette après-midi avait été extraordinaire pour l'étudiante Terra.

[clos pour moi également, merci pour ce super rp les filles!!! ^^ ]