La première étincelle est venue alors qu'il pleurait pour la première fois ...Un jeune garçon attendait, immobile, le dos bien droit du haut de ses huit ans.
Face à lui deux grandes portes, il fixait les yeux humides, la gorge serrée.
Derrière lui, mais à une certaine distance, des chuchotements, paroles à peine murmurées qui lui arrivaient sans trop de mal.
"-Pauvre petit ... le Maître l'a exécuté sous ses yeux.
-Et il l'a trainé jusqu'ici après l'exécution l'empêchant de rejoindre sa mère.
-La pauvre Imane doit être dévastée.
-Elle devait savoir ce qu'il préparait.
-Profiter de l'accouchement de la Maîtresse pour s’en prendre au chef des gardes.
-Apparemment ce dernier a essayé de coincer Imane au détour d’un couloir hier..."Les chuchotements se turent soudainement lorsque l'une des portes s'ouvrit soudainement dévoilant un homme de haut stature, richement vêtu dont la grosse voix peina presque à se faire entendre par dessus les pleurs de la petite forme chaudement empaquetée qu'il tenait dans un bras.
"-C'est un garçon! Maelen, votre nouveau petit Maître"Les esclaves applaudirent, lancèrent des félicitations dans les airs s’inclinant respectueusement devant le nouveau Maître et son père. Le jeune garçon au premier rang resta incliné un peu plus longtemps que les autres, dans ses pensées. Ses yeux semblaient fixer le sol à ses pieds et pourtant il voyait défiler devant son regard l’exécution de son père. L’épée effilée du Maître qui s’abattit d’un coup sec sur la nuque dévoilée de son père.
Le père de Shaem avait défié l’autorité représentée par le maître d’armes.
Le Maître n’avait pas cherché à entendre son histoire, il dirigeait sa demeure d’une poigne de fer.
Les esclaves devaient filer droit sous son toit.
Le père de Shaem servit d’exemple.
Perdu dans ses pensées, le buste redressé mais la tête toujours baissée, Shaem attira l’attention du Maître qui se rapprocha et se pencha en avant pour rapprocher son visage du sien.
"-Ne sois pas idiot comme ton père Shaem, c'est toi qui est responsable de ta famille maintenant. Tu sais ce que tu dois faire ... Sois obéissant, c'est la seule chose qu'il faut que tu retiennes"Il tendit alors vers lui le petit bébé qui interrompit brièvement ses pleurs sous le mouvement. On aurait pu croire qu'ils allaient repartir de plus bel, mais l’enfant ouvrit ses yeux captant le regard si particulier de Shaem.
Maelen et Shaem échangèrent leur premier regard alors qu’on s’agitait aux portes de la chambre. Le Maître fut appelé un peu précipitamment, Madame ne se portait pas bien. L’homme s’éloigna laissant le bébé dans les bras de l’enfant de huit ans, les gens s’agitèrent autour d’eux faisant broncher Maelen.
Le bébé se serait remis à pleurer si Shaem ne l’avait pas doucement bercer dans ses bras s’écartant du brouhaha en se mettant à chanter doucement.
Il aurait du détester cet enfant dont le père venait de tuer le sien.
Et pourtant, il n’en fut rien.
Ce jour-là, Shaem perdit son père, Maelen perdit sa mère et un étrange lien commença à se tisser entre eux.
… La seconde étincelle est venue lorsqu’il lui demanda de le rejoindre dans son bureau pour la première fois ... « SHAAAAAAAEEEEEEEMMMMMMM »Un petit démon, du haut de ses huit ans, déboula de l’intérieur du palais le rejoignant dans l’arrière cour où l’adolescent déchargeait les lourds paniers de la charrette qui venait approvisionner quotidiennement le palais en diverses victuailles. Dégageant d’un mouvement de tête les quelques mèches de sa frange qui commençait à lui coller au front, l’esclave cala le panier qu’il portait contre sa hanche gauche, alors qu’il réceptionnait contre son flanc droit le garçon qui vient se coller à lui.
« Qu’y a-t-il petit Maître ? Ne devriez-vous pas être avec votre professeur à cette heure ? »Sa voix était douce et affectueuse malgré le panier qui pesait contre lui.
Il faisait toujours preuve d’une incroyable patience lorsqu’il s’agissait de Maelen.
Son léger sourire s’agrandit légèrement lorsque le garçon releva sa tête de son tee-shirt dévoilant un visage plissée par une moue boudeuse.
« Il est trop nul ! Je m’ennuie avec lui !! Je préfère quand c’est toi qui me raconte des histoires, tu racontes milles fois mieux !! Viens me donner mes cours Shaem »Se penchant pour poser son panier à terre, Shaem se redressa ensuite écartant les mèches de chevaux qui masquaient un peu le visage renfrogné du garçon toujours accroché à lui. Il lui sourit doucement prenant ses mains entre les siennes pour le détacher de lui, lui permettant de s’agenouiller face lui pour être à sa hauteur.
« Et pourtant ce n’est pas moi qui peut vous donner des cours Maître Maelen. Votre professeur en sait bien plus que moi »Face à la mine toujours boudeuse et renfrognée de Maelem, le jeune esclave comprit qu’il ne le convaincrait pas aussi facilement. Il n’y avait bien que le petit Maître pour demander à un esclave de lui donner des cours, le préférant à l’un des meilleurs professeurs de la nation.
« J’ai une idée jeune Maître, retournez à votre cours et ce soir vous me raconterez ce que vous avez appris (glissant sa main dans sa poche, il fit apparaître quelques cerises bien mûres entre ses doigts, l’un des fruits préférés de Maelen, et le plaça entre les mains du garçon) Reprenez des forces et ce soir en échange, je vous compterais la suite de l’histoire de Raroan, le furieux dragon de feu qui a régné sur Narthan il y a des milliers d’années »Il connaissait son petit Maître.
Il connaissait ses goûts en matière de nourritures, ses contes préférés, ses habitudes.
Il le comprenait ce qui lui permettait de communiquer si facilement avec lui.
D’ailleurs, c’est en voyant apparaître une petite ride songeuse entre ses deux yeux qu’il comprit qu’il avait déjà gagné. Si Maelen prenait le temps de réfléchir à sa proposition au lieu de la balayer d’une réponse négative définitive, c’est bien que Shaem avait visé juste.
« MAELEN !! Où te caches-tu encore ?! »Le petit Maître allait céder lorsque la voix puissante et dure de son père éclata dans l’arrière cour, mené jusqu’ici par les milles yeux du palais. Le visage de Shaem perdit sa douceur alors qu’il se redressait.
« Que fais-tu ici ?! Trouves-tu normal que ton professeur vienne me trouver dans mon bureau parce que tu t’es échappé de ton cours après lui avoir jeté ton livre à la figure. Il est temps que tu comprennes qui fait la loi … » « Le jeune Maître allait retourner en cours pour s’excuser, j’allais … »Shaem avait fait un pas en avant, directement face au Maître, se plaçant devant Maelen qu’il avait fait glisser derrière lui dans un même mouvement.
Shaem avait gardé la tête haute, le regard plongé directement dans celui du Maître.
Shaem avait eu l’audace de le couper alors que le Maître s’apprêtait à saisir Maelen très certainement pour le corriger.
Grossière erreur, la main tendue pour gifler se serra en un point solide qui abattit douloureusement sur le bas du visage de l’esclave. La bouche de Shaem se ferma brusquement coupant sa lèvre et il sentit le goût âcre du sang saturer ses papilles. Le coup le fit tituber sur quelques pas et le Maître en profita pour saisir son fils par la nuque le forçant à reprendre la direction du palais, le professeur attendant quelques mètres plus loin.
« Reste à ta place ! Esclave ! »Rassuré intérieurement que Maelen ait, au moins, échappé au coup de son père. Shaem saisit le bas de son haut pour plaquer le tissu sur sa lèvre afin d’arrêter le saignement. Le vêtement remonta dévoilant ce jeune corps de seize ans musclé par le travail physique au palais. Le jeune homme capta le regard du Maître qui glissait sur sa peau dorée et relâcha soudainement le vêtement pliant nuque et épaules vers l’avant.
« Oui Maître »Le Maître continua son chemin et il avait pratiquement atteint l’intérieur du palais lorsqu’il lui lâcha encore quelques mots.
« Tu me rejoindras dans mon bureau lorsque tu auras terminé de décharger la charrette »Le bureau du Maître.
Lieu de honte et de chantage.
Pièce dans laquelle Shaem obéit au Maître, dévoilant son corps à son regard malsain.
Il aurait pu refuser.
Il aurait voulu lui cracher sa haine au visage.
Il aurait voulu venger son père.
Mais il était l’homme de la famille à présent.
Alors il fit ce qu’on lui demandait pour que sa mère et sa sœur ait une paix toute relative et n’aient jamais à passer ses portes à sa place.
Tu me rejoindras dans mon bureau devint l’ordre qu’il appréhendait le plus.
… La troisième étincelle provoqua l’explosion … Le matin du onzième anniversaire de Maelen, Shaem n’aurait jamais pensé qu’il s’agirait du dernier jour qu’il passerait à ses côtés en tant qu’esclave.
La journée débuta sous les meilleurs hospices, le Maître avait cédé face à son fils et il avait demandé à Shaem d’accompagner le petit blond à la fête des cerfs-volants de Thanos. Ils passèrent leur journée à flâner et à regarder cerfs-volants et dragons voler de plus en plus haut dans le ciel.
Surprise toute particulière pour Shaem, Maelen le prit au piège en lui demandant de choisir un bijou qui lui plaisait. Le jeune esclave eut le regard rapidement attiré par une petite pierre d’un bleu aussi clair et profond que les yeux de son petit Maître. Et cinq minutes plus tard, l’esclave se retrouva avec un objet de valeur pendu autour de son cou, un bijou auquel Shaem s’attacha immédiatement non pas pour sa valeur monétaire mais pour sa signification.
La journée se passa de la meilleure des façons.
Et Shaem n’était pas au bout de ses surprises.
Lorsqu’ils rentrèrent au palais ce jour-là, après qu’il ait laissé Maelen gagner à la course et le chatouiller jusqu’à ce qu’il lui demande de l’épargner, le rire de Shaem se bloqua dans sa gorge lorsqu’il sentit les douces lèvres du petit garçon sur les siennes.
Les paupières closes de Shaem se soulevèrent soudainement dévoilant un regard doré marqué par la surprise et un trouble certain. Le cœur de l’esclave se mit à battre un peu plus rapidement, parce que Maelen était son petit Maître, cet enfant capricieux qu’il adorait et qui le lui rendait bien, mais un peu trop à cet instant.
Il entendait encore le petit garçon lui dire qu’il l’aimait et qu’il ne voulait pas qu’il le quitte.
Maelen ouvrait la bouche, très certainement pour s’expliquer, lorsqu’Imane déboula dans dans la cour visiblement affolée. Il suffit de quelques mots
« Le Maître veut battre Camilia en public pour la punir » pour que Shaem oublie complètement ce qui venait de se passer. Délicatement mais rapidement, ses mains se posèrent sur les hanches du petit blond et il le souleva sans mal pour le poser à côté de lui.
Il n’eut pas un mot, pas une parole pour le garçon courant déjà derrière sa mère le cœur battant à tout rompre.
Il était l’homme de la famille et il avait toujours tout fait pour protéger sa mère et sa fille.
Et aujourd’hui ne ferait pas exception.
Camilia avait quatre ans de moins que lui soit quinze ans. Jeune adolescente qui connaissait ses premiers émois amoureux. Shaem avait bien remarqué qu’elle regardait avec un peu trop d’intérêt un jeune garde dans ses âges à lui. Mais le grand frère qu’il était n’aurait pas pensé que sa petite sœur allait voler dans les anciennes affaires de Madame un peu de maquillage pour s’attirer les faveurs du garçon pour lequel son cœur battait.
Une foule importante s’était regroupée dans le jardin d’hiver et il se mit à jouer des coudes un peu brusquement lorsqu’il entendit le claquement du fouet suivi du cri et des pleurs de sa sœur. A partir de ce moment, Shaem fut incapable de réfléchir correctement, la fureur prit le pas sur la raison et il fit pratiquement tombé par terre la dernière personne qui barrait son chemin.
Il marqua à peine un temps d’arrêt en apercevant sa sœur à genou, le dos nu et zébré par le sang, ses bras serrés sur sa poitrine.
« Arrêtez ça ! »Il se précipita alors que le fouet allait s’abattre à nouveau sur le corps de sa sœur et s’interposa. Il eut le réflexe de présenter son propre dos et non pas son visage, et la lanière de cuir claqua contre son dos commençant à déchirer la chemise qu’il portait.
La morsure du cuir lui fit cambrer le dos et pourtant il retourna vivement pour faire face au Maître. Il le défia du regard dix, vingt, peut-être trente secondes jusqu’à ce que la voix de Maelen appelle son père. L’enfant fut envoyé dans sa chambre et le Maître reporta toute sa colère sur lui, ne supportant pas qu’un esclave lui tienne tête.
« Elle a suffisamment payée pour ce qu’elle a fait Maître, laissez-la partir »Il vit le Maître hésiter, mais Shaem savait déjà qu’il avait gagné … enfin il savait que le Maître tenait trop à son corps pour continuer son châtiment sachant que le jeune homme continuerait de s’interposer. Il fit tomber son fouet par terre en un claquement sec et avant que le jeune homme ait le temps de réagir, il le saisit par les cheveux tirant jusqu’à ce qu’il plie l’échine attrapant un bras qu’il lui tordit dans le dos afin d’assurer son emprise sur l’esclave.
« Toi, tu vas venir avec moi ! Retournez tous au travail !! »Shaem croisa le regard de sa mère qui s’était déjà précipitée aux côtés de sa fille et il lui articula quelques mots
« Tenez-vous prêtes ».
Le Maître le traîna par les cheveux jusqu’à son bureau.
Shaem savait ce qui l’attendait, mais le Maître était allé trop loin.
Il n’allait plus se laisser faire.
La porte du bureau claque derrière eux et le Maître relâcha sa prise sur son bras pour verrouiller la porte. Cela confirma à Shaem ce qui l’attendait.
L’instant d’après, le Maître s’était retourné vers lui, ses longs cheveux toujours serrés dans sa main et il attrapa la chemise de l’esclave là où elle était déchirée et il tira brusquement dessus pour la craquer complètement. Le jeune homme se retrouva bientôt les hanches collées au bois du bureau en acajou, le torse nu plaqué sur le vernis, le bassin du Maître collé tout contre lui.
« Tu commences sérieusement à m’énerver à te mettre sur mon chemin, je vais t’apprendre à rester à la place qui est la tienne ! »Le cœur de l’esclave se mit à battre plus rapidement.
Et pourtant il n’avait pas peur.
Ce bureau renfermait déjà de bien mauvais souvenirs, jusqu’à présent le Maître l’avait tenu sous son jouge grâce à la peur, la peur de voir sa mère ou sa sœur maltraitées.
Mais tout cela allait se terminer aujourd’hui.
Cela faisait déjà dix neuf années de trop qu’il vivait asservi.
La fureur se mêla à son instinct protecteur, enflammé à la vue du châtiment que sa sœur venait de subir, ainsi qu’à un puissant désir de liberté.
En dix neuf années passées à travailler au palais, il avait grandi et des muscles s’étaient dessinés, puis développés sous sa peau. Et si c’était ce corps qui était le Maître, ce dernier n’avait pas pris en compte que Shaem était capable de se rebeller.
Seulement maintenu par les cheveux, l’autre main du Maître était trop occupée à parcourir son corps glissant vers sa taille pour immobiliser un peu plus efficacement l’esclave.
Les mains libres, Shaem attrapa l’un des objets décoratifs posé sur le bureau et il frappa l’homme violemment aux cotes. La surprise autant que la douleur lui firent lâcher sa prise sur les cheveux du jeune homme, c’était bien la première fois qu’il se rebellait contre lui. Mais Shaem ne lui laissa pas le temps de remettre ses esprits en place et il fit volte face pour l’étourdir d’un bon coup de poing dans la tempe. L’homme tituba et l’esclave lui assena un second coup qui le fit tomber à terre.
Et cette fois, ce fut le garçon qui se retrouva au-dessus de l’homme, les mains refermées autour de sa gorge et le pied qui appuyait douloureusement sur les parties intimes du Maître.
« Tu mériterais de mourir pour tout ce que tu nous as fait subir. Tu mériterais que je te les réduise en bouillie pour toutes les fois que tu m’as fait appeler dans ce bureau »Il ne criait pas mais il parlait avec hargne, les mâchoires crispées pour retenir ses mains qui serraient de plus en plus fort autour du cou de l’homme, ses mains à lui refermées sur ses poignets, mais il était bien trop paralysé par la douleur de son bas-ventre pour réussir à se dégager de la poigne ferme.
Shaem ne tremblait pas.
« C’est uniquement pour Maelen que je te laisse vivre »Il frappa fort au niveau du bas-ventre et finit de l’assommer d’un nouveau coup à la tempe.
La suite se déroula d’une manière un peu floue. Shaem récupéra sous l’homme les clés principales du palais et ce fut sa sœur sur le dos, il s’enfuit avec elle et sa mère par les passages souterrains du palais. Il connaissait du monde en ville, celui qui venait livrer le palais en diverses victuailles, qui pourrait les aider à s’éloigner de la ville le plus rapidement possible.
Shaem n’eut qu’un pincement au cœur lors de sa fuite.
Il laissait Maelen derrière lui.
… Et il fut libreShaem avait vingt ans lorsqu’ils trouvèrent refuge dans la nation d’Aeria à Libertad, petit village d’hommes libres.
Comme eux à présent.
Une année de voyage, deux mois pour quitter leur nation d’origine.
Lui, sa mère Imane et sa sœur Camilia quittèrent Thanos pour gagner la cote. Shaem travailla sur les docks jusqu’à ce qu’ils aient mis assez de côté pour pouvoir se payer un voyage en aller simple vers la nation de Lostrego laissant le temps à sa sœur de guérir avant de prendre la mer.
Ce fut au moment où il mit le pied sur la passerelle qui le menait au navire que Shaem sentit vraiment peser sur ses épaules le poids de leur fuite. De sa fuite. Parce qu’il L’avait laissé derrière lui.
Maelen.
Il entendait encore sa voix criant son nom.
Il sentait encore ses doigts qui refermaient sur ses vêtements.
Il voyait encore ses grands yeux bleus azurs que les larmes envahissaient parfois.
Ses doigts se refermèrent sur le col de sa chemise de coton serrant la petite pierre bleu à travers le tissu et ce fut finalement les doigts de sa mère qui, se refermant doucement sur son épaule, le ramena à la réalité. Un soupir lourd de regrets lui échappa et Shaem relâcha le collier pour glisser sa main autour de la taille fine de sa mère laissant tomber un bref instant sa tête sur son épaule.
Il inspira la douce odeur qui s’émanait d’elle puis se redressa montant d’un pas vif avec elle la passerelle pour rejoindre Camilia.
Maelen allait s’en sortir.
Il était temps à présent qu’il prenne soin de sa famille.
Ils vécurent dans la nation de Lostrego quasiment une année restant principalement dans les plaines pour travailler dans les exploitations agricoles.
Leur traversée de la nation aurait certainement pris plus bien plus de temps, si cette épopée n’avait permis à Shaem de rencontrer Arrad … celui qui allait devenir son partenaire, la moitié de son âme … son dragon de foudre.
Arrad
Après quelques arrêts dans différentes exploitations agricoles de la nation, ils avaient finalement décidé de se poser un peu plus longtemps dans une exploitation céréalière qui élevait aussi divers animaux : moutons, vaches allaitantes, poules et quelques chevaux pour le travail. Il s’agissait d’une exploitation située proche de l’Ouest de la nation … proche du territoire des dragons de foudre.
Il avait été envoyé à quelques kilomètres de l’exploitation dans les montagnes pour garder le troupeau de vaches en faisant attention à ne pas s’approcher trop près du territoire des dragons.
Mis à part qu’on ne trace pas la frontière du territoire de dragons aussi nettement que la frontière d’une nation et que Shaem s’approcha un peu trop près.
Attiré par le sommet de la montagne sur le flanc de laquelle pâturait son troupeau, il entreprit d’y grimper afin de pouvoir admirer le lever du soleil. Il chérissait ces moments de pure liberté dont il avait été privé depuis le jour où il était né esclave.
Mais il n’était pas le seul à avoir eu cette idée et sur le flanc opposé de la montagne, il tomba presque nez à nez avec … un monstre.
Un grand dragon qui semblait être fait de pierre, impressionnante statue qui semblait animée par une étrange énergie qui se dévoila lorsque les profonds yeux violets de la créature rencontrèrent ceux de Shaem. De l’électricité teintée de violet se mit à crépiter tout autour du dragon alors que ce dernier se mettait debout sur ses pattes et déployaient d’immenses ailes étrangement décharnées.
Et un grondement semblable à une avalanche de rochets monta du fond de la gorge du dragon.
Shaem resta parfaitement immobile ... comme hypnotisé.
Une personne dotée d’un minimum de raison ou d’instinct de survie aurait immédiatement pris ses jambes à son cou pour s’éloigner le plus rapidement possible de la créature.
Une personne un peu folle aurait peut-être essayé de menacer le dragon.
Une personne raisonnée aurait parlé d’une voix rassurante pour apaiser la créature.
Mais Shaem n’était pas l’une de ses personnes.
Lui se mit à marcher droit en direction de la créature, sans courir mais d’un pas assuré.
Le grondement du dragon s’intensifia mais Shaem ne s’arrêta pas.
Il leva sa main en direction de la tête du dragon qui, situé un peu en contre bas, arrivait à son niveau.
Une voix gronda soudainement à l’intérieur de sa tête alors que l’électricité se mit à crépiter un peu plus vivement autour du dragon.
* Reste où tu es, humain*Mais Shaem ne l’écouta pas.
Sa main se posa sur le museau relevé en pointe du dragon …
… et il reçut une décharge qui le fit s’évanouir sur le coup.
Ce fut une rencontre bien particulière et pourtant lorsque Shaem reprit connaissance une bonne heure plus tard, le dragon ne l’avait abandonné là.
Il était resté.
Car si le lien entre un dragon et un humain peut prendre du temps, ce fut un « coup de foudre », au deux sens du terme, entre Shaem et Arrad.
Homme et dragon étaient faits de la même façon.
Calmes d’apparence, ils étaient capables de dévoiler un caractère de feu lorsqu’ils étaient un peu trop contrariés. Et surtout, ils avaient soif de liberté. De part son passé, Shaem le savait il ne supporterait plus que l’on cherche à lui voler de nouveau son libre arbitre et Arrad était fait du même bois.
Le dragon était proche de ses cent cinquante ans et il ne s’était jamais laissé dicter sa conduite.
Shaem fut le premier humain à pouvoir se lier à lui.
Il fallut tout de même un peu plus de six mois pour qu’ils apprennent à se connaître, à se faire confiance et ce fut quelques mois avant les vingt et un ans de Shaem, que le dragon accepta de suivre le jeune homme et sa famille à Libertad.
Néanmoins, ils n’étaient pas toujours collés l’un à l’autre.
Arrad avait besoin de s’échapper de temps en temps pour arpenter les airs des différentes nations.
Shaem, lui, fut occupé à bâtir une vie solide pour sa mère et sa sœur.
Mais pas pour lui.
Si les idéaux de Libertad lui plaisaient, il ne s’agissait pas de la vie à laquelle il aspirait.
Il se sentait réellement vivant lorsqu’il se trouvait sur le dos d’Arrad, lorsque lui et son dragon se trouvait en parfaite communion.
Et c’est tout naturellement qu’il voulut devenir un dragonnier.
Bien entendu, cela prit un peu de temps de convaincre son rustre de dragon qui craignait pour sa liberté, mais ils avaient tout deux entendu l’histoire de la mère des dragons et ils étaient décidés à s’impliquer.
L’Académie
Leur épreuve d’Alliance eut lieu dans la nation de la glace, Nordheim.
Contrée particulièrement hostile. S’ils ne connurent pas de réelles difficultés dans les fjords de l’est se nourrissant sans trop de mal de la chasse, se couvrant de fourrures (enfin surtout Shaem) et se complétant lorsqu’il s’agissait d’affronter un ennemi en l’attaquant depuis les airs, ce fut beaucoup plus difficile les trois derniers jours qu’ils durent passer dans le reste du pays où la glace régnait réellement en maître.
Lors d’un de leur déplacement, le vent fut tellement violent que Shaem chuta de son dragon. Bien heureusement ce dernier fut assez vif pour le rattraper, mais il le saisit par les fourrures qui se détachèrent de lui. Cela permit que la chute ne soit pas mortelle, mais le jeune homme atterrit et dévala sur une bonne centaine de mètres d’un pan de montagne.
Cette chute lui valut une longue entaille sur la cuisse qu’il parvint à contenir en la cautérisant lorsqu’ils furent abriter dans une mine désaffectée. Néanmoins avant d’arrêter le saignement, humain et dragon mêlèrent leur sang pour d’officialiser leur union.
Shaem hérita alors d’un don qu’il développe encore aujourd’hui : il a la capacité de générer de l’électricité depuis ses mains.
Le jeune homme et son dragon gagnèrent donc le droit d’entrer à l’Académie.
Shaem avait vingt et un ans lorsqu’il commença sa première année.
Habitué à être plutôt docile lors des dix neuf premières années de sa vie, Shaem ne fut pas un élève difficile. Au contraire, il pouvait enfin accéder à une réelle éducation et il prit dès la première année l’option de Remise à niveau afin de pouvoir rattraper le retard qu’il pouvait avoir par rapport à des élèves ayant été à l’école depuis leur plus jeune âge.
Il ne parla pratiquement à personne de son passé en temps qu’esclave.
Il n’aimait pas attirer l’attention sur sa personne et il ne voulait pas que les regards se chargent de pitié ou autre une fois que les gens auraient appris ce qu’il avait vécu par le passé.
Ainsi s’il put avoir quelques lacunes sur les matières théoriques, il excellait sur les matières pratiques. Habitué à travailler avec son corps depuis son plus jeune âge, il avait une très bonne condition physique et du haut de ces cent cinquante ans, Arrad lui communiqua son expérience.
Ce fut Arrad qui eut plus de mal avec la discipline, surtout qu’il n’était pas le dragon le plus sociable de la terre. Mais ils trouvèrent leur rythme peu à peu, Arrad pouvant toujours s’agir à sa guise lorsque les cours de Shaem ne nécessitaient pas sa présence.
A l’opposé de son dragon, Shaem parvint à se lier sans trop de mal à ses semblables. Il s’agissait néanmoins de liens presque fictifs puisque le jeune homme n’accordait pratiquement pas sa confiance.
Personne ne connait son passé en tant qu’esclave.
Et d’un point de vue sentimental, étant totalement libre de ses actes, Shaem put en profiter pleinement … auprès de ses messieurs. Une orientation sexuelle qu’il ne cacha pas, mais qu’il ne clama pas non plus sur les toits.
Les cinq années de scolarité passèrent donc rapidement.
Même s’il fallait travailler, la vie ne fut jamais aussi douce pour Shaem.
Il valida chaque année aux côtés de son dragon ainsi que son examen final.
Les véritables difficultés arrivèrent avec les trois années qu’il passa dans son escadron d’élite.
Ivre de liberté, tout comme Arrad, il fut particulièrement difficile pour lui de recevoir des ordres.
Cela lui rappelait beaucoup trop sa vie en tant qu’esclave, même si les missions d’espionnage permettaient une certaine indépendance.
Ils firent donc leur devoir en défendant les nations pendant trois années.
Puis Shaem postula à l’Académie au poste de professeur de monte dragonique.
Il s’agissait de la discipline pour laquelle il excellait durant sa scolarité grâce à la parfaite osmose entre lui et son dragon.
Et s’ils n’étaient pas fait pour être des soldats au sein d’un escadron d’élite, cela tenait à cœur à Shaem de continuer à contribuer à l’effort de guerre … en formant les nouvelles recrues.
C’est donc la première année d’enseignement à l’Académie pour Shaem et Arrad.
Il n’y a plus qu’à espérer que tout se passe pour le mieux …
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Jeu 28 Aoû - 16:12
