Voilà plus de trois ans qu'Aldo n'avait pas remis les pieds à l'académie. Se retrouver ici après tout ce temps et tout ce qu'il avait vécu lui fit bizarre. Il avait attendu ce moment avec impatience, trépignant presque sur le dos d'Azula, qui elle aussi, avait hâte d'arriver. La dragonne se posa aux refuges et alla saluer quelques dragons qu'elle avait connu du temps de la scolarité de son allié, mais il n'y eut pas d'effusion de sentiments, car fidèle à ses habitudes, Azula était toujours aussi timide et secrète qu'avant. Tandis que sa dragonne s'éloignait, Aldo se dirigea vers le bâtiment principal, une sacoche accrochée à sa ceinture. Il observait le majestueux bâtiment tout en marchant, quand des voix résonnèrent et l'interpellèrent.

-C'est Aldo ! Aldo ! Oooh c'est Aldo ! Il est vivant ! Aldo ! Aldo !

Partout il entendait son nom, reconnaissait certaines voix, certains visages. Rapidement, un petit attroupement se forma autour du jeune homme qui ne pouvait s'empêcher de sourire à ses anciens camarades, plus jeunes certes, mais qu'il avait connu à leur arrivée à Lindorm. Il avait été populaire et apparemment sa cote n'avait pas baissée malgré les circonstances et son absence. Sa réputation avait-elle perduré au travers du souvenir des étudiants qui étaient restés ? Il claqua quelques poignées de main, embrassa quelques joues, sentit quelques mains aux fesses et échangea quelques clins d'oeil complices. Il fut bien obligé de répondre à quelques questions et de raconter quelques anecdotes. Et malgré l'air heureux du jeune homme, il ne fallait pas s'y tromper. Il était tout sauf heureux. Quoi que, en l'instant, il était heureux d'être là, loin de l'agitation du camp, loin de la guerre, loin du sang et des pleurs. Avec des gens qui l'accueillaient en héros. Et pourtant, il n'en était pas un. Il avait blessé, tué et torturé. Il avait perdu des camarades et des amis. Il n'était pas du tout un héros. Cette guerre faisait beaucoup de mal, mais il ne voulait pas plomber l'ambiance, ni démoraliser les plus jeunes. Ils seraient plongés là-dedans bien assez tôt, si ce n'était déjà fait.

-Je suis ravie de vous voir, les amis, mais j'ai une lettre à remettre au directeur, là. On se voit après si vous voulez, avant que je reparte. On se retrouve aux refuges. A plus tard. Leur lança-t-il en se propulsant dans les airs pour disparaître et réapparaître quelques mètres plus loin, de la foule, de l'agitation, plus près l'entrée.

*Ils ne t'ont pas oublié on dirait...* se fit entendre une voix douce dans sa tête. Le jeune homme sourit faiblement mais ne répondit pas et entra dans l'académie. Il craignit un nouvelle attroupement, mais le couloir du rez-de-chaussée était plus calme. On le salua encore de la main, il répondit pareillement, tout en se dirigeant vers le bureau de Mr Fletcher, à qui il était chargé de remettre une lettre. Il ignorait la teneur de cette lettre et s'en fichait pas mal en fait. Il s'était porté volontaire pour cette mission afin de revenir sur les pas de son passé, à l'époque où il était heureux, quand il avait des projets d'aventures et non de guerre, avec Ulum, Liatris et Jillah...

Au moment où il se remémorait la jeune Terra avec qui il avait sympathisé lors de sa dernière année, il la vit justement devant lui, dans le couloir. Elle était à quelques mètres, en train de discuté avec des camarades. Aldo ne pu détacher son regard d'elle. Elle avait tellement changé ! Ses cheveux étaient plus courts, son allure moins hautaine, sa voix plus douce. Elle avait quelques cicatrices qu'il ne se souvenait pas avoir vu à l'époque.

-Jillah... fut tout ce qu'il put dire en voyant la jeune femme au moment où elle se retournait face à lui, probablement pour partir. Aldo resta immobile, aussi droit qu'un i, dans son habit blanc à liseré bleuté et ses cheveux blonds comme les blés. Ils avaient eux, poussés beaucoup durant ces trois dernières années, car il avait décidé de ne plus les coupé le temps de la guerre.

~May it be~

Si on lui avait dit ce qui allait arriver ce jour-là, Jillah n'y aurait pas cru une seule seconde!

La jeune femme s'était levée très tôt comme à son habitude, elle était passée par le gymnase pour faire quelques exercices, puis s'était douchée avant d'aller en cours. Elève sérieuse et appliquée, elle était la première de sa classe dans plusieurs matières, mais elle ne cherchait pas tant à être la meilleure à tout prix qu'à réellement maîtriser ce qu'on lui apprenait.

Ses livres sous le bras, elle sortit de la classe pour rejoindre le réfectoire, elle mangea rapidement avec ses camarades et se dirigea avec eux vers la classe du premier et dernier cours de l'après-midi, l'Histoire-Géographie. C'était la journée la moins chargée de la semaine, Nailah s'occuperait de la fatiguer jusqu'au soir. Cette pensée la fit sourire. Le cours se passa dans la joie et la bonne humeur et dans un calme relatif, jusqu'à 16 heures.

Jillah aimait passer du temps à papoter un peu avec ses camarades qu'elle avait appris à connaître avant de rejoindre Nailah. Enfin, elle avait un peu de temps devant elle, sa camarade avait toujours la gentillesse de lui laisser une heure pour se reposer. Mais alors qu'une de ses amies parlait, son attention fut attirée par des bruits soudains, des murmures, et surtout, par l'impression que des yeux étaient posés sur elle.

Agacée et curieuse, la jeune femme tourna la tête et crut que son cœur allait la lâcher. Aldo se trouvait à quelques mètres. Aldo qu'elle n'avait pas vu depuis trois ans mais qu'elle n'avait jamais oublié, non, il lui arrivait souvent de se demander ce que devenait ses camarades de cinquième année et plus particulièrement, ce qu'il devenait, lui.

Les souvenirs des quelques moments passés ensemble lui revinrent brutalement en mémoire. A l'époque, elle le trouvait magnifique, charmant, il avait été le premier garçon a réellement éveiller son intérêt, et elle avait pris l'accélération des battements de son cœur comme la manifestation de son admiration pour lui. Mais maintenant qu'il était face à elle, elle se rendait compte à quel point il lui avait manqué, réellement manqué. Les mots lui manquaient pour décrire le bonheur qu'elle avait à le voir en chair et en os, si près d'elle. Son corps resta pétrifié, elle était incapable de bouger, effrayée à l'idée que tout cela ne soit finalement qu'un beau rêve éveillé.

-A...Aldo?

Le temps semblait s'être arrêté, et pourtant, d'un coup, elle saisit les bruits autour d'elle et la réalité lui sauta aux yeux. Le jeune homme était là, réellement, et il avait l'air presque aussi choqué qu'elle. Il était tellement beau, encore plus que dans ses souvenirs. L'émotion l'envahit et elle sentit des larmes envahir ses yeux malgré elle, cette fois, elle s'en fichait de ce que l'on pouvait penser d'elle. Elle se précipita pour franchir les quelques mètres qui les séparaient et se prit les pieds, tombant tout droit dans ses bras.

Elle se redressa et se recoiffa vivement avant de lui sauter au cou sous le regard ébahi des camarades présents. L'émotion forma une boule dans sa gorge, les mots ne venaient pas, elle était tout simplement trop heureuse et en même temps, terriblement embarrassée par son comportement, mais peu importait.

Un peu calmée, elle le relâcha, les joues empourprées, et remit une mèche derrière son oreille:

-Désolée...je...je suis vraiment contente que tu sois revenu...

Et c'était un euphémisme. Elle avait tellement de questions à lui poser, mais il n'était sûrement pas là par simple nostalgie. Elle avait eu quelques nouvelles par des camarades liés à d'anciens élèves de cinquième année de la promotion d'Aldo qui faisaient partis du même escadron d'élite que lui.

Durant ces trois dernières années, il avait souvent pensé à ses anciens camarades de Lindorm. Certains l'accompagnaient sur le front. D'autres étaient encore à Lindorm. C'était le cas de Jillah et Aldo avait pensé à elle. Il se remémorait ses gestes maladroits, son air timide face aux garçons, ses sourires toujours bienveillant. Mais au quotidien, c'était Ulum qui était avec lui depuis un an maintenant et depuis qu'il lui avait sauvé la vie, il s'était rapproché de l'ancienne Ventus. Il avait plus ou moins été attiré par la jeune femme alors, et la perspective de la perdre lui avait ouvert les yeux sur des sentiments qu'il n'avait encore jamais osé avouer. Mais en cet instant, face à la Terra, plongé dans un passé commun, le temps semblait s'être figé. La jeune femme aussi, comme si elle ne croyait pas à cette vision, comme si la présence d'Aldo devant elle n'était qu'un rêve. Puis soudain elle bougea, et s'avança, mais elle trébucha et tomba dans les bras qu'Aldo avait tendu pour la rattraper. Ce simple geste lui tira un sourire. Non pas de moquerie, mais attendri. C'était comme au bon vieux temps finalement. Jillah se redressa et replaça ne mèche de cheveux derrière son oreille, un geste qui laissait Aldo indifférent autrefois tellement il y était habitué, mais qui aujourd'hui avait une grande importance. Un geste innocent. Un geste tellement à l'opposé de tout ce qu'il voyait au quotidien.

Sa gorge se noua en entendant sa voix, si douce, qui s'adressait à lui. Elle était émue et cela se voyait. Elle se tenait là devant lui, très près et trop loin en même temps. Il n'avait qu'une envie, de la prendre dans ses bras et lui dire combien elle lui avait manqué et qu'il ne s'en était même pas rendu compte jusqu'à maintenant. Ouvrant la bouche, il s'apprêter à lui répéter ses pensées, mais se raviser finalement. Ce n'était peut-être pas la meilleure chose à dire en fait. Elle lui avait manqué, et il le savait. Il sourit alors à la jeune femme, simplement, et lui répondit.

-J'ai vu. Dit-il en riant presque. Tu m'es littéralement tombée dans les bras. Je suis flatté. Ajouta-t-il. Et c'était le cas. Autant, il avait été content d'être accueilli par ses anciens camarades lorsqu'il avait atterrit, mais c'était ce moment-là dont il garderait le plus grand souvenir. L'élancement de Jillah alors qu'elle s'approchait d'Aldo et qu'elle lui tombait dans les bras. Finalement, le jeune homme fit un pas, passa ses bras autour des épaules de la jeune femme, l'approcha de lui et la serra fort. Se penchant légèrement, il sentit l'odeur de ses cheveux en fermant les yeux, comme un parfum d'antan, agréable, qui le plongeait dans des souvenirs heureux et approcha ses lèvres de son oreille et murmura :

-Tu m'a manqué, Jillah. Je suis heureux d'être là, avec toi.

Il se redressa et arrêta son visage à hauteur de celui de la jeune femme. A quelques centimètres l'une de l'autre, leur bouche pouvaient presque s'effleurer, leur souffle se mêlait déjà. Aldo sentit son coeur s'emballer. Il avait connu la même situation avec Ulum, mais ce qu'il avait senti alors n'était pas aussi fort que ce qu'il ressentait à ce moment précis.

Jillah avait laissé parler son cœur, la joie de revoir Aldo en chair et en os, bien en vie, avait été telle qu'elle n'avait pu s'empêcher de se précipiter dans ses bras. Ou plutôt d'y tomber, se prenant les pieds juste avant de l'atteindre. Malgré les trois ans écoulés, elle restait toujours "la princesse maladroite", cela n'avait pas changé et ne changerait sans doute jamais. La jeune femme se reprit un instant, avant de se suspendre à son cou.

Son cœur cognait tellement fort qu'elle avait l'impression qu'il allait sortir de sa poitrine. Jamais elle n'aurait pensé être si heureuse de le revoir. Elle avait pourtant imaginer, quelque fois, sa réaction si Aldo revenait, et elle avait toujours été loin du compte. C'était maintenant que la réalité rattrapait le rêve, qu'elle réalisait à quel point il lui avait manqué et à quel point elle tenait à lui.

Alors qu'elle se reculait, un peu gênée par son emportement, elle lui sourit en avouant qu'elle était vraiment heureuse de le revoir. Mais les mots sonnaient creux à ses oreilles, c'était encore plus que cela et elle ne se l'expliquait pas. Elle était submergée par l'émotion et les larmes finirent par envahir ses yeux de miel sans qu'elle ne puisse les retenir.

Heureusement, Aldo dédramatisa un peu l'instant avec un trait d'humour qui fit naître un grand sourire sur le visage de Jillah qui essuyait ses yeux humides. Elle allait d'ailleurs lui répondre, quand le jeune homme fit un pas pour se rapprocher d'elle, la prenant doucement contre lui. Elle se laissa faire, n'osant croire à tout ce qui se passait, puis crispa ses mains sur sa veste, cachant son visage contre son cou. Elle profita de cet instant de pur bonheur encore un peu, ne sachant pas combien de temps son ancien camarade allait rester.

Elle ferma les yeux en soupirant, se serrant étroitement contre le corps du jeune homme. Elle ne voulait pas qu'il la voit, le visage inondé de larmes. Larmes qu'elle n'arrivait pas à retenir et qui mouillaient sa veste. Elle se mordilla la lèvre et rougit un peu quand la voix grave du ventus chuchota à son oreille, des paroles qui la laissèrent sans voix quelques instants.

Il se redressa un peu pour la regarder dans les yeux, leurs visages si proches qu'elle n'aurait eu qu'à s'avancer pour que leurs lèvres se touchent. Mais Jillah n'osait croire à ce qui était en train de se passer...elle avait du mal à respirer et de petits papillons voletaient dans son ventre. Le regard d'Aldo la troublait, sa proximité la rendait toute chose, elle avait totalement oublié l'endroit où ils se trouvaient, ses camarades, les professeurs qui risquaient de passer par là, elle ne voyait rien d'autre que le jeune homme.

Ses mains se posèrent en tremblant sur son visage, il avait changé. Il était toujours aussi beau, son sourire faisait battre son cœur à tout rompre, mais ses cheveux avaient poussé, il avait pris en carrure et ses yeux...ses yeux étaient lasses et graves...et pourtant, il y avait autre chose...

La jeune fille sourit, elle était heureuse, comme jamais. Elle se hissa sur la pointe des pieds et embrassa tendrement le coin de ses lèvres, reprenant peu à peu conscience des regards fixés sur eux, puis elle posa ses mains sur son torse, les pieds à plat sur le sol.

-Combien de temps restes-tu?

Elle s'en voulait de rompre la magie de cet instant, mais elle ne voulait pas l'empêcher de faire ce qu'il devait faire.

Puis ses yeux se posèrent sur la tache humide sur sa veste, elle rit doucement en essuyant les larmes qui coulaient encore:

-Je crois que j'ai un peu inondé ta veste...

Serrés l'un contre l'autre, plus rien ne comptait pour Aldo. Jillah contre lui, qui serrait sa veste entre ses doigts, qui maculait le blanc du tissu de ses larmes salées, comme un torrent longtemps contenu. Le jeune homme la serra un peu plus contre lui, profitant de cet instant de répit qui serait rompu bien assez tôt. Puis elle se recula et leurs visages proches semblaient se parler, sans mots prononcés, alors que les deux jeunes gens ne faisaient que se regarder, comme si c'était la première fois de leur existence. Jillah prit le visage d'Aldo entre ses mains, et se mit sur la pointe des pieds pour lui déposer un baiser au coin des lèvres. Aldo retint sa respiration durant tout ce moment qu'il ne voulait pas voir s'arrêter. Il y avait tellement de temps qu'il n'avait pas serré un corps féminin contre le sien, sentir la chaleur et la douceur de la peau d'une femme. La douceur de leur geste et la tendresse dans leur regard. Il n'avait jamais pensé à Jillah en ces termes auparavant, car dans son souvenir elle avait encore seize ans, et à peine adolescente. Désormais cependant, elle était une femme et la vision qu'il avait d'elle était en train de changer.

Jillah rompit l'instant magique bien trop tôt au goût d'Aldo, qui rouvrit les yeux et vit le sourire de la jeune femme. Il remarqua les chuchotements autour d'eux aussi et les regard posés sur son dos et sur Jillah. On n'avait toujours vu Aldo avec différentes filles, on savait son lien fort avec Hattusha, alors, personne ne fut étonné de cet élan d'affection. Il ne fallait cependant pas en oublier le règlement de l'académie et les professeur et les membres du personnel pour le faire respecter. Il sourit à son tour à la jeune femme et lui prit les mains encore posées sur son torse dans les siennes.

-Ça ne fait rien, ça va sécher. C'est la preuve que je t'ai manqué. Ajouta-t-il en lui faisant un clin d'oeil. Puis il avisa la pochette accrochée à sa ceinture et soupira.

-Je dois aller porter une lettre à Fletcher et je dois repartir après. Je peux revenir de temps à temps à Laragon, si tu veux qu'on se voit. Et je peux t'écrire, tant que les courriers ne sont pas interceptés. Qu'est-ce que tu en dis ?

La dure réalité lui était revenue en plein visage, de plein fouet. il avait perdu du même coup son sourire et son air heureux, pour retrouver sa mine grave et sérieuse de tous les jours, depuis trois ans. Il pensait également à Ulum, qu'il allait bientôt retrouver. Et s'il lui parlait de ses retrouvailles avec Jillah, comment réagirait-elle ? Et s'il ne lui en parlait pas et qu'elle le surprenait en train d'écrire une lettre à Jillah,comment réagirait-elle ? Et si elle le voyait revenir à Laragon régulièrement, sans lui donner d'explication, comment réagirait-elle ? Il s'était peut-être découvert des sentiments pour Jillah, mais il ne pouvait ignorer ce qu'il ressentait en présence d'Ulum, avec qui il passait sa vie sur le front, et dont il avait sauvé la vie, l'an passé.

La jeune femme serait bien restée des heures dans les bras d'Aldo, mais il fallait se montrer raisonnable, et puis elle était encore élève ici, elle. Alors elle se recula sans pour autant rompre entièrement le contact, gardant ses mains sur son torse. Elle ne pouvait pas s'empêcher de le toucher, comme si elle craignait qu'il ne disparaisse soudainement.

Et pour cause, le jeune homme lui apprit qu'il devait partir dès qu'il aurait délivré sa lettre au directeur. Elle se demandait de quoi il s'agissait, mais elle savait aussi que cela ne la regardait pas, alors elle se garda de lui poser la question qui lui brûlait les lèvres.

Son sourire s'effaça quelques instants en apprenant qu'il devait s'en aller si vite, mais la suite éclaira de nouveau son visage.

-Je...ça me ferait plaisir de te revoir...et d'avoir de tes nouvelles régulièrement...

Il devait avoir beaucoup de choses à lui raconter et elle aussi. Enfin beaucoup...quelques-unes du moins. Après tout, sa vie à l'Académie n'avaient rien d'extraordinaire, même si elle travaillait beaucoup. Elle se mordilla la lèvre et baissa les yeux un instant sans se douter qu'Aldo était lui-même perdu ses pensées. Elle se redressa et lui sourit:

-Alors je ne vais pas te retenir plus longtemps...

Elle s'en voulait de briser la magie de leurs retrouvailles, mais elle ne voulait pas qu'il se mette en retard par sa faute. Et puis, elle ne voulait pas qu'il reparte avec pour souvenir, son visage marqué par la déception de le voir partir si vite arrivé. Il reviendrait, et alors ils passeraient plus de temps ensemble, pour réellement prendre le temps de se retrouver, de parler, d'apprendre à se connaître de nouveau.

Un instant, Jillah se demanda pourquoi cela lui tenait tant à cœur, mais elle décida de remettre ces considérations à plus tard, lorsqu'elle serait seule. Seule...elle l'était en effet, enfin dans le sens où elle n'avait pas d'homme dans sa vie. Mais lui...elle se rendit compte qu'elle n'y avait même pas songé une seconde. Et bizarrement, une bouffée de jalousie l'envahit à cette pensée.

Elle la réfréna de son mieux pour garder le sourire. Elle se força à éloigner ses mains du corps d'Aldo, rompant le cocon de douceur et de chaleur qui l'avait envahi dès que leurs corps s'étaient touchés.

Spoiler:

Si cela n'avait tenu qu'à elle, elle serait restée contre Aldo un long moment encore. Elle aimait son contact et la chaleur de sa peau qu'elle percevait à travers ses vêtements. Ainsi éloignée de lui, elle avait presque froid, mais elle se refusait à se montrer faible et trop sensible, parce qu'elle se disait que ça ne devait pas être facile pour lui non plus, de revenir dans un lieu chargé de souvenirs pour le quitter rapidement ensuite.

Alors, elle décida de cacher sa tristesse et sa déception derrière un sourire, comme elle savait si bien les faire. Ce n'était pas la peine d'en rajouter, le jeune homme n'avait sûrement pas besoin de ça. Un petit silence s'installa entre eux, mais ce n'était pas un de ces silences gênés non, ils n'avaient juste rien à dire pour l'instant.

La jeune fille finit par lui sourire véritablement, elle avait tellement l'habitude à présent qu'elle avait totalement oublié la cicatrice qui lui barrait l’œil droit, elle n'avait d'yeux que pour le jeune homme. Ce n'est qu'au moment où il passa son pouce sur celle-ci qu'elle réalisa qu'il l'avait remarquée. Et bien sûr, question légitime, il lui demanda d'où elle venait et si elle avait eu affaire à des wyrms.

Par réflexe, elle posa le bout de ses doigts sur la cicatrice, frôlant ceux d'Aldo:

-C'était il y a deux ans, des wyrms ont voulu capturer ma sœur. J'ai vu rouge et....je ne me suis pas montrée très prudente sur ce coup-là.

Elle fut pris d'un petit rire nerveux, puis baissa les yeux:

-J'ai eu peur pour ma sœur, j'ai agi sans réfléchir en fonçant sur le wyrm qui la maintenait. A vrai dire, je ne me souviens pas bien, tout s'est passé très vite...je me souviens d'avoir essayé de le bousculer, il a dû lâcher Aël et il m'a intercepté. Après, j'ai dû lui mettre un coup je ne sais pas trop où...et lui m'en a rendu plusieurs pour la peine. Ensuite c'est le trou noir. on m'a juste dit que mon père et l'armée territoriale était intervenue, je me suis réveillée sur un lit d'hôpital avec quelques brûlures et des fractures.

Elle tira la langue et se gratta la joue, un peu gênée:

-Enfin, je serai plus prudente à l'avenir. Ca m'a servi de leçon...même si je ne suis pas sûre que ça m'empêcherait de recommencer si on s'en prenait encore à une personne qui m'est chère...

Ses joues se colorèrent légèrement, il devait la prendre pour une idiote inconsciente maintenant...mais bon, elle était comme ça.

-...je ne sais pas si tu vois qui est Nailah, mais grâce à elle, j'ai fait pas mal de progrès en combat rapproché. Alors les wyrms n'ont qu'à bien se tenir.

Elle croisa ses bras dans son dos et pencha légèrement la tête sur le côté:

-Tu sais...j'ai suivi tes conseils.

Un grand sourire étira ses lèvres, elle parlait bien sûr des conseils qu'il lui avait donné lorsqu'ils s'étaient rencontrés dans le gymnase, trois ans plus tôt. Elle n'avait pas oublié. D'ailleurs, elle n'avait rien oublié, même pas les élèves qui avaient brusquement quitté l'académie, ou qui avaient eu leur diplôme ou encore...ceux qui étaient morts.

Il avait mis un certain temps avant de remarquer la cicatrice de Jillah sur son oeil droit, trop habitué à ce genre de chose dans son quotidien. Il s'en voulu d'abord, mais la jeune femme en s'en formalisa pas. Elle porta à son tour sa main à sa cicatrice et leurs doigts se frôlèrent. Sans bouger, Aldo écouta le récit de Jillah de leur attaque deux ans plus tôt. Il sentit ses joues s'empourprer et son rythme cardiaque s'accélérer. Cette fois, rien à voir avec les sentiments qu'il pouvait avoir pour Jillah, mais la rage contre les ennemis qu'il combattait depuis bientôt trois ans. Il ne pouvait pas reprocher à son amie de s'être mise en danger pour protéger sa soeur. Aldo se souvenait d'Aël comme une jeune femme douce. Elle n'était probablement pas une combattante. Lui-même se serait jeté dans la bataille si sa soeur avait été en danger. Il soupira, soulagé, en entendant que l'armée était intervenue à temps. Mais savoir que Jillah avait été gravement blessée ce jour-là n'était pas pour le rassurer. Il préféra se taire cependant. Elle termina en avouant qu'elle avait suivi ses conseils, ce qui le fit sourire. Il avait oublié quel conseil exactement il lui avait donné, mais il se rappelait de quel jour elle parlait. Il lui avait probablement dit de s'entrainer continuellement pour devenir plus forte.

Il retira sa main de la joue de la jeune femme pour s'éloigner légèrement. Il ne devait pas oublier pourquoi il était là. La cloche de l'école signalant la reprise des cours le sortit de sa rêverie et il se secoua, remettant sa veste en place correctement sur ses épaules.

-Je dois vraiment y aller maintenant, Jillah. Je suis désolé pour ce que vous avez vécu, ta soeur et toi. Si seulement je pouvais effacer le passé... Continu à être assidue. C'ets la seule façon d'avoir une chance de t'en sortir.

Il prit le visage de la jeune femme entre ses mains, et hésita une seconde, ses lèvres tout près des siennes, mais ne put se résoudre à l'embrasser. Il porta alors ses lèvres au front de la jeune femme et y déposa un tendre baiser.

-Prends soin de toi. Je reviendrais dès que possible. Je te tiens au courant.

Sur ce, il la contourna et se dirigea vers le bureau du directeur. Il se retourna pour lui adresser un dernier sourire, et disparu à l'angle d'un couloir.


[clos pour moi. merci miss, je vais demander les orbes ^^]