Bryne portait dans ses bras une boîte aux couleurs pastels, toute décorée de rubans de dentelle alors même qu'elle avançait dans les couloirs, ignorant les élèves retardataires qui y traînaient alors même que l'heure du dîner était bientôt passée. De son pas rapide et martial, tête droite, menton haut, elle était certes plus petite que beaucoup et d'aspect juvénile, elle n'en brillait pas moins par son irréprochable maintient.

La rentrée était passée depuis peu, apportant son lot de cours, de travail, d'élèves inaptes ou plus convenables. Bien souvent, elle s'ennuyait, privée du frisson de la guerre, malgré ses réveils aux aurores afin de s'entraîner et ses cours à donner.
Elle n'était pas la plus à l'aise avec ses nouveaux collègues. Certains avaient été ses professeurs alors même qu'elle étudiait. Cependant, la plupart gardaient une bonne image de Bryne, élève studieuse et brillante. Bien qu'elle soit sociable, ses amitiés étaient laborieuses et elle ne plaçait sa confiance qu'en son dragon, sous l'affect de la discussion et de la plaisanterie. Elle était une arme portée au fourreau, tout comme sa rapière dont la lame n'étincelait plus que contre des mannequins d'entraînement.
Cependant, dans toute l'inaptitude de ses collègues - comme cet incapable de Ferretti - il y avait une femme qui l'intriguait et qui attirait du moins sa sympathie, au moins son respect. Jan Wennerström avait été son enseignante, autrefois et la guerre qu'elle avait mené lui avait porté aux oreilles la légende d'une femme aujourd'hui brisée.

Combien de fois l'avait-elle attendue en réalité dans le réfectoire, espérant lui parler ? Mais il semblait que la fille de la glace ne mangeât guère avec les autres, si tant est qu'elle mangeât. Ce fut pour cette raison que Bryne choisit de prendre le taureau par les cornes. C'était cette femme entre tous ses collègues qui l'intriguait et lui plaisait.
Elle frappa doucement, attendant qu'on l'invite à entrer avant de se glisser dans le bureau de Jan, la trouvant affectant de se pencher sur des copies.
"Bonsoir." Fit Bryne de sa voix douce en refermant la porte derrière elle. "J'ai songé qu'une tourte du Nordheim vous séduirait pour la partager en ma compagnie." Elle sourit, de cet habituel sourire radieux mais finalement, ô combien, affecté.
"Mais peut-être ma présence est-elle inopportune. Jugez-en et congédiez-moi si c'est le cas." Avec douceur elle avait déposé le charmant paquet sur le bois du bureau soigneusement briqué, croisant les mains dans son giron avec l'élégance d'une femme du monde qui n'était jamais que l'une des facettes de sa personnalité.

"Je serais cependant heureuse d'alléger un instant notre journée commune en faisant plus ample connaissance. Votre discours de rentrée fut édifiant et en tous points véridique." Elle souriait, Bryne, comme l'éclat délicat d'un rêve, sans l'ombre pourtant d'une pitié pour cette femme diminuée qui avait perdue là où d'autres avaient triomphés.