Grimpant les escaliers pour se diriger vers le dortoir, Maelen portait son énorme sac à bout de bras. Il avait décidé d’emmener une grande partie de son armoire. Moins il retournerait chez lui et mieux il se porterait. Il savait pertinemment qu’il devrait y retourner, son père était plus proche de la fin que du début et même si cela l’attristait, il gardait au fond de lui cette rancune de lui avoir arraché Shaem. Il ne supportait plus l’idée d’avoir vécu entouré d’esclaves, des gens qui devaient sans doute le haïr tellement fort que Maelen ne s’en sentait pas bien. Mais dorénavant il se débrouillait seul. Certes sa chambre serait plus petite et il devrait la partager, mais il espérait de tout cœur qu’il s’entendrait bien avec ses colocataires.

Épuisé par la montée des marches, il arriva à son étage légèrement en sueur. Il repoussa ses mèches blanches et dévoila sa compresse bandée sur sa tempe. Fouillant dans ses poches, il en sortit le papier où était indiqué le numéro de la chambre qui lui était attribué et le mémorisa.
Soulevant de nouveau son sac, il reprit sa route et traversa les couloirs, demandant quelques fois son chemin.
Finalement il arriva devant sa future chambre, posant son sac au sol, il tira sur ses vêtements pour se rhabiller un peu. Il sortit un mouchoir en tissus pour s’essuyer un peu le front et se tient bien droit.

Toquant à la porte, il attendit quelques instants mais personne ne lui répondit. Finalement, il poussa la porte et passa la tête dans l’entrebâillement.

« Bonjour… »

Ses yeux azur firent le tour de la petite chambre et il ne remarqua personne. Poussant finalement la porte, il pénétra dans la pièce.
C’était un endroit pas très grand et un peu spartiate, mais il y avait assez de confort pour y dormir au quotidien.
Maelen remarqua que deux lits étaient déjà occupés et il posa son sac sur le troisième et dernier lit disponible.
Un peu fatigué d’avoir couru dans toute l’Académie, il s’assit sur le lit pour en tester le moelleux et fixa la vue qu’il avait par la fenêtre. De là il ne voyait pas le nichoir où il avait laissé Norn en compagnie d’autres dragons.
Moyennement à l’aise dans son t-shirt un peu trempé par la transpiration, il le retira souplement et frissonna en sentant l’air frais de la chambre sur sa peau. Il fixa ses bras sur lesquelles quelques traces de griffures subsistaient, doux souvenirs de son épreuve d’Alliance.
Finalement Maelen tourna le dos à la porte et farfouilla dans son sac pour trouver un autre vêtement quand la porte de la chambre s’ouvrit de nouveau…

Découvrir qu'il partagerait sa chambre avec ce fouineur de Ludvig Brax avait achevé de mettre Asa de méchante humeur - ce qui se résumait chez lui a froncer très fort les sourcils et à pincer les lèvres.
Loger avec ce fouille-merde qui avait osé faire des commentaires sur sa petite amie et lui ? C'était on ne peut plus cocasse et le jeune Ignis avait bien envie de ne plus dormir du tout dans cette chambre.
Cependant, il n'avait pas trop le choix, il n'était pas sûr que le directeur veuille bien le faire changer pour un motif aussi puéril qu'une incompatibilité d'humeur. En plus il faudrait avouer avoir fait le mur dès le premier soir pour profiter de la présence de Medea et ça... ca n'irait pas aussi bien pour lui.

De plus, son humeur n'avait pas été en s'améliorant lorsque Asa avait découvert son tout nouvel emploi du temps et le fait qu'il commençait dès le lendemain matin à huit heures tapantes avec le cours de combat au corps à corps. Soit affronter Ferretti après deux mois de vacances était proprement insoutenable. Il n'avait même pas pu dire qu'il abandonnait son cours de combat puisqu'il avait voulu se spécialiser dans le combat armé au corps à corps et que c'était toujours Ferretti qui assurait cette matière. Donc la promesse des délices à venir lui causait par avance une migraine carabinée, sans trop se faire d'illusions quant à la mansuétude de l'insupportable ex-soldat quant à ses capacités combatives.

Poussant la porte de la chambre, et un lourd soupir, Asa pria pour que Ludvig soit occupé ailleurs - genre très loin d'ici, quelque part au fond de la gueule de quelque monstre sur des territoires très hostiles - et qu'il puisse profiter d'un peu de temps seul. Ses propres affaires avaient été amenées plus tôt, vu qu'il n'en était pas à sa première année. Cependant, il n'était pas seul. Mais ce n'était pas Ludvig mais plutôt un garçon aux cheveux blancs qu'il n'avait jamais vu.
Se sentant rougir du torse nu qu'il aperçu au passage, le pudique Asa ne sut un instant où poser les yeux. Sa propre chemise était boutonnée haut et sa cravate renforçait son air formel. Cependant trois ans à partager le dortoir des garçons aurait dû habituer la jeune fille cachée sous le jeune homme mais elle ne pouvait s'empêcher de rougir chaque fois que l'on apparaissait un tant soi peu dénudé dans son champ de vision.

"Heu... Salut." Fit Asa en se reprenant, regardant ailleurs pour dissiper sa gêne, faisant quelques pas dans la pièce jusqu'à son propre lit où il laissa tomber son sac en bandoulière."Tu... es nouveau ? Je ne t'ai jamais vu ici."
Asa était poli la plupart du temps, bien que réservé, secret et timide et s'il devait partager sa chambre avec le crétin des délégués des Aquas... Autant se faire au moins un copain du troisième larron.
"Je m'appelle Asa, je suis Ignis en quatrième année, enchanté. Et toi ?" Il ne tendit pas la main. Les contacts physiques étaient trop difficiles à supporter pour lui et il les limitait au minimum possible, en dehors d'avec Medea.
A la place, il se laissa tomber sur le lit, plus confortable que l'on aurait pu le penser, et savoura de faire une petite pause.

Se demandant si Norn se sentait bien dans le perchoir où il l’avait laissé, il s’inquiéta quelques instants, avant de rire en se disant que s’il croisait une dragonne, il allait la suivre et lui faire les yeux doux. Norn était un indécrottable dragueur, comportement assez étrange de la part d’un dragon. Peu importe à quel type ou quel gabarit il avait affaire, il fallait qu’il courtise tout ce qui lui plaisait.
Poussant un soupire désabusé, il mit enfin la main sur son t-shirt quand il entendit quelqu’un rentrer dans la pièce.
Se retournement souplement, il croisa le regard bleuté du jeune homme qui se trouvait en face de lui et lui fit un grand rire.
Il admira pendant quelques instants les longs cheveux noirs, qui lui firent immédiatement pensé à Shaem.

« Oui je suis nouveau ! » Répondit-il avec un enthousiasme non feint. Dévoilant une dentition quasi parfaite, il continua de sourire avant d’enfiler son t-shirt noir sans s’apercevoir que le jeune garçon avait le rouge aux joues.
Maelen n’était pas un très fin observateur, il préférait se faire un avis sur les gens en discutant avec eux plutôt qu’en les observant.

Le blond regarda son nouveau colocataire s’asseoir sur son lit et il nota son nom dans un recoin de sa tête.

« Enchanté Asa. Je m’appelle Maelen, je suis un Ventus en première année.»

Au fond de lui, Maelen était plus de que ravi. Il n’avait jamais partagé une chambre avec qui que se soi. Il avait plus ou moins toujours vécu dans la solitude du palais familiale, même sa période au lycée ne lui avait pas permit d’être très proche des autres. Il n’avait jamais dormit chez personne par exemple, il n’avait jamais été le confident de quelqu’un. Alors oui il avait eux des amis et des amies avec qui il était sortit, avec qui il s’était amusé, avec qui il avait un peu flirté. Mais il pouvait avouer qu’il n’avait jamais vraiment eu de véritables amis. Bon à part Shaem, mais le statut non clair de leur relation le travaillait depuis sa disparition. Etaient-ils amis ? Etaient-ils juste le fils de son maître ? Le détestait-il ?
De toute façon il serait très bientôt fixer, Shaem était là quelque part entre ses murs et il allait le trouver.

Ouvrant son sac, il commença à ranger ses affaires avant que son regard ne soit attiré par un katana posé dans un coin de la chambre.

« Oh ! C’est ton arme ? » Demanda t-il assez impressionné. « Un katana, c’est rare d’en voir un en vrai et de rencontrer quelqu’un qui sait le manier… »
S’avançant doucement il s’accroupit pour regarder l’arme de plus prés mais n’y toucha pas. Maelen soupira et glissa déçu :

« Les premières années n’ont pas le droit d’avoir leur arme avec eux…Bon tu me diras, personnellement je sais juste tirer à l’arc, ça n’aurait pas été très pratique de l’avoir sur le dos en permanence… »

Se redressant en mettant ses mains sur ses genoux, il finit de vider son sac et demanda avec bonne humeur :

« Tu es content de l’Académie ? Les professeurs sont sympas ? Les cours ne sont pas trop pénibles ? Tu as pris des options en plus pour ta quatrième année ?»

Oui Maelen voulait savoir plein de chose, mais il avait peur que si un silence s’installait Asa le trouverait chiant et le laisserais moisir dans un coin de la chambre.

Asa fut soulagé, le garçon aux cheveux blancs avait l'air sympa. En tout cas il semblait enthousiaste... Il y avait de quoi, au fond, quel que soit votre passé, Lindorm vous ouvrait ses portes et vous permettait de trouver sinon un foyer, du moins une place au chaud et en sécurité. Alors oui, l'orpheline en lui comprenait le sentiment de joie que l'on pouvait éprouver à son entrée dans ce nouveau monde, fait de dragon et de cours martiaux, bien qu'au fond la guerre soit une notion vaguement angoissante. Asa ne se déroberait pas. Et le sourire du garçon blanc était communicatif.
Malgré sa lassitude à être dans la chambre de Ludvig, il le lui rendit, ce sourire éclatant, innocemment, avec une grande douceur au fond des yeux.
Un Ventus ? Et bien voilà une bien fine équipe de dragonniers : l'air, l'eau et le feu. Et visiblement, le dénommé Maelen était prolixe et bavard. Ce n'était pas forcément pour déplaire à Asa en réalité. Lui-même parlait peu mais que les autres parlent pour deux l'arrangeait : il pouvait ainsi éviter le plus possible de parler de lui. Ecouter était toujours plus simple que de raconter quoi que ce soit; il ne fallait jamais trop en dire.

Laissant le garçon ranger un peu ses affaires et prendre ses marques, Asa dit doucement dans le bref silence : "Le troisième c'est un gars en cinquième année. C'est le délégué des Aquas, Ludvig Brax. Je pense qu'il viendra plus tard." A moins qu'il ne soit encore en train d'espionner un couple innocent et n'ayant rien demandé, pensa-t-il très fort. Asa avait une voix douce et posée, qu'il élevait parfois quand le côté Ignis ressortait. Il avait cependant toujours été plus eau que feu, de toutes façons.

Alors que le Ventus venait regarder son arme, Asa lui accorda un nouveau sourire. Il se sentit légèrement flatté que l'on s'émerveille ainsi pour son katana, auquel habituellement personne ne prêtait jamais attention. En vérité, l'arme avait une valeur sentimentale plus que réellement symbolique. Ce n'était ni une lame exceptionnelle, ni même dotée de magie. C'était cependant le premier cadeau qu'il se soit fait avec l'argent de sa paie, lorsqu'il travaillait dans les vergers Saabis. Un marchand de Wuweishu l'avait exposé et Asa était tombé amoureux de cette arme. Equilibrée, sa longue lame affûtée billant dans le soleil brûlant de la fin d'après-midi, il avait donné presque toute sa maigre solde pour l'obtenir. Il n'aurait su dire pourquoi mais la lame lui avait parlé, avait fait vibrer quelque chose d'enfoui en lui, un souvenir insaisissable comme un fantôme. Depuis, elle était avec lui, et bien qu'il n'y avait pas le droit pendant sa première année, il l'avait cachée à Hemi-Tipene, quelque part au plus profond des ruines, afin de revenir la chercher l'année suivante.
"Ho tu sais, je ne la manipule pas si bien." Il rit légèrement, ses yeux pourtant lointains. "Et il n'a rien d'exceptionnel. Ce n'est qu'une arme très simple. Je... Je ne suis pas très bon en combat."
C'était vrai et faux à la fois. seul, Asa n'était pas mauvais et il manipulait parfaitement son arme. Mais dès qu'il était entouré... les choses dégénéraient à cause de ses angoisses et de sa phobie.
"Mais rassures-toi tu apprendras à utiliser l'arme que tu préfères rapidement" Il lui sourit, encore, avec bienveillance. Asa n'était pas du tout un mauvais bougre. Il nota d'ailleurs, à la faveur d'un mouvement de Maelen le gros pansement de sa tempe, mais n'en souffla mot : il détestait les questions, ce n'était pas pour en poser aux autres.
"L'académie c'est... Difficile mais c'est un peu une vaste famille : il y a les frères chiants que l'on préfère éviter et ceux que l'on adore." Il rit légèrement. Mais qu'elle idée avait-il, lui, d'une famille ? "J'ai pris une option Dialectes et Idiomes." Ajouta-t-il sobrement, timidement. A vrai dire Asa avait quelques notions vagues de Roroa mais parlait Saabi couramment depuis qu'il avait treize ans. Ce cours était tout indiqué pour lui, en plus il y avait Medea...
"Et les profs... Et bien ce sont les profs quoi... Méfie toi du prof de combat au corps à corps, si tu n'es pas assez bon, c'est une vraie roulure !" Ferretti... Ce seul nom était honni d'Asa comme de Medea, à cause de leur médiocrité dans sa matière.

Maelen était vraiment bavard mais cela lui changerait que de regarder Ludvig en chien de faïence.
"Tu viens d'Aeria avec ton dragon?" demanda doucement Asa, timidement, pour maintenir la conversation, bien que cela ne soit pas son fort du tout. "En tout cas si tu as besoin d'un coup de main dans une matière, n'hésite pas..." Il rougit encore en disant cela, maladroitement, comme pour se montrer plus sociable qu'il ne l'était. Mais Asa voulait vraiment être gentil avec les autres, peut-être parce que Medea déteignait sur lui ?

La voix calme et posée d’Asa lui rappelait un peu celle de Shaem. L’on entendait de petites sonorités joueuses qui ne demandaient qu’à sortir mais qui parfois étaient retenues. Une voix qui vous apaisait, avec laquelle l’on se disait que tout irait bien.
Alors Maelen se dit que oui, Asa devait être gentil garçon, en qui on pouvait avoir confiance. Le Ventus se fiait souvent à ses premières impressions. Peut être tout simplement parce qu’il ne se méfiait pas assez des autres. Après tout, il n’avait jamais fréquenté grand monde et sa famille à lui n’était constituée que d’esclave. Mais étaient-ils vraiment sa famille ? Maintenant qu’il avait la vingtaine, il était en droit de se poser des questions.
Pestant, il s’interdit de penser à ça et de rabâcher tout le temps les mêmes questions. Il ne fallait plus y penser, pas tant qu’il n’aurait pas retrouvé Shaem pour y voir plus clair.

Maelen nota, le nom de Ludvig Brax, un Aquas, délégué qui plus est. Il espérait que le garçon soit aussi cool qu’Asa.
Souriant et posant beaucoup de questions, le blond empila ses t-shirts dans un coin de l’armoire, puis ses pantalons et déposa sur sa table de chevet le livre qu’il était en train et un petit tube en ivoire, souvenir de sa mère et de la période où Shaem l’avait quitté...

« Non les katanas sont des armes incroyables ! Ils donnent une prestance magnifique, je trouve qu’au niveau stratégique c’est un très bon choix, ni trop court, ni trop long. »

Riant il se plaça au milieu de la chambre, fit mine de dégainer un sabre imaginaire et fit deux trois mouvements souples dans le vide.

« J’aime bien l’arc, c’est la seule arme que je maîtrise. Mais tant que je ne saurais pas ce qu’est mon don, je pense que je ne vais me fermer à rien… »

Soupirant il laissa ses bras retomber le long de son corps, passa sa main dans ses cheveux et prit une moue songeuse à la réponse que lui livra Asa sur l’Académie. Une grande famille. C’est ce qu’il avait toujours voulu. Mais à l’heure actuelle, il n’était plus que deux et demi. Sa cousine Mara, lui et son père qui comptait pour la moitié d’un. Aldo avait été le membre de sa famille dont il avait été le plus proche mais dorénavant, il n’était plus là. La pensée qu’il ne le revenait plus lui tordit un peu le ventre, mais il n’en montra rien. Il fit un grand sourire à Asa et lança joyeusement :

« J’espère alors que tout ceux que je rencontrerais seront adorable ! En tout cas, c’est bien partit pour le moment. » Riant, il fit un clin d’œil à l’Ignis et rajouta. « Je suis nul en langue, je connais juste que quelques mots de Saabis que … » Maelen buta sur le mot, comment qualifié Shaem ? Avalant sa salive, il rajouta finalement : « Quelqu’un m’a apprit… »

Quand son sac fut vide, il le plia soigneusement et le glissa sous son lit. Il regarda ce qu’il avait entassé sur son lit et posa quelques cahiers et stylo lui le bureau.

« Ferretti…Ok, je retiens le nom. Il va me détester alors, je n’ai jamais frappé qui que se soit… » Avoua t-il en riant.

En fait c’était à se demander ce que Maelen faisait dans cette école. Il n’avait rien d’un soldat, sa vie n’avait jamais été dure, il n’avait jamais connu de crise, il n’avait jamais été défavorisé, ou connu de réel conflit. Il avait pour unique but la liberté de tous et autant dire que le sujet était vaste.

Quand tout fut bien rangé, il se laissa tomber sur son lit et fixa le plafond, savourant l’épais matelas.

« Oui Aeria, nous sommes de Thanos tout les deux…Mais en réalité, la semaine dernière nous étions à Keven dans la jungle de Jerghat pour l’Alliance….Ca n’a pas été une mince affaire.. » Se redressant en souriant il indiqua son pansement sur sa tempe. « Un souvenir de là-bas… »

Tripotant son collier où pendait une plume de Norn, Maelen rajouta.

« Mon dragon s’appelle Norn, il à 21 ans tout comme moi. Et toi, tu viens d’où ? Tu connais ton dragon depuis longtemps ? »

Ses yeux glissèrent sur Asa et cette fois il vit la petite rougeur naître sur ses joues alors qu’il proposait son aide. Acquiesçant, il lui sourit de nouveau :

« Merci ! N’hésite pas si tu as besoin de quelque chose toi aussi. N’importe quoi ! »

Fouillant dans sa sacoche, il en sortit deux petits gâteaux à la cerise et en lança un à l’Ignis.

« Dis-moi, tu connaîtrais un prof qui s’appelle Shaem ? »

Ouvrant son gâteau, il mordit dedans avec plaisir et croisa les jambes avec une élégance qui trahissait sa haute lignée. Le Ventus avait préféré faire l’impasse sur son nom de famille. Après tout ici il n’était plus un Ortega et tant que le nom de sa famille ne serait pas lavé de la crasse qui le maculait, il n’en serait plus un.

Les couloirs de la prestigieuse Lindorm grouillaient. Tout les élèves arrivaient à peu près en même temps pour s'installer dans leur chambre avant la reprise des cours. Il y avait toutes sortes de personnes, certains concentrés, habitués, d'autres râleurs et encore d'autres au regard encore plein d'espérance et d'euphorie après avoir réussi leur alliance. Ludvig était arrivé depuis déjà quelque temps à l'académie, préférant l'endroit à la présence de son père à la maison. Et même s'il avait l'habitude, cela lui faisait un peu étrange de voir tout d'un coup tant de monde autour de lui. Beaucoup le pressait d'ailleurs, soit parce qu'ils ne trouvaient pas leur chambre, soit parce qu'ils n'étaient pas content de leur colocataire. Et le délégué souriait en se frayant un passage, saluant quelques amis qu'il croisait au détour d'une porte ouverte.

Mais au fond tout ce qu'il voulait, c'était retourner dans sa propre chambre. Ses propres colocataires devaient être arrivés. Enfin... Asa il savait qu'il était là, même s'il ne l'avait pas vu la nuit dernière. Quand au petit dernier... il eut un rire quand quelqu'un lui donna une tape dans l'épaule et qu'il reconnut un autre délégué. A deux c'était tellement plus facile de gérer ce chambardement. D'ailleurs en quelques mots ils décidèrent de gérer ce bazar et lestement Ludvig grimpa sur les épaules de son camarade avant de siffler pour faire taire tout le monde.

"Hola bande de sauvage ! Un peu de calme dans les couloirs !" cria-t-il alors que tout les garçons du dortoir tournaient leur tête vers lui et son comparse. "Bon ! Ecoutez parce que je ne vais le répéter qu'une seule fois !" fit-il d'une voix forte. "Que tout ceux qui ne sont pas content et veulent changer de chambre, levez la main !"

Quelques mains se levèrent dans la foule et quelques murmures mécontent s'élevèrent également. Mais Ludvig resta calme et hocha de la tête alors que l'armoire à glace sous lui ricannait.

"Bon ! Alors la procédure est simple..." commença-t-il alors que déjà quelques uns secouaient la tête en sachant pertinnement ce qu'il allait dire. "Fermez vos gueules et faites pas chier !"

Il y eut des rires ainsi que des grondements de protestations mais Ludvig n'avait aucune intention de faire quoi que ce soit. L'attribution des chambres n'avait rien à voir avec aucun des délégués après tout. Redescendant de son podium improvisé il serra la main de son collègue et reparti se frayer un chemin jusqu'à sa chambre

Il ouvrit la porte d'un mouvement sec et la referma aussitôt derrière lui, étouffant les bruits dans les couloirs en secouant la tête. La rentrée était toujours animée. Levant les yeux, il aperçut Asa et le petit nouveau. Un large sourire se dessina sur ses lèvres et il essaya de se montrer le plus avenant possible.

"Hey ! Salut les gars !" fit-il nonchalament en se dirigeant vers son lit. "Dis donc toi, je t'ai pas vu hier soir..." fit-il à Asa avec un petit clin d'oeil. Il voulu lui ébourrifer les cheveux pour l'embêter mais l'Ignis évita sa main presque brutalement. Ludvig l'ignora et alla s'affaler sur son lit. "Ah... ça fait du bien," fit il avant de s'allonger sur le côté et d'observer le nouveau venu. "Alors c'est toi le rejeton Ortega ?" fit-il avec un sourire amusé. "Mealen c'est ça ? Bienvenue," fit-il avant de se redresser et de s'asseoir en tailleurs sur son lit. "J'espère que monsieur grognon a été de bonne compagnie," fit-il en lançant un autre clin d'oeil à Asa. "Je suis Ludvig Brax, je suis délégué des Aquas mais si tu as besoin de quelque chose, demande moi. Je sais à peu près tout ce qui se trame dans l'académie," fit-il en se montrant aussi sociable que possible.

Maelen semblait doux et gentil et c'était une chose qui plaisait à Asa, que les grosses brutes intimidait, ainsi que les gens forts en gueule. Elle était plus à son aise dans une paisible discussion. Elle sentait son cœur se gonfler de soulagement à l'idée que, si Ludvig était un sale crétin, au moins le troisième comparse de chambre semblait gentil et... Normal.

Le fait que Maelen ne semble pas s'être battu lui tira un sourire et il le rassura gentiment : "Ho ne t'en fais pas, en première année, ceux qui ont déjà vraiment combattu sont rares. Même après d'ailleurs. Je n'ai jamais affronté un vrai ennemi moi-même." Il souriait, avec douceur, un peu embarrassé. Dans deux ans, il serait un soldat. Mais que pourrait-il faire dans l'armée ? Il espérait que ses bonnes notes l'orienterait plutôt vers le génie, l'infirmerie ou encore l'ambassade. Il n'avait rien d'un combattant ou d'un espion. Il maniait correctement son katana en réalité, lorsqu'il n'avait pas la pression des cours, mais n'avait rien du meilleur élève en combat. "Et puis tu sais, ton don, tu auras le temps de le développer... On dit qu'il y a une nouvelle prof pour cette matière, le dernier était vraiment un empoté alors espérons qu'elle soit mieux. On dit qu'elle était Capitaine... C'est un peu effrayant." Il rosit légèrement.
Maelen le mettait à l'aise. Il était bavard et montrait une façade joviale et sociable. Ce n'était pas pour déplaire à Asa, d'un naturel timide mais qui se laissait facilement embarquer par les autres pour discuter. Trop de monde avait tendance à le stresser mais à deux, c'était beaucoup plus simple de parler.
Réceptionnant le biscuit, il affecta de le manger à petites bouchées pour ne pas répondre à la question sur ses origines. Il préférait éviter de parler de la moindre chose sur lui. C'était une caractéristique bien connue de ses condisciples d'année, qui n'étaient jamais arrivé à tirer à Asa plus que des banalités. Même Medea ne parvenait pas à rendre Asa loquace, c'était dire.
Heureusement, Maelen sautait du coq à l'âne. Cependant il ne put que secouer la tête en signe de négation. Ce prénom ne lui disait rien. Il n'était pas prof à l'académie l'année précédente en tout cas.
Mais, avant qu'il ai pu répondre, la porte s'ouvrit brusquement su... Ludvig.

Aussitôt, Asa se renfrogna, la mine sombre. Il ne détestait pas Ludvig mais lui en voulait pour avoir gâché ses retrouvailles avec Medea. Lorsque l'Aqua tenta de le toucher, l'Ignis se déroba brusquement au contact, le cœur s'emballant d'une terreur instinctive. Heureusement, le brun ne fit qu'effleurer quelques mèches, et il ne parvint pas à le toucher, ce qui évita la crise. Asa mit quelques secondes à se calmer, se laissant chambrer par cet insupportable délégué trouble-fête.
"Tant mieux si tu m'as pas vu." Marmonna-t-il, prenant une teinte proche du pivoine. La veille avait été celle de sa crise de larmes concernant Mae et ses... actes. Il avait fini par dormir dans la chambre de Medea. C'était le genre d'information qu'il ne souhaitait divulguer pour rien au monde.
"Je ne suis pas grognon !" Fit l'Ignis en écho aux dires de Ludvig mais c'était comme pisser dans un violon.
Le jeune homme s'était subitement fermé. Lui qui discutait tranquillement quelques secondes auparavant avec Maelen s'était renfrogné, assis sur son lit, visiblement distant alors que Brax accaparait tout l'espace.
"Ouais tu m'étonnes que tu saches tout, une vraie commère !" dit-il tout bas, mais assez fort pour que les deux jeunes hommes entendent, tout en s'allongeant sur le dos, les bras sous la tête, appréciant un peu de confort après une dure nuit et journée.
Il n'avait pu s'empêcher de lancer une pique à Ludvig. L'année allait être longue. Au fond, Asa riait sous cape : tout ce qui se tramait à l'académie, hein ? Et le fait qu'une fille soit dans votre dortoir depuis quatre ans, tu le savais, Ludvig ? Présomptueux.
Mais Asa ne souffla mot, se contentant de regarder le plafond en songeant qu'il lui faudrait redoubler de prudence pour se changer et surtout dans ces moments où les femmes sont les plus vulnérables... L'angoisse lui serra la gorge. Foutu Brax !

Oui Maelen parlait beaucoup et souvent pour ne rien dire. Ou rien de très significatif. En fait, quand il angoissait un peu et qu’il voulait se faire des amis, il pouvait parler pendant des heures pour se faire bien voir, montrer qu’il était « cool » et qu’il savait quantités de choses.
Ce qui en soit n’était pas faux, mais il passait bien souvent pour quelqu’un qui se la racontait que pour quelqu’un qui faisait preuve de subtilité dans ses conversations.
Maelen avait eu de gros souci de sociabilité pendant son enfance, il n’avait que trop rarement quitté le palais et c’était vers l’âge de treize-quatorze ans qu’il avait commencé à sortir et à fréquenter des garçons et des filles de son âge.
Son caractère fonceur et assuré avait toujours attiré les gens et malgré cela il essayait quand même d’être gentil, serviable et plus ou moins aimable. Surtout avec les filles quand il voulait s’attirer leurs bonnes grâces et obtenir quelques faveurs. Après tout c’était quelque choses que ses professeurs particuliers lui avaient apprit à faire et cela fonctionnait plutôt bien.
Maelen avait une belle gueule et il le savait, alors pourquoi ne pas en profiter quelques fois.

Un penaud d’apprendre qu’Asa ne savait pas qui était Shaem, il se rassit sur son lit et grignota son biscuit avec tranquillité. Il fut quand même content d’apprendre que la nouvelle professeur de Dons avait l’air plus compétente que l’ancien. Ca ne pourrait lui faire que bien, car il n’avait alors absolument aucune idée de ce que ça pouvait être.
Il ouvrit la bouche pour demander à Asa ce qu’était son don, sans même remarqué que le jeune garçon n’avait pas répondu à ses question, quand la porte s’ouvrit sur un nouvel élève. Assez grand, la peau mate, des cheveux courts et foncés, un corps musclé et un large sourire collé sur le visage.

Dés le premier instant Maelen le trouva beau, ses pommettes s’empourprèrent un peu, mais il sentit que l’air dans la pièce avait changé. La bonne ambiance sembla se refroidir un peu et le comportement d’Asa changea du tout au tout. Clignant des yeux, il fixa Ludvig s’allonger puis s’asseoir sur son lit et Maelen lui rendit son sourire, avant qu’il ne lui crache son nom à la figure. Son sourire décrut un peu et il se mordilla la lèvre mais passa outre quand il remarqua qu’Asa n’avait pas tiqué.
De toute façon, il n’aurait pas pu le cacher bien longtemps.

« Maelen, oui…Merci beaucoup » Dit-il d’une voix enjouée, avant de regarder les deux garçons qui se fixaient en chien de faïence.
Bien au final l’ambiance dans la chambre n’allait pas être de tout repos. L’eau et le feu dans la même pièce, il fallait bien un Ventus pour tempérer tout ça.

« Oh ! » Fit-il en apprenant que Ludvig était une vraie commère, peut être saurait-il quel professeur était Shaem. Il voulut poser la question mais se ravisa en se disant que ce n’était peut être pas une bonne idée de poser une question comme ça sans avoir un tant soit peu discuter un peu.

Un petit silence s’installa alors qu’il finissait son gâteau et se léchant le bout des doigts, il se tourna vers l’Aqua pour lui demander :

« D’où viens-tu Ludvig ? Cela fait longtemps que tu es délégué ? »

S’asseyant à son tour en tailleur sur son lit, il fixa de ses yeux bleus ceux du garçon en face de lui, avant que son ventre ne se mette à gargouiller de façon assez impressionnante.
Le rouge lui monta aux joues et il croisa ses mains sur son ventre.

« Pardoon !! J’ai pas mangé ce midi… »

Baissant les yeux, il ne put s’empêcher de rire aux bruits que faisait son ventre et mit un coussin entre ses jambes pour camoufler un peu l’écho des gargouillements.
Faisant un sourire à Asa, il demanda d’une voix joyeuse :

« Y a des trucs interdits de faire dans les chambres ? »

Ludvig se souciait peu de ce qu'Asa ressentait à son égard. Ils faudraient bien qu'ils s'entendent un minimum de toutes façons. Lui-même n'avait rien contre l'ignis, peut-être Asa s'adoucirait avec le temps. Car contrairement à ce que son colocataire disait. Il était bien grognon. Il aurait pu en rire et en rajouter un couche, mais il n'était pas du genre à chercher la bagarre et il supposait fortement qu'Asa ne se contienne plus au bout d'un moment et craque. Ce qui serait dommage alors qu'il y avait un premier année tout frais en face de lui. Qui semblait d'ailleurs beaucoup plus sociable que l'autre tête de cochon.

Maelen Ortega. Il avait lu la liste des chambres et avait regardé la sienne. Ortega était un nom que tout le monde connaissait. Il ne savait pas trop de quelle branche de la famille il était et il s'en fichait un peu. Il avait d'ailleurs pointé ce fait... comme un fait justement. Il avait l'air assez curieux. Mais beaucoup de nouveaux l'était. Eux qui avaient jusqu'à présent l'impression d'être des privilégiés avec leur dragon se retrouvait en compagnie de beaucoup d'autre aussi priviligiés qu'eux. C'était compréhensible de se poser des questions et de voir les différences de chacun.

"Alors, je suis de Nordheim. Je suis le petit dernier de la famille Brax," fit-il en souriant. "Et ça va faire... ma troisième année en tant que délégué... ? Pour certaines raisons que j'ignore les autres Aqua ne se sont pas encore lassés de moi... Ou bien est-ce parce que Médéa est présidente du conseil des élèves et que je ne suis qu'un second choix," il rit légèrement. Il se fichait bien de savoir pourquoi il était délégué au fond. "Ah... Médéa est une Aqua aussi en... quatrième année, comme grincheux là," fit-il en montrant Asa de la tête. "Il la connait très bien, si tu as des questions sur elle mieux vaut lui demander," il rit pour lui-même, ne pouvait finalement pas s'empêcher de taquiner l'Ignis.

Assis sur son lit et ignorant royalement tout commentaire d'Asa à son égard, il préféra porter son attention à Maelen. Il n'était pas aussi jeune que certains... il avait l'air d'avoir à peu près le même âge que lui lorsqu'il était entré à l'académie. Ca lui plaisait. Même s'il comprenait l'envie des jeunes de devenir dragonnier dès seize ans... plus d'une fois il avait remercié Jabutha de l'avoir empêché de le faire. Il n'aurait jamais été prêt. Même maintenant il ne savait pas s'il serait prêt l'année finie. Car il savait. Il avait vu sa soeur revenir du front, le regard éteint et ne disant mot pendant plusieures heures avant de finalement redevenir elle-même. Ou presque. Il l'avait vu pleurer pour la première fois de sa vie après qu'elle ai tuée pour la première fois. Elle qui était toujours si forte et brave. Elle avait craqué. Et même leur père n'avait pu se retenir de la prendre dans ses bras. Sans doute un des seuls gestes paternel qu'il eut jamais eu pour sa fille.

Alors il était content de partager sa chambre avec quelqu'un d'un peu plus âgé que d'autres. Même si, à le voir camoufler les bruits de son ventre il n'était pas aussi adulte que ça. Mais c'était bien l'hôpital qui se foutait de la charité. Il était sans doute le plus gamin de toutes les cinquièmes années.

"Le réféctoire ne devrait pas tarder à ouvrir," raconta Ludvig pour appaiser l'estomac de Maelen. Quand aux interdits.... Ludvig lança un bref regard à Asa puis soupira légèrement. "Il y'a des règles... ils ont dû te donner une liste lorsque tu as pris ton numéro de chambre," expliqua Ludvig, devenant tout d'un coup sérieux. "Tout le monde dans sa chambre après le couvre-feu. Il n'y a pas vraiment de surveillant dans le dortoir et tu sera sans doute trop fatigué pour vadrouiller d'une chambre à l'autre mais bon... " commença le délégué. "Ensuite, mais là t'a pas interêt à te faire chopper, interdiction formelle de quitter le dortoir la nuit. Et encore plus interdit d'aller dans le dortoir des filles," rajouta-t-il, d'un ton un peu plus léger. "Sinon... pour une bonne entente, de la propreté globale. Tu peux manger, boire... mais faut nettoyer quoi," fit-il en haussant les épaules. "Il y a des douches communes au fond du couloir. Il y en a assez pour tout le monde mais aux heures de pointes faut faire la queue. Soit tu arrive en avance, soit tu fait la queue, soit tu prend te lave à l'eau froide," résuma-t-il en souriant. "Les douches sont en accés libre, on a des toilettes perso là," rajouta-t-il en montrant une porte dans le fond de la pièce. "Elles communiquent avec la chambre d'à côtés donc... vérifie que y'a personne déjà dedans," fit Ludvig avant de sourire à nouveau. "Enfin bon... tu verra bien comment ça marche,"

Asa, couché, sentait la fatigue de la veille s'abbattre sur lui. Il n'avait quasiment pas dormi, dans la chambre de Medea, angoissant bien trop pour des futilité - et des choses plus graves - pour trouver longtemps le sommeil, qui avait été haché et douloureux. Ses bandages à la poitrine lui faisaient très mal et elle ne rêvait que de pouvoir les ôter. Cependant c'était même hors de question lorsqu'on dort en communauté. Autant s'y faire. C'était bizarre, c'était moins douloureux l'année précédente : à croire qu'elle avait pris un peu de bonnet. Cette idée l'angoissait terriblement et elle préféra reporter son attention sur les deux autres garçons, avant de se hérisser légèrement concernant Medea.

"Tu es obligé de toujours ramener à elle ?" Grogna de nouveau le jeune Ignis, piqué par les allusions de Brax et, sur un coup de sang, il balança à l'adresse de Maelen, afin de faucher l'herbe sous le pied de Ludvig pour toute vanne future. "Medea, c'est ma copine. Et ce type..." Il pointa Brax du doigt avec un œil noir. "Ne peut pas s'empêcher de le suggérer partout depuis qu'il l'a su avant hier !"
Se redressant un peu, il ajouta en grognant : "Voilà, maintenant je l'ai dit, Brax. On peut passer à autre chose ou on reste dans les vannes de niveau d'un première année ?" Il avait rougi, cassant un peu son effet, alors qu'il mentionnait Medea.

Se laissant retomber sur son oreiller, l'Ignis avait bien conscience d'être rabat-joie mais Ludvig l'agaçait, à force de faire son numéro. En plus, l'Aqua était détendu en société, populaire, séduisant et c'était peut-être ce qui l'énervait encore plus. Peu sûr de lui, pétri de complexes d'homme coincé dans un corps de femme, Asa était tout le contraire. Il était mal à l'aise en groupe, n'aimait ni parler de lui, ni vraiment se dévoiler. S'il se montrait timidement sociable devant une seule personne, il avait bien du mal à se voir comme quelqu'un d'intéressant, de mignon ou de doué. Il n'avait aucune confiance en lui, définitivement. Ludvig, lui, respirait une confiance en lui certaine, ce qui le rendait un peu jaloux.

Le blabla de Ludvig sur le fonctionnement de l'académie, il ne l'écouta qu'à peine - il devait cependant reconnaître qu'il était un bon délégué et se montrait très exhaustif pour expliquer à Maelen le fonctionnement des lieux.
La faim était contagieuse et il se redressa, balançant ses longues jambes pendant quelques secondes, un peu renfrogné.
"Bon on va manger ? J'ai la dalle aussi." Grogna-t-il légèrement. "Ca va bientôt ouvrir."
L'air de rien, le petit Ignis suggérait quand même qu'ils mangent tous ensemble. Mais au fond d'elle, maladroite, Asa pensait que Ludvig aurait trop d'amis pour manger avec eux. Elle était vraiment incapable, pensait-elle, lorsqu'il était question de relations sociales...
Cependant, des copains de chambres, elle en avait eu pas mal et s'était bien entendu avec tout le monde - peut-être parce qu'elle était discrète et ne faisait pas de vagues. Asa aussi était populaire, à sa manière, et il n'était pas le dernier à recevoir d’embarrassantes lettres d'amour... Le pire était sans doute qu'elle ne s'en rendait pas compte.
Elle s'était levée, abandonnant son sac sur le lit, attendant quelques secondes près de la porte, à moitié préparée à se prendre un vent.

La tension dans la pièce était presque palpable, on aurait dit un chat et un chien qui s’hérissaient les poils par leurs seules présences. Cela fit sourire Maelen, il considérait que si les gens osaient se dire ce qu’il avait sur le cœur en face, c’était que les gens étaient honnêtes. Et au vu des piques qu’ils se lançaient, il pouvait faire confiance à ces deux là. Riant discrètement, il fut surprit d’apprendre qu'Asa avait une petit-amie. Mais après tout c’était normal, il était plutôt beau garçon avec ses traits fins et ses longs cheveux noirs.

« Tu as de la chance Asa, moi aussi je veux une petite ami !! »

Riant, il serra le coussin entre ses jambes avant d’écouter tout ce que Ludvig avait à dire. Il paraissait bien sérieux tout à coup et le Ventus acquiesça à tout ce qu’il disait. Si l’Aqua était capable d’être aussi sérieux, il devait alors être un bon délégué.
Il nota qu’il n’avait pas le droit de se rendre dans le dortoir des filles, mais avait-il le droit de se rendre dans le dortoir des professeurs ? S’il faisait un cauchemar et voulait voir Shaem, comment ferait-il ? Levant les yeux au ciel pour réfléchir à la question, il finit par entendre que la cantine allait bientôt ouvrir et il se mit debout directement.
Il s’avança vers Asa prêt à le suivre et lui lança en le fixant dans les yeux :

« Médea doit être vraiment belle pour être avec quelqu’un d’aussi beau que toi ! »

Maelen était quelqu’un de franc qui disait la plupart du temps tout ce qu’il lui passait par la tête sans se rendre compte du désarroi ou de la trop grande franchise de ses paroles. Il estimait que si quelque chose devaient être dit, alors il fallait en parler. Il n’aimait pas ressasser les choses, réfléchir à ce qu’il fallait dire dans telle ou telle situation. Il disait ce qu’il pensait. Point. Si les gens n’aimaient pas ça, bah tant pis pour eux.
Souriant, il se tourna vers Ludvig et lui demanda :

« Tu n’as pas de petite-amie Ludvig ? »

Riant, il fit le signe de la victoire avec ses doigts et passa dans le couloir en lâchant :

« On est la chambre des beaux gosses de Lindorm, ça me plaît… » Il se ficha du regard mauvais que lui lancèrent d’autres élèves moins « beau » qu’eux et repoussa ses cheveux blonds platines. « Si il y a des filles à me recommander, je compte sur vous… »

Finalement il s’arrêta dans le milieu du couloir en face de la porte et lança à l’Aqua.

« Tu viens Ludvig ? »

Ses yeux se perdirent dans le couloir et il ne sut plus si il fallait aller à droite ou à gauche. Poussant un soupire à fendre l’âme, il maudit son mauvais sens de l’orientation et attendit qu’Asa s’avance pour lui emboîter le pas.

Ludvig gardait un calme certain dans la chambre. A vrai dire, il était plutôt du genre nonchalant qui ne se prenait pas spécialement la tête. Il faisait les choses à son rythme. Ni mauvais, ni gentil. Il voulait cependant en apprendre un peu plus sur Asa autant que sur Maelen. Mais l'ignis l'intriguait un peu plus. Le pauvre ressemblait parfois à un poisson qui aurait sauté hors de son bocal. Ludvig espérait qu'en le cherchant il arriverait à le décoincer un peu. Et il fut d'ailleurs content de le voir afficher le fait que Médéa était sa copine. Asa ne l'aimait sans doute pas, mais Ludvig n'en avait rien à faire. D'ici quelques mois il ne serait plus à l'académie et même plus tard ils ne seraient pas dans les mêmes escadrons.

Maelen quant à lui était beaucoup plus jovial. Il piqua d'ailleurs immédiatement un vif interêt pour l'histoire d'Asa et commença à rêver tout haut de son côté, ce qui eut l'effet de faire rire doucement Ludvig. Au moins l'ambiance serait légère avec le ventus, en tout cas il l'espérait. Enonçant les règles les plus importantes des dortoirs, il était sérieux et posé. Car Ludvig était quelqu'un de beaucoup plus sérieux et patient qu'il n'y paraissait. Il était en général calme comme l'eau d'un lac, avec quelques remous par ci par là. Il profitait de son temps à l'académie pour faire tout ce qu'il ne pourrait certainement pas faire une fois à l'armée. Car Ludvig était bien décidé à devenir soldat. Il ne se voyait pas forcément faire autre chose de toutes façons. Il n'avait pas de rang à tenir - son frère aîné était là pour ça. Il n'avait même pas besoin d'être officier - sa soeur ayant déjà l'ambition de devenir générale. Il y avait déjà des petits enfants à foisons... personne n'attendait rien de lui. Il n'avait pas de métier ni de grandes envies à part être aux côtés de Jabutha. Alors être soldat lui convenait parfaitement. Il verrait bien comment les choses tourneraient, il se laisserait glisser au fil de l'eau.

"Une petite amie ?" répéta Ludvig, soudain un peu surpris par la question. "Non... ça ne m'interesse pas, je n'ai pas le temps," fit-il en haussant les épaules, nonchalant.

Et c'était terriblement vrai. Ludvig ne se voyait pas en couple pour l'instant. Il avait essayé mais... cela lui semblait injuste pour sa compagne de ne pas éprouver de sentiments amoureux pour elle. La compagnie de son dragon lui suffisait. Et puis beaucoup de filles étaient attirées par son rang. Et... non, franchement ça ne l'interressait pas vraiment d'être en couple.

"Y'a une tonne de filles à Lindorm," fit Ludvig, beaucoup plus jovial. "Et des mignonnes. Beaucoup on du caractère cela dit... bon courage," rajouta l'homme en riant. Alors qu'il se levait pour suivre le mouvement.

Il commençait à avoir faim lui aussi. Passant près d'Asa il lui offrit un sourire calme et enfonça ses mains dans ses poches. Il n'était pas mécontent du choix de la chambre. Il savait Asa être quelqu'un de sérieux, il était sûr de bosser en paix avec lui. Maelen n'était pas un gamin de seize ans qui venait de se décider à passer l'Alliance parce qu'il avait l'âge et qu'il voulait devenir un héro ou je ne sais quoi. Alors sans doute serait-il sérieux dans ses études lui aussi.

"C'est par ici," fit Ludvig d'un geste de la tête en indiquant le chemin. "L'école est grande mais tu t'y retrouvera facilement," dit-il à Maelen qui semblait un peu perdu. "Au fait... si vous avez besoin d'aide pour vos cours... j'ai mes cours des années précédentes sous mon lit. N'hésitez pas à me demander,"

Contrairement aux idées reçues... Ludvig était un élève sérieux et attentif. Ses cahiers étaient très bien tenus et il s'était appliqués à les remplir. Mais il était vrai que pour beaucoup il était simplement Ludvig. Le gars qui ondule comme l'eau d'un lac, qui fait ce qu'il veut et qui n'a rien à faire de l'étiquette ou des civilités.

[On déménage ? XD]

Asa se sentit diablement rougir alors que le Ventus déclarait qu'il avait de la chance. Il ne savait pas trop, il ne s'était jamais spécialement posé la question. Tous les garçons de son âge, cependant, étaient finalement préoccupés par les filles et il était parfois bêtement fier d'être en couple, bien qu'il l'ai caché si longtemps. Il était ironique de penser qu'en étant persuadé que Ludvig irait crier sa relation sur tous les toits, c'était lui qui le faisait finalement. A croire qu'Asa lui-même ne se rendait pas compte du paradoxe.
Il faillit s'étouffer à la mention de la beauté de Medea et de la... sienne ? Lui, beau garçon ? Il ne se trouvait pas franchement terrible.
"Heu bah Medea est super belle, oui mais heu... non pas moi..." Fit-il en s'embourbant dans ses mots, ayant du mal à cacher la vive rougeur de ses pommettes.

Quant à Ludvig, il fut un instant surpris par sa réponse. Il n'avait pas le temps ? Il était plus sérieux qu'il l'avait imaginé - mais hors de question d'avouer pour le moment que c'était autre chose qu'un sale fouineur trouble-fête.
Concernant les jolies filles, il resta muet. Il n'était pas très bien placé pour juger, il ne regardait pas les filles, en général. C'était pourtant le sport préféré des jeunes hommes en pleine santé. Pas qu'il n'y en ai pas de jolies mais il était trop focalisé sur sa relation avec Medea pour vraiment s'intéresser aux autres. C'était déjà assez compliqué d'être une fille travestie. Autant s'éviter plus de complications encore.
"Tu auras sûrement beaucoup de lettres à la saint Valentin." Dit-il à Maelen, sans arrières pensées. "C'est vraiment une avalanche à ce moment là." Lui même en recevait, c'était dire ! Puis, se rendant compte de ce qu'il disait, il ajouta, maladroitement : "Heu enfin t'es beau gosse, t'auras du succès quoi. Pas que je m'intéresse aux garçons hein !" Asa s'embrouillait, trop mal à l'aise avec ce genre de sujet et il préféra avancer un peu plus vite vers le réfectoire.

La proposition de Ludvig concernant les cours le surpris de nouveau. L'avait-il mal jugé ? Il le regarda un instant d'un œil torve, partagé dans ses détestations primordiale et la facette plus sérieuse de l'Aqua qu'il découvrait. "C'est sympa." Dit-il finalement, un peu abruptement, maladroit dans ses relations avec les autres.

Finalement, le réfectoire s'ouvrit à eux, Asa suivant les deux autres larrons à une table libre après avoir récupéré assez de nourriture - contrairement aux apparences, il avait de l'appétit. L'année serait peut-être un peu plus facile qu'il l'aurait imaginé.

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