Tayeb était énervé …pour changer.
Il sortait tout juste de cours de Géopolitique Global, l’un de ceux avec lesquels il était sévèrement fâché, et il s’était planté en beauté ! Au retour des vacances, enfin après l’attaque, ils avaient repris les cours normalement malgré quelques courants d’air dans l’Académie et leur professeur n’avait pas reporté l’examen prévu une semaine et demi après la reprise. Et il venait tout juste de leur rendre leur copie.
Tayeb s’était planté en beauté récoltant une note bien en-dessous de la moyenne.

Bon dieu ! Heureusement qu’il ne s’agissait pas du cours dans lequel Tarik lui donnait un coup de main sinon il serait littéralement mort de honte.
Oh bien entendu, il pouvait se trouver quelques excuses : sa plus profonde blessure, au niveau de sa cuisse, n’était pas encore complètement remise ce qui l’empêchait de se donner à mort dans les cours pratiques, il avait l’impression d’être à la traine. Ajouté à ça, l’inquiétude qui lui nouait l’estomac alors qu’il attendait jour après jour un courrier de son frère pour l’informer du retour d’Ejaz au palais. Que foutait Kaïs ?!
Autant dire que Tayeb n’avait pas forcément eu la tête aux révisions et que la note qu’il venait de recevoir n’était que la confirmation de sa médiocrité.

Son moral n’était donc pas au plus haut point alors qu’il rangeait ses affaires un peu rageusement dans son sac. Quelques garçons de troisième année, dans sa classe donc, passèrent à côté de lui avec des sourires narquois en lui jetant un coup d’œil. A croire que la petite leçon qu’il avait commencé à leur donner avant les vacances et l’intervention de Tarik ne leur avait pas suffi.
Une multitude de pensées s’entrechoquaient dans sa tête : le kidnapping d’Ejaz, le refus de Zaïm lorsqu’il lui avait proposé de rejoindre Kaïs pour lui prêter main forte, l’attaque, les morts, les blessures qu’il avait récolté, le rythme physique qu’il s’imposait depuis pour se maintenir au meilleur de sa forme malgré sa cuisse récalcitrante … et toujours ces cours théoriques qui le maintenaient en échec.
A croire qu’il était con comme ses pieds.

Tayeb était donc loin d’être calme en quittant la salle de classe, mais plongé dans des pensées plus ou moins joyeuses, il ne fit pas vraiment attention à ce qu’il se passait autour de lui en quittant la salle de classe qui se vidait progressivement de ses troisième années.
Ne faisant pas attention, Tayeb trébucha en sortant de la salle de cours pestant en apercevant celui qui avait laissé volontairement trainer son pied mais il dut faire quelques pas pour retrouver son équilibre. Sans le faire exprès, la main légèrement en avant il se rattrapa à l’une de ses camarades posant ses doigts sur son bras au lieu de s’étaler de tout son long.
Sauf qu’à l’instant, avec son esprit sans dessus dessous, Tayeb ne maîtrisait plus correctement son don et il sentit l’énergie de la jeune fille aux longs cheveux bleus passé dans son corps.

« Merde »

Instinctivement Tayeb enleva sa main, mais en la voyant légèrement fléchir à cause de la soudaine faiblesse qu’il venait de lui causer, il tendit une nouvelle fois la main refermant ses doigts autour de son bras pour l’aider à garder son équilibre. Geste maladroit qui partait d’une bonne intention, mais la colère et la honte qui se mêlaient fortement en lui l’empêcha de reprendre le contrôle sur son don … et il puisa encore un peu de son énergie.
Comprenant un peu trop tard son erreur, il la lâcha soudainement pour ramener ses mains le long de son corps.

« Désolé, j’ai trébuché et … mon don … »

On avait connu mieux comme excuses.

La poisse.
Son don était une véritable plaie ! Non seulement il ne s’agissait pas d’un don offensif, mais il était plus que compliqué à utiliser lors d’un combat … essayer un peu d’approcher un dragon au point d’être capable de le toucher sans que ce dernier ne fasse qu’une bouchée de vous !
Encore il aurait hérité du selfcontrol de sa sœur jumelle Safa, ça aurait été plus facile, il n’aurait pas eu ce foutu caractère qui l’empêchait de contrôler correctement son don lorsqu’il était énervé.

Ce fut l’une de ses camarades qui en fit les frais, surtout qu’il ne trouva rien de mieux à faire que de lui remettre une deuxième couche en voyant qu’il l’avait affaibli au premier contact. La jeune femme s’énerva un peu en lui reprochant son manque de contrôle et le mal de tête qu’il venait de lui refiler. Tayeb allait s’excuser une fois de plus, un peu plus correctement cette fois, lorsqu’elle s’en prit à celui qui l’avait très certainement déséquilibré à la sortie de la classe. Le Saabi fusilla du regard son camarade se retenant difficilement de le remettre à sa place … mais ils étaient à la sortie de la salle de classe et il savait qu’il risquait une punition plus ou moins sévère s’il balançait son poing dans la figure de son adversaire.
Peu importe, il se rappelait plus ou moins l’emplacement du dortoir de ce sombre abruti.
Tout à ses sombres pensées, Tayeb reporta son attention sur sa camarade de classe lorsque cette dernière lui demanda s’il ne s’était pas fait mal. La honte suprême, non seulement il l’affaiblissait parce qu’il ne se contrôlait pas correctement mais en plus elle s’inquiétait un peu pour lui … peut-être avait-elle remarqué la faiblesse de sa jambe.

« Non j’ai juste trébuché »

Il aurait pu enrichir en lui informant que sa blessure à la cuisse ne l’avait pas aidé à se rattraper, mais il n’était pas là pour se faire plaindre. Très loin de lui cette idée !
Gêné, une rougeur coupable lui teintant légèrement les joues, Tayeb se retint de foncer tête baissée devant lui pour s’éloigner le plus rapidement de cette situation gênante. Il était un homme, il devait affronter la conséquence de ses actes.

« Je peux m’occuper de tes affaires et t’accompagner à l’infirmerie si tu le souhaites »

Après tout, ils avaient les mêmes cours et si ça lui permettait de se faire pardonner. Levant légèrement les mains en l’air, il resta à distance.

« Faut juste que ça retombe, en attendant je me tiens loin de toi »

Décidément, il n’était pas très doué pour les relations humaines. C’était Safa, sa sœur qui était douée pour ça, pas lui.