Je ne voulais que comprendre ! Seulement comprendre... [Clos]

Nous venons de Là.

La voix de mon « professeur » vint à retentir. Mon corps se figea alors, et je me concentrais afin de ne pas laisser voir ma faiblesse. Afin de retenir, un temps encore, les larmes qui s’en venaient. Afin de rester digne, car c’est là ce qu’on attend de moi. Sa remarque et le « devoir » qu’il me demandait…Je dû me retenir de rire jaune. « Amour » ? Ce n’est pas quelque chose que l’on m’autorise. Je ne me suis jamais interrogé ou posé de question sur cela. Pourquoi ? Car jalouser autrui sur ce qu’il possède, c’est un acte idiot. Peut-on se marier sans amour ? Je crois qu’à ces mots, je me suis permis un unique regard vers lui. Un regard qui, de mon murmure, expliquait tout :

« Il n’existe d’amour dans le mariage : seul un devoir… »

Et je m’en retournais, ne notant pas ce qui s’apparentait à une moquerie de sa part…Car je sais très bien que sur le sujet, les livres n’aideraient en rien. Car je savais que quelque soit ce que j’écrirais, il ne l’accepterait pas. Car je savais que sur ce sujet précis, mon avis n’était que succins.
Alors, les mots dans ma langue, en Wushei…Me firent d’autant plus mal. Pour quelqu’un capable d’user avec élégance de notre langue, comment avait-il put se permettre de cracher sur ce qui fait de moi, ce que je suis ?! Lui pardonner ? J’ignorais si j’en avais la force, je me devais déjà de fuir. Et le remerciement de mon professeur d’athlétisme me fit lui offrir un petit sourire.

Ceci, alors que je fuyais désormais les lieux. D’un pas rapide, d’un pas vif, mais nullement au pas de courses. Courir aurait dévoilé l’ouragan de mes émotions. Impardonnable que cela aurait été.
Arrivant dans la Cour Extérieur, j’avisais Akairo qui devait revenir des refuges. Fonçant droit sur lui, l’enlaçant et laissant libre cours à mes larmes, je pleurais. Je pleurais de rage contre moi et ma faiblesse. Mais aussi, de douleur. Les mots de cet homme ayant réellement touché mon essence et chamboulé mes repères.
A genoux, contre lui, je sentais son épaisse fourrure me réchauffer. Je sentais ses ronronnements me calmer, et j’entendis sa voix s’exprimer à quelqu’un.

« Qui lui a fait ça ?! » Demandait-il, d’une voix menaçante que je ne lui connaissais pas.

Après avoir salué ses professeurs, Jillah avait préféré suivre son jeune camarade au lieu de rentrer. Elle avait encore un peu de temps devant elle alors autant l'utiliser à bon escient. Mi-Cha était trop chamboulé, bouleversé, perturbé, tout ce qu'on voulait, pour pouvoir continuer sa journée de cours. La jeune femme s'était attachée au jeune homme, malgré le fait qu'il soit autant à cheval sur les traditions, ce qui pouvait parfois être un peu agaçant. Mais avec le temps, l'étudiante Terra avait appris à être patiente, surtout avec ses cadets.

Et Mi-Cha avait beau être un garçon, il était tellement adorable qu'il avait réussi à faire fondre la jeune femme. Son innocence avait réussi à toucher Jillah qui le voyait à présent comme un petit frère qu'elle devait aider et protéger. Alors, en grande sœur aimante et responsable, elle le suivit de loin, pour lui laisser le temps de souffler un peu, et surtout, de rejoindre son dragon. Seul être capable de le rassurer totalement.

Salaun devait dormir quelque part lui, amusé par le comportement protecteur de sa dragonnière qui avait bien changé depuis son arrivée à l'académie.

La Terra le sentit sourire dans son esprit et elle secoua doucement la tête, soulevant sa crinière prune, réunie en une queue de cheval basse. Un bref soupir franchit ses lèvres alors qu'elle s'approchait de l'étudiant et de son dragon qui était apparemment en colère. Mais Jillah ne se démonta pas pour autant, après tout, sa colère n'était pas dirigée contre elle:

-Bonjour Akairo-san.

Continuant d'avancer, elle s'arrêta à quelques pas seulement du dragon et de son protégé:

-Nous avons eu quelques soucis avec nos professeurs mais...ça finira par passer. Disons que c'est ce qu'on pourrait appeler..."le choc des cultures".

Elle espérait que cela ne blesserait pas d'avantage son jeune ami. Cependant, c'était la vérité. Ils avaient des cultures différentes et elles s'étaient confrontées de manière assez...violente.

S'approchant encore un peu, la jeune femme posa doucement une main sur l'épaule de son jeune camarade:

-Mi-Cha...si tu as besoin d'en parler, je suis là...

S'il ne voulait pas alors elle le laisserait tranquille.

Mes larmes vinrent se perdre sur la toison blanche de mon allié, de mon dragon, mon autre. Je sentais sa voix, j’entendais ses mots, mais je calmais encore mon rythme. La voix de Derrien-san était réconfortante. Mais je ne pus m’empêcher de ricaner jaune à l’expression « Choc des Cultures ». Me tournant vers elle, les sillons visibles sur ma peau pâle, mon ton était neutre mais mon regard exprimait vraiment la blessure que je ressentais.

« Depuis que je suis arrivé dans cette académie, tout, tout a toujours été ce « choc des cultures » ! J’en ai conscience, au-delà de nombres de personnes. A chaque fois, toujours, j’ai juste essayé de comprendre leur culture, leurs actes et paroles, leur familiarité, leur facilité à donner leur confiance, leur insolence pour d’autre. Le manque de politesse de certains…j’ai constamment essayé de comprendre, mais je n’ai jamais obtenu l’inverse si ce n’est chez de rares individus. »

Je parlais avec un calme légèrement tremblant, mes mains le prouvant. Et c’est le corps de mon dragon qui me maintenait…Alors qu’il essayait de m’apaiser à travers notre lien. Et je lui en suis infiniment reconnaissant.

« Je n’ai jamais critiqué la culture d’un autre, ni essayer d’imposer la mienne. Je veux bien avoir fait preuve, souvent, de maladresse dans mon incompréhension. Mais je n’ai jamais que questionner afin de comprendre. Mais, à chaque fois, on se permet de me juger, me critiquer, et je dois être celui qui envoi sa culture à l’oubli. Je dois être celui qui doit changer et faire des efforts, sans consensus de la part de mon vis-à-vis. Est-ce cela, l’académie Lindorm ? Modeler chaque esprit en un unique, lui faire renier jusqu’à ses origines et croyances ? »

En temps normal, je suis plutôt avare de paroles, et maître de mon comportement. Mais là, pour la première fois, je vidais mon ressentit. Tout ce que j’avais voulu demander à mon aîné, mon frère, Norito Onii-Sama…je le demandais finalement à ma sempai.

« Je trouvais déjà étrange le fonctionnement des escadrons d’élites…qui force le dragonnier à quitter sa nation pour en protéger une autre, pouvant laisser des faiblesses de motivations et de fidélité à la nation en question…mais alors, maintenant, je me questionne réellement sur le bienfondé de cette institution, si même le corps enseignant se permet de juger la culture d’autres pays. Wuweishu s’est vu retirer son statut de Nation, mais a put conserver son système. Alors pourquoi est-il aussi piétiner ? Pourquoi suis-je rabaissé ? Pourquoi ? Boku…Je ne demande qu’à comprendre ! »

Ma main était posée sur mon torse, à l’emplacement du cœur…et mes larmes étaient là, dévalant mes joues. Mon visage plus expressif que jamais, alors que je ne cherchais qu’à comprendre…Seulement comprendre !

Voir Mi-Cha dans cet état serrait le cœur de l'étudiante Terra. Elle-même connaissait peut la culture wushei même si elle elle connaissait un peu l'Histoire de ce territoire. Visiblement, ils tenaient énormément à leurs traditions alors que le reste du territoire avait "évolué", pas forcément pour le meilleur d'ailleurs. Il n'y avait qu'à voir Aeria. Même s'il y avait des gens bien parmi la noblesse de ce territoire, comme Maelen et d'autres de ses camarades originaires de là-bas.

Enfin pour le moment, elle écoutait son camarade, assise à côté de lui sans pour autant s'appuyer contre Akairo, pour ne pas lui manquer de respect, il ne s'agissait pas d'un divan mais d'un dragon et elle avait beaucoup de respect pour ces créatures, enfin à quelques exceptions près.

Elle écouta ses craintes, ses blessures, son mal-être à vivre au milieu de ses camarades qui le jugeaient avant d'essayer de le comprendre quand lui-même cherchait à les comprendre. Jillah aurait bien aimé être capable de répondre à toutes ses interrogations, malheureusement, elle n'était pas certaine d'être la meilleure placée pour cela, mais elle allait essayer. Il était dans un tel état après les paroles du professeur Ubieto qu'elle n'avait aucune envie d'empirer les choses en répondant avec maladresse.

Une fois que l'avalanche de question se tarit, la jeune femme se pencha vers son cadet et posa une main sur son cœur, essuyant ses larmes de son autre main. Elle n'aimait pas le voir dans cet état. Allez savoir pourquoi, elle s'était vraiment attachée à ce jeune homme:

-Calme-toi...je sais que les paroles du professeur t'ont blessé...je le comprends. C'est difficile à expliquer...quand je te parlais du choc des cultures...je pense que c'est vraiment le cas. Ta culture, et celles de toutes les autres nations, sont assez éloignées...nous n'avons pas la même façon de voir les choses. Je ne pense pas que l'académie tente de nous modeler. Nos différences de caractères ou de culture font aussi notre force. Seulement, il faut que chacun fasse des efforts. Toi...comme les autres. Ceux qui te jugent, sont des idiots. Mais certains réagissent ainsi parce que tes questions, ou la façon dont tu les poses, leur paraissent blessantes. Je pense que c'est le cas du professeur Ubieto. Comme je n'ai pas vu ce qui s'est passé avec les autres...je vais commencer par là.

Ca allait être difficile de lui expliquer, mais Mi-Cha était un jeune homme intéressant et bien plus mature que les garçons de son âge. C'était sans doute pour cela qu'elle l'appréciait car il était capable de l'écouter sans se mettre à hurler ou à gesticuler parce qu'une de ses paroles ne lui aurait pas plu:

-Tu sais, c'est la première fois que je vois le professeur dans cette...situation. Je sais que tu ne l'as pas fait exprès mais quand tu as dit "ce n'est pas possible", je pense qu'il a vraiment cru que c'était toi qui les jugeais, lui et le professeur Björnulf pour ce qu'ils étaient en train de faire. Ca l'a blessé et donc sur le coup de la colère, il a cherché à te blesser également. Les gens sont ainsi, lorsqu'ils sont acculés, ils font comme les animaux, ils mordent. Même les adultes le font...et ça les blesse d'autant plus lorsque cela vient d'un..."enfant".

Répondit-elle en mimant les guillemets.

-Je pense au contraire que l'académie nous permet de grandir. Et la culture des uns enrichit la culture des autres, car justement, nous sommes tous mélangés. Même si pour l'instant cela te parait difficile, je suis persuadée que tu finiras par t'intégrer...tout en gardant ta culture et tes valeurs. Tu sais...en arrivant ici, j'avais aussi beaucoup d'a-priori, par rapport à ce que j'avais vécu avant, par rapport à mon éducation.

Même si c'était sûr qu'elle n'avait pas reçu une éducation aussi stricte que la sienne.

Ramenant ses genoux contre sa poitrine, elle posa son menton dessus et son regard ambré se perdit un moment devant elle avant qu'elle ne tourne à nouveau la tête vers Mi-Cha, hésitant à passer sa main dans ses cheveux châtain. Renonçant finalement, elle passa ses bras autour de ses jambes:

-A mon arrivée ici je pensais que...j'allais juste apprendre à me servir correctement de mon don, à me battre, faire mon année militaire, et rentrer chez moi pour me marier avec un bon parti et fonder une famille. Mais j'ai aussi appris des choses sur moi-même...je pensais que, quand je serai plus âgée, je trouverai un homme beau et intelligent avec qui je me marierai et qu'il serait le seul homme de ma vie. Moi aussi je pensais me préserver jusqu'au mariage mais...les choses ne sont pas aussi simples...

Sans doute allait-elle choquer son camarade mais bon, il fallait qu'elle lui dise, pour lui expliquer certaines choses.

-Tu te souviens de Nailah? Une grande jeune femme brune qui était souvent avec moi jusqu'au début de l'année...c'est ma meilleure amie. Elle est un peu comme une grande sœur de cœur. Et nous partagions la même chambre...et...je savais qu'elle appréciait la compagnie des filles. Ca m'a paru un peu bizarre mais...c'était mon amie alors je n'ai rien dit. Je ne lui ai pas posé de questions, et une nuit...elle m'a montré ce que c'était. Ca s'est fait naturellement, rien n'était prémédité...je n'aurais jamais imaginé que cela m'arriverait. Alors tu vois, parfois les choses se font sans qu'on les prévoit. On ne décide pas toujours...de ce qu'on est, de ce qu'on devient.

Tout ça pour en arriver où? Jillah ne le savait pas vraiment elle-même.

-Excuse-moi je...je crois que je me suis un peu éloigné du sujet...Enfin tout ça pour dire que...les choses finiront par changer, naturellement. Certaines choses te feront réaliser qui tu es et qui tu veux être. Et les autres finiront par t'accepter. Je t'accepte bien comme tu es, moi. Il n'y a pas de raison pour que cela ne soit pas le cas d'autres camarades.

Elle lui offrit un grand sourire avant de redevenir grave. Pour ce qui était du système des escadrons d'élite...elle ne savait pas trop quoi en penser.

La voix et la demande de ma sempaï…Je me devais d’en suivre les indications. Le contact vint à me surprendre, et je me tendis. Mais elle comme elle ne le fit perdurer, cela me convenait. Je tentais de reprendre mon calme, mais pourtant, mes larmes continuaient de couleur légèrement sur mon faciès. Cette douleur lancinante ne voulait se taire. Je l’écoutais…Et lorsqu’elle vint à dire que j’avais été en tord pour le professeur Ubieto, mon sang ne fit qu’un tour. Mais je me retins. J’ai peut-être mal exprimé ma pensée, mais bon sang, que faisaient-ils dans des tenues pareilles dans un lieu public ?! Qu’on ne me fasse pas croire que ça, c’est tolérable dans leur culture : je n’y croirais point. Car même elle, elle ne semblait pas accepter ce qu’ils faisaient dans cette pièce servant au développement culturel et à l’enseignement ! Ce n’est pas censé être un lieu de…de débauche !

Mais je l’écoutais. Comprenant que mes termes avaient été maladroit, oui…Mais comment aurais-je put formuler une pensée cohérente. Tout était si…Si hors norme ! C’est comme si mon esprit était partit loin. Je suis plus jeune qu’eux, c’est un fait certain et avéré…Mais de là à me voir en enfant. Si je n’étais étudiant à Lindorm, nul doute que Mère m’aurait déjà marié ou que j’aurais rejoint la formation de Prêtre. A mon âge, pour notre société et pour la Cour de Ri Shi, nous sommes déjà des adultes devant prendre place à l’engrenage du fonctionnement de notre société, et de nos terres. Nous devons être utiles à son Excellence l’Empereur.

Debout, contre Akairo, je l’écoutais. J’écoutais, comme elle m’avait écouté. Ne la coupant pas : jamais. Elle venait de s’asseoir, et il était inconvenant que je reste debout. Aussi, je fis de même. Le dos droit, en position dit du lotus. Mon allié s’allongeant de façon à se tenir contre mon dos. Ecoutant, sans réellement comprendre. Ayant par contre étrangement retenu le nom du professeur Ubieto.

Le fait qu’elle commence à parler de choses plus privées, et intimes, me surprit. Je la regardais alors, avec de l’incompréhension. Pourquoi me révéler quelques choses comme cela ? A-t-elle conscience que le fait qu’elle ne soit plus « pure » peut jouer contre elle, dans le cadre d’un bon mariage ? J’avais hoché à l’indication de la guerrière d’Aoun. Je l’avais déjà rencontré aussi, en allant visiter Loreleï dans le passé. Et puis, ma cousine m’avait déjà parlée de son amie.
Alors qu’elle terminait, je regardais de nouveau devant moi. Lâchant un léger soupir. Mes larmes, au moins, s’étaient taries.

« Pourquoi ? Je ne comprends pas pourquoi vous révéler des choses aussi importantes et primordiales que votre vie intime. N’avez-vous nulle crainte que j’en vienne à faire part à d’autres, vous voyant refuser à de biens meilleurs partit ? Je veux bien croire que ce que tous, vous nommez « amour » dicte vos choix et actions…Mais est-ce normal de suivre ce sentiment s’il induit à apporter opprobre à votre nom ? »

Marquant une pause, je regardais alors ma sempaï, avant de continuer.

« J’ai bien compris que les notions de genre ne semblait importantes…en dehors de toute notion de mariage tout du moins. Mais ce que je ne comprends pas c’est si cela excuse les comportements de débauche ? Je sais ce que j’ai vu, et je suis certain que jamais cela n’aurait dû avoir lieu dans un lieu libre d’accès. Je veux bien que ma réaction est plus déplaire, mais le fait de ne prendre en compte le fait que j’ai put être choqué et perdre mes mots et mon sens du verbe, est-ce responsable ? »

Je ne peux excuser le comportement de mon professeur…Non car il était entre les bras d’un homme, même si ça me perturbe un peu. Mais à cause de l’endroit où cela se faisait, et de ses choix d’actes et de décision. Avant même que je ne parle, il semblait prompt à user de son don de dragonnier sur nous : est-ce un comportement à avoir ?

« Vous pensez que je n’aurais pas à faire de lourdes concessions sur ma culture, mais je doute que notre professeur pense de même. Sa demande de devoir est clairement dans l’intérêt de me faire remettre en cause la nature même des fondements des familles de la Cour de Ri Shi. Il me serait cruel d’aimer, car jamais cela ne pourrait être vécu. Pas sans déshonorer notre rang de Famille symbole de la Terre et du Feu. »

Je marquais une pause. Je suis un Kazehiro autant qu’un Jung. Mon métier futur définira mon nom de famille définitif. Serais-je marié comme étant un membre du Symbole de la Terre, du Spirituel ? Ou le serais-je en tant que combattant, serviteur du Feu, du Corps ?

« Ma famille décidera de mon mariage à venir, et je me devrais d’honorer et montrer attention à ma promise. C’est une vérité. Alors, pourquoi m’ordonner d’y penser, si ce n’est pour éveiller un sentiment de révolte et de refus ? »

Tant de questions, mais possèdent-elles des réponses en ce jour ? J’en doute sincèrement.

C'était là que la différence de culture était la plus flagrante entre eux. Un léger soupir s'échappa de ses lèvres alors qu'elle passait sa main sur son front, avant de se tourner vers son jeune camarade.

-Je ne l'ai pas fait par plaisir. Je voulais simplement t'expliquer que même si notre destin semble tout tracé, il y a toujours des choses qui peuvent venir le perturber. Et il n'est pas question d'amour. Pas avec Nailah...même si je tiens énormément à elle. Ce n'est qu'une question de tendresse. Jamais je n'aurais laissé une autre femme me toucher. Quant à craindre que tu ailles le crier sur tous les toits, je pense que tu n'es pas de ceux qui font ce genre de chose. Ou bien je me serai trompée sur toi et j'en serai bien triste.

Ca devait être un peu dur pour lui d'accepter cela mais finalement, la jeune Terra comprit d'où venait le réel problème. Souriant tendrement, elle passa sa main sur son cou et se massa la nuque:

-Bien sûr que non. C'est totalement irresponsable même, je suis tout à fait d'accord avec toi. Et je ne me suis pas gênée pour le leur signaler. D'ailleurs, le professeur Björnulf l'a bien compris et il a remis le professeur Ubieto à sa place. Mais ça, tu as dû le remarquer...non?

Il était peut-être trop choqué pour avoir réellement suivi les échanges qui avaient eu lieu. La jeune femme réalisait bien que la situation était très compliquée et qu'elle allait devoir réfléchir pour répondre au mieux aux questions et aux craintes de Mi-Cha:

-Et pourquoi ne pourrais-tu aimer et accomplir ton devoir en même temps? Certains mariages arrangés finissent par devenir des mariages d'amour. Concernant le devoir que le professeur Ubieto t'a demandé, je ne pense pas qu'il te l'ai demandé dans le but de te faire renier ta culture et tes origines. Je pense qu'il voudrait sincèrement que tu y réfléchisses. Mi-Cha, ici, tu es dans une académie, une académie qui va te faire grandir. Une académie dans laquelle se trouve des personnes de tous les horizons. Ton éducation et ta culture vont forcément être bousculées. Il ne peut en être autrement.

Jillah voulait vraiment qu'il comprenne qu'il n'était plus au wuweishu, et sans rejeter sa culture et son éducation, l'académie l'amènerait obligatoirement à s'ouvrir à d'autres choses. Elle n'était pas en train de lui dire qu'il devrait jeter tout ce qu'il connaissait et tout ce qui faisait de lui ce qu'il était, aux orties, non, ce serait injuste. Mais que ce qu'il apprendrait ici pourrait sans doute lui faire voir certaines choses autrement. C'était probablement dur pour lui de se faire à cette idée, mais il ne pourrait pas faire autrement.

La jeune Terra faisait de son mieux pour lui répondre car elle ne possédait, évidemment, pas toutes les réponses. Et la fidélité de son jeune camarade quant aux intentions de sa famille à son égard était tout à son honneur. Mais franchement, elle préférait qu'il fasse lui-même son choix, même si cela allait à l'encontre des projets de sa famille le concernant. Elle-même avait fait son choix et elle ne reviendrait pas dessus. Elle aimait un wyrm, oui, et son père se mettrait très probablement en colère s'il l'apprenait, mais elle n'abandonnerait pas, pas après avoir déjà perdu son premier amour.

Par contre, elle tenait à lui dire une chose:

-Ecris juste ce que tu as sur le cœur. Tout le monde a droit à l'amour et tu as bien le droit d'aimer toi aussi et donc d'avoir une idée de ce que peut être l'amour à tes yeux. Cela ne t'engage à rien, ce n'est qu'une réflexion. Et si tu as tant confiance que cela en tes convictions et que tu es si sûr de toi quant à ton avenir, cela ne devrait pas t'inquiéter.

Jillah haussa les épaules. Si Mi-Cha n'y mettait pas non plus du sien pour tenter de s'ouvrir un peu aux autres en rédigeant un simple devoir, les choses ne risquaient pas de s'arranger pour lui.

Je crois que je comprends de moins en moins certaines choses. Comment et pourquoi les gens me font-ils aussi aisément confiance ? On a souvent rigolé et murmuré sur mon passage, à la Cour, car j’étais le second fils qui n’avait plus de place. Ou sur qui on n’avait plus d’attente. Du côté des Jung, ma place est minime. Second Fils, du frère du Chef de Famille. Ma place n’est qu’une parmi tant d’autre. Quant à la famille de mère, le regard qu’elle porte à mon égard est similaire à celui qu’elle porte à Amaya Oba-sama. Et pourtant, ici, j’ai l’impression que les gens me parlent naturellement. Sans mensonge, sans raison. M’accordant leur confiance, alors même que je ne leur ai pas donné la mienne ! Je me sens gêné…car je n’ai pas envie de me livrer entièrement à eux, à leur jugement, leur regard, leur savoir. Et qu’eux, ils s’ouvrent à moi sans même que je ne le demande ! Ce n’est pas équitable, et je me sens mauvais de ne pas rendre cette équité. De la craindre. Elle m’effraye.

« Je ne parlerais guère, non…Mais révéler vos secrets, sans même savoir les miens ou les désirer…je ne saurais comprendre totalement cette façon de faire. Je vous trouve, et vous prit de ne pas vous vexer, bien peu sur vos gardes à mon égard. Ma loyauté va à ma famille…ce que je sais, si tels sont ses ordres, ma famille le saura. Ainsi est la vérité, l’état de fait. »

Car j’ai été élevé pour porter le nom de Jung. Car j’ai été élevé dans la lignée de « ceux qui servent » : les samouraïs. Car telle est la signification de ce terme, née de l’évolution de nos guerriers « gentilhomme » : les bushi. Je vis et je périrais pour ceux que je sers. Et mon sang, et ceux à la tête de ce-dernier, sont mes seuls maîtres. Mère, mon Oncle, l’Empereur…Voilà qui je sers. Quant à savoir si mon service sera dédié en priorité à Mère ou à mon Oncle : seuls mes talents le définiront.

« Je suis reconnaissant au professeur Björnulf, pour ses mots et sa protection. Mais cela n’empêche guère le mal d’être fait, et les tords d’être révélés. J’ai honte face à ma surprise, et je me sens insulté par les dires de mon enseignant. Celui pour qui, de plus, j’avais le plus grand des respects et l’estime la plus pure. J’imagine que je me sens comme trahit… » Ajoutais-je alors, dans un murmure. Mon regard exprimant une forme de tristesse.

Car le professeur Ubieto enseigne la matière qui m’est la plus familière, la plus plaisante. Celle qui me caractérise le plus. Je suis plus érudit que talentueux dans les arts pratiques. C’est une vérité, un fait intrinsèque à mon éducation, mon mode de vie et de pensées.
Aussi, lorsque le fait d’en revenir sur ce délicat sujet de l’Amour eut lieu, je ne pus qu’avoir un air sceptique. Dans un soupir, j’eu un léger sourire de remerciement avant de tout de même l’éclairer. Répondre à son interrogation.

« Je ne parlais pas de me refuser à l’Amour. Je parlais de le faire passer après le Devoir. Je pense que mon amour du Devoir est, et se doit d’être, supérieur à tout autre. Sans cela, je crains que je ne puisse savoir quelle est ma place. Mais je crains de n’écrire, justement, ce que je pense avec un sérieux qui dérange. »

Me laissant choir contre Akairo, sa patte vint doucement à m’enlacer. Son ronronnement était une distraction, certes. Mais une apaisante. Regardant le ciel de l’académie, mon visage était d’un sérieux maladif alors que je terminais mon élocution :

« A sa réaction, je doute qu’il puisse comprendre. Et je crains le jugement. Au fond, je n’aime que peu voir ma culture être critiqué, de même que ma façon de vivre. Même si j’essai de comprendre la votre, je m’accroche à la mienne. Et j’ai un pincement à chaque fois qu’on me demande de changer. De « laisser couler ». Mais là, ça m’est difficile à rédiger…Car c’est ouvrir une porte fermée. Une porte que je n’aurais pensé ouvrir qu’à celui, ou celle, que j’estimerai assez pour lui révéler tout de mon être. Chez nous, cette personne porte un nom spécifique : Yuujin. »

Marquant une pause, je poursuivais, expliquant cet usage spécifique. Dans mes yeux brillaient le désir, l’envie, d’un jour avoir quelqu’un portant ce statut. Un statut qui, à mes yeux, est si rare et beau. Et que trop peu de nobles viennent un jour à trouver…

« Yuujin est un mot que l’on traduit, de façon abrupte, par « ami ». Mais c’est plus que cela. C’est la personne à qui l’on confiera sa vie sans un seul instant de doute. C’est la personne pour qui l’on offrira sa vie en sacrifice. C’est celle pour qui on serait prêt à accepter la honte, si cela la libère de l’opprobre. C’est une personne que l’on trouve rarement…Un honneur qui se partage. Une fidélité qui va au-delà du devoir. C’est la personne qui en sait assez pour vous tuer d’un rien, car elle connait tout de vous. Jusqu’à vos secrets les plus sombres, les plus durs et lourds. »

Or, révéler ce que je pense d’une chose aussi délicate que « l’Amour », je me sens comment violer dans mon intimité. Comme si l’on forçait un barrage que j’ai encore de garder profondément clos. En attente de celui ou celle qui sera digne, à mes yeux, de tenir ma vie entre ses doigts. Car, d’une certaine façon, la réciproque sera là. Car nos vies seront liées, d’une façon ou d’une autre.

« Je crois que je ne veux pas rédiger ce devoir, car je ne veux pas révéler mes pensées intimes à un professeur qui m’a déçu... » Vins-je alors à terminer, non sans un soupir de lassitude.

Jillah posa ses yeux ambrés sur son jeune camarade Terra. Décidément, ils l'avaient bien éduqué dans sa famille, un véritable petit toutou bien dressé. Bon, ce n'était pas gratifiant pour le jeune homme et son aînée s'en voulut d'avoir cette pensée, mais elle ne voyait pas vraiment d'autres qualificatifs à lui donner pour le moment. Pour elle, il était conditionné, comme un pion, et il se conduisait comme tel, et non pas comme un être humain. Elle qui rêvait de liberté, aurait détesté naître dans ce genre de famille à l'esprit aussi étriqué.

Evidemment, elle garda ces pensées pour elle tout en espérant que Lindorm permettrait à Mi-Cha d'ouvrir les yeux sur sa condition. Celle d'un esclave, ni plus ni moins. Esclave de sa famille, esclave des traditions de son pays, esclave d'une vie toute tracée alors qu'il avait tant d'années devant lui. A vrai dire, l'étudiante Terra était triste pour Mi-Cha.

-Que veux-tu que cela me fasse que ta famille soit au courant ? Que pourrait-elle bien me faire alors que je ne fais pas partie de la Haute-Noblesse? Votre histoire de Grand-jeu ou je ne sais trop quoi, je m'en fiche Mi-Cha, ma famille n'est pas concernée et n'y jouera jamais. Nous préférons l'honnêteté et la Liberté aux machinations et aux complots. Je ne vois franchement pas le plaisir que l'on peut avoir à se conduire comme un pion sur un échiquier géant. La vie, ce n'est pas un jeu Mi-Cha.

Qu'il s'agisse du Wuweishu ou d'Aeria, elle n'avait aucune affection pour ces territoires. Oh bien sûr, elle savait que les paysages et les constructions pouvaient être magnifiques, mais pas ses dirigeants. Si c'était ça la vie là-bas, elle n'y mettrait jamais les pieds! Elle frissonna même en imaginant quelle aurait été sa vie si Aldo était encore en vie et si elle avait pu l'épouser. Mais le jeune homme aurait sans doute fait son possible pour la préserver et pour la protéger.

La jeune femme se détendit à cette pensée et passa sa main dans ses cheveux en soupirant:

-Ecris ce qui te parait juste tout simplement. Ta loyauté envers ta famille, ton sens du Devoir, tout cela t'honore, mais tu es encore jeune. Et j'espère que tu feras des choix qui pourront concilier ton bonheur avec ton sens de l'honneur.

Jillah tourna la tête vers son camarade et haussa un sourcil. Non mais...ce mot "Yuujin" résumait à lui seul ce qu'elle tentait d'expliquer à Mi-Cha.

-Et bien je te souhaite de trouver ce Yuujin Mi-Cha, vraiment. J'ai trouvé le mien et rien ne m'empêchera d'être avec cette personne...même pas le devoir.

Bien sûr, elle ne pouvait être physiquement avec Nahel, mais il était là, dans son cœur, et elle savait qu'elle serait prête à tout pour protéger le jeune homme et l'amour qu'elle ressentait pour lui. C'était douloureux, mais elle ne voulait pas d'un compagnon imposé, d'un homme qui ne serait pas capable de l'aimer comme Nahel l'aimait.

De cela, Mi-Cha ne saurait pourtant rien. C'était un secret qu'elle ne pouvait partager avec lui, elle ne pouvait d'ailleurs le partager avec personne, hormis Nailah qui était déjà au courant. Et de ce qu'il venait de lui révéler, si par le plus grand des hasards sa famille décidait de se mêler de sa vie à elle, il serait obligé de leur dire tout ce qu'il savait sur elle. Alors non. Quand bien même elle l'appréciait, elle ne pourrait devenir aussi proche de lui que de son amie d'Aoun.

Mais là n'était pas le plus important. Elle comprenait cependant qu'il ait été déçu par le comportement d'un professeur qu'il appréciait auparavant. Cependant, si il ne rédigeait pas ce devoir, cela risquait d'empirer les choses:

-Je comprends...mais tu n'as pas vraiment le choix. Tu es élève ici Mi-Cha, tu te dois de rédiger ce devoir. C'est important pour toi et pour le professeur Ubieto. Et puis, laisse-lui aussi une chance de se rattraper. Dis tout simplement ce que tu as sur le cœur. Le professeur s'est emporté sur l'instant parce qu'il était agacé qu'on les surprenne dans une situation aussi...délicate. Ses mots ont certainement dépassé sa pensée. Tu sais...je n'ai pas non plus apprécié son comportement. Et puis, quand bien même son attitude était parfaitement...indécente, le professeur Björnulf a certainement réussi à le calmer et à lui faire prendre conscience de leur erreur à l'heure qu'il est et du fait qu'il soit allé trop loin avec toi. Explique-lui tout simplement ton point de vue. Tu n'es pas non plus obligé de rentrer dans les détails si tu ne le souhaites pas.

Ici, loin de sa famille, Jillah espérait sincèrement que Mi-Cha ferait ses propres choix, en son âme et conscience, sans subir l'influence de celle-ci. Elle le regardait, affichant un air sérieux et grave, car elle désirait réellement qu'il se débarrasse de ces chaînes si solidement ancrées en lui. Cela ne signifiait pas pour autant qu'elle désirait qu'il renie tout ce en quoi il croyait, mais simplement que cela ne l'empêche pas de voir ce qu'il avait devant les yeux. Qu'il ne passe pas à côté de ce qui était important.

-Je voudrais que tu te fasses de bons amis ici Mi-Cha...si ce n'est pas déjà le cas bien sûr. Si c'est le cas, j'en suis heureuse pour toi.

Un sourire éclaira son visage et elle se retint de tendre la main vers lui. Encore une chose qu'elle avait du mal à contrôler. Elle savait que son camarade n'aimait pas trop les familiarités et ils n'étaient pas encore assez proches pour qu'elle se permette de briser cette barrière qu'il dressait entre lui et les autres. C'était sans doute aussi une des raisons qui lui valait cette agressivité de la part des autres. Cela le faisait passer pour quelqu'un de "précieux" qui ne désirait pas être touché par des pouilleux, alors que c'était tout simplement culturel. Jillah avait tout de même fait quelques recherches depuis qu'elle s'intéressait au jeune homme car elle ne voulait pas faire trop d'erreurs.

Cependant, elle ne pouvait pas non plus s'empêcher d'être elle-même.

Je le sais, que la vie n’est pas un jeu. Mon regard se fit légèrement triste, l’espace d’un instant. Ceci alors que je murmurais :

« Ce n’est pas une question de Jeu…à la Cour de Ri Shi, c’est une simple question de survie. »

Aéria a son subtile Grand Jeu. Les mots ont plus d’impact que tout. Chez moi, le corps a son langage, et il est parfois plus parlant que tout. Même la nourriture a une signification, et les menus sont donc justement réfléchit. Et surtout, nos paroles doivent être assumé, et peuvent mener à la mort d’un rien. Que se soit par la perte de son honneur, qui mérite l’ultime acte de dévotion et de service. Ou simplement, le fait d’être supprimé dans l’ombre par des personnes, tel que ma Tante. Car je sais bien qu’elle est une kunoichi.

Alors, je la vis soupirer et passer sa main, en un signe que je ne saurais dire de gêne, ou de fatigue. Voir même de lassitude. Mais ce qu’elle vint à me dire, me tira un petit sourire alors que mes yeux observait la vague étendue bleuté. Ce ciel infini.

« Mais je sais que cela ne sera pas ce qu’il désirerait lire…Je ne peux que prier les Cieux, qu’il ne cherche pas à m’imposer son avis cette fois-ci. »

Un souffle. Une requête. Un souhait. Vague et idiot ? Probablement. J’ai peur du changement…les traditions ont ça qu’elle s’explique et ont prouvé leur importance. A mon regard, elles sont sacrées. Il en est bien qui me désole, et qui devrait « évoluer », mais quand j’y réfléchis en détail…Quel impact cela aurait sur les autres ? Je ne peux avoir ce genre d’idées…

« C’est le rêve de tout Wushei, sempaï. D’autant plus pour ceux évoluant en Ri Shi. Une valeur sûre, sur laquelle se reposait…Une personne qui, on le sait, ne nous trahirais jamais. Mais seule la nature peut dire si un jour, j’aurais cette chance. Ce bonheur. Si une telle bénédiction me sera octroyée. »

J’avais alors révélé, aussi, la source de mon conflit intérieur. Et je ne pus qu’avoir un doux sourire envers mon aînée. Doux, mais un peu penaud. Me retenant de laisser mon corps exprimé ma gêne, restant droit et altier. Je vins à lui répondre, simplement…Révélant par là-même un pan de moi.

« Il m’est difficile de pardonner, combien même je sais qu’il a agit sous le coup d’émotions fortes. Je suppose que je pardonne mal à ceux qui me font connaître la déception et la douleur. Je ne suis pas aussi bon et fort que ce que la majorité veut croire de moi. Dévoué. Appliqué. Eduqué. Minutieux. Respectueux. Oui…Je pense l’être. Bon ? Gentil ? Je l’ignore…Et vous être trop nombreux à agir comme si j’étais un être parfait. J’ai mes tords, je les relève. Mais je pense que tant qu’il n’aura pas relevé les siens, je ne pourrais pas même envisager le moindre pardon. Cela m’est impossible. »

Mon regard exprimé ma fermeté d’opinion sur la fin. J’attendrais de voir sa réaction, de savoir si j’obtiens un pardon ou une véritable excuse à ce qu’il vint à dire. Car ce qu’il a murmuré à mon départ, je ne sais si cela vient de lui…Ou s’il l’a dit en réponse à l’éclat du professeur Björnalf. Et cela me peine.
Le sourire de Derrien-sempaï me tira un sourire. Et je ne put m’empêcher de la rassurer sur ce sujet.

« Je pense pouvoir prétendre partager une bonne entende avec mon camarade, MacVirtio-san. Néanmoins, n’ayez crainte sempaï…Je pense pouvoir user du terme d’ami, lorsque je parle de Quinto-san. Nos sessions d’études et nos échanges épistolaires me ravissent. Je ne regrette nullement ma venue à Lindorm, même si je suis parfois désappointé. N’ayez de crainte, et je vous remercie pour votre sollicitude. »

Je m’étais levé et incliné légèrement, en signe de remerciement. Un sincère remerciement, d’un kohai à son sempai. Ni plus, ni mois que cela !

Jillah était décidément ravie d'être née à Keven et pas à Aeria ou au Wuweishu. Quand bien même leur "jeu" était différent, le résultat était le même; ruiner une réputation, comploter, tuer au besoin, pour elle cela revenait au même. Elle se contenta donc de hausser les épaules à la réponse de son jeune camarade.

Elle, elle était libre de ses actes, et comptait bien le rester. Mi-Cha pouvait bien raconter ce qu'il voulait à sa famille, quelle différence cela ferait-il? Elle ne comptait pas se marier avec un Jung ou un autre noble wushei, ni avec un Ortega ou un Gorgo. Et il en était certainement de même pour sa sœur. Donc, elle ne comptait pas se priver d'être elle-même non plus tout ça pour préserver une certaine réputation. La jeune kevii ne faisait pas partie de leur univers et elle avait des préoccupations bien plus terre à terre qu'eux. Du moins, c'était comme ça qu'elle voyait les choses.

Elle était ainsi et cela lui jouerait peut-être de mauvais tours, mais elle assumait ses actes et n'avait pas honte de ce qu'elle était. Elle aimait la simplicité, pouvoir dire et faire ce qu'elle voulait lorsqu'elle le voulait, évidemment, tout en respectant les autres. Jillah n'était pas une sauvage et elle avait tout de même reçu une bonne éducation. Mais l'un n'empêchait pas l'autre, et même ici, elle se sentait bien, même si elle ne pouvait pas faire tout ce qu'elle voulait ni dire tout ce qui lui passait par la tête.

Enfin, pour en revenir au sujet qui préoccupait le jeune homme, la jeune étudiante Terra lui conseilla de dire ce qu'il ressentait vraiment et balaya doucement sa réponse de la main:

-Oublie ce que le professeur voudrait lire. Il t'a demandé de laisser parler ton cœur en quelque sorte, alors vas-y. Il n'est pas idiot, si tu écris ce qu'il veut voir écrit, il saura que tu ne le penses pas et ce sera encore pire, il aura l'impression que tu le prends pour un crétin. Donc, quand bien même cela risque de ne pas lui plaire, je te conseille vivement de rester honnête et fidèle à ce que tu es et ce que tu ressens. Après, ce n'est qu'un conseil, tu en feras bien ce que tu voudras, mais je pense sincèrement que tu n'as pas à t'inquiéter autant de l'avis de notre professeur. Et s'il te fait des ennuis et bien j'irai parler avec le professeur Björnulf pour qu'il le remette dans le droit chemin comme il l'a fait au gymnase.

Jillah se tourna vers son jeune camarade et lui sourit pour l'encourager. Elle aurait aimé faire plus, mais elle ne voulait pas non plus s'imposer et piétiner sa culture en esquissant un geste qu'il aurait pu mal interprété ou qui l'aurait mis mal à l'aise.

Elle le laissa donc parler, les bras autour de ses jambes relevées contre sa poitrine, l'écoutant sans l'interrompre pour qu'il puisse un peu se libérer du poids qui semblait toujours peser sur ses frêles épaules. En tout cas, le mot "yuujin" résumait à lui tout seul ce qu'elle essayait de lui faire comprendre. Les wushei aspiraient donc également à trouver leur "âme sœur". Elle ne pouvait que lui souhaiter de trouver cette personne, et sa réponse ne put que la faire sourire d'avantage.

Elle admirait sa maîtrise des émotions alors qu'elle voyait bien que son regard était troublé. Mais la jeune Terra n'était pas du genre à mettre les pieds dans le plat, du moins, pas volontairement, et surtout pas lorsqu'elle appréciait son interlocuteur. Mi-Cha faisait vraiment partie d'un groupe très réduit de garçons qui trouvaient grâce aux yeux de la kevii. Même s'il n'y avait pas que ça. Elle ressentait autre chose pour lui qu'un simple début d'amitié...mais ce n'était pas de l'amour, non, son cœur était de toute manière déjà pris. Non, c'était autre chose, peut-être quelque chose de plus instinctif? Elle ne le savait pas vraiment elle-même et cela la troublait un peu.

Et puis il était tellement mature pour son âge...sa capacité d'analyse et la justesse de ses mots pouvaient parfois être effrayantes. Il était différent.

Jillah soupira doucement mais garda le sourire, toujours bienveillante:

-Cela peut prendre du temps, je ne te demande pas de lui pardonner tout de suite. Je suis certaine qu'il saura reconnaître ses torts. Le professeur Ubieto n'est pas parfait, mais comme je te l'ai dit, il n'est pas idiot. Enfin je ne crois pas. Mais je pense qu'il a sa fierté. Enfin je ne peux rien faire pour ça, j'espère juste que votre relation va s'arranger pour que tu puisses terminer ta scolarité en toute tranquillité.

Et puis elle pensait important qu'il se fasse des amis, si ce n'était pas déjà fait, car après tout, il était en deuxième année. Et savoir qu'il avait effectivement des personnes proches qu'il pouvait qualifier d'amis la rassura.

-Et bien tu m'en vois ravie...ah Quinto-san...tu veux parler de la fiancée de Maelen Ortega c'est ça?

Une princesse aérienne, hein? Elle n'avait pas vraiment fait bonne impression sur Jillah au bal, mais elle ne le connaissait pas vraiment alors loin d'elle l'idée de prétendre la connaître. Et si Mi-Cha s'entendait bien avec elle, c'était tant mieux!

Levant ses yeux d'ambre vers son jeune camarade lorsque celui-ci se leva pour s'incliner légèrement devant elle, elle ne put s'empêcher de se sentir touchée par ce geste. Elle se leva donc à son tour et se permit seulement de poser une main sur son épaule durant quelques secondes, avant de la retirer:

-Bon, mon cour avec le professeur Björnulf ne va pas tarder à commencer. Je vais devoir y aller. J'espère avoir pu t'aider un peu...

Un petit clin d’œil complice plus tard, elle s'éloignait pour rejoindre le gymnase où le professeur Björnulf devait encore se trouver ainsi que ses camarades de cinquième année.

Je ne pus m’empêcher d’avoir un léger sourire aux mots de ma sempaï. J’étais content, c’est certain, de la voir comprendre un peu ce que je pensais. Et ses conseils étaient agréables. Je n’ai pas souvent la chance de converser avec autrui, de façon aussi simple. En tout cas, je lui fis signe que je prenais note de ses conseils et propos, pour ma rédaction. Un simple mouvement du corps le signalant, en un merci muet. Après tout, les mots sont des armes redoutables, à utiliser lorsque le corps ne suffit plus à exprimer son ressenti…

« Il est des plaies que seul le flot du temps guérit… » Murmurais-je, comme un écho à ses propos.

Je pense que seul le temps me fera pardonner à mon professeur. Mais la réciproque sera probablement vrai, j’ai tenu des propos blessants. Je ne peux nier l’évidence…Même s’ils étaient dût à une absence du vocabulaire adéquate à cet instant-ci.
Mère aurait été outré que je fasse pareille erreur dans le langage seam, malgré les nombreuses études sur cette langue que j’eu suivi de par ma naissance.
Je tiquais quelque peu au nom d’Ortega-san, acquiesçant sans un mot. Je ne trouve toujours pas l’homme convenable. La façon dont il a, semble-t-il, détruit la sortie noble de sa dame : une honte. Son manquement au protocole, lors de ce bal, je ne risque pas de l’oublier. Ni la douleur que j’ai éprouvé en imaginant la honte qui tomba sur les épaules de Quinto-san, d’ainsi subir les erreurs de ce malotru.

« Elle-même… » Murmurais-je néanmoins, ne voulant nullement me laisser glisser sur la pente de son mariage.

Les Ortega ont faillit à la discipline et l’éducation de ce fils, c’est mon point de vue personnel je l’avoue. Mais lorsqu’elle évoqua son cours, je lui fis un petit sourire avant de m’incliner respectueusement.

« Je ne vous retiendrais pas plus longtemps sempaï. Et…Merci encore pour notre conversation. Je saurais me souvenir de cette dette, soyez-en assurée. »

Et c’est sur ces paroles que nous nous quittâmes. Moi, caressant la fourrure d’Akairo, m’en allait donc réfléchir à ce fameux devoir…L’esprit en ébulition.

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Je ne voulais que comprendre ! Seulement comprendre... [Clos]

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