Parcourant des yeux l’énorme livre que j’avais posé sur la table, je poussai un long soupir en trouvant enfin ce que je cherchais. L’imprimant dans ma mémoire, je rangeai l’ouvrage à sa place et quitta les lieux.

As-tu enfin obtenu le savoir que tu cherchais ?
Oui c’est bon mais je dois encore aller chercher ce que mère m’a demandé.
D’accord, je t’attendrais à notre lieu habituel.

Les rues de la ville étaient plutôt encombrées à cette heure mais je n’étais pas pressé. Ma tunique de Yunnan attirait des regards curieux mais je ne m’en souciais pas, me préoccupant juste de ce que je devais faire. Entrant dans une des boutiques de la rue principale, j’échangeai quelques mots avec le propriétaire qui revint rapidement avec la commande de mère. Saluant le marchand en m’inclinant devant lui, il m’adressa un sourire en faisant de même. Il était rare de croiser des gens ouvert et qui se plier à nos coutumes mais certains marchands étaient dans ce cas et en principe, c’était ceux que nous choisissions pour faire nos achats.

Ressortant du bâtiment, je m’avançai tranquillement vers le pont qui enjambait le fleuve. Arrivait à son point le plus haut, je m’arrêtai et pris le temps d’observer l’étendue bleue. L’eau était calme et coulait sans trouble en direction de l’océan. J’aimais prendre mon temps ainsi pour admirer la nature et ses variations, ça m’aidait à me sentir moi-même. Dans une telle ville, je ne me sentais pas à l’aise et pourtant il me fallait y venir de temps à autre pour mes études. Mais moins j’y venais et mieux je me portais. Si je commençais à bien comprendre les éléments dit naturels, il n’en était rien pour le métal, le fer et tout ce qui composait la ville. A la rigueur, je venais là pour le contact avec les humains, même si ces derniers me regardaient parfois d’un air méfiant.

Les plus ouverts dans tous ça étaient les enfants. Mais au contact de leurs parents, ils apprenaient vite des choses qui n’étaient pas forcément utiles et en oubliaient des essentiels. J’espérais changer ça un jour, pour que mon frère se sente mieux et qu’il puisse trouver sa place. Je doutais d’y arriver avant qu’il ne comprenne totalement le monde dans lequel nous nous trouvions mais je voulais au moins que le changement soit en bonne voie.

Sortant de mes pensées, je tournai la tête vers les abords du pont et fronça les sourcils. Là-bas une petite fille se promenait toute seule, s’arrêtant même pour essayer de regarder dans la rivière, au risque de passer par-dessus le rebord. D’un pas léger et rapide, je me dirigeai vers elle tout en regardant aux alentours, cherchant la personne responsable de ce petit bout de bonne-femme. Ne voyant personne, je fis ce que je ne m’aurais jamais cru capable. Attrapant la petite par l’arrière du vêtement, je la tirai pour l’empêcher de tomber avant de lui adresser un sourire et de m’accroupir pour me mettre à sa portée.

Il est dangereux pour une personne de ton âge d’être seule. Même si tu souhaite explorer par toi-même, n’oublie pas que quelqu’un s’inquiète pour toi.

Regardant la petite en souriant doucement, je continuais de jeter régulièrement des regards autour de moi pour repérer une personne lui ressemblant un minimum, ou du moins, une femme paniquée d’avoir perdu son enfant. Reportant mon attention sur la gamine, je m’inclinai légèrement avant de me dire que mes mots n’avaient peut-être pas été compris par cet esprit si jeune. Cherchant les mots adéquats, ce fut Soumeï qui me les souffla.

C’est quoi ton petit prénom, moi je m’appelle Norito. On pourrait retrouver ta maman ensemble si tu le veux bien.

Pourquoi avais-je laissé ce choix ? Surement par habitude mais là, l’enfant était trop jeune et même si elle me repoussait, je ne la laisserais pas vagabonder seule. Au pire, il y avait des autorités compétentes dans le coin et elles sauraient retrouver la famille de la petite fille.

Un léger sourire passa sur mon visage alors que la petite s’adressa enfin à moi. L’eau était un élément des plus fascinants pour un enfant et je comprenais parfaitement son attirance pour la surface bleutée. Ecoutant ses mots, je remarquai rapidement les larmes qui perlaient au coin de ses yeux et je grimaçai légèrement. Même si je trouvais ces petits êtres adorables, je n’avais jamais vraiment eu l’occasion d’en approcher de si près, ni même de m’en occuper. A part l’aider à retrouver sa mère, je doutais d’être capable de la consoler autrement.

Interrogeant mentalement Soumeï, ce dernier semblait aussi perdu que moi, j’avais bien remarqué qu’il ne savait trop comment se comporter avec Akairo mais avec les petits humains, il avait quand même été plus souvent en contact, déjà avec moi mais aussi avec mon frère et surement avec d’autres bien avant notre naissance.

Un cri retentit avant même que je ne puisse répondre à l’interrogation de la gamine. Levant les yeux, je regardai la femme s’approcher en courant. Il n’était pas difficile de remarquer son air de ressemblance avec la petite tout comme son attitude des plus paniquées. Me relevant tranquillement pendant qu’un échange se faisait encore la fille et sa mère, je m’inclinai légèrement quand la petite Rozenn me parla avant de reporter mon attention sur la jeune femme.

M’inclinant une nouvelle fois, je repris mon air sérieux, cachant le regard limite charmé par la petite pour redevenir le jeune homme que tout le monde avait l’habitude de voir. Je serrai la main de la jeune femme en hochant légèrement la tête, écoutant ses mots et lançant un regard à la petite chose qui dormait dans la sorte de sac que portait la mère.

Mon nom est Norito Kazehiro. Les jeunes pousses n’écoutent pas toujours leurs ainées mais c’est là un bon apprentissage pour eux, même si vous n’étiez guère rassuré. Sachez que je vous l’aurais ramené sans délai à vous ou aux autorités compétentes à défaut de vous trouver en ces lieux.

Soumeï me conseilla à distance de faire attention, la jeune femme ne s’étant présentée que par son prénom. Lui promettant la prudence, même si je doutais qu’une mère se serve de ses enfants comme appât ou je ne savais quoi, je regardai autour de moi, levant les yeux vers le ciel pour admirer la position du soleil et réfléchir à mes activités prévues.

Vous n’avez pas besoin de me remercier, je trouve ça des plus normal mais je serais enchanté de partager un moment avec vous et votre petite famille.

Je m’inclinai à nouveau avant de tendre la main vers la petite Rozenn. Dans mon instruction, il était dis que le contact avec la jeune génération était aussi source de découverte alors peut-être pourrais-je profiter pour apprendre aussi de cette rencontre.