Le temps avait tourné pendant la matinée. Les brefs rayons de soleil qui passaient aux travers des nuages étaient à présent totalement bloqué par l'épaisse couche grise et noire. L'horizon n'était pas tendre et depuis une heure déjà la pluie s'était mise à tomber drue, frappant sur les carreaux comme si chaque goutte cherchait refuge à l'intérieur du bâtiment. Beaucoup d'élèves se plaignaient parce qu'ils avaient cours dehors ou parce qu'il commençait à faire froid dehors. Ludvig observait la pluie par la fenêtre avec un calme détaché. Il aimait la pluie, comme beaucoup d'aqua. L'eau venant du ciel avait quelque chose de réconfortant.

Il était déjà midi passé, l'heure du déjeuner. Il n'était pas au réfectoire, il n'avait pas faim. Un livre était ouvert devant lui mais il ne le regardait pas. Il observait le vent faire changer de direction le rideau de pluie qui tombait sur Lindorm. Il avait l'air de s'ennuyer et c'était le cas. Il ne pensait à rien de concret, il n'avait pas envie de travailler, il n'avait pas envie de faire de blagues. Il aurait même préféré sortir dehors pour jouer sous la pluie avec Jabutha, mais finalement il préférait observer la pluie, observer le ballet aquatique qui se déroulait sous ses yeux.

La bibliothèque était plongé dans un profond silence. Il n'y avait pas grand monde à cette heure-ci. Entouré des hautes étagères recouvertes de livres anciens, Ludvig s'enfonça dans sa chaise, son regard toujours concentré vers les imposantes fenêtres au verre épais. L'odeur des livres chatouillait ses narines, rappellant au nordheimir la bibliothèque familiale dans laquelle il avait passé une partie de son enfance. Il n'était plus un enfant. Il était un adulte, un futur soldat. Et pourtant il agissait comme un enfant parmis tous ces adolescents. Il souriait calmement alors que la pluie durcissait. Il se sentait fatigué, il n'avait pas envie d'aller en cours cet après-midi.

Fermant les yeux le jeune homme écouta la pluie battre furieusement contre les vitres de la bibliothèque. Il se laissa bercer par le rythme de l'eau qui frappait régulièrement non loin de lui. Il ne réfléchissait à rien. Il avait pourtant du travail mais là, tout de suite, il n'avait pas envie de travailler.

Souriant il préférait écouter la symphonie qui se déroulait à l'extèrieur. Imaginant des centaines voir des milliers de minuscules dragons de pluie en train de danser loin au dessus des nuages. Ce serait amusant si cela se passait comme ça....

Les yeux fixement posé sur les vitraux de la bibliothèque, Maelen regardaient les gouttes d’eaux tomber et glisser les une contre les autres pour créer de petits ruisseaux et aller mourir le longs des pierres de l’école. Son menton posé dans la paume de sa main, il poussa un petit soupir. Ses yeux papillonnèrent légèrement et il vit du coin de l’œil quelques élèves se lever pour rejoindre le réfectoire. Le jeune homme préféra rester assit à profiter du silence réconfortant de l’immense bibliothèque. Le bruit de la pluie lui fit fermer les yeux et pendant un instant, il se cru dans les immenses rayonnages du palais des Airs. Il se revit caché dans une cabane faites de draps, fourré dans les bras chauds et fermes de Shaem qui lui comptait des histoires merveilleuses à la lanterne. Il se souvenait que les soirs d’orage, le Saabi avait toujours été là pour lui créer un univers onirique et masquer sa peur par de jolis enchantements que seul un enfant pouvait comprendre.

Souriant doucement, il essaya de garder en mémoire ce souvenir tendre le plus longtemps possible, et quand il rouvrit les paupières il sentit son cœur plus léger. Shaem avait toujours eu ce don, de l’apaiser.

Regardant la pile de livre devant lui, il s’enfonça dans sa chaise qui grinça doucement, et puis referma son cahier. Il essayait de rattraper son retard, deux semaines d’absences et il avait l’impression d’avoir loupé presque une année. Alors il avait décidé de potasser un peu. Il voulait trouver Nath pour lui emprunter ses cours de première année pour gagner du temps. Mais cela n’était valable que pour la théorie, car pour la pratique, il faudrait se montrer beaucoup plus assidu. A Thanos, dans les jardins suspendus du palais, il s’était entraîné à tirer à l’arc, seulement avec son don. Etrangement, le silence qui y régnait, l’absence d’esclave l’avait rendu plus serein. Il avait mit Shaem de côté, et avait ressentit Norn au plus profond de lui. Il avait sentit ce vent frais souffler et gonfler sa force, il avait sentit l’air vibrer sous ses doigts, se modeler lentement en des arcs de cercles plus ou moins tranchant, il avait réussis quelques fois à traverser la paille des cibles rien qu’avec ce vent qui circulait en lui. Il s’était sentit vivant et avait savouré l’instant.

Se levant pour aller cherche un livre sur la géopolitique en Nordheim, il traversa une allée, cherchant des yeux la bonne rangée. Puis, il aperçu la silhouette de Ludvig. Son cœur s’emballa un peu, et machinalement sa main se porta à ses cheveux. Il tira sur ses longues mèches blanches et poussa un léger soupire.

Il ne lui avait pas vraiment reparlé depuis la fameuse nuit. Il avait voulut s’excuser pour son comportement, il avait voulut le secouer et lui hurler qu’il n’aurait jamais dû accepter, qu’il regrettait, puis finalement que non, il ne le regrettait pas. Il ne savait pas. Non…il ne savait vraiment pas.
Il le vit les yeux fermés, souriant doucement au doux chant de la pluie et il n’osa pas vraiment le déranger. Il se contenta de le fixer, les joues légèrement empourprées par la gêne des souvenirs qui dansaient dans son esprit. Puis finalement, quand la pluie tomba moins fort il s’avança d’un pas léger, souriant, il posa sa main sur l’épaule de l’Aqua et le salua d’une voix aérienne :

« Bonjour Ludvig… »

Penchant un peu la tête, serrant son livre contre sa poitrine, il baissa un peu les yeux et fouilla dans sa poche avant d’en sortir une magnifique plume bleutée de dragon d’air, dont l’os avait été sculpté pour pouvoir recevoir de l’encre et dessiner de magnifiques arabesques sur le papier.

« Je t’ai ramené ça de Thanos, c’est une plume de Norn qu’il a perdu pendant le voyage. Je..Je me suis dis que ça te ferait plaisir... »

Plongeant ses yeux dans les siens, il ne sut pas vraiment si il devait rester là ou pas. Il tangua un peu mal à l’aise et se mordilla la lèvre.

Les larges gouttes de pluies qui s'écrasaient durement contre la vitre, qui se suicidaient à chaque fois qu'elles arrivaient au bout de leur chemin, c'était pour Ludvig un spectacle dont il se lassait rarement. Il aimait la pluie contrairement à d'autre. Pas qu'il soit mélancolique de nature, loin de là, il était même plutôt jovial, mais sans doute était-ce parce que c'était de l'eau. Il aimait la pluie. Et il aimait être sous la pluie aussi, mais c'était sans doute aussi car il n'était jamais aussi puissant que lorsqu'il pleuvait. Il avait toujours l'impression que ses pouvoirs étaient décuplés lorsqu'il pleuvait, mais ce n'était certainement qu'une impression. Les yeux fermés il appréciait la courte sieste qu'il était en train de faire. Juste lui et la pluie. Il n'y avait pas grand monde à la bibliothèque à cette heure-ci et les gens étaient en général discret, c'était l'endroit parfais pour une sieste.

Puis il entendit des bruits de pas se rapprocher. Il ne bougea pas, imaginant un élève venir chercher un livre ou un coin de table. Il savait que quelqu'un s'était installé non loin de lui quelques minutes plus tôt - il l'avait entendu même s'il n'en avait pas fait cas. Le bruit des talons sur le sol se rapprocha de plus en plus mais il ne s'en inquiéta pas bien que son instinct lui donnât l'impression qu'ils venaient vers lui. Il ne pouvait plus se concentrer sur la pluie, il se trouvait soudain obnubilé par cette personne qui s'approchait et qui soudain s'arrêta derrière lui. Le visage de Ludvig ne changea pas d'expression mais il ouvrit néanmoins un oeil lorsqu'une main se posat sur son épaule, visiblement décidée à obtenir son attention.

"Oh... c'est toi," fit simplement Ludvig, nonchalant. "Salut," il sourit poliment, sans se redresser, son oeil ouvert scrutant le jeune ventus qui se tenait à ses côtés.

Ils n'avaient pas rediscutés depuis cette nuit là. Ludvig était parti tôt ce matin là et ensuite Maelen avait dû quitter l'académie pour aller aux funérails de son père. Depuis ils n'avaient pas vraiment eu l'occasion de discuter en privé ou quoi que ce soit. Il y avait toujours Asa ou Sloan dans la chambre. Mais ce n'était pas grave pour Ludvig, en tout cas il s'en persuadait. Ce n'était qu'une fois. Comme ça. Les hormones. Ou quelque chose comme ça.

"J'ai appris pour ton père... Toutes mes condoléances," fit le nordheimir. Il était sincère dans ses paroles alors qu'il se redressait légèrement sur sa chaise, étirant un bras pour délasser ses muscles

Puis vint la plumes. Une longue plume de dragon aux incroyables reflets bleu. Pendant un instant Ludvig fut interdit d'un tel présent. Il ne s'y était pas du tout attendu. D'un geste courtois il saisit le présent et l'observa, écoutant sagement Maelen lui expliquer qu'elle venait de son propre dragon. Ludvig ne put s'empêcher de rire soudain.

"Ma parole ! Tu essaye de me séduire ?" demanda le délégué qui soudain semblait ne plus rien avoir à faire d'être dans une bibliothèque. Il rit à sa propre blague, secouant la plume et se carressant le menton avec. "Je me sens totalement conquis par un tel présent mon cher," fit-il avec la plus grande nonchanlance possible. Il éclata de nouveau de rire avant d'offrir un sourire plus franc au ventus. "Sérieux ? Elle viens de Norn ? Merci, elle est superbe," fit-il, sincèrement content de recevoir un cadeau. "J'espère cela dit que tu n'essaye pas de me pousser dans ton lit grâce à ça ?" il rit de plus belle.

C'était tellement plus facile d'en rire. C'était tellement plus évident de faire comme si ce qui s'était passé n'avait aucune incidence sur leur relations. Ludvig préférait ne rien prendre au sérieux. Il ne voulait pas se prendre la tête avec ça. Il n'avait pas de sentiments particulier envers Maelen. Même si maintenant il se posait la question sur ce que le blond ressentait... c'était une plume de son dragon après tout, n'était-ce pas important ?

Ses yeux croisèrent ceux de Ludvig, et il ne pu s’empêcher de sourire doucement. Bien que ses pommettes étaient légèrement rougi, il bénit la pénombre de la bibliothèque et contint ses mouvements involontaires d’angoisse. Il ne voulait pas que Ludvig croit que la nuit qu’il avait passé ensemble l’ai à ce point marqué.
Alors, le coin de ses lèvres s’étira tendrement et ses yeux pétillèrent de malice. Il accepta les condoléances, remerciant Ludvig d’un simple geste. Il posa sa main sur son cœur et s’inclina légèrement. Comme l’on faisait en Aéria pour remercier quelqu’un avec sincérité.

Lui tendant son présent, il se contenta de le fixer, se souvenant de comment Norn avait perdu cette plume. Maelen avait essayé de grimper sur son dos à Thanos pour pratiquer les exercices de Shaem. Il s’était lamentablement ramasser sur le sol, arrachant la plume au passage. Les plumes de dragons tombaient très rarement. C’était donc un bien très précieux.

Son visage vira au rouge cramoisie quand Ludvig lança qu’il voulait le séduire. Jetant un coup d’œil par-dessus son épaule, il ne vit qu’une fille qui lisait visiblement un livre de façon assez assidue.

« Non je..Enfin.. »

Poussant un soupir las, il se pinça l’arrête du nez et secoua la tête de droite à gauche.

« Disons que tu m’as manqué, mais pas pour les raisons auxquelles tu penses… »

Il ne voulait pas avouer que n’ayant plus de famille, seul ses amis de Lindorm comptait désormais pour lui. Puis, à vrai dire, il avait ramené un cadeau pour chacun d’eux. Riant doucement devant la sincérité de son ami, il lui répondit à son tour en dévoilant un de ces sourire les plus véritables.
S’appuyant contre la table de Ludvig, il pencha la tête et croisa les bras sur sa poitrine, le regard de nouveau un peu perdu :

« Je…Je venais pour te parler de ça…Pas que je veuille remettre le couvert, mais pour te dire que voilà, j’aimerais que cela ne change rien entre nous, je veux rester ton ami, je veux qu’on puisse discuter comme avant, travailler, manger… »

Levant le visage vers le plafond, il poussa un léger soupir et posa son pied sur la rambarde d’une chaise sous la table.

« Ma situation est devenu un peu plus compliquée, je..j’ai été fiancé…Le dernier vœux de mon père... »

Décroisant les bras, il fixa Ludvig et se dit qu’à son âge, il aurait sûrement dû être marié depuis longtemps. Il envia sa liberté et se redressa en poussant un énième soupir. Une mèche de cheveux brune glissa sur le visage de Ludvig et Maelen retint un geste pour la glisser derrière son oreille. Il haussa les épaules et secoua sa crinière blanche d’un mouvement de tête.

« Enfin, bref, tout ça pour dire que les longues nuits d’hiver seront certainement solitaire…Même si je n’ai pas fait vœux d’abstinence jusqu’aux noces… » Lâcha t-il en riant. Puis se penchant pour taquiner Ludvig, il glissa ses doigts sur ses lèvres : « Même si cette bouche manque un peu d’entraînement en la matière… »

Riant de bon cœur, il recula et ses yeux s’accrochèrent à ceux de Ludvig, il posa de nouveau sa main sur son cœur et lui sourit avec tendresse.

Ludvig observait Maelen avec autant de curiosité, d'amusement que de manque total d'interêt. Autant de choses qui passaient dans son regard sans qu'on sache réellement comment il faisait. L'interêt de Ludvig pour ce qui se passait autour de lui était une chose fluctuente qui dépendait autant de son humeur que du temps qu'il faisait dehors voir même de la position des astres. Lui-même ne savait pas trop quoi penser ce qu'il était en train de penser... ou de ne pas penser dans le cas présent. Il riait et s'amusait de tout, ne s'inquiétait pas de sa relation avec Maelen. Il s'en était inquiété au début, il s'inquiétait toujours un peu lorsqu'il était seul dans la chambre en compagnie d'Asa.... parce qu'elle était une fille mais aussi parce qu'elle était persuadée qu'il était homosexuel. C'était inquiétant car il n'aimait pas forcément être catalogué. Et même s'il agissait avec Asa comme il l'avait toujours fait auparavant, il était plus prudent quand il se changeait où qu'elle disait qu'elle allait prendre sa douche. Instinctivement il vérifiait que personne ne se rende dans la salle de bain pendant qu'elle y était, protégeant son secret sans qu'elle ne le sache vraiment. Il n'était pas spécialement quelqu'un de protecteur mais ils partageaient les secrets de l'autre, il ne pouvait l'ignorer.
Tout comme il ne pouvait ignorer Maelen en train de flirter avec lui. Tout en lui apprenant qu'il était fiancé. Ludvig rit à nouveau, enfoncé dans sa chaise et croisant les jambes.

"Fiancé ? Bon courage alors !" fit l'aqua alors que ses éclats de rire résonnaient dans la large pièce. Il savait qu'il y avait quelqu'un non loin d'eux mais tant que cette personne ne manifesterait pas un besoin de calme, il n'en avait rien à faire. Le respect était une chose fluctuente chez Ludvig, autant que son interêt pour ce qu'il se passait autour de lui. "J'ai la chance d'être le petit dernier, la relève est déjà bien assurée, on me laisse tranquille," se vanta Ludvig, comme s'il était fier que personne ne cherche à le marier.

Il ne l'était pas. Même si cela montrait que ses parents lui laissaient sa liberté. Cela rajoutait au manque d'importance profond qu'il avait pour la survie de la famille Brax. Il s'en accommodait, il riait. Il s'en fichait aussi. Il n'y avait que Jabutha qui était important à ses yeux après tout. Et même cette proposition du ventus n'attisait pas l'interêt du nordheimir dont le regard soudain perdit en malice. Il le laissa le toucher, il le laissa sous entendre qu'il n'était pas doué. C'était vrai après tout, il avait peu d'expérience en la matière.

"Tu sais..." il voulait lui donner une réponse claire, presque sérieuse alors qu'il faisait tourner la plume entre ses doigts.

Il n'en eut pas le temps. L'écho presque violent d'un livre qui se referme firent se tourner les visages des deux hommes. Ah... ils la dérangeaient finalement. Ludvig garda ses mains dans ses poches, toujours avachis sur sa chaise, observant la jeune fille se redresser. Sans doute leur conversation n'était-elle pas de son goût, cela semblait normal. Les femmes en général n'aimaient pas entendre les hommes parler de ça en publique... Ludvig s'en fichait, mais il était tout de même prêt à s'excuser si elle leur demandait. Elle approcha, prête à décoller de la librairie plutôt que de les en chasser. Une attitude noble. Cette fille n'était pas une roturière, cela se sentait à son port altier et à la moue qui dessinait son visage fin.

Elle était outré. Et Ludvig compris rapidement que la raison n'était pas seulement du fait qu'elle était une jeune fille en fleur. Elle gardait la mesure de sa voix malgrés les reproches qui fusaient, elle se contenait avec toute la perfection que pouvait avoir une fille de bonne famille. Estefania Quinto, la fameuse fiancée. Ludvig éclata soudain de rire devant la cocassité de la situation. Penché en deux il fut pris d'un fou rire alors que la lucem tentait de garder son calme et que Maelen recevait les remontrances de sa fiancée.

"J'adore ta fiancé Maelen !" s'esclaffa Ludvig avant de se lever de sa chaise. Les yeux rieurs il fit cependant une révérence maîtrisée. Si d'habitude il n'avait aucune manière, il n'en était pas dénué et offrit un geste parfait à la demoiselle qui se présentait à lui. "Ma demoiselle, permettez moi de me présenter à vous. Ludvig Brax, fils de Niels Brax, délégué aqua ainsi que compagnon de chambre de votre promis" en une seconde il s'était calmé pour offrir un parfait exemple de la rigidité élégante des réverences du style nordheimir.

Il offrit un sourire avenant à la jeune fille qui soudain fut pris de l'envie pressente d'attrapper le col de Maelen. Ludvig n'y tint plus et repartis dans un fou rire. Se tenant les côtes il recula contre la fenêtre et observa les deux jeunes gens. Finalement il était content de ne pas être forcé à se marier, cela ne semblait facile ni pour l'un, ni pour l'autre.

Il aurait pu offrir un soutient à l'un ou l'autre mais... non, il ne pouvait plus s'arrêter de rire. Il en avait presque mal aux côtes...

La séduction. C’était une seconde nature chez Maelen. Pas qu’il se pensait supérieurement beau à la moyenne, ni même doté d’atout remarquable, mais Maelen avait gardé ce côté enfantin, ce côté qui le poussait à séduire quiconque le rencontrait pour pouvoir assouvir sa propre survie au sein d’un groupe. Un enfant séduisait ses parents pour ne pas être laissé à l’abandon et Maelen faisait de même. Même ses amis les plus proches il les taquinait sans cesse, peut être à son détriment. Mais après le départ de Shaem, il s’était retrouvé seul et c’était la seule solution qui lui avait paru fonctionner.

Passant sa langue sur ses lèvres, il ne quitta pas Ludvig du regard, se demandant bien ce qu’il pouvait se passer dans la tête de l’Aqua. Il était un mystère à part entière, et même si il prétendait ne pas s’en rendre compte, Maelen doutait et pensait qu’au contraire, il devait beaucoup en jouer. Lui-même s’était sentit attiré par ces cheveux noirs et ce regard bleuté.

Alors que le visage du délégué devenait brusquement sérieux, il fronça les sourcils prêts à écouter la vérité sortir de sa bouche. Mais un brusque claquement de livre le fit sursauter et il tourna brutalement la tête. C’est vrai qu’ils n’avaient pas été très discrets, se redressant, il s ‘apprêta à faire des excuses quand ses yeux s’accrochèrent à ceux de la jeune fille, il reconnu son visage entre mille et toute trace de sang quitta ses joues. Sa peau vira au blanc pâle et il devint livide.

Estefania Quinto. Là. Devant lui. Elle avait tout entendu.

Son esprit décrocha et son corps se tendit. Ce n’était pas prévu, pas là, pas comme ça. Il devait se présenter à elle dans la semaine. Il n’avait jamais vraiment fait attention à elle pendant ce premier mois de cours, il avait juste noté que son nom faisait partie des hautes sphères d’Aéria et qu’elle était une Lucem. Ce qui en soit la faisait un peu sortir du lot. Mais son physique un peu banal ne l’avait pas plus attiré que ça. Pourtant, quand son père lui avait avoué que c’était elle à qui il devrait se marier, son visage s’était imprimé avec une précision sidérante dans son esprit.

Il la vit avancer vers lui et se planter là pour lui asséner de sa voix sèche et rigide des remontrances qui le mirent mal à l’aise. Il déglutit péniblement, sa voix resta coincée dans sa gorge et il ne put qu’entendre le rire goguenard de Ludvig qui se tordait derrière lui. Ses yeux suivirent la silhouette, son esprit essaya d’analyser les paroles mais il ne comprit pas grand-chose. Il était trop choqué pour prendre la pleine mesure de ce qui se passait sous ses yeux.

« Euh… » Fut-tout ce qu’il trouva à dire à Ludvig et il fut brusquement tiré en avant pour sentir les douces lèvres de Estefania sur les siennes. Son odeur de fleur d'oranger emplit ses narines et il ne prit pas vraiment la peine de répondre au baiser. L'odeur lui rappela Shaem et il fronça un peu les sourcils. Secouant la tête quand elle le relâcha, il la fixa incrédule et la laissa lui tourner le dos de sa silhouette parfaitement droite et de son port altier.

Fusillant Ludvig du regard qui se tordait toujours de rire, il poussa un long soupir et se massa les yeux.

« Estefania, attendez ! »

Inspirant profondément, il fit quelques pas rapide dans sa direction et posa sa main sur son épaule pour la retenir.

« Je…je suis désolé que vous ayez entendu tout ça. Je ne voulais pas vous blessez… »

Penchant la tête, prenant une moue un peu désabusée, il continua :

« Ce n’était pas prévu que cela se passe comme ça. Je…Je devais venir vous voir demain pour me présenter officiellement… »

Mal à l’aise, dansant d’un pied sur l’autre, il ne cessait de dévisager son visage en ce disant qu’il avait sous les yeux la femme qui allait devoir côtoyer sa vie pour toujours, il allait devoir lui promettre de la chérir aussi dans la joie que dans la peine, elle allait être une femme importante.
Passant sa main dans ses cheveux d’un air gêné, il lui attrapa la main et déposa un baiser sur son dos, se courbant un peu pour s’incliner. Il ne voulait pas qu’ils se détestent dés le début, alors que leurs routes se côtoieraient pendant de très longues années.

« Pardonnez-moi… » Puis ses lèvres s’étirèrent un sourire un peu séducteur.
Fixant Ludvig au loin, il poussa un autre long soupir et ce dit que si elle se braquait juste pour l’Aqua. Qu’allait-elle penser de son amour pour Shaem ?

♫ Thème

Un livre sous le bras, pensif, Asa se dirigeait comme un automate dans les couloirs qu'il connaissait par cœur, saluant quelques têtes connues, en loupant d'autres. Il était un peu dans la lune. La mélancolie ordinaire d'un jour de pluie lui laissait une sensation agréable et un peu flottante. Ce n'était pas pour lui déplaire tant les soucis se pressaient habituellement autours de lui, au point qu'il se sentait pris bien souvent à la gorge par les événements. Il n'avait cependant plus fait mine de mettre fin à ses jours depuis que Ludvig l'en avait empêché. Cela n'empêchait pas le désespoir de lui serrer le cœur.

Lire avait toujours été un refuge pour Asa, qui aimait ne plus avoir à penser : ainsi il pouvait devenir le chevalier qu'il souhaitait, l'homme qu'il n'était pas, grand et beau, fort et courageux. Il pouvait transposer un peu de fantasme à son univers complexe. Mais étrangement, le fait que Ludvig sache le rassurait un peu. Il n'était plus tout seul face à sa réalité et c'était une sensation très étrange. En plus, il avait passé ces derniers temps à beaucoup fréquenter Ludvig et Maelen. Il aimait bien être avec eux, il pouvait se vider la tête. Mais il avait l'impression paradoxale de délaisser Medea. Mais la jeune Aqua était très occupée, ce n'était pas forcément évident de se voir dans ces conditions.

Ses dirigeant vers la bibliothèque afin d'y trouver quelque nouvel ouvrage qu'il pourrait lire et rendre le sien, le jeune Ignis pénétra dans la grande pièce au calme feutré. Enfin au calme...
"Outch !" Fit l'Ignis quand une tornade brune le heurta de plein fouet, et il vacilla sur lui-même, manquant de faire tomber son livre. "Ouah, désolé..." Fit Asa, un peu sonné, cillant tel un hibou en pleine lumière et se frottant le thorax, là où le coude de l'inconnue venait de le frapper de plein fouet.

Tombant un peu comme un cheveux sur la soupe, il remarqua qu'il tombait visiblement dans un nid de problèmes qui s'étendaient jusqu'à Maelen et Ludvig. "Tu ne t'es pas fait mal ?" Fit-il poliment à l'adresse de la jeune fille - tête de linotte, il ne l'avait strictement jamais vue à l'académie : sûrement une première année ? Non pas qu'il connaisse tout le monde ici.
Asa était guindé, mais familier - loin des manières de Ludvig, Maelen et tous les autres enfants de bonne famille. Il soupira légèrement et se rapprocha de ses deux compagnons de chambre, les joues rosies, un peu plus timidement.
"J'interrompt un truc ?" Fit-il doucement, surpris par le fou rire de Ludvig et rougissant de plus belle, comme une grande asperge un peu gourde. "Vous vous connaissez ?" Osa-t-il finalement demander.

Visiblement oui et c'était une question idiote. Un peu surpris, son livre serré contre lui, Asa cilla légèrement quand il vit Maelen prendre un air plus charmeur auprès de la jeune femme. Il était pas censé avoir... Avec Ludvig ? Il regarda ce dernier, un peu surpris. Ca ne semblait pas le déranger que Maelen drague quelqu'un sous son nez. Non parce que lui si Medea draguait quelqu'un devant lui, il aurait plus sûrement envie de pleurer que de rire... Naturellement, Asa s'était rapproché de l'Aqua, un peu perdu, comme pour se cacher derrière lui.

Il riait, sa voix faisant presque écho à la pluie qui continuait de tomber inlassablement sur les carreaux. Pour beaucoup cette pluie était synonyme de mélancolie, de dépression. Pour Ludvig c'était de la beauté à l'état pure, mais pas seulement. C'était aussi quelque chose qui le mettait en liesse. Il aimait la pluie, il aurait presque pu aller jusqu'à la vénérer. La pluie avait le don de tout laver, âme, esprit, corps... alors pour lui, rire sous la pluie n'était pas quelque chose d'étrange, rire alors que le temps était maussade pour tout le monde était normal pour lui. C'était tellement bon de rire.

Il n'arrivait plus à s'arrêter, pris d'un fou rire incontrôlable alors que Maelen tentait desespérément de s'en sortir. Il n'en avait rien à faire au fond, le ventus s'était lui-même mis dans cette situation. Il n'aurait pas su quoi dire pour l'aider, et puis c'était bien trop amusant de le voir se dépatouiller avec la jeune lucem. Elle était outrée la pauvre et il devait sans doute autant l'ennerver que les actions de son fiancé. Mais ça aussi il n'en faisait pas cas. Et lorsqu'il vit Asa débarquer, il dut se tenir à la table pour rester debout. Ses joues étaient rouges du manque de souffle, il en avait presque les larmes aux yeux.

"Asa.... ahaha... Asa... si tu savais..." s'esclaffa le délégué en se déplaçant tant bien que mal vers l'ignis. "Tu dérange personne," il ajouta, tentant de regagner son calme. Mais on arrêtait pas un fou rire aussi facilement et le regard que lui jetta Maelen n'arrangea rien à la suite. "Maelen... franchement..." il pouffa encore, les yeux lumineux. "C'est marrant quand même," en tout cas lui, il trouvait la situation très amusante.

Il posa sa main sur l'épaule d'Asa, lui souriant de toute ses dents, retenant ses rires autant que possible alors que maladroitement Maelen tentait de récupérer un semblant de dignité auprès de sa fiancée alors que cette dernière s'emmurait dans un silence noble. Elle n'avait rien à envier aux soeurs de l'aqua, il fallait bien l'admettre, ses manières étaient admirable.

"On était en train de parler... et puis soudain... paf ! La fiancée qui débarque...." il essayait vainement d'expliquer la cause de son fou rire à Asa mais au regard de ce dernier, il ne comprenait rien à ce qui se passait ni ce qui faisait rire Ludvig. "T'aurais dû voir ça !" conclut Ludvig même s'il doutait que la jeune Ignis puisse en rire, trop sérieuse pour ça. Il se tint contre Asa quelques instants pour finir de se calmer avant de se redresser, les mains sur les hanches. "Franchement..." il secoua la tête. "C'est un quiproquo digne d'une pièce de théâtre aérienne... on se croirait dans un vaudeville,"

Pédéraste... ce n'était pas Maelen qu'il s'inquiétait. Mais il n'avait toujours pas réglé cette affaire de coucherie. Asa continuait de le regarder parfois lorsqu'ils étaient ensemble avec Maelen comme pour s'excuser de les déranger - alors même qu'il lui avait dit qu'il n'y avaient rien entre eux. Mais l'ignis semblait être toujours persuadée qu'ils étaient en couple. Et si maintenant Estefania en rajoutait une couche.... il n'avait pas besoin de ça. Il n'aimait pas être le centre d'interêt des ragots de Lindorm et vu la direction que prenait la chose, il avait peur que cela n'empire. Il avait pensé pouvoir en parler à Maelen en privé ou laisser les choses couler - sachant qu'Asa n'irait rien dire. Mais il n'était pas sûr que cela marche cette fois.

Ça virait à la catastrophe. Si il avait su, Maelen serait resté une semaine de plus au Palais des Airs pour savourer le calme plat et tranquille de sa maison. La journée avait pourtant bien commencée et il avait cru qu’il pourrait mettre à plat sa relation avec Ludvig. Relation qui n’en était pas vraiment une. Mais tout était partie en vrille en moins d’une seconde et il se trouvait dans la panade la plus totale.

Courant après Estefania, il l’a vit percuter Asa qui se trouvait aussi dans la bibliothèque et s’excuser de sa maladresse. N’ayant pas trop le temps, il le salua d’un geste du menton et rattrapa sa fiancée pour s’excuser tant qu’il pu. Il retira sa main sous le regard courroucé qu’elle lui lança et au vu de son caractère, il se dit que sa vie n’allait plus être un long fleuve tranquille et qu’il allait falloir se tenir à carreaux. L’étiquette semblait être quelque chose qui lui tenait à cœur. Mais manque de chance pour elle, il avait beau être un Ortega, il détestait le protocole. Il garda néanmoins ses bonnes manières, essayant de s’attirer les faveurs de la demoiselle, mais elle ne fit que le rembarrer de manière assez éloquente et Maelen n’apprécia que moyennement de se faire insulter de la sorte devant ses amis.
Entre le rire de Ludvig qui n’arrangeait rien, et l’annonce de son homosexualité à Asa, il sentit le rouge lui monter aux joues.

Grondant, il attrapa un peu durement le poignet d’Estefania et la força à descendre de sa chaise pour la tirer vers Ludvig et Asa. Il la planta devant eux et montra Ludvig du doigt :

« Il n’y a rien entre lui et moi ! Juste une fois c’est tout. Ludvig n’est pas ce bord là, c’est mon ami…Vous n’avez pas à parler de chose que vous ne comprenez pas, et je crois que votre éducation vous à apprit à ne pas juger au premier abord. »

Pestant, il indiqua Asa et rajouta :

« Voici Asa Sunland, mon deuxième colocataire et ami… » Puis soudainement, il plaqua ses mains sur les oreilles d’Estefania pour ne pas qu’elle entende. « Désolé Asa, tu tombes un peu mal…Hum, euh..bon visiblement tu es au courant de ce qui s’est passé, mais ne t’inquiète pas, ça ne se reproduira pas..Je..j’aime profondément quelqu’un d’autre et je… »

Un peu perdu, il soupira et retira ses mains de la tête de sa fiancée, pour se reculer un peu et ne pas trop la coller.

« Asa, voici Estefania Quinto, nos parents ont décidé de nous fiancé il y a peu… »

Le visage un peu dur, il fusilla la jeune femme du regard et poussa un long soupir las. Voilà, au moins la situation c’était un peu éclaircie.

« Mademoiselle Quinto, vous seriez priez de garder ce que vous avez entendu pour vous, je ne veux pas que mes bêtises nuisent à l’image de mes amis. »

Le cœur un peu battant, il ronchonna il aurait voulut que la cloche sonne la reprise des cours, mais visiblement la pause de midi semblait s’éterniser. Fermant les yeux, il les rouvrit pour voir Asa et Ludvig le fixer. Son cœur s’emplit de bonheur malgré la situation, il était heureux d’avoir des amis, son regard se posa Estefania et il lança en retrouvant sa bonne humeur, passant son bras autour des épaules de sa fiancée pour la presser fortement contre son flanc.

« Vous serez invité au mariage les gars ! » Riant, d’un son clair et sincère, il rajouta espiègle en leur faisant un clin d’œil. « Vous serez mes témoins. Avec Raph et Nath aussi ! »

♫ Thème

Asa regrettait un peu d'être venu finalement : si c'était pour se retrouver en plein conflit, il aurait sans doute mieux fait de faire demi-tour dès la porte franchie. Mais la main que posa Ludvig sur son épaule le fit rougir confusément après l'avoir fait sursauter assez violemment, lui qui détestait les contacts physiques et il sentit le torse de l'Aqua s'appuyer à son dos, lui causant une sensation des plus étrange. C'était un peu comme lorsqu'ils avaient été seuls sur le dos de Jabutha... Et cela n'améliora guère la vive rougeur de ses joues. Il se sentait un peu gêné de ce contact, presque déjà trop intime pour lui mais n'eu étrangement pas la force de se décaler. Cependant, le son de son rire était communicatif et Asa vit ses lèvres s'étirer malgré lui d'un sourire et il osa, timidement, regarder son aîné, toujours troublé, d'autant plus que lorsque celui-ci parlait, il chatouillait la peau sensible de son cou, ce qui n'arrangeait pas à sa gêne.

Cependant l'information lui fit écarquiller les yeux de surprise : Maelen, fiancé ? Mais... Mais il avait couché avec Ludvig ! Il était fiancé et couchait avec quelqu'un d'autre ? Et Ludvig en riait ? Il ne comprenait décidément pas les garçons, vraiment pas ! Lui n'aurait jamais pu faire une chose pareille. Et puis c'était un tel manque de respect pour sa pauvre fiancée ! Il comprenait mieux l'air courroucé de cette dernière. Cette situation, loin de le faire rire, lui tira une moue peinée alors que Ludvig retrouvait une part de son sérieux et s'écartait de lui. Déjà, la jeune femme tentait de remettre un livre en place après avoir insulté Maelen de... Quoi ? Elle savait déjà pour lui et Ludvig ? Les mots étaient un peu fort mais elle devait être tant en colère, ce qui lui semblait normal. Un homme ne devrait jamais à avoir à agir ainsi en présence de sa fiancée.

Et voilà que Maelen attrapait Estefania et la traînait vers eux. Asa sentit le rouge lui monter de nouveau aux joues. Il détestait voir les hommes contraindre les femmes - sûrement à cause des séquelles de son enfance avec un beau-père violent et abusif envers sa mère et le viol auquel il avait assisté. Et Maelen en plaisantait encore, plaquant puérilement ses mains sur les oreilles de cette pauvre jeune fille. Incapable de se contenir plus longtemps, le jeune homme brun s'avança et, d'un ton plus autoritaire qu'on pouvait le penser vu sa timidité, ordonna "Arrête ça, Maelen, ce n'est pas drôle !" Il s'était avancé d'un pas vif et avait d'un geste sec pris le poignet du Ventus pour l'écarter de la jeune fille. "Ne sois pas si brusque enfin ! Ce n'est pas parce que c'est ta fiancée que tu as tous les droits pour la traîner à ta guise !" Il n'avait pas élevé la voix mais son ton était désormais sec et il se plaça tout naturellement entre les deux futurs mariés, comme pour protéger la brune, sans se préoccuper du qu'en-dira-t-on. "Ne plaisante pas comme ça ! Même s'il n'y a rien entre toi et Ludvig, ce n'est pas une raison pour passer pour un gros mufle ! Le Maelen que je connais n'est pas comme ça... Le Maelen que je connais ne manquerait jamais autant de tact... Alors je sais que la mort de ton père doit être une épreuve mais, s'il te plait, ne t'abaisse pas au niveau d'un gros macho !" Ses yeux bleus sombres se chamarraient d'une humidité coupable. Asa se sentait bouleversé. Personne n'avait donc vu qu'elle avait eu l'air d'avoir mal à être traînée de la sorte ? Quel genre d'homme ferait fi des sentiments des autres à ce point là ?
"Tu me déçois beaucoup Maelen !" Fit Asa, en retenant ses larmes, tout tremblant de colère et de peine. Il prenait tout cela à coeur mais qu'y pouvait-il ? Jamais une femme ne devrait être contrainte par qui que ce soit !

Ludvig avait plus ou moins retrouvé son calme et il était temps pensa-t-il alors que les choses prenaient une tournure qui commençait à moins le faire rire. Mains sur les hanches alors qu'il essayait de détendre l'atmosphère en douceur en implicitant qu'il y avait une erreur sur ce que la jeune lucem avait entendue... Maelen décida de se montrer plus brusque, allant la chercher plus ou moins fermement. Ludvig se tendit, n'aimant pas l'équilibre précaire de la chaise qui se trouvait sous les pieds d'Estefania.

"Maelen !" lança-t-il, les yeux écarquillé alors que la première année se retrouvait sur le sol plus ou moins sans douceur. Il tendit la main puis fronça légèrement les sourcils.

Il allait devoir remettre la situation sur les rails, Asa était rouge et il se rappella soudain qu'elle n'aimait pas les contacts physique. Il se traita d'idiot mais ne s'excusa pas encore, ce n'était pas le moment. Il n'avait pas voulu la mettre mal à l'aise. Pour l'instant il y avait plus important, ou tout du moins plus urgent alors que Maelen se mettait à essayer de se justifier et de... justifier leur relation. C'était maladroit, il était monté en nervosité d'un cran et cela se voyait. Ludvig décida de faire preuve de patience et de retenue, ce n'était pas le moment de se remettre à rire.

"Maelen... franchement..." soupira l'aqua en penchant la tête sur le côté alors qu'il essayait bêtement de mettre ses mains sur les oreilles de la jeune fille. En tant que spectateur.... c'était ridicule. Le ventus était son ami, mais là il commençait à le trouver un peu misérable.

Il allait intervenir, sentant que la comédie avait assez durée, mais contre toute attente Asa fut plus rapide que lui et alla rapidement rejoindre le couple pour les séparer. Asa avait les joues rouges et déjà les larmes aux yeux. Encore une fois Ludvig sembla se rappeller que sous cette apparence de garçon se trouvait une jeune femme. Elle avait beau tout faire pour avoir l'air d'un garçon, son coeur semblait se mettre en osmose avec celui d'Estefania, et ça pouvait se comprendre. La lucem semblait arriver au bout de ses limites en terme de patience aussi. Ses joues étaient aussi rouge que celles d'Asa et c'était tout aussi compréhensible.

"Allez..." commença-t-il pour essayer de tout reprendre à zéro et calmer tout le monde.

Mais il était déjà trop tard. Estefania explosa, sa voix emplissant les hautes voutes de la librairie dans un écho rageur. Ludvig grimaça, faisant un geste pour la retenir, mais déjà la jeune femme s'enfuyait. Elle était certainement en train de pleurer et Maelen restait comme deux ronds de flan à sa place. Merde. Il n'aimait pas ça. Soupirant lourdement le délégué mit à nouveau ses mains sur les hanches et fronça des sourcils.

"Ca suffit maintenant !" gronda-t-il pour tuer dans l'oeuf toute reprise de chamaillerie, cette fois-ci entre Maelen et Asa. "On se calme," ordonna-t-il. Il avait étonnement retrouvé tout son calme lui-même. "Maelen, c'est gentil de vouloir nous justifier mais... franchement... tu aurais pu la blesser," fit-il, se tenant droit. "Asa... je suis désolé que tu ai eu à participer à ça... et aussi... enfin..." il ne voulait pas en dire trop, de peur que Maelen comprenne quoi que ce soit même s'il devait penser à autre chose en cet instant. "Bref," il soupira à nouveau. "J'aurais dû désamorcer la situation plus tôt, j'ai été con," admit-il, conscient que son fou rire n'avait rien dû arranger à la situation.

Il observa ses camarades de chambre, se disant que la soirée risquait d'être silencieuse. Mais Ludvig était délégué, il se devait de gérer la situation, c'était son rôle même s'il ne l'aimait pas. Alors il s'avança et croisa les bras, le regard sérieux.

"La pause est bientôt terminée," annonça-t-il, sérieux. "Après les cours on se retrouve dans le dortoir et on va chercher ta fiancé. On s'excuse et on essaye de discuter calmement de tout ça," fit-il à Maelen avant de poser une main sur son épaule, un bref sourire aux lèvres. "Merci d'avoir essayé de justifier ce qu'il s'est passé... et merci du cadeau. Mais, la prochaine fois, essaye de rester calme. Sinon je te colle un pain," fit-il avant de se tourner vers Asa, un peu plus penaud. "Encore désolé... je t'expliquerais plus tard si tu veux," il faisait allusion à sa relation avec Maelen, il savait bien qu'Asa se faisait encore des idées et qu'il n'avait sans doute pas été des plus clairs lorsqu'ils en avaient brièvement parlés. Il était temps de mettre les choses au clair. D'un geste précis il tira un mouchoir de sa poche et le tendis à l'ignis, un sourire avenant aux lèvres.

Désespérément, il essayait de tout arranger. Et comme à son habitude son impulsivité prenait le pas sur sa réflexion. Il n’avait pu se poser deux minutes pour réfléchir, il n’avait pu penser avant d’agir. Il agissait sous les caprices qui traversaient son corps, sous le joug de millions d’émotions et il se trompait, comme à chaque fois. Il avait bien faillit perdre Shaem à cause de ça, et voilà qu’il recommençait.
Il ne pensait jamais aux conséquences de ses actes, car il n’accordait que peu d’importance à celles des autres. Il était ce qu’il était, et pourtant, il s’était promis de changer. Il devait grandir.Il devait remplacer son père, il devait mûrir bon sang, il serait peut être un jour à la tête de toute une nation et il ne pouvait décemment pas agir sur une simple envie. Il voulait expliquer à Asa qu’il n’y avait rien entre lui et Ludwig, il voulait prouver à Ludwig qu’il pouvait compter sur lui et personne n’en saurait rien, il ne voulait pas que sa relation avec sa nouvelle fiancée soit entachée…Mais à vouloir trop bien faire, il se plantait magistralement.

Choqué à l’attitude d’Asa, il relâcha Estefania comme brûler par une flamme et lui jeta un regard incompréhensif. Il..Il n’avait jamais voulut lui faire du mal, il ne comprenait pas pourquoi l’Ignis s’enflammait comme ça.
Sa déception lui percuta le cœur et il ne put que serrer les dents et les poings. La phrase de sa fiancée claqua dans l’air et il ne put que la fixer sans pouvoir réagir.

Que devait-il faire ? Que devait-il dire ? Si il s’était écouté, il aurait hurlé, comme un gamin, comme il faisait avec Shaem, mais il n’était pas avec lui, il n’était pas là pour le soutenir, il n’était pas là pour lui souffler quoi dire et lui apprendre les bonnes manières. Instinctivement ses bras se refermèrent sur sa poitrine et il le chercha du regard, mais il n’y avait qu’eux dans la pénombre de la bibliothèque.

Il se fichait que Estefania soit vierge ou non, il ne voulait pas la toucher, il ne voulait pas d’une femme aussi revêche et coincée. Il était sûr que pour elle les esclaves n’étaient que des domestiques, et il détestait ça. Il avait fuit ses responsabilités pendant toutes ses années pour fuir cette mascarade aérienne, pour fuir ces manières outrancières qu’il détestait. . Il ne voulait pas d’une femme qui représentait tout ce qu’il haïssait.
Il ne voulait pas être de ceux là, de ceux qui réagissaient en ne pensant qu’à ce que leurs réactions pouvaient apporter. Alors il disait ce qu’il pensait, haut et fort, avec fierté en assumant ses actes.
Au diable ceux qui n’était pas capable d’écouter sa franchise. En cet instant, il ne voulait de mal à personne, il voulait que tout le monde soit heureux, mais la dure réalité était que ce n’était pas possible.
Il ne pourrait jamais être avec Shaem, et avoir Estefania, il ne pourrait jamais continuer à taquiner Ludvig et ne pas voir le regard de reproche de Asa.
La vie était faite de choix et en cet instant, il ne voulait pas en faire.

Relevant ses yeux bleus, il fixa Asa qui pleurait et lâcha d’une voix dure en retirant son poignet de sa main:

« Je n’ai jamais prétendu avoir tous les droits sur elle, elle ne m’intéresse pas et peu importe la duretée de mes mots, ce n’est qu’un mariage arrangé comme il en existe des millions. Je n’ai pas la prétention de remplacé celui qu’elle aime…comme elle ne remplacera jamais Shaem dans mon cœur…Elle est libre de faire que bon lui semble. »

Sous le joug de la colère, il venait de lâcher le prénom du professeur Nazarian et sa bouche se cloua. Baissant les yeux, il fouilla dans sa poche et en sortit un joli ruban en soie de la couleur des yeux d’Asa. Il avait appartenu à sa mère, elle s’en servait pour nouer ses cheveux, enfin, c’était ce que son père lui avait raconté. Le fourrant dans les mains d’Asa avec force, il plongea ses yeux dans les siens :

« Je t’avais ramené ça de Thanos, mais jette-le si tu estimes que je t’ai trop déçu pour ne plus être ton ami… »

Lui tournant le dos, il inspira profondément et retint les milliards de larmes qui voulaient quitter ses yeux. Il se mordit la lèvre et fixa avec intensité Estefania qui s’enfuyait dans les rayonnages.

Repoussant la main de Ludvig sur son épaule, il lui lança : « Tu n’as rien à voir là-dedans, cette histoire ne concerne personne d’autre que moi… » La mort de son père lui traversa l’esprit et il retint un hoquet de douleur. Baissant les yeux, honteux de son comportement, il lâcha :

« Je..je suis désolé d’être le plus parfait des idiot qui se débat avec un destin qui est déjà tout tracé..je..je ne suis qu’un pauvre imbécile qui essaie de faire plaisir à tout le monde… »

Essuyant avec rage le coin de ses yeux, il tourna les talons et s’enfuit, préférant ne pas affronter le regard remplis de pitié ou de colère de ses amis…

♫ Thème

Asa avait laissé encore une fois ses sentiments prendre le pas sur sa raison. Mais il ne voulait pas se taire et regarder ailleurs quand quelque chose le touchait aussi profondément que la scène qu'il venait de voir. Oh, il savait bien que Maelen n'était pas un mauvais bougre, il commençait à le connaître depuis le temps qu'ils étaient dans la même chambre. Mais être ami ne voulait pas dire être toujours d'accord avec tout. Etre ami voulait aussi dire que l'on était capable de dire à l'autre quand il avait été con. C'était peut-être idiot mais il ne pouvait simplement le laisser faire n'importe quoi sans réagir. D'autant plus quand cela touchait une corde si sensible. Il avait trop vu sa mère souffrir à cause des hommes pour pouvoir laisser passer une telle situation.
Alors oui, il était au bord des larmes, larmes qui menaçaient de couler à tout moment. C'était peut-être idiot mais il ne pouvait que se mettre à la place, à un point que seul Ludvig pouvait imaginer. Et puis Maelen était parfois tellement impulsif, lui aussi !

Alors, lorsque la jeune fille partit en le bousculant légèrement, au bord des larmes, il ne lui en voulu en rien. Il comprenait d'autant plus sa détresse. Aussi la laissa-t-il en paix, touché par sa tristesse. Elle était toute pardonnée pour lui. Malgré sa colère, il n'en voulait pas à son colocataire : il espérait le faire réagir, lui faire prendre conscience de son comportement déplacé. Mais les larmes qu'il retenaient débordèrent subitement lorsque Maelen lui glissa un ruban dans la main, en lui mentionnant qu'il venait de sa mère. Un cadeau si précieux ? Pour lui ? Ecarquillant les yeux, il releva le museau vers son ami, mais avant qu'il ai pu lui dire qu'il serait évidemment toujours son ami, il le vit fuir à son tour.

Tout allait de mal en pis. Lui qui venait à la base pour se changer les idées avec un nouveau livre... Bouleversé, il renifla entre deux sanglots avant de voir Ludvig lui tendre un mouchoir, qu'il prit avec reconnaissance.
"Je ne voulais pas le blesser ! Je voulais juste qu'il arrête de la traiter comme ça ! On ne doit pas forcer les gens !" D'autant plus que les derniers mots de la fiancée de Maelen résonnaient en lui, y trouvant un écho profond : elle n'aimait pas être touchée non plus... "Je ne veux pas qu'il pleure à cause de moi..." Dit-il en pleurant lui-même, se rapprochant un peu de l'Aqua, comme pour se rassurer.

"Je suis désolé, je ne voulais pas créer plus de problèmes..." Reniflant piteusement, il serrait dans sa main le joli ruban. Maelen avait pensé à lui et lui... Il faisait tout de travers ! D'abord avec Medea, ensuite avec ses amis... Et il devait encore embêter Ludvig... Mais Ludvig avait couché avec un homme fiancé ! Pourquoi fallait-il que les hommes soient tous des idiots ?

"Maelen !" appella Ludvig alors que le ventus s'enfuyait comme un lâche après avoir rejeté sa main. Il fronça les sourcils, cette fois-ci essayant de faire preuve d'autant de retenue que possible pour ne pas aller décocher une droite bien sentie à l'aérien. "Crétin," maugréa-t-il entre ses dents alors qu'il mettait ses mains sur les hanches en fixant la sortie.

Cette situation était ridicule et puérile. Il savait bien qu'ils étaient tous plus jeune que lui, mais tout de même... ils étaient des adultes. En tout cas Maelen était censé en être un... visiblement ce n'était pas le cas. Ludvig soupira en secouant la tête, il allait devoir régler cette histoire après les cours. Même si Maelen venait de perdre son père et qu'il devait encore être sous le choc... ça ne lui permettait pas d'agir comme il venait de le faire. Tournant la tête vers Asa, son visage devint plus doux et plus calme. Parfois il oubliait qu'Asa était une femme dans le fond... comme quoi l'ignis faisait du bon travail à se faire passer pour un homme.

La jeune fille pleurait à chaude larme à présent, se sentant coupable de ce qu'il venait de se passer. Ludvig soupira à nouveau mais un léger sourire étira ses lèvres fines. Instinctivement il leva une main pour la poser sur l'épaule de son camarade mais se retint juste avant de la toucher, se remémorant qu'elle n'aimait pas être touchée. Il hésita puis récupéra sa main, se sentant un peu maladroit. Il ne voulait pas mettre Asa mal à l'aise, il était son ami après tout et il se sentait assez mal comme ça.

"C'est pas ta faute Asa," fit calmement Ludvig en souriant. "T'a fait le bon choix, si tu ne m'avais pas devancer c'est moi qui me serait interposé," fit le délégué en croisant les bras, son regard se posant sur la porte où étaient partis les deux aériens. "C'est moi qui suis désolé que tu ai dû intervenir et que tu ai eu à voir ça... " soupira le jeune homme en se passant une main dans les cheveux, grimaçant légèrement. "Je pensais pas que ça dégénérerait autant..." tenta-t-il un peu maladroitement. "Mais je te jure qu'au départ c'était vraiment marrant ! T'aurais vu la tête de Maelen quand Estefania à débarquée !" il retint un rire, mais ne put s'empêcher de sourire en y repensant, il avait vraiment trouvé la situation hilarante.

Reculant, le délégué se dirigea vers la fenêtre et s'y adossa, les bras à nouveau croisés. Il croisa aussi ses jambes, cette fois-ci regardant le sol. Il était peut-être temps d'expliquer clairement les choses à Asa.

"Asa... tu sais... y'a jamais rien eu entre Maelen et moi.... même cette fois-là, tu sais, on a rien quasiment rien fait," expliqua-t-il à voix basse. "J'ai essayé de te l'expliquer mais... j'étais géné..." il l'était encore un peu, il ne savait toujours pas ce qui lui avait pris cette nuit là. "Je ne suis pas... homosexuel, je ne pense pas en tout cas. Je n'Aime pas Maelen, c'est juste un ami... enfin, un ami qui s'est glissé dans mon lit parce qu'il avait froid... " il grogna presque la dernière phrase mais ce n'était pas dit avec animosité, loin de là. Il faudrait qu'il mette les choses au clair avec Maelen aussi d'ailleurs. "Je n'ai aucune intention de coucher avec lui, il ne m'interresse pas," conclut-il pour essayer d'appaiser Asa. C'était compliqué, même pour lui. Il ne voyait pas l'interêt de se justifier à la base, ayant l'habitude de laisser couler les choses. Mais il ne voulait pas qu'Asa se fasse une nouvelle fois de mauvaises idées. "J'aurais dû être plus clair la dernière fois... désolé..."

♫ Thème

Asa se sentait rassuré par la présence de Ludvig : il était bien plus mature qu'eux tous ! Ce n'était pas pour rien qu'il était délégué, comme Medea. Tous les deux étaient capable d'être tellement plus réfléchis que les autres élèves soumis à leurs hormones ou leurs états d'âme. Et elle était la première à être soumise aux caprices de ses humeurs, garçon un peu trop sensible, ou simplement jeune fille perdue dans un monde de garçons. Elle se voulait être une image de garçon stéréotypé, en une image d'épinal terriblement genrée. Elle avait parfois tant de mal à trouver sa place... Mais au moins Ludvig ne l'accablait pas de reproches aussi se calma-t-elle doucement, s'essuyant les yeux avec le mouchoir de l'Aqua. Elle se sentait un peu bête. Mais si Ludvig disait qu'il n'y avait pas de problèmes, c'était que c'était bon. Elle s'en voulait d'avoir été dure avec Maelen mais le Ventus était parfois tellement brouillon ! Il oubliait parfois que les gens étaient doués de sentiments égaux aux siens et elle craignait un peu que sa fiancée ne le voit finalement que comme un mufle fini doublé d'un crétin. Mais elle essayait de se rassurer : une première impression s'efface avec le temps et la bonne volonté. Elle l'espérait pour son ami, sincèrement. Et puis, alors que ses idées devenaient plus claires, elle comprit : Shaem ? C'était leur professeur... Alors comme ça celui qu'aimait Maelen était leur professeur ?

Au fond d'elle, Asa se sentit un peu triste pour Maelen : sa relation devait être tellement compliquée... C'était sans doute peu étonnant qu'il soit déboussolé, entre cela et la mort de son père. Ce n'était pas une excuse mais elle comprenait mieux.
Ils étaient seuls à présent et l'Ignis suivit son aîné jusqu'à la fenêtre à pas prudents, inspirant doucement, encore frissonnante de ses sanglots. Elle n'avait pas lâché le précieux ruban, émue par ce simple cadeau. Elle n'avait pas l'habitude, elle n'était qu'une orpheline. Recevoir des présents était toujours un peu plus émouvant.

Elle écouta Ludvig, lui offrant un pauvre sourire lorsqu'il mentionna la tête de Maelen à l'arrivée de sa fiancée. Il trouvait cela un peu triste qu'il se soit donné en spectacle bêtement devant elle et que cela soit la cause de toute cette dispute. Mais les choses étaient faites.
Venant s'adosser elle aussi à la fenêtre, Asa sentait la proximité du bras de Ludvig, presque à le frôler et cela lui tira un curieux frisson, entre anticipation et angoisse. Peut-être aurait-elle aimé que son mouvement n'avorte pas, un peu plus tôt. Elle se sentait un peu plus en confiance avec lui qu'avec n'importe qui. Ludvig ne lui ferait pas de mal, non ?
"Je comprend..." Dit-elle songeuse alors qu'il lui expliquait de nouveau qu'il n'y avait rien entre lui et leur colocataire commun. Pourquoi s'en sentit-elle un peu soulagée ? C'était un étrange sentiment. "Enfin je veux dire... Je pense comprendre... Je n'ai jamais... Enfin tu vois... Donc bon." Le visage cramoisi, elle détourna la tête. "Mais si Maelen aime quelqu'un... Shaem..? Il ne devrait pas faire ça... Encore plus s'il est fiancé. Sois plus ferme avec lui si tu ne veux pas qu'il te prenne comme doudou pour passer le temps et penser à autre chose. Sinon il se servira toujours de toi comme plan de rechange." Dit-elle avec plus de lucidité que l'on aurait pu s'y attendre de sa part. Remarquant le regard de Ludvig, elle eut une moue gênée et dit à voix basse : "Oh ça va, me regarde pas comme ça... Je sais quand même comment on fait les bébés... Tous les garçons y pensent, non ?"
Faire des bébés avec Medea n'aurait pas été pour lui déplaire mais il y avait un soucis. Et cette idée la désespérait profondément.
Toussotant, un peu maladroite, elle donna doucement un petit coup de poing dans le bras de son camarade, les pommettes rougies.
"Et ne ris pas de sa tête, il n'a pas été cool sur ce coup là. Cette fille doit se sentir vraiment mal maintenant."

Parfois, l'Ignis savait se montrer mature. Au fond, peut-être était-ce simplement là une question de bon sens. Tromper les gens n'attirait que des ennuis et c'était faire preuve d'une certaine lâcheté émotionnelle à ses yeux. Mais bon, qu'y connaissai-elle à ses choses là ?
"Enfin après, si être un plan cul te va, ça ne me regarde pas." Fini-t-elle doucement, tout en espérant étrangement qu'il la contredise. C'était un peu étrange. Mais elle pensait sincèrement que Ludvig méritait mieux que ça. Quelqu'un qui l'aimerait pleinement et pas juste à la sauvette.

Adossés contre la fenêtre, Ludvig pouvait à nouveau entendre et sentir la pluie battre contre les carreaux, beaucoup plus doucement que quelques minutes auparavant. Au final il n'aurait pas pu faire de sieste... et il imaginait qu'aucun des autres n'avait pu avoir son midi tranquille à la bibliothèque. C'était cocasse. Les mains posées derrière lui contre le montant de la large fenêtre, Ludvig appréciait la présence d'Asa à ses côtés. Il était content que ça se passe bien entre eux finalement. Ca n'aurait jamais été grave si l'ignis ne s'était jamais appaisé contre lui, mais c'était mieux ainsi. Ce n'était pas toujours facile, parfois il oubliait qu'il était une femme et d'autre fois il en était terriblement conscient. Il avait oublié tout à l'heure et puis il s'en était rappellé. Il le traitait toujours de la même façon à chaque fois, mais dans sa tête les mots se modifiaient. Il. Elle. Ce n'était pas toujours facile, mais il faisait avec. Asa était Asa.

Il voulait la rassurer, ce n'était pas de sa faute. Il voulait aussi mettre les choses aux clairs. Et il était content qu'elle comprenne. Il sourit d'appaisement avant de redresser la tête subitement vers l'ignis alors que celui-ci tenait des propos auxquels il ne se serait jamais attendu de sa part. Des mots qui semblaient incongrus venant d'Asa malgrés toute la normalité de leur tenue. Ludvig écarquilla les yeux un instant, surpris, avant de faire une légère grimace en haussant les épaules.

"C'est bien la première fois que je t'endend parler de cul," gromella-t-il avant de rire, se penchant légèrement en avant. Il ris de bon coeur, se sentant à l'aise auprès d'Asa. Il était un mec normal au fond. Ou une nana normale. C'était pareil. Asa était Asa au fond. "Avant que ça ne dégénère c'était drôle en tout cas," il rajouta avant d'apercevoir la plume qu'il avait laissé sur la table. Il ne devait pas l'oublier, Maelen la lui avait offerte.

Ludvig fit quelques pas et récupéra la longue et élégante plume aux reflets bleu. Il la détailla un long instant et retourna près d'Asa la soulevant légèrement pour mieux la voir dans la lumière sombre de ce jour pluvieux.

"J'ai pas l'intention de coucher avec lui," fit-il, sérieux. "C'est ce que j'allais lui dire quand Estefania à débarqué en nous traitant de pédéraste," il étouffa un nouveau rire avant de baisser son bras tout en faisant tourner la plume entre ses doigts. "Je ne couche pas comme ça, je ne vois pas l'interêt du sexe sans amour. Je..." il hésita un instant, cherchant ses mots. "Tu va me trouver con mais... je n'ai pas de désirs particuliers... je ne ressent pas le besoin d'être avec quelqu'un," il observa la plume, découvrant chaque détails de ce précieux présent. "J'y connais rien en Amour en fait," conclut-il avant de rire de lui-même.

Sans préavis il leva la plume pour la secouer sous le nez d'Asa en riant.

"C'est une plume de Norn ! Tu te rend compte ! Il m'a offert une plume de son dragon !" c'était un beau cadeau, il allait devoir en prendre soin. C'était une partie du la personne la plus proche de Maelen. Pour quelqu'un comme Ludvig qui ne voyait son existence qu'auprès de son dragon, c'était quelque chose d'important. Il ne se serait jamais vu offrir une écaille de Jabutha à qui que ce soit... ne serait-ce qu'y penser avait même quelque chose... d'indécent. "Je me demande si je dois l'accepter," avoua-t-il finalement. Il trouvait ça vraiment très intime comme cadeau. C'était comme offrir une mèche de ses cheveux à quelqu'un pour lui.

♫ Thème

Asa avait rougit, un peu gênée. Oui, elle parlait "de cul", elle vivait avec des garçons depuis ses seize ans après tout. Les adolescents pleins d'hormones étaient parfois des plus crus et elle qui n'avait jamais reçu la moindre éducation sexuelle et voyait le monde par le prisme des garçons, s'était forgée des avis toute seule. Elle eut aussi un petit rire - un son bien rare chez Asa, qui n'était pas la personnalité la plus joyeuse de l'académie - de concert avec Ludvig. Ils étaient bien. La pluie tombait en sourdine, comme une mélodie d'arrière-fond, cliquetant sur le carreau derrière eux. C'était apaisant, ce court moment de répit après les événements de ce midi.

Regardant Ludvig s'éloigner pour récupérer sa plume, elle lui sourit doucement, observant un instant le ruban dans son poing, faisant glisser le tissus bleu satiné entre ses doigts, fluide comme de l'eau. Un cadeau étrange. Un ruban pour ses cheveux ? C'était un accessoire de fille ? Il avait appartenu à la mère de Maelen. Une femme. Drôle de cadeau mais elle savait que Maelen n'était pas au courant. Aussi décida-t-elle de le prendre pour ce qu'il était : un joli cadeau. Elle en profita pour le nouer adroitement à sa queue de cheval habituelle. "J'ai l'air de quoi ?" Fit-elle en le montrant à Ludvig, un peu intimidée.
Laissant son ami - oui c'était son ami à présent - la rejoindre de nouveau, elle baissa un instant les yeux. Elle comprenait mieux que personne le grand inconnu qu'était l'amour pour Ludvig. Après tout, était-on obligé d'aimer ?
"Tu n'es pas con. Je pense qu'on ne peut pas tous réagir de la même manière. Le sexe... Est une chose trop précieuse pour être gaspillée à la sauvette avec n'importe qui. Et l'on n'est pas obligé d'être amoureux. Il y a déjà tellement à faire en nous même, c'est tellement le bazar, alors ajouter le poids d'une autre personne..." Elle resta un instant silencieuse dans le calme revenu et le bruit de la pluie. "C'est Medea qui a demandée à sortir avec moi et à l'époque je me suis dit que ce serait bien pour qu'on ne me pose pas trop de questions : je serais ainsi un garçon normal pour les autres. C'est horrible... Mais ce n'est qu'avec le temps que je suis tombé amoureux d'elle. Petit à petit. Je ne sais pas si je ferais toute ma vie avec elle mais je suis bien à ses côtés. Je pense que chacun réagit différemment face à cela. Tu verras si un jour une personne t'intéresse plus qu'une autre... Ou alors elle te tombera dessus sans crier gare !"

Elle eut un petit rire un peu plus doux, appuyant son bras contre celui de l'Aqua, et, avec une pudeur timide, posa sa tête contre son épaule. Elle se sentait un peu fatiguée par tout cela. Ses problèmes et inquiétudes pour Medea et leur relation, le problème de son dragon, sa vie en général. Ludvig était grand, sa stature était celle d'un homme fait. C'était étrange d'être dans le schéma contraire au sexe qu'elle voulait se donner. Peut-être était-ce pour cela que certains hommes aimaient les autres hommes : parce qu'ils pouvaient être vulnérables là où une fille ne le leur aurait pas permis.
"Je ne sais pas ce qui passe par la tête de Maelen. Je suppose qu'il est comme ça. Entier. Il aime un autre homme et t'offre quelque chose de si précieux... Mais ton soutient doit être important pour lui. N'y voit pas forcément un sens caché." Contre elle, Ludvig dégageait une douce chaleur. C'était tellement agréable... C'était bizarre de pouvoir s'abandonner ainsi... "Et si le sexe ne te plait pas, dis le lui franchement. Il ne peut pas avoir le derrière de tout le monde dans cette académie. Il faut être franc en amour comme une amitié." Elle marqua un petit temps d'arrêt et ajouta plus malicieusement, fixant le mouchoir de son aîné dans sa main. "Et c'est moi qui dit ça !" Elle rit un peu amèrement. "Profitez d'avoir le sexe qui correspond à votre être, Ludvig. Je ne pourrais jamais être l'amant de ma petite amie comme je voudrais l'être. Je vais devoir rompre ou bien le lui dire. Tôt ou tard. Je... Ne sais même pas comment une fille peut faire ce genre de chose avec une autre fille !" Elle avait baissé la voix, tristement, s'assurant qu'ils étaient seuls dans ce moment volé. "Soit je la perds, soit elle reste. Mais le prix sera toujours trop élevé : je ne pourrais jamais être l'homme qu'elle pense que je suis."

Soupirant doucement, blottie contre le flanc de l'Aqua, elle se sentait étrangement en confiance avec lui. C'était le seul homme, le premier auprès duquel elle pouvait baisser sa garde. Il n'était finalement pas homo. Ca ne changeait rien pour elle. Ludvig était comme il était. Mais il l'avait sauvée et il savait son secret. Elle savait aussi les siens. C'était étrangement doux.
"Tu verras si un jour tu trouves quelqu'un qui te plait. Ne te prend pas trop la tête, ce n'est pas une fin en soi." Elle lui sourit, dans cette lumière moribonde d'un midi pluvieux, d'un sourire sincère qui venait du plus profonde de son cœur.

Ils étaient bien, ils étaient détendus après ce qu'il s'était passé un peu plus tôt. Plus de mélancolie, plus de colère, plus de peine. Il y avait à présent de la légèreté et du calme dans l'air. Le temps maussade pour certains était appaisant pour eux en ce moment. Il l'était toujours pour Ludvig en tout cas. Appuyés l'un contre l'autre il n'y avait rien d'ambigüs dans leur esprit, ils étaient amis. Même si Asa était une femme, même si elle savait des choses sur le délégué que personne ne savait, elle n'était pas très différente des autres aux yeux de Ludvig. Il l'appréciait, aimait son rire et était à chaque fois surpris de ce qu'il découvrait chez l'ignis.

Asa n'était pas ennuyeuse et c'était le principal pour le jeune homme qui observa attentivement le quatrième année nouer le ruban dans ses longs cheveux noirs. Il sourit. Il aurait voulu lui dire qu'il ressemblait à une fille, pour le mettre mal à l'aise, pour se moquer, comme il le faisait toujours. Et il le fit. On ne change pas Ludvig Brax juste en lui avouant à quel point on est mal à l'aise de son propre corps.

"Tu ressemble à une fille," il eut un rire franc et honnête, un brin moqueur. Mais rien de méchant. S'approchant à nouveau son sourire se fit un peu plus doux. "Ca te va bien, sérieux," conclut-il en se rappuyant contre la fenêtre tout en jouant avec la plume qu'il venait de récupérer.

Il ne voyait pas pourquoi il devrait prendre autant de pincettes avec Asa. Asa était Asa. Il n'était pas vraiment une fille, ni vraiment un garçon. Un savant mélange des deux. Il se sentirait sans doute encore plus coupable s'il faisait comme s'il marchait sur des oeufs. Alors il restait naturel, même s'il devait mettre l'ignis un peu mal à l'aise. Il était comme ça. Ludvig et Asa pouvaient parler librement lorsqu'ils étaient seuls. Ils étaient un peu devenu des confidents l'un pour l'autre. C'était comme une oasis dans leur vie remplie de stress.

Asa était détendue et cela se voyait. L'ignis posa sa tête contre son épaule, sa main effleurant son bras. Ludvig le laissa faire, sa main venant sagement prendre celle de son camarade de chambre. Il aimait cette tranquillité qu'il y avait entre eux. Dans cette immense bibliothèque où le moindre son faisait écho, où chaque goutte de pluie résonnait dans leur dos comme un millier de notes de musique. Au loin retenti un coup de tonnerre, juste un écho venant de l'autre bout de l'île. C'était appaisant.

"Asa," fit soudain Ludvig, écoutant toujours patiemment ce qu'il avait à dire. "Tu sais, Médéa tiens beaucoup à toi. Plus que ça sans doute. Lorsqu'elle me parle de toi c'est avec toujours tellement de douceur..." raconta-t-il. Il savait que Médéa les évitait tous les deux, il n'était pas dupe. Mais il savait aussi que la présidente du conseil des élèves était quelqu'un de très soucieux de ceux auxquels elle tenait. Elle faisait ça pour eux, pas parce qu'elle était jalouse. A moins que sous ces grands yeux qui perdaient leur humanité ne se cache une profonde jalousie. Il aimait à croire que ce n'était pas le cas. "Je ne pense pas que Médéa soit le genre de fille à moins t'aimer parce que tu as le corp d'une femme," fit-il, rassurant. "Ce ne sera peut-être pas facile au début mais aucune relation ne l'est. Vous avez la chance de vous aimer, profitez en,"

Lui qui venait d'un univers où les femmes n'avaient pas le choix de leur époux... où l'on reniait presque aux femmes le droit d'Aimer, il voyait les deux jeunes femmes comme des êtres privilégiés. Elles avaient le droit de s'aimer. Elles avaient le droit d'être ensemble sans que personne n'intervienne pour les séparer. Estefania le lui aurait sans doute apprit avec plus de poids, elle qui semblait avoir dû renoncer à beaucoup de choses pour épouser Maelen. Il était moins catégorique en ce qui concerne le ventus. On autorisait plus facilement les hommes à avoir des amants que les femmes, c'était la cruelle réalité de la noblesse.

"Tu sais..." dit-il soudain, jouant avec la plume dans sa main. "Il était une fois une enfant de Waterfield qui était très proche d'un dragon. Ils ne voyaient leur existence que l'un pour l'autre, si proche... Mais les parents de la jeune fille voyaient les choses sous un autre angle. Ils la forcèrent à se marier avec un homme qu'elle n'aimait pas, qu'elle détestait même, mais qui était influent. Pour échapper au mariage elle décida de passer l'alliance avec son dragon..." il se tut en regarda la plume entre ses doigts. "Comme dans les romans héroïques... ils voulurent se dresser contre l'univers tout entier pour refuser ce qu'on leur imposait... sauf que rien ne s'est passé comme dans un roman. Ils échouèrent par trois fois et furent obligés de se séparer... à tout jamais. Elle épousa son fiancé contre son grés mais comme son rang le lui obligeait," Ludvig tourna son visage vers Asa et lui offrit un pauvre sourire. "Profite de Médéa autant que tu peux. Chéris là autant que tu peux. Vous avez le droit de vous aimer. Alors... qu'importe que tu sois une fille. Elle t'aimera pareil, j'en suis persuadé," Il sourit finalement avec plus de douceur et de sincérité, offrant à Asa ces quelques mots que l'ignis lui avait déjà dit. "Ne te prend pas trop la tête, profite de ce que tu as,"

Il rit à ses propres paroles mais était profondément sincère. Il voulait qu'Asa et Médéa soient heureuses. Il tint un peu plus fermement la main qui était dans la sienne, essayant de lui insufler un peu de courage. Elle en avait besoin. Toujours. Et il lui en donnerait autant qu'il le faudrait.