Les cieux infinis se déroulaient tout autour d'eux et bientôt les nuages furent leur terrain de jeu, lorsque le soleil se fatigue d'avoir veillé toute la journée et cède sa place à sa compagne, croissant luminescent dans une nuit en devenir qui offrait une lumière étrange, ni dans la nuit, ni dans le jour. L'air était bien plus froid qu'on ne pourrait le penser dans les hauteurs interminables qu'Erzulie essayait d’atteindre, jour après jour. Lucia chevauchait les vents avec sa dragonnière, Venecia, et d'autres Isolationnistes en route pour Bethleas et Apep s'amusait à distancer la vieille dragonne sans jamais y parvenir, voltigeant, virevoltant avec gaité. Il ne se sentait jamais plus libre que lorsqu'il parcourait de grandes distance et Lucia, sur son dos, s'accrochait comme elle le pouvait. Ses lunettes de vol visée sur les yeux, elle ne craignait pas le vent et avait partagé la connaissance de cet objet venant de Lostrego avec ses compagnons pour que tous puissent avoir un vol plus agréable. Mais elle était toujours un peu nerveuse lorsque son dragon décidait de taquiner Erzulie, bien qu'elle savait pertinemment que la dragonne n'en avait cure et agirait au mieux avec lui. Les cieux étaient assez grands pour tout le monde et Apep ne voulait que jouer. Pourtant si elle aimait les piqués et vols planés avec son dragon, elle avait parfois l'estomac au bord des lèvres. Lucia était une toute jeune recrue qui bien qu'étant douée en monte, avait encore foule de choses à apprendre. Dont celle de savoir garder ses repas.

Ils avaient chevauché la journée durant, eux qui étaient nomades. La luxuriante Bethleas se trouvait loin par rapport à leur dernier camp et s'aventurer dans Tajeddine était une première pour la jeune fille, qui observa d’en haut l'immensité du désert de Tutanakai, qu'on disait anciennement appartenir aux Roroas. Coincée entre l'infini du bleu du ciel et celui du sable du désert, son ressenti fut incroyable et elle éprouva le désir de baisser son altitude pour admirer ce tout nouveau décor; jamais elle n'avait vu de désert, elle qui avait pourtant beaucoup voyagé. Et soudain défiant l'immensité désertique avec insolence, une grande étendue d'herbe verte et de dattiers se déroula sous le petit groupe, prélude à de petites habitations en torchis blanchi à la chaux. Apep s'emporta et tourbillonna dans les airs autour des autres dragons et dragonniers, les agaçant gentiment avant de filer en une piquée vertigineuse sur la ville. Lucia serra les dents, réprimant un grand cri qui se changea pourtant dans la seconde en un grand éclat de rire: la torpille draconique redressa son vol au dernier instant, remontant dans les airs et tournoyant au dessus de la grande place de Bethleas avec l'aisance du vent, plus gracieux que les oiseaux qu'il évinçait de sa taille mais également de ses couleurs à la fois chatoyantes et insolentes.

Car Apep tait plus petit que beaucoup d'autres de ses compagnons, Lucia et lui furent quelque un des premier Isolationnistes à se poser sur le sol de la ville Progressistes, les cheveux en désordre et les yeux fatigués sous le verre de ses lunettes qu'elle baissa autour de son cou, sentant son dos crier pitié alors qu'elle se laissa choir à bas de son dragon pour retrouver le confort de la terre sous ses pieds. Son regard alla à Venecia tandis qu'un petit groupe de Wyrm du coin vinrent à eux. Isolationnistes et Progressistes n'avaient pas les mêmes idées, et se heurtaient parfois car le premier groupe s'était petit à petit désolidarisé du seconde; malgré ces différents, beaucoup pensaient qu'un Wyrm reste un Wyrm... mais les Ailes Écarlate n'avait pas leur place dans cette équation logique. Alors certes, ce n'était pas un signe de bonne santé mentale d'être adapté à une société malade, mais que dire des Ailes... la sauvagerie ne mène qu'à la mort des peuples. On avait beaucoup d'exemple durant l'histoire. Ne sachant que faire, la jeune fille préféra rester au côté de sa nouvelle grand sœur pendant qu'Apep, fatigué de ses pirouettes, s'enroula sur lui-même comme un chat paresseux. La main sur le flanc de son capricieux compagnon, la brune se montra un peu timide envers le groupe d'hommes et de femmes qui était venu les accueillir.

Elle regardait le ciel s'assombrir en offrant les prémisses d'une nuit chaude et eut un sourire avant de replacer son regard d'eau verte sur un homme au hasard du groupe: un jeune homme fin et délicat, aux cheveux clairs d'une couleur qu'elle n'avait encore jamais vu. Elle osa lui sourire, s'approchant de lui pour lui tendre sa main directrice afin de la lui serrer. Beaucoup pensait que Lucia portait un gantelet d'armes mais sa froide main gauche n'était rien d'autre qu'une prothèse qu'elle devait à quelqu'un de très cher. C'était sa main, à présent, et elle n'arrivait à utiliser l'autre pour saluer autrui. Ce n'était pas si grave, peut-être parfois juste un peu perturbant pour ceux qui ne doutait pas de l'avancée technologique que font les Lostregs. Les jointures craquèrent un instant en s'activant, prouvant ainsi qu’ils s'agissait bien d'un membre mécanique et qu'il ne s'agissait pas d'une manicle d'armes.

"B-bonsoir... m-merci de nous accueillir mes frères et moi sur votre sol", dit-elle, un peu intimidée. Elle regarda un instant le jeune homme et son pendentif qui battait contre son torse, avant de reprendre, remettant son arbalète et son sac en place sur son dos, "Voici Venecia et sa dragonne Erzulie....", elle regarda à al volée ses compagnons et se trouva bien cavalière s'essayer de présenter tout le monde, "et... je suis Lucia... et... et rien parce que je ne sais pas quoi vous dire d'autre..."

Par réflexe, Lucia se rapprocha de son groupe et tout particulièrement de Venecia; on sentait bien qu'elle se sentait proche de l'autre Wyrm et se montrait un peu farouche envers les Progressistes, plus par timidité qu'autre chose puisqu'elle avait une très bonne nature. Elle n'était juste pas toujours à l'aise avec les grands rassemblements, ayant vécu une vie solitaire avant d’incorporer les Isolationnistes.

Il avait parfois l'impression de ne jamais avoir connu la paix, la tranquillité d'âme. Il y avait tellement longtemps qu'il était parmi les rebelles et que la colère grondait en lui ! Les moments de quiétude s'étaient révélés rares ces dernières années. Finalement, c'était les quelques mois passés seul en compagnie de Molly qui lui avait permis une trêve dans le tumulte de sa vie. Et aujourd'hui, revenu parmi les siens, éveillé depuis peu d'un coma de plusieurs mois, c'était encore Molly qui lui apportait ce qu'il ne pensait jamais avoir : un enfant. Chaque matin, quand il se réveillait à ses côtés, il se demandait pendant une seconde si tout cela était bien réelle. Il fallait alors qu'il pose sa main sur le ventre bien arrondi de sa compagne pour attester qu'il ne rêvait pas et que ça lui arrivait bien à lui.

Il avait passé la journée à écouter les éclaireurs, les espions quelques uns de ses frères d'armes lui rapporter des nouvelles de ce qui se passait plus loin en terres inconnues, les escarmouches avec les Ailes Ecarlates, de plus en plus véhéments, et ce qui se passait sur les territoires. Rien de bien, réjouissant au final, mais tant que la situation se maintenant, il n'y avait pas de raison de s'inquiéter plus que ça. Pour le moment.

Le soir approchait et il leur fallut bientôt allumer quelques lampes pour continuer à y voir sur les cartes étalées devant eux. Douglas était un chef plutôt discret en fin de compte, qui parlait peu et ne se manifestait qu'en dernier recours. Il était cependant connu pour ses colères enflammées, dans tous les sens du termes, et plus d'un s'était déjà brûlés à avoir parlé trop vite et sans réfléchir, en oubliant à qui ils s'adressaient. Non pas que Douglas se prenait pour le chef incontesté et demandait à ce qu'on lui lèche les bottes, bien au contraire, mais il tenait à un certain respect en tant qu'homme.

Ce soir-là, alors que Douglas était penché sur le bureau, appuyé sur les deux paumes de ses mains sur la carte des territoires devant lui, une jeune femme entra dans la pièce en silence et glissa quelques mots à son oreille, avant de repartir aussi silencieusement qu'elle était arrivé. Douglas se redressa et s'excusa auprès de ses frères d'armes pour s'éclipser à son tour de la pièce, se tenant par moment encore les côtes. Vieilles blessures qui refusaient de le laisser en paix.

D'un pas tranquille il marchait en direction du groupe qui s'était formé pour accueillir les nouveaux arrivants et se mêlant à la foule sans s'annoncer, croisa les bras sur le torse pour écouter les paroles échangées, et observer le groupe inconnu. Il hocha la tête et salua rapidement de la main ceux qui l'avait reconnu et observa le jeune Ryan Shrewsbury se tenir en porte-parole des Progressiste. Douglas se surprit à esquisser un sourire de fierté. Le jeune homme avait beaucoup évolué depuis qu'il les avait rejoint, et la diplomatie dont il faisait preuve le mènerait loin. Ce qui l'emmena à se poser des questions sur ses propres facultés dans le domaine et le temps qu'il lui restait à vivre s'il ne revoyait pas ses priorités.

Il se focalisa sur le petit groupe et détailla chacun des membres qu'il apercevait depuis sa place. Il n'avait rien contre les Isolationnistes et se montrait suffisamment ouvert pour comprendre leur volonté et leur désir. A peu de choses près, ils n'étaient pas si différents. Après tout, ils voulaient la paix. Pas comme les Ailes Ecarlates...

Son regard vint à croiser celui de la jeune Lucia et de Venecia, plus grande, qu'il salua d'un simple signe de tête, avant d'approcher de Ryan et de poser une main sur son épaule, pour se positionner à ses côtés.

-Je vais m'occuper de leur trouver de la place, pour eux et leurs dragons. Ajouta seulement Douglas avant de se tourner vers un soldat présent dans la foule. Prépare-leur aussi de quoi boire et manger. Dit-il au soldat. Puis il reporta son attention sur le petit groupe.

-Je suis Douglas McCallan. Vous pouvez rester ici aussi longtemps que nécessaire. Mais si vous souhaitez rester quelques temps, je vous demanderai de participer à la vie du port. Chacun doit gagner sa pitance, je pense que je ne vous apprends rien.

Douglas paraissait peut-être un peu froid et distant, ses paroles dures et dépourvues de chaleur. Ce n'était pourtant pas son intention, juste sa façon de parler à ceux qu'ils ne connaissaient pas. Mais en les invitant à rester parmi eux, c'était une marque de confiance, qu'ils reconnaîtraient ou non, là n'était pas son problème. Il fit cependant l'effort d'un sourire timide qui déforma son visage en grande partie brûlé.

-Cependant pour ce soir, vous êtes nos invités. Bienvenue à Bethleas.

Il tourna ensuite légèrement la tête vers Ryan et l'invita à poursuivre ce qu'il avait parfaitement commencé, pour s'effacer à nouveau, tout en restant dans les parages.

Pas facile de se mouvoir quand on se traîne avec la démarche gracieuse d'une dame éléphant en pleine gestation ! Du moins, c'était l'impression qu'avait Molly en ce moment. Ce n'était guère facile, avec cette chaleur intense, de supporter un ventre qui lui paraissait distendu prêt à exploser si elle avait l'audace de tenter un mouvement trop vif...

Mais elle devait faire avec depuis près de huit mois maintenant, et la délivrance n'allait sûrement pas tarder, ce qui était à la fois un pur bonheur et aussi une grande source d'inquiétude. Beaucoup de choses travaillaient la maman en devenir, bien que le fait de ne plus diriger les wyrms était un gros poids en moins dans la balance. Maintenant, c'était des soucis autrement plus personnels qui travaillaient son esprit à chaque minute, se demandant si l'accouchement allait bien se passer, si elle allait éprouver cet instinct maternel dont elle avait si souvent entendu parler mais qu'elle n'avait pas encore ressenti jusque là, et encore tout un tas d'autres paramètres auxquels elle s'efforçait de ne pas penser...

Elle ne l'avait encore dit à personne, mais la blonde avait du mal avec sa grossesse. Déjà qu'elle n'était pas de nature attentionnée, elle se posait souvent la question : que ferait-elle une fois que l'enfant serait là ? Ho, elle savait que Douglas serait présent, qu'il aimerait cet enfant sans condition puisqu'il avait fini par comprendre que c'était le sien, mais parfois, dans ses moments de pensées les plus sombres, Molly se demandait encore si elle avait bien fait de garder cet enfant...

Car pour le moment, tout ce qu'elle ressentait, c'était de la gêne. Elle ne pouvait plus se mouvoir comme avant, niveau discrétion, elle ne valait pas mieux qu'un Keranium, et surtout, ses émotions lui jouaient bien des tours. Elle pleurait et se fâchait pour rien, et cela prenait des proportions carrément indécentes quand c'était justifié. Elle avait tout de même manqué d'étrangler Douglas alors qu'il venait à peine de se réveiller de son coma !

Mais bon, elle avait aussi accepté d'être la seconde de leur faction, il lui fallait donc faire acte de présence alors qu'ils recevaient de la visite. Trois membres de la faction isolationniste des wyrms et leurs dragons. Elle n'avait pas entendu tout ce qui s'était dit, arrivant un peu tard, mais eut juste le temps d'entendre l'homme demander s'il n'y avait pas une aire à l'écart, son dragon étant sujet à créer des aurores boréales sans les contrôler... Et avant que Ryan ne puisse répondre, Molly s'en chargea. C'était plus fort qu'elle, elle avait toujours eu tendance à aiguiller les jeunes depuis le début.

- À quelques kilomètres, vous trouverez une petite oasis au milieu de nulle part. Il me semble que c'est l'endroit idéal.

Se traînant plus que marchant avec dignité, Molly se présenta aux nouveaux venus.

- Je suis Molly Greggson, Seconde de Douglas MacCallan.

Elle aurait bien voulu faire un salut militaire... Mais dans sa condition, c'était légèrement ridicule. Aussi, resta-t-elle droite et offrit son visage aussi neutre que d'habitude...

La solitude … la tranquillité … le silence … Voilà ce à quoi j’aspirais après une journée passée dans les rues de Bethléas. J’étais tranquillement à l’entrée de la ville quand un spectacle incongru s’afficha devant mes yeux. Là dans le ciel plusieurs dragons s’avançaient majestueusement dans ma direction. Soupirant de voir ma solitude bientôt troublée, je me levai, réveillant Rhéa. Cette dernière me lança un regard interrogateur avant que je ne lui désigne le ciel. Soupirant à son tour, elle se leva et disparut aux yeux des personnes aux alentours. Faisant de même, je m’écarta juste assez pour que tout le monde puisse se poser et que certains Wyrms de la ville viennent les accueillir.

Je n’en connaissais même pas un dixième. N’étant pas là depuis très longtemps, je ne faisais confiance à personne et refusais de lier connaissance. Le seul qui avait pu me faire parler avait été Douglas et encore, ça n’avais pas été de tout repos mais au moins, nous étions fixés sur les intensions de l’autre …

*Concentre-toi Cam’ si tu ne veux pas qu’ils te remarquent …*

Secouant la tête pour revenir à l’instant présent, j’écoutai les discours des uns et des autres, essayant de retenir quelques noms au passage. Tout ça commençait à bien m’ennuyer jusqu’à ce qu’une certaine Molly se ramène. Là, malgré tout ma bonne volonté, je fus incapable de garder ma concentration. J’étais enceinte de sept mois quand avait eu lieu l’accident et bien que cette situation ait eu lieu deux ans auparavant, j’étais pour le moins bouleversé, à chaque fois que je voyais une femme enceinte.

Rhéa me poussa légèrement du museau, inquiète par les fluctuations que je faisais entre ma position visible et celle invisible. Me reprenant avec difficulté, j’apparus donc aux yeux de toutes les personnes présentes en même temps que ma dragonne, le regard fixé sur la jeune femme. Détournant les yeux, je tentai de déterminer qui était les nouveaux arrivants, gardant les bras croisés et le dos appuyé contre une Rhéa inquiète de mon silence.

La poignée de main que Lucia changea avec le jeune Progressiste était un peu étrange, venant du fait qu'elle contrôlait mal ses jointures; qu'on l'en excuse: elle essayait de ne pas serrer ni trop fort, ni trop mollement mais n'avait pas le sens du toucher - bien évidemment - avec sa prothèse. La jeune fille s'en sentit un peu gênée et rougit un peu, se grattant derrière la tête avec un vague sourire malhabile. La main de Venecia sur son épaule, comme un encouragement tacite, la détendit un peu avant qu'elle ne remarque une sorte de trouble chez sa grande sœur d'adoption. Elle la connaissait depuis peu mais ne lui connaissait pas encore ce genre d'expression; tournant la tête vers Ryan, elle comprit bien vite et eut un sourire un peu plus large, fermant les yeux.

"Merci", se contenta-elle de dire entre deux présentations.

La jeune fille tourna la tête vers Zachary - elle préférait le surnommer "Z", plus affectif - et son dragon lorsque ce dernier arriva finalement à leur niveau. L'homme s'était penché vers elle et la brune manqua d'esquisser un moment de recul instinctif lorsqu'elle le sentit toucher ses cheveux, le visage virant au rouge cramoisi en fixant Zachary; elle toucha du bout des doigts le bord de son oreille: il y avait coincé une petite fleur. C'était d'après la forme une petite fleur de jasmin. Profondément gênée de son attention pourtant adorable, elle ne sut quoi dire, tenant la petite fleur entre ses mains avec un air si sérieux d'un coup.... Lucia était une fille étrange qui n'était pas vraiment à l'aise avec les démonstrations de tendresse ou d'affection. Elle appréciait le geste, mais il la rendait complètement confuse. Ryan reprit finalement a parole et ce fut tout naturellement que la plus jeune du groupe lui répondit, avec sincérité:

"Lucien Sadalsuud", elle prit une inspiration, "je suis un peu comme sa fe..."

Sa quoi? Sa fille? Lapsus de nervosité. Elle n'insista pas sur la nature de leur relation, se demandant pourquoi elle avait donné cette précision et préférant se replonger dans la contemplation de la petite fleur de jasmin que Z lui avait offert. Lorsque le chef de la faction Progressiste fit son entrée et croisa son regard, Lucia détourna les yeux comme part habitude; l'homme était impressionnant et l'intimida naturellement. Elle resta ainsi toute proche de Venecia et de Zachary, entre les deux, serrant la cape de la jeune femme par réflexe. Il avait pourtant l'air honnête et amical sous son allure sombre. La brune chercha quelque chose à dire, se mordillant la lèvre inférieure en répondant à Douglas.

"Ne vous donnez pas tant de peine, monsieur McCallan. C'est très aimable à vous mais nous ne faisons qu'une simple escale pour retrouver Lucien."

Elle s'inclina vers lui, enfant polie et sage du groupe en apparence. C'était vrai; ils étaient des nomades et n'avait selon elle aucune raison de rester plus d'un soir dans la ville des Progressistes, pour des question de pragmatisme. Cependant, se ravitailler et dormir un soir avant de reprendre la route. La petite Lostreg écouta la nouvelle venue conseiller un endroit à Z, évitant par politesse de la détailler mais la saluant poliment en se penchant vers elle.

"Je...", elle hésita un instant, "je vais rester avec Zachary. Il vaut mieux éviter d'avoir un membre de notre famille isolé."

Elle parlait avec sérieux, cette drôle d'enfant, mais se cherchait surtout une excuse pour veiller les membres de cette "famille", comme elle l'avait justement dit. La brune était quelqu'un d'intègre et de soigneux dont le sérieux ne collait pas à une fille de son âge, habituée à surveiller les autres depuis la période lointaine où elle était en charge des esclaves de son âge. Elle prenait simplement soin de ses proches, désirant tenir compagnie à Z tout en évitant qu'un Wyrm se retrouve seul avec son dragon non loin de la ville. Elle sourit simplement à Z, se grattant la tête avec un air gêné.

"C'est une fleur de jasmin...", fit-elle, encore gênée, "tu connais sa signification?", glissa-t-elle à son nouvel ami.

Lucia n'eut le temps de continuer sa phrase qu'une jeune femme apparut de nul part, effrayant Apep qui se dressa d'un grondement sur ses pattes arrières pour faire la même sorte de bond qu'un chat effrayé; la brune se jeta au cou de son dragon pour le rassurer, prononçant son nom en boucle en lui disant d'arrêter ses caprices d'une voix à la fois autoritaire et maternelle qu'on n'aurait jamais imaginé pour quelqu'un de son âge et de sa stature.

"Je suis désolée, il est un peu idiot... excuse-le", fit-elle a la nouvelle arrivante, "bonjour à toi!", elle lui fit un salut de la main, un peu enfantin.

"Apep n'est pas idiot!", chouina le dragon, "Apep a eu peur de la fille qui clignote!

"Elle ne clignote pas, Apep...", se désolée Lucia comme une mère fatiguée des caprices de son enfant.

"Apep a eu peur! Apep veut un calin!"

La jeune dragonnière soupira de manière sonore et ses épaules s’affaissèrent; Apep était un vrai dragonneau... elle caressa doucement son mufle et entoura son long cou de ses bras avant de lui faire le même genre de câlin qu'on ferait à un bébé effrayé, calmant la créature avec patience et gêne à la fois avant de se retourner vers l'assistance toute penaude, se gratta la tête.

"Mon dragon est un vrai bébé..."

Elle ne sut trop quoi dire de plus, n'aimant pas être mise sur le devant de la scène comme le prouva sa position en retrait derrière Venecia, comme une petite sœur un peu farouche. Lucia laissa les invectives et préparatifs aux plus expérimentés qu'elle, n'étant Wyrm que depuis deux petites semaines, ne contrôlant pas son Don et ne sachant pas se battre. Mais elle savait s'orienter, et c'était sa force. Et elle savait apprendre ses connaissances aux autres. Elle savait se rendre utile. Restant auprès de Z, elle glissa à nouveau la fleur de jasmin que ce dernier lui avait donné, la désignant du doigt.

"C'est...", elle sourit, amusée, "... la fleur de l’amour virginale et platonique."

Lucia sourit, aimant parfois à taquiner son ami comme si elle cherchait gentiment à se venger un peu de la gêne qu'elle ressentait lorsque les autres lui montrait de l'affection ou de la bonté. Ce n'était qu'un jeu d'enfant pour détendre l'atmosphère après un long voyage.

Mon apparition si soudaine effraya quelque peu les dragons présents ainsi que les wyrms. Je gardai le silence un instant, le temps de me remettre de mes propres émotions. Je savais qu’il fallait que je m’excuse, il n’y avait qu’à voir les nombreux regards qui étaient posés sur moi. Je détestais ça et Rhéa n’aimait pas non plus. Je la sentais qui s’agitait derrière moi, hésitant à prendre la parole. Ce n’était pas son genre aussi je posai une main sur son cou avant de m’incliner légèrement vers la plus jeune des arrivantes qui m’avait salué et que j’avais surement le plus effrayé. Enfin son dragon plutôt …

Excusez-moi de cette arrivée. Je m’appelle Camrynn et voici Rhéa.

Je ne relevai pas les commentaires du dragon et de la jeune fille, ni le fait que j’avais interrompu un jeune homme en pleine phrase. En faite, je ne fichais bien de tout ça, si j’avais su me contrôler personne n’aurait vu que j’étais là. Enfin … peut-être que Douglas l’aurais soupçonné, il savait ma curiosité et mon besoin d’utiliser mon don.

Cherchant ce que je pouvais ajouter, les regards se détournèrent vers un nouvel arrivant. Poussant un long soupir à cette distraction, je me reposai contre Rhéa en souriant légèrement. L’arrivée dynamique de cet homme me laissait à penser que la suite risquait d’être intéressante. Et puis de toute façon étant nouvelle, personne ne s’intéressait vraiment à moi, ce qui m’arrangeait au possible.

Spoiler:

Tandis que Zachary déposait délicatement la petite fleur de jasmin dans ses cheveux, Lucia eut l'impression de sentir un regard sur eux mais ne trouva pas la source de sa gène. Peut-être n'était-ce qu'une sensation. Apep avait accaparé toute sont attention et ce n'était jamais vraiment une sinécure de s'occuper de lui et de le tranquilliser quand il était dans cet état-là; quel gros bébé il faisait, pour un dragon de son âge et même si la jeune fille ignorait exactement son âge. Elle savait juste qu'il était beaucoup plus vieux que pas mal de dragons qu'ils avaient croisé: Apep disait se souvenir de la Déchirure... ou peut-être mentait-il. Il était comme le zéphyr, à la fois fantasque, cruel et innocent. Il pleurnichait, il se fâchait, il mentait parfois juste pour le plaisir de mentir et de tester Lucia. Elle ne savait même pas pourquoi il l'avait choisi comme dragonnière. Si elle savait. Et pourtant ils étaient fait l'un pour l'autre, plus que n'importe qui d'autre.

Un dragon s'était rapproché d'Apep et de Lucia et ce dernier eut un mouvement de recul farouche que Lucia jugula en tirant sur sa bride, l'air soudain terriblement autoritaire qui contrasta incroyablement avec son apparente douceur et juvénilité.

"Apep! Basta, idiota! Ça suffit!"

Sa voix avait un timbre étrange, plus grave qu'elle n'aurait du l'être à la base. Le dragon se cambra d'humeur, décidé à se montrer capricieux avant de s’aplatir au sol en expirant par le mufle sur la poussière du chemin. Il était farouche et n'aimait pas toujours les rapprochements des autres dragons envers lui.

"Lucia n'est pas gentille! Apep ne l'aime plus!"

La Wyrm soupira comme une grande sœur qui se désole des caprices de son petit frère. Apep la regarda par dessous comme un chiot en faute et la jeune fille ne détourna pas le regard, le toisant d'en haut avec un air lourd de sens qui le fit immédiatement se taire et obéir à son invective. C'est à cet instant qu'une voix plus que familière lui parvint, se retournant d'un mouvement pour découvrir Lucien, tout sourire. La brune se précipita vers lui avant de lui sauter dessus en entourant son cou de ses bras enlacés.

"Caro papà, amore della mia vita!", roucoula le petit rossignol dans sa langue natale.

Cher papa, amour de ma vie. Lucia avait toujours considéré Lucien comme une sorte de père spirituel, elle qui n'avait jamais connu son paternel. Il lui avait offert la liberté et une nouvelle main. Il lui avait offert un toit et une sécurité affective. Il était pour elle ce qu'il y avait de plus proche d'un père et c'est confusément qu'elle le faisait ressentir, avec innocence. Descendant de son perchoir Lostreg, elle rougit quand il lui parla de la fleur de jasmin en le fixant sans rien dire, ses mains dans les siennes.

"Compreso!", dit-elle en ôtant délicatement la fleur que lui avait offert Zachary pour la glisser entre deux pages de son carnet de voyage, "bien, quelques turbulences mais rien de spécial. Venecia connait des itinéraires sûrs."

Sitôt que Lucien eut prit sa main mécanique, Lucia ne voulu plus la lâcher même si le sens du toucher lui manquait: elle ne sentait aucune étreinte entre eux mais savoir le blond au bout de son bras lui suffisait. Combien de temps sans lui? Elle ne savait plus tant cela semblait une éternité. Elle ne trouva rien à lui répondre sur les évènements et préféra se frotter l'arrière du crâne en souriant un peu bêtement. Elle eut encore une fois l'impression d'avoir un regard braqué sur eux et cette sensation finit par la mettre terriblement mal à l'aise lorsqu'elle comprit qu'elle venait de Ryan, qui s'était un peu écarté. Lorsque la jeune fille qui avait "clignoté" selon Apep se présenta elle et son dragon, Lucia la salua d'un gentil sourire et fit une révérence vers sa dragonne belle comme une fleur. Une jeune femme rousse comme l'aube ascendante vint alors à eux en leur offrant des coupes de fruits frais auxquelles la jeune fille ne su résister, les joues roses de plaisir et de reconnaissance. Venecia comme à son habitude se fit un plaisir et un devoir de la secourir avec le mot "repas" et elle lui sourit gentiment en ramassant les coupes vidées pour les rendre à la nouvelle arrivante.

"C'est joli Naisha, c'est Saabi?", demanda-t-elle en toute innocence tandis qu'elle suivit le groupe qui se dirigeait vers l'auberge pour un repas communautaire.

Elle était curieuse, ce petit rossignol à la main mécanique bras dessus bras dessous avec Venecia comme une petite sœur un peu timide aux côtés d'une grande sœur un peu gourde. L’accueil des Progressistes l'avait surprise et arrivant dans la salle commune, elle dut ôter son manteau et son gilet pour ne pas mourir de chaud, les posant sur le banc avant de s'assoir à côté de Venecia, cherchant Lucien du regard. Ainsi en chemise ample, pantalon de cuir et bottes de monte elle avait une silhouette si frêle et gracile qu'on n'aurait pu estimer son âge réel, encore si enfant, tellement petite et menue. Il faisait chaud et les discussion dans la grande salle allait bon train tandis qu'on servit le repas. Voir tant de monde l'intimida quelque peu et elle se fit petite souris discrète pendant un long moment, ne trouvant quoi dire, et pas à qui parler; surement n'avait-elle simplement rien à dire. Ce rassemblement lui fit chaud au cœur et elle rosit confusément, un large sourire aux lèvres. Jamais elle n'avait été dans un tel rassemblement.

Elle eut envie de faire un cadeau, elle aussi. Mais Lucia ne possédait rien, et rien qui puisse rétribuer ce qu'on leur offrait. Elle n'avait que sa voix mais peut-être était-ce ce qu'il fallait faire alors tandis que les convives discutaient bon train, la jeune fille remonta ses manche et se prépara à vaincre sa timidité pour monter sur le banc et grimper sur la table après avoir ôté ses bottes; elle se sentait un peu mal à l'aise mais si l'ambiance était réellement aussi bonne qu'elle ne pensait, il n'y aurait pas de problème. La brune se trouva cavalière, restant un moment au milieu de la table comme une gourde sans rien faire en regardant chacun des gens attablés et déglutissant de manière sonore. Elle n'avait que ça à offrir, que sa voix. Alors elle chanta, pour eux comme pour toute l'auberge qui les accueillait, pour les remercier. Fermant les yeux, Lucia prit une grande inspiration; Lucien la surnommait son rossignol. Personne n'avait jamais demandé pourquoi. Elle entonna un chant simple qu'elle connaissait bien, ne cherchant pas à pousser sa voix pour ne pas en perdre le contrôle et utiliser son don par erreur.

"Mother, you're always around
Let me tell you you're the only one
Mother, when I see that look in your eyes
I know that you're my only child
And you make my world go round."

Peut-être aurait-il fallu un chant patriote, une mélodie d'espoir. Mais Lucia chercha quelque chose qui lierait tout le monde: tout le monde avait une mère. Sa voix tait fine et délicate, entre l'enfant et l'adulte avec une rondeur de plus, étrange. Elle était un oiseau chanteur maintenu longtemps en cage, après tout. Elle connaissait beaucoup de langues, beaucoup de chanson et le Waterfieldian fut le plus naturel pour elle, même s'il était en Narthan; nombre des frères Wyrm venaient des quatre coin du monde, après tout.

"A mio sumoni, Io fanati vorento
A nereto veni, gior si meno amante
T'empiro mentori sempire d'amor terra
Innosenta luna, solite in amo retira remano."

Dans sa langue natale, sa voix devenait plus lyrique, plus grave. Elle ne poussait pas sa voix aussi loin qu'elle le pouvait et qu'elle ne l'aurait voulu, yeux fermés et main sur la poitrine pour rester concentrée. Ce n'était pas une fille qui chantonnait, c'était une mezzo-soprano avec un ambitus vocal travaillé; la qualité du chant était différente. Chaque Wyrm a son histoire et ses étrangetés. Celle-ci chante toute sa reconnaissance à une auberge et une tablée comme un falsettiste qui essaye de faire de la chanson populaire, le visage d'un rouge pivoine de se mettre ainsi en avant. Mais elle voulait offrir ce qu'elle avait. Elle voulait exprimer sa reconnaissance.

"The sorrow fills your soul
Life's just the grief, rest, I rest
With my head on the chest."

Gênée de son audace, sa voix mourut dans la fin de la chanson, la laissant gourde et toute penaude sur le centre de la table en se frottant comme de coutume l'arrière du crâne, tic qu'elle avait quand elle était gênée.

"J-je suis désolée, je voulais.. heu...", elle se dirigea vers le banc et manqua de se louper et de chuter malencontreusement avant de se rattraper à Ryan qui était devant elle, "oh mierdaaa, désolée, je suis tellement maladroite, je suis désolée..."

Elle s'était littéralement vautrée sur le jeune homme et s'était un peu empêtrée dans sa chemise bien trop grande pour elle en ne sachant pas comment fuir la gêne qui la prenait, ayant visiblement besoin de son aide.

Spoiler: