A la mer.

Pour tout ce que tu m’as apporté, ce que tu me donneras et ce que je te rendrai.

Je reviens sur la terre qui m’a vu naître, sur les pas qui n’amorçaient qu’un début à ce que je suis devenue. Blanche, auréolée d’une couronne grise, Nordheim.

Cruelle Reine de glace, on m’a donné ton nom mais je n’en suis pas digne. Je tente d’être à la hauteur par-delà nos frontières, je contemple le visage évanescent de mes ancêtres avec respect, je porte les apparats de Waterfield avec fierté, je me souviens du visage de mes alliés comme de mes ennemis avec reconnaissance. Tout ceci, je le porte en moi, mon combat et mon avenir.

Les tombés, dans un champ de bataille ou dans un lit trempé de sueur, sont partis cruellement seuls. Grace à vous, je ne le serai jamais. Par Habard, Waterune et les Dragons ancestraux, jamais.


Le vent soufflait si bien ce matin, la brume des heures nocturnes dissipée mais elle n’avait pas dit son dernier mot. A travers les docks et en saluant les pêcheurs et chasseurs, Mira déambulait sur le port de Vrosträg en compagnie d’Aleksandr, son fidèle Bearwulf qui reniflait l’air chargé d’un fumet qui adorait, celui de la dorade. Il avait faim mais il voulait sûrement pêcher seul. Pour éviter qu’un incident arrive car les trappeurs étaient pressés de chasser le gibier avant sa migration imminente, la Lieutenante accompagna son ami à fourrure à la sortie du village pour emprunter un guet pour le laisser pêcher tranquillement dans l’eau. Il nageait bien pour une créature de Keven mais habitué à avoir la Nature sur le dos, son cuir dense et la graisse qui se constituait sous sa peau l’aidaient à supporter la fraîcheur de l’eau.

Assise sur une pierre, Mira regardait la mer, plantant son sabre devant elle pour admirer le contraste entre le gris terne de l’acier et celui de l’océan qui s’ouvrait, reflétant les lourds nuages au-dessus de lui. D’un air absent, elle chantonna une chanson en Seaman dédiée à la mer, sa cruauté comme sa générosité.

Elle se souvint de Marcello, le neveu de son mentor, jeune mais honnête dans ses dires, se sentant trop hardi et bégayant sa peur de blesser les autres rien que par ses mots. Il disait le plus innocemment du monde que Mira avait une très belle voix et qu’effectivement, elle était plus belle en souriant.

Tant de souvenirs. Pas assez de temps pour s’en délecter. Si telle était sa destinée de vieillir, elle aurait tout le temps d’y penser.

Fouillant dans les poches de sa veste, la Nordheimir en sortit sa lettre. Pour une fois, elle n’allait pas la poster, ni l’envoyer à qui que ce soit mais juste la mettre sous une pierre et la laisser là.

Comme si quelque part, Mira avait envie de prier à qui voulait l’entendre, divin ou humain.

Ce matin-là, Fridtjof se réveilla tranquillement lors des premières lueurs de l’aube. Il commença sa journée par une heure d’exercice physique dans la petite chambre d’une auberge de Vrosträg qu’il avait loué pour la nuit. Il était arrivé la veille au soir avec un convoi de marchandises venant échanger des denrées de l’ouest du pays contre les fourrures des Fjords dont il avait eu la charge. Il s’habilla rapidement, installa son bouclier sur son bras gauche et pendit son épée à son flanc puis descendit au rez-de-chaussée de la bâtisse assez tôt et pris un petit déjeuner plutôt léger composé d’œuf brouillé et de viande issus de la chasse de la veille. En sortant de l’auberge, il paya sa note et se dirigea vers la sortie du village pour chercher un endroit où il pourrait méditer au calme devant la mer. Pendant tout le trajet, personne ne s’intéressa à lui et ce ne fut pas pour lui déplaire. Il traversa un guet sans peine et arriva à un endroit qu’il avait repéré en arrivant la veille.

Cependant, que ne fut pas sa surprise de découvrir là, une femme, de dos, portant l’uniforme de Waterfield avec un sabre planté devant elle. Elle ne semblait pas l’avoir entendu venir car perdue dans des pensées lointaines, un peu comme lui quand il méditait. Il observa un plus les environs et vit enfin que, dans l’eau, devant cette femme, se trouvait un ours qui péchait et qui ne semblait pas dérangé de sa présence. C’est là que tout dans la tête de Fridtjof s’éclaira.

Cela ne peut être qu’elle, pensa le jeune Nordheimir.

Il s’approcha plus près en silence et, posant un genou en terre, dit à haute et intelligible voix et avec respect :
« Mira Wennerström, lieutenant des Mirages Aquatiques, je vous salue. »

Au milieu de sa pêche, Aleksandr attint rapidement la berge, grognant, stoppé par une main gantée en forme de poing. Un soldat. Un des siens. Comme quoi, ses prières étaient exaucées et comme une religieuse reconnaissante, elle adressa des remerciements dans sa tête, consciente de les partager à Hringr qui devait être loin.

Lentement, elle se mit debout, extirpa sa lame de la terre froide et salua.

- Repos. A qui ai-je l’honneur ?

La lame au fourreau, Mira examina le soldat en face d’elle, protégée de son masque d’impassibilité héritée de sa famille loin d’être des plus chaleureuses. Elle constata qu’il faisait à peine un peu moins que sa taille mais vu sa carrure, la musculation effrénée à cause de son handicap avait forcément joué sur un frein total à une croissance normale. En gros, il était un vrai Nordheimir doué des plus gros efforts pour donner le meilleur de lui-même en plus de l’ajustement de son équipement.

Quelle ironie. Après avoir prié Harbard, elle se retrouvait comme devant un de ses fils dôté d’un visage. Divin ou humain, n’est-ce pas ? Elle avait eu sa réponse.

- J’ai fini ma prière, la place est vôtre, déclara Mira comme sûre de la raison de la venue du soldat.

Jetant un coup d’œil à Aleksandr qui finissait d’avaler tout rond sa dorade, la Lieutenante alla le rejoindre pour regarder la mer et laisser la pierre grise libre pour regarder le mouvement des nuages. Si elle devait aller à Folkvángr, elle allait devoir faire vite avant une formation des glaces et le retour du vent du nord. L’arme favorite de leurs montagnes.

Quand elle lui avait demandé son nom, il s’était relevé et lui avait répondu avec respect. Rare était les dragonniers ou les nobles à lui avoir demandé son nom. Il remarqua aussi qu’elle le détaillait et il ne se gêna pas pour faire de même. Qui aurait pu croire qu’une personne de ce gabarit aurait pu devenir le maitre d’un ours. Les rumeurs allaient bon train sur elle. Certains disaient que l’ours était le cadeau d’un Wyrm qui l’aurait aimé, d’autres que c’était son dragon. Mais les moins crédule, dont faisait partit Fridtjof, savait qu’elle avait dompté cette créature seule. Il en était là de ses réflexions quand elle lui céda la place. Il lui fit signe de la tête comme remerciement mais ne fut pas sûr qu’elle l’ait vu.

Il s’installa donc à l’endroit exact où elle s’était trouvé quelques minutes plus tôt. Il enleva sa ceinture, décrocha les lanières qui retenaient le bouclier à son moignon et ferma les yeux. C’était ses moments favoris. Le silence était brisé uniquement par le bruit de la mer et le vent dans les arbres. Il était loin du capharnaüm perpétuel des villes. S’était son élément et il en profitait chaque seconde. De plus, l’air de la campagne lui faisait du bien, les Fjords étaient sn chez lui.

Il savait que la lieutenante des Mirages Aquatiques était encore là car il ne l’avait pas entendu partir. C’est pourquoi ses pensées se tournèrent vers elle. Elle cassait le mythe de la plupart des saintes nitouches habituelles que comptait la noblesse en général. Les bruits couraient aussi sur le fait qu’elle avait toujours résisté aux politiques matrimoniales de ses parents qui la voyaient simplement comme une monnaie d’échange pour s’allier aux autres familles nobles. Fridtjof la respectait pour ça. Il estimait que personne ne devait voir sa vie être imposait par qui que ce soit. Une vraie nordheimir, une personne sculptée dans la glace même. Il se disait aussi que ses relations avec le gouverneur de Nordheim, son propre cousin, étaient un peu tendu.

« On ne peut pas aimer tout le monde » pensa le soldat.

Le froid commença à envahir les os de Fridtjof qui décida d’en finir avec sa méditation. Il harnacha son bouclier sur son moignon et plaça son épée contre son flanc. Il s’apprêta quand une idée folle lui traversa l’esprit. Il se tourna dans la direction du lieutenant Wenneström et dit, avec un léger sourire aux lèvres :

« Il commence à faire froid. Si vous avez l’intention de revenir en ville, je peux vous accompagner. »

Aleksandr était étrangement calme, comme si lui-même se nourrissait du respect de la religion. De puis tout ce temps, Mira était persuadée qu’il y avait le cœur d’un homme dans cette peau lourde et résistante. Comme pour accompagner le soldat, Mira ferma les yeux tout en plongeant sa main dans la fourrure encore mouillée de son compagnon Bearwulf. Tous contemplaient la douce et mystérieuse berceuse de la mer tant qu’elle restait agréable en cette saison. Respirer profondément cet air lui avait manqué, Vrosträg lui avait manqué. Là où tout avait commencé. Le début d’une longue initiation dont elle ne voyait pas la fin. Et peut-être n’y avait-il pas assez de temps dans une vie pour cela.

Sans même le regarder, Mira imaginait le corps exposé du soldat au froid telle une âme guerrière imaginant une arme et ses capacités grace à sa portée et son poids. Blanc et gris comme la neige découpée par le ciel. Tout n’était que deux mondes s’entrechoquant avec beauté. La chair refroidie et raffermie par le froid et la roche dure attendant que la pluie puis le froid la couvre de glace. Le reflux de la mer battant sa cadence avec un cœur encore présent dans un torse droit. Toujours droit. Tant que la vie coulait dans les veines. Tant que le courant vivait.

« Ame sans cœur ? Injecte le rouage pour lui donner une cadence. »

A défaut ce qui fait un homme un être doué de compassion, donne-lui du temps pour favoriser l’introspection.

Les Sadalsuud et leur fichue philosophie populaire.

La Nordheimir ne pouvait oser contredire cette vérité qui s’était si bien appliquée sur elle.

- Il commence à faire froid. Si vous avez l’intention de revenir en ville, je peux vous accompagner.

Mira se tourna vers Fridtjof, souriant en coin, entre amusement et curiosité.

- Fils d’Harbard, seriez-vous en train de m’inviter à me promener avec vous ?

Aleksandr grogna sa surprise et tourna la tête vers sa supérieure qui se mit à rire en voyant ses babines inférieures suspendues.

- Quoi donc, Aleksandr ? Je bois bien le thé avec mes hommes, en quoi cela te préoccupe ?

Le Bearwuld renifla et secoua la tête pour finalement prendre les devants.

- Ne va pas trop loin, soldat Middendorf ! ordonna Mira à l’ours lupin. Allons-y. Nous avons bien besoin d’une boisson chaude. Je vous l’offre sans aucune raison.

La raison viendrait toute seule comme un grain de sable ayant cru échapper aux vagues de la mer et qui roule inlassablement jusqu’à sa place. Le temps du voyage, il s’en retrouverait transformé. Eux-mêmes en quelques pas seulement. Qui sait ?

Après avoir posé la question, Fridtjof se sentit tout gêné. Il ne se reconnaissait pas. Il n’avait pas l’habitude d’inviter des gens comme ça sur un coup de tête. Quand elle s’était tournait vers lui, il avait vu le sourire sur les lèvres du lieutenant avant d’utiliser le mot « promener ». Cependant, il n’avait lu aucune ironie derrière ces mots prononcés. Et puis finalement, elle avait accepté, en proposant même d’offrir à boire au soldat nordheimir. Elle avait même ajouté :

" Je vous l’offre sans aucune raison. "

Fridtjof ne comprenait pas pourquoi elle avait dit ça. Comme si elle voulait trouver une justification. Mais, lui-même ne cherchait-il pas une raison au fait de l’avoir invité à la raccompagner. Cette femme était différente des autres personne mais le soldat aurait été bien incapable d’expliquer en quoi. Elle semblait dégager une aura de sympathie et de puissance qui avait mis à l’aise tout de suite Fridtjof. Cela n’était pas arrivé depuis le jour où il avait rencontré le vieux nordheimir qui lui avait appris à se battre.
Il revint à la réalité, tentant d’écarter toutes les questions qui le taraudait et ils s’engagèrent sur le chemin du retour au village, l’ours en tête et les deux soldats en arrière.

Fridtjof ne savait quoi dire. Les sujets qui lui venaient en tête paraissaient futiles. Il préféra donc garder le silence. Il se mit donc à observer la nature qui les entourait. Les paysages du Nordheim étaient vraiment magnifiques. Les pins couronnés d’épines, l’herbe qui se battait avec la neige pour reprendre ses droits malgré la froid qui régnait, la faune que l’on apercevait du coin de l’œil qui fuyait à la vue des Hommes.
D’habitude, la mélancolie venait à Fridtjof quand il était seul. Il n’aimait pas forcement le contact avec les autres gens mais il se dit une fois de plus que quelque chose était différent chez la lieutenante des Mirages Aquatiques.

Quand ils arrivèrent au niveau du guet, Frditjof aperçut entre les arbres la plante caractéristique de son pays. L’edelweiss. Il abandonna quelques instants ses « compagnons » de route et alla la cueillir. Quand il revint auprès de la lieutenante, il ne sembla pas qu’elle est remarqué ce qu’il avait fait. Il rangea soigneusement la fleur dans une poche de sa ceinture jusqu’au moment où il la vendrait… ou bien qu’il l’offrirait.

Ils arrivèrent enfin dans le petit village Vrosträg. Fridtjof avait eu l’impression que le trajet s’était étendu sur des heures, mais des heures agréables où les problèmes du monde ne semblaient plus avoir de réelles importances.
Arrivant dans la grande rue, il déclara avec un sourire qui ne le quittait plus :

« Comme c’est vous qui invitait, je vous laisse le choix de l’établissement »

Pareille à de la neige qui se déposait sur la terre dans un tourbillon de générosité, le chemin du retour fut paisible et à la fois beau. Y’avait-il quelque chose d’autre à ajouter ? Un commentaire ? Un questionnement sur l’hiver qui approchait ? Non. Rien ne futile. Le paysage défilait lentement comme un printemps qui s’entraînait à venir en retard pour narguer les deux soldats. Son pays lui avait manqué, elle avait besoin de renouer avec ses racines tout comme Hringr ressentait le besoin de continuer son cycle sans fin. Allait-elle aussi tourner en rond ? Avec un supérieur qui avait d’autres priorités, les Wennerström de leur côté, Mira se sentait comme le dernier flocon de neige de Waterfield au milieu des vagues qui devait se reconstituer chaque hiver pour ne pas se retrouver consumée entièrement.

Et elle allait devoir remettre ça plus tard en espérant rester à Brightown ou revenir ici.

C’est sans doute ce que ressentait sa propre cousine, Jan. L’impression de faire du surplace était terrible mais son honneur lui demandait, lui priait, lui suppliait de rester forte, d’être patiente. A moins que ce fusse Hringr qui était en train de lui souffler ses mots.

En peu de temps, ils étaient de retour à Vrosträg. Enfin, peu de temps histoire de parler car cela ressemblait à un chemin étiré dans sa tête. Non. Pas un chemin. Une immensité blanche.

- Comme c’est vous qui invitez, je vous laisse le choix de l’établissement.

Pourquoi il souriait comme ça ? Avait-elle fait quelque chose d’incroyable. Interrogative, Mira se tourna vers son compagnon à poils qui ne fit que grogner en secouant sa tête puis se posa pour digérer son petit-déjeuner devant…

- « The Drawing of the Three » est un bon endroit. Le seul où je peux boire mon thé préféré mais il a un large choix de boissons et fait une soupe aux oignons extraordinaire.

Une des bâtisses les plus récentes avec la recrudescence du commerce peu après la guerre contre les Wyrms, fait de pierre et de bois épais peint en blanc, une caractéristique de Seaman. Le foyer était toujours entretenu, laissant des chaises pour les trappeurs qui venaient à peine de revenir le soir et pour donner du courage aux pêcheurs aux aurores. L’aube était levé depuis pas mal de temps donc l’endroit était désert ou presque : derrière le comptoir se tenait le propriétaire aux yeux gris, âgé d’une cinquantaine d’années à vue d’œil qui tranchait un homard énorme.

- Mira ? Bonjour à toi et à toi aussi soldat, dit-il en tranchant une énorme pince de sa main aux deux doigts manquants. Installez-vous près du feu, je vous laisse décider de la commande.
- Salut Will. Prend ton temps avec ce monstre.

Faisant signe au soldat de la suivre, elle se délesta de son manteau pour l’accrocher près de la cheminée ainsi que ses gants pour se poser sur une des chaises près du feu.

Mira choisit de l’emmener au « The Drawning of the Three », un bâtiment qui semblait daté d’après la guerre contre les Wyrms. A l’intérieur de l’établissement, ne se trouver qu’un homme d’une cinquantaine d’années en train de découper un homard, surement le propriétaire. Celui-ci salua Mira et Fridtjof qui répondit d’un simple hochement de tête. La lieutenante des Mirages Aquatiques s’installa à une table près du feu après s’être débarrassée de ses vêtements d’extérieurs. Le soldat imita la gradé et, après s’être installé, enleva soigneusement les lanières qui retenaient son bouclier à son bras gauche et posa l’ensemble en appui sur la table à sa droite.

Le feu lui fit du bien car, malgré les nombreuses heures passées dans le froid du Nordheim, personne ne pouvait vraiment s’habituer pleinement à l’engourdissement des membres. Le soldat ne parla pas. Il avait l’impression que le moment n’était pas à la discussion et donc n’ouvrit pas la bouche, se contentant de fixer intensément les flammes dansantes du foyer. Le tenancier finit par arriver pour prendre la commande. Mira, comme elle l’avait sous-entendu plus tôt pris un thé. Le propriétaire se tourna ensuite vers Fridtjof et lui demanda :

« Et pour vous ?
-Je vais me laisser tenter par votre soupe aux oignons qui, à ce que l’on m’a dit, est excellente » répondit le soldat en jetant un regard à Mira.

L’aubergiste avait lui aussi regardé la lieutenante avec un petit sourire qui n’échappa pas à Fridtjof. L’homme disparut dans sa cuisine pendant quelques instants pour ressortir avec un plateau chargé d’une tasse à thé, d’une théière et d’un bol fumant de la fameuse soupe. Fridtjof remercia le tenancier et gouta son plat. Ce-dernier était excellent, le soldat n’en avait jamais mangé de si bon. Le gout des oignons était très présent et, comme il en était très friand, il replongea d’emblais sa cuillère dans le bol et enchaina rapidement les allers-retours entre sa bouche et le récipient. Il en oubliait presque la présence de Mira qui était pourtant en face de lui. Se maudissant de son manque de bonne manière, il se força à s’arrêter et contempla son interlocutrice.

Lui vint alors une question. Pourquoi tout le monde l’appelait la vierge de fer ?
Là, présentement, elle ne semblait être quelqu’un de dur ni même d’autoritaire. Elle avait plutôt un visage avenant, pas comme lui. C’est peut-être cela que Fridtjof trouvait de différent chez elle par rapport aux autres gens. Son visage avait également des traits fins. Ses cheveux blonds reflétaient le flamboiement des flammes du foyer et semblaient dégager eux-mêmes de la lumière. Elle était, pour Fridtjof, belle. Pas une beauté comme celle des canons habituels mais une beauté guerrière, tenace, qui ne supporterait pas qu’on la sous-estime à cause de sa féminité.
Le soldat cessa son examen de la femme quand il se rendit compte que s’était déplacé. Il se maudit de nouveau intérieurement. Pour se rattraper, il décida de lancer la conversation.

« Vous savez, beaucoup de bruits courent sur vous madame cependant je ne crois jamais les rumeurs qui courent sur les gens. Je n’aime pas non plus parler avec des personnes dont je ne connais pas l’histoire. Voudriez-vous me raconter la vôtre et je vous conterai la mienne. »