♫ Thème


Deux mois c'était long et très court à la fois, surtout lorsqu'on est amoureux pour la première fois.
Si Asa avait aimé passer son temps avec Mae, comme tous les étés, seuls dans les ruines, il y avait entre eux la gêne de la révélation que lui avait faite le dragon et qui avait causé leur première vraie dispute. Et puis c'était tout bête : Medea lui avait manquée, tout simplement.
Leurs retrouvailles dans la serre, à la nuit tombée, était des moments précieux. Et la voir au discours de rentrée sans pouvoir lui parler, ou même s'approcher avait encore renforcé son impatience. Mais sa propre pudeur avait érigé les règles de cette relation secrète. Peut-être était-ce là la paranoïa héritée de sa mère qui resurgissait de manière insidieuse. Elle ne voulait pas qu'on la remarque outre-mesure, surtout parce qu'avoir des yeux braqués sur soi lorsque l'on porte un si encombrant secret ne l'aiderait pas à se fondre dans la masse des garçons de l'académie. Un garçon aux traits féminins qui plaisait aux filles qui lui confiaient d’embarrassantes lettres d'amour, des déclarations innocentes d'un désir immature...
Mais pour Asa, seule Medea comptait. Sa douceur, sa compréhension et son délicat parfum floral lui avaient manqué.

Alors, attendant dans la serre, près d'un gros pot d'hortensia blanc, elle sentit son cœur se serrer en voyant avancer la jeune femme, si jolie dans sa robe pastel. Lui-même portait une chemise blanche sans cravate cette fois, son blazer noir et un pantalon de la même valeur, bien coupé. Asa se sentit un peu bête de la voir serrer un paquet contre sa poitrine. Il aurait aimé l'enlacer spontanément, ou l'embrasser mais ce genre de gestes générait toujours une vague répulsion primale, avant de s'estomper. Son prénom appelé doucement lui causa comme l'envol de milliers de papillons au creux du ventre.

Ils se tinrent l'un en face de l'autre, tous les deux rouges de gêne, se demandant sans doute comment faire le premier pas. L'Ignis se sentait bête, un peu vulnérable et il tritura ses doigts avec maladresse alors qu'elle lui tendait un paquet, avant de le prendre avec précaution, frôlant involontairement les doigts fin de la jeune Aqua, ce qui redoubla sa rougeur.
"Il... Il ne fallait pas..." Bulbutia-t-il, la gorge nouée de tendresse et de la culpabilité qui ne le quittait jamais en présence de Medea. "Merci. Vraiment..." Il s'attela à défaire le paquet, les doigts un peu tremblant, mais précautionneusement et en sortit l'écharpe de douce laine blanche. "Tu sais en faire des choses c'est... Superbe. Vraiment. Merci beaucoup, je n'en avais pas." Emu, Asa fit glisser le lainage autours de son cou, tant pis s'il faisait un peu chaud. C'était doux. Et c'était Medea qui l'avait fait elle-même. Cela valait tous les trésors d'Hemi-Tipene.

La suite le rendit encore plus mal à l'aise. Il lui avait manqué ? Lui aussi avait compté les jours, malgré Mae et le désert qui était un peu sa maison.
"Toi aussi, tu m'as manqué." Fit-il d'une voix maladroite, avant de finir enfin par s'approcher de quelques pas, jusqu'à prendre doucement la main tendue, attirant Medea vers lui, jusqu'à n'être plus qu'à quelques centimètres, lui beaucoup plus grand et elle petite et si mignonne, avec ses joues rouges... La tentation de l'embrasser se fit sentir et il céda à l'envie en abaissant doucement son visage vers elle, l'une de ses mains au creux des reins de Medea. Les lèvres de Medea étaient douces, chaudes et il lui donna un long et chaste baiser, surpris du sentiment de complet bonheur qu'il ressentait à la tenir ainsi. Malgré tous les secrets, elle était bel et bien là, avec lui, ayant fait le mur dès le premier soir de l'année juste pour le plaisir de se revoir.

" Tu m'as manqué aussi." Ajouta l'Ignis à voix basse, tout près des lèvres de sa compagne, sentant son poids familier contre son torse bandé. Et sa chaleur se diffusait entre eux, agréable. "J'aurais aimé te voir. Mais on était loin. Et avec la guerre..." Il ne précisa pas où, parce qu'Asa ne parlait jamais vraiment de lui, ni des endroits où il se rendait. Il cultivait le secret sur tant de choses... Sa mère l'avait fait naître dans une peur sans nom et une fuite continuelle d'une chose inconnue. A présent qu'il était seul, Asa continuait de se dérober, de se cacher et d'enfouir tout ce qui aurait pu mener à lui. Même s'il ne savait même plus pourquoi.
Un instant, après un nouveau baiser léger, l'Ignis fouilla dans sa poche, en ressortant à ce qui ressemblait à une vieille bague en or, usée par des éons et des éons. Le cercle de métal était cerné de glyphes semblables à ceux d'Hemi-Tipene et il avait trouvé le bijou par hasard en explorant les ruines qu'il connaissait par cœur. Déposant la bague, plus lourde qu'elle n'y paraissait de fait de sa composition d'or pur au creux de la paume de Medea, il dit doucement "C'est pour toi. C'est un antique bijou Roroa. C'est un peu spécial mais j'ai pensé à toi quand je l'ai vue."
Il se gratta l'arrière de la nuque, gêné, ses cheveux noirs lui tombant devant les yeux. Ce bijou brillant était son cadeau, même si c'était idiot. "Et toi, comment se sont passés ces deux mois ?" Termina-t-il timidement, l'attirant de nouveau contre lui, caressant sagement son dos. Sa chaleur, sa présence. Cela seul suffisait à le rendre heureux. Cela valait tous les mensonges.

Il était de retour. Pour un an de plus. Pour une dernière année. Ludvig était arrivé depuis une semaine déjà, ayant préféré revenir plus tôt étant donné que la seule personne de sa famille qui l'interressait un tant soit peu n'avait pas pu venir. Elsa était très occupée et sa motivation de devenir général ne l'aidait pas. Du coup le jeune homme avait décidé de quitter le domaine familial. La présence de Jabutha était, malgrés ces quatre dernières années, encore un tabou pour tous. Son père n'acceptait pas encore totalement le fait qu'il ai passé l'Alliance avec lui. Vieux shnock, comme disait Ludvig lorsqu'il était seul.

Mais il n'était pas le seul à être arrivé. A vrai dire, quasiment tout le monde était revenu à présent. Les première année découvrait le terrain, certains la bouche grande ouverte. De tous les âges et de toutes les castes. Des garçons... et surtout des filles. Il n'avait rien contre personne - ou très peu - mais avec le problème d'être sociable et ouvert... c'était quand on venait vous voir très souvent pour vous saluer, vouloir faire connaissance... et plus si affinités avec certains. Il en avait marre. Il avait beaucoup de patience à n'en point douter mais il avait passé la matinée à sourire à des nanas qui avaient juste trouvé qu'il était mignon, fort et noble. Bref, certaine voyaient déjà le prince charmant et il se retenait sagement de ne pas les tremper de la tête au pieds. Non, il n'était pas le beau gosse populaire... mais il avait l'aura du dernière année pour certaines. A vrai dire, après avoir croisé certains de ses copains... il n'était visiblement pas le seul. Tout le monde était en effervescence.

Il ne l'était pas. Il y avait malgrés lui une pression qui se formait sur ses épaules. Il s'était réveillé ce matin en réalisant qu'il entamait sa dernière année à Lindorm. Que l'année prochaine il serait soldat. Pour de vrai. Etonnement il avait réalisé que ces quatres dernières années étaient passées à une vitesse folle - malgrés ces jours d'ennuis dont il se souvenait. Alors il s'était éclipsé. Il évitait soigneusement les groupes et avait volé un sac de chips qui traînait par là - dans le sac d'un gars occupé à faire l'éloge de son dragon. Bref, il cherchait un peu de paix.

Ses pas le menèrent à la grande serre. Il sourit en s'en approchant, c'était un endroit tranquille et peu de gens s'y rendaient. Sauf peut-être quelques couples... il ricanna à cette idée. C'était tellement dégoulinant de romantisme. Se retrouver près de la serre, loin du regard des autres, secrétement... il imagina plusieures scènes dignes des meilleures scènes de théâtre. La belle demoiselle, se retrouvant près de son aimé secret... C'était ridicule.

"Toi aussi, tu m'as manqué." résonna une voix un peu plus loin.

Ludvig s'arrêta net et arqua un sourcil. S'il vous plaît... supplia-t-il dans un coin de sa tête, s'approchant furtivement pour voir qui étaient assez neuneu pour venir se faire des câlins dans la serre. Caché derrière les larges fougères il passa la tête entre les feuilles, apercevant deux silhouettes timides se faisant face. Un rayon de soleil couchant éclaira le couple et le jeune homme se retint de rire. C'était tellement improbable que s'en était presque ridicule. Le jeune homme se pinça les lèvres et découvrit Médéa en compagnie d'Asa. Médéa la sérieuse et gentille présidente du conseil des élèves en train de conter fleurette à l'efféminé Asa toujours tiré à quatre épingles. C'était encore mieux qu'une pièce de théâtre.

C'était la meilleure. Ludvig avança dans un coin et continua d'observer la scène, incrédule. Non pas par le couple qu'ils formaient, mais par cette évidente.... maladresse. C'était... il n'avait de mots pour le décrire. A un moment il eut envie de pousser Asa vers Médéa en soufflant "Mais embrasse là putain!". Lui qui avait pensé une seconde qu'il verrait Médéa se dévergonder avec Asa... bah ça avait l'air mal barré. Et plus les minutes s'égraînaient, plus il se demandait si ce qu'il avait en face de lui n'était pas une hallucination. Ca lui donnait envie de les emmerder.

*Ludvig....* gronda Jabutha dans un coin de sa tête, sentant que son dragonnier préparait un mauvais coup. *Tu m'a promis* rajouta le dragon dans un râle presque féroce.

Ludvig fit la moue, frustré. Oui, il avait promis de ne pas faire de bêtises tout de suite, d'être plus sérieux cette année. Mais quand même. Là il avait un met de choix. Grimaçant, le jeune homme capitula cela dit, sachant pertinnement que Jabu allait le lui rabâcher pendant des semaines s'il renversait le contenu du tonneau d'eau servant à l'arrosage sur les tourteraux. Cela dit... il n'avait pas dit son dernier mot.

Rictus aux lèvres, il ouvrit le paquet de chips qu'il avait dans les mains, sans étouffer le bruit, et commença à manger bruyament une première chips. Souriant presque innocement il s'avança quand le couple se détâcha, surpris. Petit pétale salé à la main et quelques miettes sur le coin de la bouche il fit un petit salut du poignet avant d'enfourner une nouvelle chips.

"Vous en faites pas, continuez, vous ne me dérangez pas," commenta-t-il le plus naturellement du monde comme un spectateur devant une estrade.

Medea parlait parfois de son père, presque autant à mots couverts que lui-même parlait de sa vie. Asa en avait déduit depuis longtemps qu'elle n'avait sûrement plus de mère. Lui même n'avait plus personne en dehors de Maegath. Il ne parlait jamais de rien, jamais ne laissait qui que ce soit toucher du doigt ses secrets. Ce n'était pourtant pas faute d'aimer Medea. Il y avait juste de profondes racines qui obstruaient son cœur, celle d'une paranoïa implantée depuis bébé, une peur viscérale qui n'avait peut-être même pas de fondement.
Mais avec l'Aqua, il se sentait bien, malgré le secret de son travestissement. Pourtant, au fond de son coeur, Asa savait qu'il était un garçon plus qu'une fille. Elevé comme un homme, habillé comme tel, masculinisé depuis sa toute prime enfance, comment pourrait-il se sentir femme ? Son corps, ses règles, sa poitrine, avaient tout bouleversé à l'adolescence. Et Maegath aussi. Maegath qui l'avait mis tant en colère après lui avoir avoué des choses qu'elle n'aurait pas voulu savoir. Mais ces choses-là étaient moins graves encore à ses yeux que le simple fait qu'il le traite comme une fille.

Quant à la bague, elle l'accepta finalement et la passa à son doigt. C'était un bijou inestimable mais Asa ne le voyait pas comme ça. C'était un bien piètre cadeau pour toute la gentillesse de sa petite amie.

Medea était une fille de l'eau là où il l'avait été aussi, parce qu'il se souvenait principalement de Waterfield. La pêche avait été une chose qu'il avait appris sur le navire qui avait englouti sa mère. C'était à la fois un souvenir heureux et très triste.
"J'aime bien pêcher aussi. C'est apaisant." Dit-il en lui souriant, caressant doucement son dos en des gestes prudents, appris grâce à la patience de Medea. Il se sentait bien avec elle. Il se sentait homme. Protecteur. Fort aussi.

Soudain, dans leur bulle de calme et de bonheur adolescent, une voix railleuse vint troubler la partition comme une fausse note délibérée. Instinctivement, les bras de l'Ignis se resserrèrent autours de la jeune femme dans ses bras, qu'il sentit sursauter. Il regretta de ne pas avoir pris son arme pour défendre plus efficacement sa compagne. Ce n'était que Ludwig, le délégué des Aquas. Il ne le connaissait pas vraiment, plus de vue dans les couloirs, vu qu'il était en dernière année. Cependant il était délégué, plutôt populaire chez les filles - et quelques rares garçons. Asa ne voyait pas vraiment ce qu'ils lui trouvaient mais c'était peut-être parce qu'il n'était pas sensible aux charmes des autres garçons.
Asa avait le sang chaud, par moments et il faillit lancer une réplique plus agressive qu'intelligente avant que Medea ne le coupe d'un baiser sur le nez qui lui fit perdre le fil et il se contenta d'un regard noir envers le gêneur. Medea semblait prendre cela mieux que lui mais elle était depuis toujours plus sage et posée. Cependant, si Medea n'était pas gênée, Asa l'était, lui qui haïssait que l'on sache quoi que ce soit sur lui. Mais il ne fit pas d'esclandre, se contentant de prendre sur lui.

"D'ailleurs si tu pouvais espionner ailleurs... Ce serait un encore meilleur passe-temps." Fit l'Ignis avec une certaine amertume dans la voix. Ne pouvait-on jamais être tranquille dans cette académie ? Et puis si cette pipelette savait, tout le monde allait savoir... Une bouffée d'angoisse, prémices d'une crise à venir, saisit le cœur de l'étudiant. "Ta mère t'a pas appris à respecter la vie privée des autres ?" Ajouta-t-il encore, clairement sur la défensive. "Maintenant du vent, fiche-nous la paix."

Protecteur, Asa affichait une moue de colère rentrée, se contentant de serrer Medea un peu plus fort. Ils étaient ensemble. Ils étaient amoureux. Cette pensée le rassurait toujours.

Médéa n'était pas très amusante parfois. Elle prenait tout toujours si bien. C'était pour ça qu'il ne l'embêtait pas vraiment habituellement, elle était toujous posée et réfléchie. Et puis, au fond, il l'aimait bien. Elle était gentille et douce. Un peu nunuche aussi mais Ludvig avait la patience d'endurer ça. Cela dit il aurait aimé une autre réaction à sa façon d'interrompre leurs ébats amoureux. Mais la voir rougir de la sorte était déjà une récompense en soit. Un jour il arriverait à la faire sortir de ses gonds... peut-être. La réaction de l'amoureux transi fut cependant bien plus au goût du perturbateur qui offrit un sourire innocent au garçon. Il était marrant. Mais bon, ce n'était pas comme si c'était l'affaire du siècle non plus. Cela le fit rire silencieusement. Les premiers émois étaient toujours si amusant à regarder.

"Ma chère, vous m'insultez..." fit Ludvig en faisant une révérence. "Je n'espionnais point, je me réfugiait dans un endroit tranquille où j'ai eu la malencontreuse aventure de vous croiser en train de vous papouiller comme des oiseaux mouches," expliqua-t-il en souriant, reprenant une chips.

Il se tourna ensuite vers Asa et enfourna sa chips avant de croquer dedans bruyament, faisant comprendre au garçon qu'il n'en avait strictement rien à faire de ce qu'il lui disait. Ce type... c'était quoi son nom déjà ? Il n'était pas sûr. Sasa quelque chose. Il avait un air de princesse éffarouché selon lui. Des traits fins... on aurait presque pu croire qu'il était une fille avec ses longs cheveux noirs. Enfin, ce n'était pas comme si ça l'interressait. Il ne s'interressait pas vraiment aux garçons de toutes façons.

"Alors, toi," fit-il avec un air détâché. "Non, ta petite vie ne m'interesse nullement. Et jusqu'à preuve du contraire, ceci est un endroit publique. Si tu voulait t'ébattre joyeusement dans le foin avec ta copine il aurait sans doute mieux valut que vous descendiez en ville pour louer une chambre d'hôtel,"

Entre politesse et insolence, Ludvig jouait sur les deux tableaux, montrant clairement ce qu'il pensait de chacun d'eux. Il respectait Médéa à quelques niveaux et de ce fait était plus doux dans ses paroles. L'autre là... il n'en avait rien à faire. Il ne cherchait pas spécialement querelle, mais il n'aimait pas le ton qu'il prenait avec lui. Il n'avait d'ailleurs pas été spécialement sec, il avait même eu un ton plus explicatif que vindicatif. Car c'était vrai... cela lui importait peu de savoir qui fréquentait qui. Il cherchait juste un peu d'amusement.

"Cela dit... j'ai trouvé mignon votre façon de vous faire des mamours," rajouta-t-il avec un sourire amusé mais pas moqueur. "Médéa... tu as la grâce d'un petit oiseau même lorsque tu es amoureuse," fit-il dans un petit rire.

Il se retint d'ajouter que son copain ressemblait plus à une vierge effarouchée qu'à un homme cherchant un peu d'intimité avec son amoureuse. Il ne voulait pas être méchant, mais il le pensait très fort.

Ce qu'il pouvait l'énerver, avec son petit air espiègle et sa manie de leur jeter des petites piques... Si Medea n'avait pas été aussi calme, le jeune Ignis aurait sans doute été plus prompt à s'énerver en retour. Il ne voulait pas s'emballer devant Medea et qu'elle le juge colérique, elle qui était capable de tant de douceur. De plus, sa nature était plus dans la fuite que dans la confrontation. Les cris, les escarmouches lui étaient trop désagréables, sources de trop de souvenirs violents pour qu'il puisse vraiment être aussi bouillonnant que son dragon.

Les bras serrés autours de Medea, l'air revêche, Asa encaissa la pique quant à la chambre d'hôtel, vivant depuis trop longtemps avec des garçons pour ne pas relever l'allusion graveleuse qui la fit violemment rougir, lançant avec plus de fougue un "Nous ne faisions rien de tel !" Il avait presque crié, le visage cramoisi de gêne à l'idée de lui et Medea... enfin elles deux... Enfin c'était définitivement trop compliqué. Car si Asa était naïf et phobique du contact physique, il était considéré comme un garçon, avec tout ce qui touchait au sexe et au culte de la performance, ainsi que les ragots des autres adolescents aux hormones bondissantes. Il n'était pas aussi naïf que l'on voulait le croire depuis que Maegath s'en mêlait en prime et ce fut un souvenir en particulier qui la mit violemment mal à l'aise mais qu'elle enfouit dans sa propre tête, partagée entre gêne et répulsion.

Medea tentait bien de l'apaiser en lui prenant la main et en mentionnant le fait que leur relation soit le genre de secret qui finit toujours par ce savoir. Pas si grave pour n'importe qui. Pas pour Asa, pour ce bout d'homme dans un corps de femme qui ne savait pas trop où il en était. Pas pour lui qui avait été élevé dans un climat d'extrême paranoïa et le fait de ne jamais rien dévoiler sur sa vie privée.C'était un peu un drame pour lui mais cela, même Medea ne pouvait en prendre la mesure. "N... Non c'est sûr, ce n'est pas grave..." Dit-il plus par envie de faire plaisir à Medea que par conviction.

Quant à la suite, le jeune homme se rembrunit plus encore : c'était lui où Ludvig faisait un compliment à sa copine juste sous son nez. Levant la nifle, le jeune Ignis se retint d'exploser en serrant le poing de sa main libre. Heureusement, Medea avait l'art de désamorcer les conflits et Asa se contenta d'un reniflement méprisant plutôt que d'un poing dans la figure du délégué des Aquas.
"Ouais, et je te conseille de nous laisser nous faire des mamours, maintenant que tu as vu que la serre n'était pas vide."
C'était dit. Ludvig, ce gêneur, était devenu d'un inconnu, un agaçant trublion.

Etonnement... Asa semblait bien plus timide que Ludvig ne se l'était imaginé. Le garçon rougissait et réagissait de plus en plus comme une vierge effarouchée. Le jeune homme sourit, amusé de toute cette agitation. Médéa semblait aussi imperturbable que l'onde d'un lac. Elle prenait les choses avec légereté et intelligence, comme à son habitude. Elle tenait son compagnon comme un chien en laisse, le retenant d'exploser de colère face à lui. Le délégué ne voulait pas se battre mais il ne reculerait pas si on l'attaquait. Il répondait toujours aux coups qu'on lui lançait.

Grignottant ses chips, ses dents croquant les pétales croustillant avec insouciance, les miettes tombant sans un bruit sur sa veste en cuir, il observait les amoureux comme on regarde un film. Il avait envie de rire. C'était tellement mièvre. Mais Ludvig se retint, sentant qu'il commençait à gratter la patience du partenaire de Médéa un petit peu trop fort. C'était tellement facile de l'ennerver. S'il le revoyait de nouveau - ce dont il ne doutait pas - il le taquinerait encore.

La façon dont Asa se défendait de vouloir faire quoi que ce soit de non approprié à sa copine manqua de faire s'etouffer Ludvig. Il était tout rouge. Pour sûr, celui là était puceau. L'importun visiteur ne cacha pas son sourire amusé mais retint un rire. Il aurait voulu continuer dans cette veine, savoir pourquoi il se sentait si mal à l'aise de parler de ça... il n'avait plus quinze ans après tout. Il y avait tellement de choses qu'il aurait pu lui dire, lui proposer, juste pour l'ennerver encore un peu, pour voir son visage si sérieux rougir à nouveau. Mais Médéa n'avait pas une patience infinie et il ne voulait pas se battre, loin de là. D'ailleurs la présidente désamorçait chaque bombe avec une douceur et une facilité presque déconcertante. Un seul petit mot et l'élève Ignis semblait prendre son mal en patience.

"En même temps... y'a pas grand chose à cacher si vous en êtes encore au stade des bisous papillons," commenta Ludvig en haussant les épaules.

Le scandal aurait été autre s'ils avaient réellement essayé de copuler dans la serre. Il préféra complimenter Médéa plutôt que de mettre de l'huile sur le feu... à moins que le grand chevalier à la longue chevelure ne soit jaloux. Bingo. Ludvig retint un sourire cette fois. Mais dans tous les cas, il aimait les réactions du garçon. Il était tellement naturel. C'était tellement facile de voir que cela l'ennervait et qu'il se contenait. Et voilà qu'il l'envoyait se faire voir ailleurs. C'était mal connaître Ludvig.

"Je pourrais, certe," fit le dragonnier, remettant une chips dans sa bouche. "Mais ce ne serait pas amusant. En plus... ça manque de politesse tout ça... je ne savais pas que l'on pouvait se permettre de parler à ses aînés de cette façon,"

Oui. Enfin... il était le premier à se montrer insolent. Mais là, il avait envie de jouer encore un peu avec Asa. Il était vraiment marrant. Il l'aimait bien.

Asa se laissait calmer par Medea, dont la simple présence le rassénait un peu, apaisant ses angoisses. Etait-ce si grave si cela se savait ? Si l'on avait connaissance de sa relation avec Medea ? Ce n'était pas interdit, ni même mal vu, ils étaient un garçon et une fille de la même promotion et il y avait plein d'autres couples dans l'académie. Le problème d'Asa était que le principe d'un garçon et d'une fille était galvaudé par son sexe de naissance qui ne correspondait tellement pas à la réalité des choses. Et tellement d'autres secrets que Medea ignorait.

Que Ludvig sache et les taquine l'énervait, parce qu'il se sentait acculé, impuissant et pris en faute. C'était tellement compliqué, parfois, d'être ce qu'il était et d'être amoureux. C'était si dur de penser qu'on puisse les railler pour quelques baisers volés dans le calme de la serre. Mais c'était peut-être bien de bonne guerre, comme le pensait Medea. Bien qu'il resta sur la défensive, Asa se calma un peu et serra doucement la main de sa compagne dans la sienne, alors qu'elle se bouinait contre lui pour s'excuser.

Medea était beaucoup plus sage que lui, il l'avait toujours admirée, avec sa manière de traiter toutes choses avec philosophie et détachement.
Alors, pour ne pas paraître frustre à côté d'elle, il concilia un "Je m'excuse" un peu raide, accompagné d'une légère inclinaison du buste, avant de se détacher de sa petite amie pour lui prendre la main, amorçant un mouvement de départ.

"Au revoir." Fit-il, raide comme la justice mais poli malgré la fraîcheur de son ton. Il avait hâte d'être vraiment seul avec Medea et pouvoir ainsi continuer bisous et discussions dans un coin réellement désert. Heureusement que la jeune fille avait le don de détecter les intrus grâce à ses pouvoirs.

Fierté masculine. Aucun des deux hommes ne souhaitait perdre la manche. Enfin... Ludvig c'était surtout parce qu'il détestait perdre à quoi que ce soit. Parce qu'en soit, il n'en avait pas grand chose à faire que d'avoir démasqué Médéa et son amoureux. C'était amusant principalement, rien de plus. Il n'était pas du genre à raconter des ragots et à propager des rumeurs, c'était bien trop de travail pour un résultat bien trop approximatif.

Il aurait pu passer des heures à jouer avec les émotions d'Asa, ce dernier était comme un livre ouvert. Cependant Médéa préféra annoncer la fin de leur petit jeu. Ludvig l'observa, la redécouvrant en mère protectrice. Elle avait toujours eu ce côté maternel mais... c'était la première fois que Ludvig la voyait aussi proche de quelqu'un. D'un certain côté, il respecta sa décision. De plus il semblait au noble Nordheimir que l'efféminé garçon aux cheveux long en arrivait à la fin du peu de patience qu'il rongeait depuis quelques minutes.

"Ne t'excuse pas pour nous Médéa," fit Ludvig, le visage soudain doux. "Je suis désolé de vous avoir mis mal à l'aise," fit-il sincèrement.

Il ne s'excusa pas de les avoir déranger. De ça... il s'en fichait royalement. De plus il ne voyait pas l'interêt, c'était eux qui était en train de se papouiller dans un lieu publique. Il vit Asa saisir la main de sa dulcinée, visiblement sur le départ. Mais Ludvig les devança et trotta vers la sortie en plaquant le reste du paquet de chips sur le torse du garçon en passant.

"Pour me faire pardonner," lança-t-il en riant. "Amusez vous bien les tourteraux," il fit un clin d'oeil à Médéa et enfonça ses mains dans ses poches. Il pouvait bien faire ça. Il irait trouver une autre planque.