Et voilà, le week-end était enfin là et cette fois, Raphaël avait décidé d'aller se promener avec Angelus qui n'attendait que cette occasion pour se dégourdir les ailes. Il n'y avait aucun cours le vendredi après-midi, alors avant de s'atteler aux devoirs, le jeune ventus avait décidé d'aller se promener avec son dragon, trop heureux de pouvoir voler dans le ciel clair en toute liberté. Ses écailles blanches reflétaient les rayons du soleil, faisant de lui un point lumineux dans l'immensité bleue. Facilement repérable à vrai dire, mais les habitants de l'île étaient habitués.

Raphaël, lui, se promenait le long de la plage, offrant son visage à la brise marine qui soulevait ses cheveux blond platine qu'il avait laissé au naturel, en enfonçant ses pieds dans le sable fin. Ses yeux, bleus comme un ciel sans nuages, se perdirent un instant au-delà de l'horizon. Il pensait souvent à ses parents, à sa mère surtout, et espérait que tout allait bien pour elle en ce moment. Bien sûr, il leur écrivait souvent, mais leur absence lui serrait parfois le coeur. Surtout quand il devait subir les heures de colle avec Monsieur Costa.

Heureusement, cette semaine, pas d'incident à déclarer. Après un profond soupir, l'étudiant se décida à continuer son chemin quand son regard s'arrêta sur une silhouette assise plus haut. Intrigué, il remonta sur le remblai, les chaussures à la main et s'approcha silencieusement de la personne. Trop timide pour l'aborder, il se contenta de le regarder avec curiosité, discrètement, sans trop savoir pourquoi.

Sa tunique blanche à bretelles volait doucement, mais heureusement, il avait pensé à enfiler un leggins blanc. L'avantage d'avoir le corps qu'il avait, était qu'il pouvait vraiment mettre presque tous les vêtements qu'il voulait sans que cela ne paraisse décalé.

Ses yeux s'attardaient sur la silhouette solitaire, alors qu'il ne pouvait s'empêcher de se demander ce qu'il faisait là. Il allait souvent se promener dans les alentours de l'île, s'il s'agissait d'un habitant ou d'un étudiant, il l'aurait sûrement reconnu. Mais non, cette silhouette ne lui disait rien. Peut-être était-il ici en vacances...Il maudit sa timidité et finit par s'asseoir sur une autre bitte d'amarrage pour mettre ses spartiates. Pourquoi diable s'intéressait-il à un inconnu de toute façon? Tout le monde était libre d'aller et venir où bon lui semblait après tout...tout le monde...sauf les wyrms, mais pourquoi l'un d'eux viendrait-il justement ici?

Feignant le calme, alors que l'inquiétude commençait à le gagner, le jeune hermaphrodite attacha ses chaussures légères sans plus se préoccuper du jeune homme. Il se redressa un peu trop rapidement et alors qu'il se retournait, son tibia frappa la bitte d'amarrage. Surpris, il lâcha un juron. Il n'était habituellement pas du genre à se plaindre mais la surprise et l'énervement avait eu raison de sa discrétion naturelle. Il se massa le tibia en se maudissant d'être si maladroit parfois.

Angelus, de son côté, volait plus loin et l'écho de son rire raisonna dans la tête de Raphaël, ce qui ne fit qu'accentuer son agacement.

-Crétin de dragon...

Wahldar se retourna lorsqu'il entendit une personne derrière lui maugréer. Il toisa rapidement le jeune homme du regard et ne put s'empêcher de laisser aller un sourire lorsqu'il le vit grimacer en tenant son tibia en main. Notre déserteur avait une affection toute particulière pour les gens amoureux de la malchance, ceux qui se cognaient, trébuchaient, tombaient, ...

« Tu as besoin d'aide peut-être pour qu'on te soigne, mon chou? » dit-il avec un sourire moqueur.

Ne s'attendant pas à une quelconque réponse - ou s'il y en avait une, véhémente, Wahldar s'apprêtait à retourner à sa contemplation. Ce n'est qu'après s'être retourné qu'il réalisa avoir face à lui un étudiant de Lindorm, ou du moins le supposa-t-il, au vu de son âge et du fait qu'il venait de parler de dragon. Peut-être pourrait-il lui extraire quelques informations, ça valait le coup d'essayer. Il allait tenter la ruse.

« Hey » laissa-t-il échapper, d'un ton calme. Ses yeux regardaient la mer et le ciel se chevaucher au niveau de l'horizon, déviant parfois au passage d'un oiseau marin ou d'un poisson qui sautait hors de l'eau, probablement pour gober une proie.

« Est-ce que tu serais étudiant à l'académie? » Il se retourna. « En fait, j'ai une question à te poser. Je sais que c'est assez indiscret mais voilà... En fait, j'ai récemment rencontré un dragon lors de mes aventures et j'aimerais bien suivre des cours pour apprendre à mieux le monter. Je suis peut-être un peu vieux, mais je sais que les personnes de toutes âges peuvent entrer à l'académie. Je voudrais savoir s'il serait possible que j'amène mon dragon sur cette île d'une façon ou d'une autre? Il ne sait pas très bien voler et je suis incapable de le monter. »

Intérieurement, l'ancien étudiant Terra jubilait. Il venait de monter de toutes pièces en seulement quelques instants un mensonge qui, selon lui, semblait tout à fait crédible. Il n'y avait aucune raison que l'adolescent face à lui doute de sa bonne foi. Peut-être réussirait-il même à pénétrer dans l'enceinte de l'internat sans se faire remarquer et y accomplir ses méfaits ni vu ni connu. La chance lui souriait enfin!

Alors que Raphaël se frottait le tibia en maudissant son dragon, l'étrange inconnu se retourna, l'air goguenard, et lui asséna une réplique moqueuse qui fit rougir le jeune hermaphrodite jusqu'à la racine des cheveux. Il n'était pas une chochotte! Il se mordit la joue et se retint de répondre, se contentant de fusiller le jeune homme du regard avant qu'il ne se retourne.

Il reposa sa jambe et s'apprêta à partir, la tête haute, lorsqu'il fut interpellé par cette même voix, moins moqueuse désormais. Vexé mais pas assez au point de partir sans se retourner, il tourna la tête vers le jeune homme, les bras croisés sur sa petite poitrine. "Etudiant"...Raphaël haussa un sourcil, c'était bien la première fois qu'un inconnu ne le confondait pas avec une fille, avec la tenue et le corps qu'il avait, il se demandait bien comment c'était possible. Mais il lui répondit tout de même, de mauvaise grâce:

-C'est possible...

Il écouta ce que l'inconnu avait à dire et le détailla de haut en bas, effectivement il n'était pas tout jeune mais l'académie accueillait à peu près tous les âges, à la seule condition d'avoir au minimum seize ans. Et puis il y avait toujours l'épreuve d'alliance à passer avant toute chose:

-Et bien...avant d'entrer à l'académie il y a l'épreuve d'alliance à passer...il faut voir ça avec le directeur...et euh...il est où ton dragon?

Il voulait bien l'accompagner jusqu'à l'académie mais ensuite, il devrait se débrouiller. Réfléchissant, il se dit qu'il pourrait quand même le mener jusqu'au bureau du directeur, parce qu'après tout, c'était avec lui qu'il devrait discuter de ce genre de chose. Avec tout ça, il en avait totalement oublié sa douleur au tibia, qui s'était bien atténuée:

-Au fait, je m'appelle Raphaël. Et toi?

Non parce qu'il n'allait pas l'appeler "hey" ou "machin" durant tout le trajet quand même!
Raphaël rassembla ses cheveux et les réunit sur une épaule en les lissant dans un geste typiquement naturel lorsqu'il était un peu nerveux. C'est qu'il paraissant grand cet homme! Lui-même atteignait péniblement le mètre soixante. Sans vraiment s'en rendre compte, il le fixait, perdu dans ses pensées et dans ses réflexions. S'il voulait entrer à l'académie, il devrait sans doute passer l'alliance pour la rentrée prochaine, il ne savait plus s'il était possible de l'intégrer en cours d'année. Sans doute, mais il aurait tous les cours à rattraper et ça n'allait pas être facile...

De son côté, Angelus les survolait, intrigué par ce qu'il lisait via l'esprit de son dragonnier. Il décida de surveiller tout cela d'en haut, juste au cas où, Raphaël avait tendance à être d'une naïveté déconcertante parfois. Il avait le don pour s'attirer les ennuis. Le grand dragon soupira à cette pensée mais ne perdit pas une miette de ce qui se passa au-dessous de lui.

« Unuk se trouve en bordure du village d'Argentelam, chez un de mes cousins. Je n'ai pas pu l'amener avec moi, comme je te l'ai dit je ne sais pas encore le monter correctement et le bateau qui m'a transporté jusqu'ici était beaucoup trop petit pour lui, il l'aurait sans aucun doute possible fait sombrer. Il faut dire aussi qu'il n'aime pas vraiment l'eau, étant originaire de Narthan. »

Finalement, les cinq années d'études auront été bénéfiques au fils d'Aeria qui en aura appris beaucoup sur ces êtres chers à nos coeurs. Wahldar mémorisait chacune de ses répliques, car il savait que son mensonge ne serait parfait que s'il réussissait à s'en tenir à ce qu'il avait dit. Du temps où il vivait encore chez son père, il avait tant revêtu son costume d'affabulateur que la mythomanie était devenue une seconde nature chez lui, pour ne pas dire sa véritable nature. Il avait eu tellement à inventer pour sa survie et tant de choses à cacher qu'il avait fini par se complaire dans le mensonge et la tromperie.

« Je me nomme Wahldar, c'est un honneur que de faire ta connaissance, Raphaël. »

Tout comme la bâillement amène au bâillement, Wahldar redressa lui aussi une mèche rebelle qui était venue gêner sa vision et en profita pour jeter un coup d'oeil aux alentours. À l'exception du dragon qui sillonnait le ciel par dessus eux, l'endroit était désert. Parfait. Moins il y aurait de témoins à son intrusion et moins il y aurait de personnes susceptibles de le reconnaître et de donner l'alerte lorsqu'il prendrait le large. La discrétion serait dans les jours qui suivraient sa meilleure alliée.

« Penses-tu que tu pourrais m'amener voir le directeur? J'aimerai m'enquérir auprès de lui, je pense qu'il saura me guider. » Avant même qu'il n'ait eu une réponse, il continua. « Que dirais-tu de me raconter ton histoire sur la route? Si elle est longue, j'aurais peut-être le temps de te raconter la mienne en retour, à moins que tu ne désires pas me la conter ni entendre la mienne, auquel cas je comprendrais. Après tout, je ne suis qu'un étranger. »

Comment Raphaël aurait-il pu soupçonner un instant que ce que lui racontait cet homme était un énorme mensonge? Si Angelus se méfiait, ce n'était pas le cas du jeune hermaphrodite qui était persuadé qu'il avait affaire à un futur candidat à l'entrée de Lindorm. Finalement, il s'était calmé et lui souriait à présent, confiant et prêt à tout pour l'aider. Le directeur serait sans doute heureux de compter bientôt un nouvel élève dans l'académie. Du moins, c'était ce que pensait le jeune ventus:

-Ah, oui bien sûr.

L'absence de son dragon s'expliquait, en partie, et comme il n'était pas du genre à se montrer indiscret, il ne fit aucun commentaire de plus sur le sujet. Inutile de demander à l'inconnu si son dragon avait des ailes, s'il n'était pas là c'est qu'il n'avait pas pu le suivre par la voie des airs non plus. Alors il goba l'explication facilement. Par contre, il se présenta pour connaître enfin le prénom de ce jeune homme solitaire. Vu qu'ils allaient faire du chemin ensemble, autant faire les choses correctement.

En entendant son nom, Raphaël lui offrit un grand sourire, avec la sincérité spontanée et le naturel qui le caractérisait:

-Enchanté Wahldar.

Ils prirent donc le chemin de l'académie, longeant la plage. Raphaël regardait la mer avec envie, mais se contenta d'entraîner son nouvel "ami" sur le sable après avoir enlevé ses sandales en un tour de main. Il leva son visage vers le ciel et sourit à Angelus qui les suivait du ciel. Puis il reporta son attention sur le jeune homme, il était en effet très grand, il devait étirer le cou pour pouvoir le regarder dans les yeux lorsqu'il s'adressait à lui:

-Bien sûr. De toute façon, je ne peux pas trop te laisser circuler comme ça dans l'académie. Je pense que tu devines pourquoi...avec la guerre tout ça.

Et puis même, tant qu'il ne faisait pas partie de Lindorm, il n'avait pas le droit d'aller partout sans être encadré par des personnes qualifiées. Et alors qu'il se demandait de quoi ils allaient bien pouvoir parler sur le trajet, voilà que Wahldar proposait de lui-même qu'ils se racontent leurs histoires respectives.

Pas très habitué à parler de lui à un étranger comme il l'avait si bien dit, Raphaël hésita. Mais bon il n'avait rien à craindre de toute façon:

-Et bien...je n'ai pas trop l'habitude de parler de moi mais...d'accord.

Il lui sourit et baissa les yeux pour regarder le sable, appréciant sa douceur sous ses pieds fins:

-Je viens d'une petite ville située sur une île d'Aeria, j'ai rencontré mon dragon il y a dix ans. J'ai eu une vie plutôt tranquille avec mes parents, j'aurais juste aimé avoir des frères et soeurs...mais après ma naissance ma mère a eu des soucis de santé qui ont fait qu'elle n'a pas pu avoir d'autres enfants...

Pourtant, ce qu'il aurait aimé avoir un grand-frère!

-Enfin on a tenté l'épreuve d'alliance et on a réussi du premier coup. Je suis en deuxième année, classe Ventus. Ah et mon dragon s'appelle Angelus.

Il ne voyait pas trop quoi dire d'autre, il avait peur de l'ennuyer à force:

-...la vie à l'académie est plutôt chouette en fait...je m'y plais bien, même si les plaines de Corynth me manquent. Ici il y a les plages et puis Angelus peut se dégourdir les ailes plusieurs fois par semaine. Il a parfois du mal à supporter l'enfermement...

Ses joues se colorèrent légèrement et il baissa à nouveau les yeux:

-J'espère que je ne t'embête pas avec mes histoires...je n'ai pas trop l'habitude de parler comme ça à quelqu'un que je connais à peine...Et toi alors?

À l'approche du sable, Wahldar imita Raphaël en enlevant ses souliers de toile blanche. Habitué à la sensation des semelles de cuir, il fut dans un premier temps déstabilisé par l'aspect granuleux du sable, ne l'ayant jamais vraiment côtoyée par le passé. Il devait cependant avouer que la sensation du sable humide sous la plante de ses pieds n'était pas des plus désagréables, bien qu'il ne la supporterait probablement pas plus de quelques heures. Se retrouver ici éveillait en lui de biens vieux souvenirs dont il avait complètement occulté l'existence.

Wahldar prenait néanmoins plaisir à écouter l'histoire que lui contait le blondinet. Il avait passé beaucoup trop de temps en isolement et la compagnie lui faisait du bien. Il n'éprouvait aucun remord à ses actions mais se sentait quand même désolé pour Raphaël. Lorsque vint son tour, il se demanda s'il ferait mieux d'échafauder de toutes pièces une prétendue histoire ou de lui conter une partie de la vérité. Après courte réflexion, il choisit de lui révéler la vérité, ça ne rendrait son mensonge que plus plausible.

« Nous venons du même pays. Je suis né dans la Capitale d'un père issu de la noblesse et d'une mère de Keven. Mon enfance a été assez mouvementé, entre mon exil forcé, car mon père ne voulait plus de ma mère ni de moi, mon long séjour en territoire de Keven puis le retour en Aeria lorsque ma mère rendit l'âme. À vrai dire, j'ai plus mal vécu le fait de rentrer chez mon père que de savoir ma mère morte... Je détestais mon père et le sentiment était réciproque. En sa compagnie j'ai passé les pire six années de ma vie. »

À ces souvenirs qu'il avait toujours essayé de chasser, il se surprit à plonger ses yeux azurin dans le ciel et à laisser son esprit vagabonder quelques instants. La douleur ne s'estomperait probablement jamais... À chaque fois qu'il évoquait son père, il ressentait un petit pincement au coeur, bien que ces histoires remontent déjà à plus d'une dizaine d'années. Son regard croisa à un moment celui d'Angelus, à qui il sourit.

« Il n'y a pas grand chose à dire sur le reste de ma vie... Je l'ai passée principalement à vagabonder le long des dorsales du sud, à Keven. Ça me change de me trouver ici, il fait plus frais. Je change peut-être abruptement de sujet, mais je trouve ton dragon très gracieux. »

Il avait préféré mette un terme à l'histoire de son passé, car son poids était encore trop important pour ses épaules maigrichonnes. Et puis son père ne méritait pas qu'on se rappelle de lui et vivre dans le présent était une chose agréable, plus que de se terrer dans les sombres étranglements de naguère. Sans qu'ils s'en rendent vraiment compte, ils avaient creusé une bonne distance.

Lorsqu'il apprit que Wahldar venait du même pays, il sourit, heureux de rencontrer un compatriote. Alors comme ça, il avait du sang noble dans les veines, de par son père. Intrigué, il le laissa lui compter sa vie sans l'interrompre. Apparemment, son enfance avait été très différente de la sienne. Quand lui avait des parents plus amoureux que jamais et qu'il avait vécu entouré d'amour, ce garçon avait été rejeté par son père et avait perdu sa mère.

Raphaël s'en voulut presque de lui avoir retourné la question. Lui-même avait parfois quelques difficultés avec son père...notamment concernant son avenir. Alon voulait qu'il devienne soldat dans l'armée d'élite d'Aeria, et il l'imaginait déjà marié à une femme de haute naissance avec des enfants. Mais la simple idée de se marier avec une femme et de devoir lui faire des enfants lui répugnait. Non pas qu'il ne les trouvait pas gentilles, douces et belles, mais il fallait être aveugle pour ne pas se rendre compte qu'il aimait les hommes.

Sa mère, elle, le savait depuis longtemps et cela lui paraissait naturel, pas de quoi en faire un foin. Mais son père n'arrêtait pas de parler de "son fils" bien qu'il soit aussi "sa fille" puisqu'il était les deux. D'ailleurs, ce n'était pas pour rien qu'on le prenait aisément pour une fille. Il était petit, devait peser 48 kilos tout mouillé, avait une petite poitrine, la taille fine et les hanches larges. Franchement, il fallait être bigleux pour ne pas voir l'évidence qui crevait les yeux. Mais Alon, lui, se complaisait dans son utopie malgré les contestations de sa mère.

Raphaël aimait ses parents, même si par moment, son père le blessait sans s'en rendre compte. Enfin en tous les cas, ici il était libre d'être qui il voulait! Il ne se cachait de personne et il s'habillait comme il le désirait!

Un peu perdu dans ses pensées, le jeune étudiant Ventus écarquilla les yeux et leva la tête en direction d'Angelus qui volait au-dessus d'eux. Il avait salué le jeune homme mais sa méfiance ne s'était pas envolée pour autant. Raphaël était par trop naïf et influençable.

L'intéressé sourit et se tourna vers Wahldar:

-Oui, Angelus est très beau et élégant. Mais il a parfois un caractère exécrable!

Le dragon leva les yeux au ciel et grogna pour la forme avant de s'envoler plus haut, les distançant par moment avant de revenir vers eux.

-Enfin c'est surtout parce qu'il a du mal à supporter de devoir rester dans l'enceinte de l'académie. Quand on était à Corynth, il était libre d'aller où bon lui semblait, on se voyait presque tous les jours mais il venait et partait selon son bon vouloir.

Avec tout ça, il avait totalement oublié son coup au tibia. Il marchait sans boiter, n'étant pas du genre à geindre ou à se plaindre pour une si petite chose. Il verrait sans doute pire sur le terrain lorsqu'il devrait se battre contre les wyrms ou tout autre danger.

-Et toi, comment as-tu rencontré ton dragon?

Tandis qu'ils marchaient tranquillement sur la plage, le vent s'était levé, obligeant Raphaël à dégager son visage en permanence quand de longues mèches blondes gênaient sa vision. Il regrettait de ne rien avoir pris pour attacher ses cheveux maintenant.

Raphaël lui offrit un sourire amical:

-Alors raison de plus pour que je t'aide à voir le directeur! Comme ça tu reverras vite ton dragon et vous pourrez venir tous les deux la prochaine fois.

Le jeune hermaphrodite marchait tranquillement à ses côtés, ses pieds jouant parfois avec le sable qui dansait autour de lui. Bien qu'il ne connaisse pas Wahldar, il agissait toujours naturellement sans se soucier de ce que je le jeune homme pouvait bien penser de lui. Il était comme ça, pourquoi se cacher?

L'air était frais et le vent était froid, mais Raphaël s'en fichait, même s'il n'aurait pas été contre un bon manteau de fourrures. Enfin il n'était pas du genre à attraper froid pour si peu et puis moins il était habillé, mieux il se portait. Seul détail vraiment gênant, ses cheveux qui volaient dans tous les sens.

Alors qu'il écartait une énième fois des mèches qui lui encombraient le visage, le jeune homme lui proposa son cerceau. Surpris, mais dans le bon sens, Raphaël le prit délicatement, de peur de l'abîmer et s'arrêta pour le regarder en détail. Il n'avait jamais mis ce genre de chose, pourtant, cet accessoire était magnifique à ses yeux.

-C'est très joli. Merci.

Il le mit tranquillement sur ses cheveux et le problème fut rapidement réglé, il n'avait plus de mèche dans la figure. Le visage rayonnant, il se tourna vers le jeune homme. Ca le changeait vraiment de ne plus avoir cet accessoire dans les cheveux. L'étudiant ventus s'était arrêté pour mieux le regarder, sans penser que son comportement pourrait gêner Wahldar.

Finalement, il reprit sa marche dans le sable, content d'avoir quelqu'un avec qui discuter. Il lui parla un peu d'Angelus avant de lui demander comme lui avait rencontré son dragon. Il écouta attentivement sa réponse et fut heureux qu'il lui retourne la question:

-C'est assez étrange d'"acheter" un dragon...les dragons sont des créatures sauvages et éprises de liberté, ils ne sont pas comme le bétail...Enfin si Unuk t'a accepté comme dragonnier c'est une bonne chose. Pour Angelus et moi, ça a été très différent. C'est lui qui m'a trouvé...j'étais poursuivi par des gamins de Corynth qui avaient tendance à se moquer de moi...

Il baissa un instant les yeux, le temps d'oublier ces moments un peu pénibles de son enfance. Puis il redressa la tête, souriant toujours:

-Angelus est apparu comme ça! POUF! De nulle part! Et puis nous sommes devenus amis. C'était une rencontre toute simple finalement. J'ai éveillé sa curiosité et lui la mienne...mon père aussi a un dragon, mais un dragon de foudre. Je m'entends bien avec lui mais avec Angelus, c'est différent...il est un peu comme...un grand-frère.

Oui voilà, il avait su combler ce manque finalement. Lorsque Raphaël évoqua ce souvenir dans son esprit, l'écho d'un sourire effleura son esprit. Angelus volait juste au-dessus d'eux.

[-- Analepse --]

Nous nous tenions droits côte à côte tandis qu'un sourire fier éclairait nos visages. Je me souviens de la pluie battante qui inondait les terres en ce crépuscule. Par dessus nous, le ciel ocre se faisait dévorer par les nuages sombres qui envahissaient le ciel tels les ténèbres qui se repaissent de nos âmes après avoir été mis à genoux par les aléas de la vie. D'ici une dizaine de minutes, le soleil se serait complètement engouffré par delà l'horizon et il sera venu l'heure pour nous d'agir. Il n'avait pas peur, au contraire de sa personne émanait une sérénité déconcertante. Comment pouvait-il garder son sang-froid dans un moment pareil? Malgré l'air moite et la chaleur des jours chauds, je frissonnais... Je savais déjà que cette nuit me changerait à tout jamais.

[-- Temps présent --]

Wahldar chassa ces souvenirs comme l'on chassait une mouche. Là n'était pas le moment de s'adonner à ce genre de rêveries. Il devait encore se concentrer... Après avoir apprécié l'histoire de Raphaël il se tut un instant et se surprit à contempler les paysages insulaires. Son regard fut d'ailleurs attiré par un jeu d'ombres lointain. Il ne devait s'agir que d'un animal blessé.
Le vent se leva brusquement, faisant vasciller le beau brun et bousculer Raphaël.

« Désolé, je ne voulais pas te bousculer de la sorte, j'ai perdu appui... On devrait peut-être se presser de rentrer, je pense que le temps ne va pas tarder à plus se dégrader. »

Au loin, l'orage se faisait déjà entendre grondant par dessus les vastes étendues bleues et le ciel s'illuminait d'éphémères lueurs jaune-orangées. La pénombre gagnerait les terres beaucoup plus tôt ce soir. Finalement, le scénario n'aurait pas pu être plus parfait qu'il ne l'était actuellement!

Le vent qui s'était levé devint brusquement plus violent et plus froid aussi. Raphaël frissonna et manqua de perdre l'équilibre quand Wahldar le bouscula. Il s'accrocha à lui par réflexe et recula ensuite:

-C'est pas grave...

Il leva le nez vers le ciel qui s'était profondément assombri en quelques minutes à peine. Angelus était descendu pour être plus près d'eux en cas de problème, il savait que son dragonnier détestait le bruit du tonnerre.

Les éclairs zébraient le ciel par endroit, adieu la belle fin de journée ensoleillée! A ce rythme là, la pluie ne tarderait pas.

Peu enclin à subir une douche froide forcée, l'étudiant ventus remonta sur le remblai en compagnie du jeune homme et acquiesça vivement à sa proposition. Ses cheveux agités par le vent lui fouettaient les épaules et le dos, il aurait vraiment dû les attacher! Par réflexe, il porta les mains au cerceau pour être sûr qu'il ne s'envole pas. puis, il se dépêcha de remettre ses sandales, se redressa alors qu'une rafale de vent balayait les alentours, et se retrouva sur les fesses.

Dire que le vent était censé être "son élément". Il pesta contre celui-ci et se releva comme il put pour voir Angelus posé un peu plus loin sur une place dégagée. Avec ce temps-là, les gens étaient rapidement rentrés chez eux, il avait donc toute la place qu'il voulait.

-Grimpe sur mon dos, nous irons plus vite.

-Et Wahldar?

Le dragon réfléchit et soupira:

-Qu'il vienne aussi puisque tu sembles y tenir.

Le jeune hermaphrodite se tourna vers son compagnon et lui sourit:

-Angelus propose qu'on s'installe sur son dos pour regagner l'académie, nous y serons plus vite ainsi.

En tout cas, le jeune hermaphrodite ne comptait pas rester planté là, il n'hésita pas un instant et escalada comme il put la patte tendue de son dragon, s'écorchant les mains et les cuisses sur ses écailles sans vraiment y prêter attention. Une fois installé entre les ailes du dragon d'air, il fit signe à Wahldar de le rejoindre, non sans le prévenir au préalable:

-Fais attention! A certains endroits, ses écailles sont vraiment coupantes.

Surtout les écailles abîmées qu'il devrait enlever une fois qu'ils seraient arrivés à Lindorm. Mais avant, ils devaient encore l'atteindre. Raphaël s'accrochait comme il pouvait, pas encore à l'aise sur le dos de son allié. Mais ce qui l'empêchait le plus d'être à l'aise c'était ses mains tremblantes. Il était transi de froid.