Quant les questions fourmillent sans réponses...

Prés de la fenêtre de notre chambre commune, à Jordanne et moi, je regardais le paysage extérieur. Cette vue de l’académie, qui m’apaisait quelque peu. Cet endroit me semblait si calme par rapport à ce qui grondait à l’extérieur de ces murs…Néanmoins, plus les jours passés, plus je sentais mon cœur se broyait.
Comme tout Narthan, je restais à l’écoute de la situation instable de notre mère patrie. Et j’avoue que ce que j’apprenais sur la difficulté de gestion de l’héritier Taha, et sur les exigences du peuple Roroa, me faisait craindre le pire.

Soupirant, je fini par m’allonger sur mon lit conjugal, observant le plafond. Je tendis mon bras droit, observant les détours de ma main, me questionnant sur ce que je pouvais apporter. J’avais mal de voir ma nation, ma patrie, ainsi déchiré. J’avais mal de rester ainsi à l’écart de tout.
Depuis le décès de nos parents, j’en venais même à douter de mon avenir. Que voulais-je faire plus tard, finalement ? Après l’académie, et pour une année, je me consacrerais à la Guerre. Je rejoindrais probablement l’escadron des Lances de Foudre…de part la nature de Tanaris. Mais, j’ignorais encore si je choisirais de poursuivre jusqu’à la fin de cette guerre, ou de me reconvertir en tant que Forgeron pour nos troupes…

Baissant la main, et passant ces-dernières derrière ma tête, un autre soupir quitta mes lèvres. La pièce, éclairée à la bougie, voyait des ombres danser sous mes yeux. Depuis peu, d’autres questions me tiraillaient…Devais-je rester dans l’ombre, ou devais-je me présenter au Gouverneur Taha, pour demander à lui prêter main forte à la politique de ce qui était les terres de mes parents biologiques ?
La politique pouvait-elle désormais avoir un poids dans cette guerre ? Je craignais qu’elle n’en ait plus que jamais…bien plus que les champs de batailles : plus sanglants les uns que les autres.
J’étais dévoré par ces questions, et les sourcils froncés à regarder le plafond, je ne fis pas attention au fait que bientôt, Jo’ reviendrait de ses cours. Que devais-je faire finalement ?

« Père, Mère, que devrais-je faire ? » vins-je à murmurer à moi-même…sans savoir si j’étais toujours seul, ou non. Mon expression du visage était grave, alors que tout n’avait de cesse de s’embrouiller en moi.

Scenery of Spira ♫

La journée avait été particulièrement longue...

En dernière année à Lindorm avant d'être envoyée dans l'escadron des Comètes de Feu, Jordanne appréhendait beaucoup ce changement qui n'aurait pourtant lieu qu'à la fin de l'année. Elle connaissait déjà la guerre pourtant, avait déjà fait face à nombre d'ennemis, mais c'était différent car ça n'excédait jamais quelques jours, étant toujours remplacée pour pouvoir regagner l'Académie et y terminer son instruction.

Pourtant... Elle devrait en ce moment même se trouver à Narthan, où la situation était assez chaotique entre le peuple Roroa et le Gouverneur. La jeune femme s'inquiétait beaucoup pour Hattusha qui avait été quelque part leur grande sœur à Arthur et à elle quand ils étaient gamins. C'était encore bien compliqué...

Le cours étant enfin terminé, Jo se hâta de rejoindre Arthur dans la chambre que Mr Fletcher leur avait accordé suite à leur mariage, décrétant qu'un couple marié ne pouvait pas vivre séparément. Ils avaient eu beaucoup de chance sur ce point, bénéficiant d'une intimité qu'ils n'avaient pas eu quand ils étaient chacun dans leur dortoir. Dire qu'à la fin de l'année, ils seraient séparés pendant deux ans entiers, puisque lorsque Jordanne aura terminé son service, Arthur commencera le sien.

Avec un long soupir, elle était sur le point de pousser la porte quand elle entendit son mari invoquer l'aide de leurs parents disparus. Comme à chaque fois qu'elle y pensait, les larmes de tristesse lui montaient aux yeux. La douleur était toujours là, mais n'apparaissait plus comme au tout début. Elle résonnait en un rythme sourd et continu, lancinant tel un refrain sortant d'un disque rayé. Inspirant silencieusement et s'essuyant les yeux pour ne pas montrer à quel point elle était vulnérable dans ces moments-là, Jordanne fit son apparition dans la chambre.

- Salut.

Avec un petit sourire tendre, la jeune femme s'assit sur le bord du lit pour enlever ses bottes avant de se blottir contre Arthur en fermant les yeux. Même après un an et demi de mariage, ses bras autour d'elle lui faisaient toujours le même effet, bien qu'il soit un peu atténué par la réminiscence d'Aaron et Morgane. Après quelques minutes à savourer sa présence indéniablement masculine, Jo ouvrit les yeux et se posa sur le coude pour observer son bien-aimé.

- À quoi tu penses ?

Parce que rien n'avait plus d'importance que ce qu'Arthur pensait... Rien sauf peut-être son allié dragon qui était tout aussi important à ses yeux.

La voix de mon épouse me réveilla de ce songe éveillé…et je repris pieds à terre dirons-nous. Lui souriant, je lui demandais :

« Le cours s’est bien passé avec Monsieur Silitch ? »

Le nouveau professeur de combat semblait un adepte de l’entraînement spartiate…mais, pouvait-on le lui reprocher alors que seule la guerre nous attends en quittant ces lieux au combien paisible ?
Elle vint me rejoindre sur le lit, et je savourais sa présence contre moi. Caressant du bout des doigts sa longue chevelure de feu, je profitais pleinement de sa présence pour tenter de gommer mes doutes et mes craintes.
Embrassant sa tempe, la gardant au plus prés de moi, le silence fit écho à cette ambiance tamisée et cette soirée nouvelle. Pourtant, elle posa son coude de façon à me regarder dans les yeux, et sa question me transperça.

Fermant mes propres orbes rouges, j’inspirais calmement avant de les rouvrir, un air un peu plus soucieux dans les yeux. Je n’obtiendrais rien à lui mentir…je suis un piètre, un exécrable menteur : elle le sait très bien. On a toujours lu en moi comme dans un livre d’enfant, imagé et doté de grandes et fines écritures. Je serais le pire des cachotiers quand j’y pense…cette sincérité qui m’enserre et me tiraille étant à la fois ma qualité et mon plus grand défaut.

« Je pensais à la situation du Narthan… » Répondis-je, avec honnêteté.

Me redressant à mon tour, je vins finir dos au sommier du lit. Là, je l’attirais contre moi, caressant son bras des doigts d’une main, et son ventre fin et musclé par les cours de combat de l’autre. Là, je continuais : n’ayant rien à perdre à recueillir son aide, son avis.

« Je me demandais…dois-je garder le silence sur mes origines Jordanne ? Est-ce que…est-ce que je ne pourrais pas aider le gouverneur Taha d’une façon ou d’une autre ? Je crains que les dissensions avec Hattusha, avec les Roroas ne cessent pas de grandir…et je me demande s’il est correct, pour moi, de me terrer sous prétexte que j’ai été élevé par les McCallan, et non par ma famille biologique… »

Je ne savais nullement quoi faire…Et je tremblais de dépit. J’étais tiraillé, perdu, et incertain. Mon cœur était comme broyé entre des idées et des désirs incertains. Je savais que si Morgane et Aaron, ceux que je considère comme mes parents, avaient encore été parmi nous…ils m’auraient aidé et guidé dans mes décisions. Mais là, je ne voulais pas croire que j’étais seul. J’avais Jordanne, ma femme, celle que j’aimais. Je voulais son bien à elle aussi…je ne voulais pas qu’elle connaisse la guerre, sous quelque forme que cela fut-ce. Je l’aime trop pour accepter cela sans rien faire.

- Oh ça va. Son cours est assez intéressant et surtout très crevant. Là, j'ai faim et j'ai très envie de dormir...

Heureusement pour elle, Jo avait pu prendre une douche avant de monter dans leur chambre, si bien qu'elle sentait bon et était propre. Embrassant le cou de son bien-aimé avant de se redresser pour lire dans ses yeux ce qu'il ne voulait pas dire, Jordanne souriait doucement, comme toujours quand elle regardait Arthur. Elle ne croyait toujours pas à la chance qu'elle avait de partager avec lui cette vie de couple qu'elle avait inconsciemment toujours voulu.

Et même si la vie avait ses hauts et ses bas, ils étaient ensemble et vaincraient n'importe quel obstacle, ne serait-ce que pour honorer la mémoire des McCallan aujourd'hui disparus. Arthur finit par s'asseoir et emporta Jo dans le mouvement, la serrant contre lui. Elle frémit doucement sous ses mains qui propageaient toujours une douce chaleur. Ça n'avait rien à voir avec la température puisque Jo ne craignait pas le chaud ou le froid de ce côté-là. Non, c'était une sensation infiniment troublante qui la faisait doucement frissonner à chaque fois qu'il posait ses mains ou son regard sur elle.

Ses questions étaient légitimes. Arthur lui avait révélé peu de temps avant la reprise des cours ce qu'il avait appris d'Aaron et Morgane quand ces derniers lui avaient tout dit du secret de sa naissance. Dans un mouvement fluide, la jeune femme se redressa et s'assit sur les genoux de son mari avant de lui prendre le visage entre les mains pour l'embrasser tendrement. C'était toujours un émerveillement sans pareil de pouvoir se permettre un tel geste.

- Que te dicte ta conscience ? Arthur, le conflit entre le Gouverneur et le peuple d'Hattu risque de faire beaucoup de dégâts à Narthan. Est-ce que tu penses que le fait de savoir que tu es la descendance de l'ancienne famille déchue gouvernante de notre nation ne va pas envenimer les choses ? Si tu décides de donner ton soutien à Idriss Taha, tu ne crois pas qu'Hattu va s'en prendre à toi ?

Passant ses bras autour du cou d'Arthur, Jordanne enfouit son visage dans son cou.

- Je ne peux pas t'en empêcher, mais je ne veux pas te perdre toi non plus. Tu es tout pour moi, Arthur. Mais si tu penses que c'est ton devoir, je ne te retiendrai pas, je te soutiendrai jusqu'à ce que la mort nous sépare.

Et Oayim savait que si Arthur venait à mourir prématurément, Jo ne pourrait tout simplement pas lui survivre, c'était impossible et impensable. Il était tout ce qui lui restait, avec Ifrit et Tanaris. À eux quatre, ils faisaient perdurer le souvenir des McCallan manquants. Douglas n'avait toujours pas donné signe de vie et Jo sentait que ce n'était pas près d'arriver. Alors elle se contentait de l'instant présent, car leur destin n'était pas gravé dans le marbre.

- Je t'aime tant... Ne me laisse pas derrière toi.

Jo ne supporterait tout simplement pas qu'Arthur se détourne d'elle, ça non plus ce n'était pas pensable...

Fatiguée…j’imagine, oui. Silitch est un homme relativement exigent dans son enseignement. Tant mieux : la guerre sera sans pitié elle aussi. Mon épouse se rapprocha de moi, ses mains caressèrent mon visage avant que nos lèvres ne viennent s’effleurer.
Ses questions, ses réflexions, suivirent. Je l’écoutais, l’ayant rapproché de moi : une main la caressant dans le don, mes doigts dessinant des arabesques tendres et aimants.
Je sentais la chaleur de son souffla dans mon cou lorsqu’elle vint s’y enfouir. Je savais ses remarques, et ses craintes, pertinente.

Mais, elle l’avait dit, ma conscience : que me disait-elle ? Elle me hurlait que je ne pouvais pas laisser la nation que j’aime tant se déchirer en deux alors que déjà, l’ennemi est à nos portes. A quoi bon une guerre civile quand, déjà, une guerre tape aux portes des deux camps ?! Pourquoi ?! Les Wyrms sont des ennemis communs, Hattu et le gouverneur Taha ne peuvent-ils pas attendre d’avoir vaincu cet ennemi avant de continuer leurs débats et d’en venir au pire ? Le Narthan serait ravagé…et les deux camps s’affaibliraient, offrant aux Wyrms une chance inouïe de jouir d’une faiblesse et d’une situation politique précaire. Ce serait la plus grande des idioties politiques : pour un camp, comme l’autre.

Je ne pouvais qu’écouter celle que j’aimais, mais ma résolution grandissait. Mon regard était relativement triste, même s’il restait aimant en la regardant. Je lui relevais le visage à ses mots, l’embrassant avec plus de force et de passion.
Je vins à l’allonger sur notre lit conjugal, la dominant avec tendresse alors que nos lèvres se séparaient. Je vins lui sourire, et je lui répondit alors :

« Je ne te laisserai pas derrière Jo’…c’est pour ça que je t’en parle. »

Me penchant vers elle, mon visage vint rejoindre sa nuque sur laquelle je déposais de légers baisers papillons, mon souffle caressant sa peau. Mes lèvres gouttant sa chair doucement. Plongeant mon regard dans le sien, j’ajoutais :

« Je ne veux pas donner raison au gouverneur Jo’…ni-même à Hattu. Je veux leur servir de liaison s’ils n’arrivent vraiment pas à converser. Leur guerre, ne devrait-elle pas attendre que nous en ayons terminé avec les Wyrms ? Pourquoi laisser une chance aux Wyrms de profiter d’un climat qui affaiblirait nos deux peuples, tout le Narthan ? Je veux aider…j’aimerai que les deux comprennent cela : vraiment. Hattu est comme une sœur pour moi, et le Narthan est ma patrie, si je peux être utile, je veux essayer. Je ne veux pas avoir de regret, d’être resté passif et d’endurer seulement. »

Mes doigts caressaient la joue de celle que j’aimais, alors que je m’exprimais avec douceur et tendresse, un fond de douleur quand même. De crainte aussi. Je savais très bien qu’Hattusha pourrait ne pas m’écouter, de même que le gouverneur de Taha. Mon existence ne pourrait que mettre plus de désordre sur la strate politique, comme « revoir » sa position de gouverneur : et je ne le veux pas ! Jamais. Je veux juste l’aider…comme Aaron et Morgane ont aidé le Narthan de leur vivant !

En parallèle avec leur discussion très sérieuse, Arthur venait de renverser Jordanne sur leur lit et lui faisait la grâce de quelques caresses dont il savait qu'elles ne la laisseraient pas insensible. Jo n'était que frémissements et soupirs sous les attentions de son mari, et les années avaient beau passer, c'était chaque fois plus intense. Et du coup, elle avait un mal fou à se concentrer sur la conversation, bien que le ton préoccupé d'Arthur lui parvint tout de même.

En souriant doucement, la jeune femme leva la main et caressa tendrement le visage de son bien-aimé.

- Je comprends et je viendrai avec toi. Mais il faut qu'on fasse très attention, la révélation sur ta naissance peut engendre beaucoup plus de mal que de bien. Tout dépendra des positions du Gouverneur et d'Hattu. Je ne veux pas qu'ils s'en prennent à toi.

Puis posa sa main dans son cou, Jo l'attira de nouveau à elle pour l'embrasser avec toute la force de son amour, lui disant par ce baiser tout ce qu'elle avait toujours ressenti pour lui. Se refermant autour de son mari, la jeune femme mettait tous ses sentiments dans cette étreinte avant de se reculer légèrement pour reprendre son souffle...

- Je sais que ce n'est pas le moment... L'année est déjà bien entamée et en plus, je vais partir au front dans quelques mois... Mais je...

Rougissant un peu plus que de coutume, Jordanne était toute intimidée devant la demande qu'elle s'apprêtait à lui faire. Elle s'était dit qu'il valait mieux attendre la fin de la guerre contre les Wyrms pour ça, mais la vie était tellement courte, tellement capricieuse aussi, qu'il n'était plus temps de réfléchir. Enfin si, quand même un peu. Et elle le voulait tellement...

- Je... J'aimerai...

Bon sang ! Voilà qu'elle se mettait à bafouiller ! Pourtant, Jo ne cachait plus rien du tout à Arthur, il la connaissait toute entière, aussi bien son corps que son esprit. Alors pourquoi était-elle aussi stressée ? Enfin, cette demande particulière était loin d'être banale, c'était certaine...

- Je me demandais si... Si tu voulais bien qu'on ait un bébé ensemble.

Aussi rouge qu'un poivron bien mûr, Jo détourna le regard pour ne pas voir la réponse dans les yeux d'Arthur. À dire vrai, ce vœu de maternité la travaillait depuis quelques mois mais avec tout le bordel ambiant sur le Territoire, elle l'avait repoussé avec plus de force chaque jour. Mais le désir revenait inlassablement comme une idée fixe, qui prenait chaque fois un peu plus de place. L'idée seule d'avoir un petit garçon ou une petite fille ressemblant à son mari lui faisait voler des papillons dans le ventre.

Ça serait tellement merveilleux... Bien qu'elle ait conscience que le moment était vraiment mal choisi. Jo ne pouvait décemment pas aller à la guerre avec un ventre rond comme un ballon ! Accoucher sur le champs de bataille ? Hors de question...

- D'abord, on doit tous les deux finir Lindorm et notre année sur le front, bien sûr... Mais après... Tu veux bien ?

Les mots de ma femme, qui vinrent après ses soupirs, m’ôtèrent un lourd poids de l’estomac. Celui de faire face seul. Je savais que mon hérédité était à double tranchant, mais je savais aussi que la situation du Narthan devait s’améliorer. Si Narth et Roroa pouvaient trouver un terrain d’entente…il ne resterait plus que les rares tensions avec les Saabi. Et encore, ces-derniers sont relativement pacifistes, ils se contentent de vivre sous leurs lois et non celle du gouverneur. Et, jusqu’ici, personne n’a jamais rien dit de vive voix à l’égard de ce comportement, de ce que j’en sais.
Parfois, je me dis que si Keven n’avait pas voulu coloniser les Roroa et Saabi…Nous, Narth, ne serions pas là mais surtout…Roroa et Saabi auraient put continuer à vivre leur vie sans devoir « rendre compte » à « notre » peuple. Mais cette histoire est si lointaine…
Néanmoins, laissant de côté tous ces tracas, je répondis avec une certaine fougue au baiser de mon épouse. Je transmettais, dans ce baiser, toute ma reconnaissance de me suivre dans ce projet fou, tout l’amour et la tendresse que j’avais pour elle.

Je sentais ses jambes se refermer autour de moi, et une de mes mains vint glisser sous son haut, touchant sa douce peau…remontant lentement vers sa poitrine. Le souffle nous manquait, et c’est à contrecœur, mais les yeux pétillants, que nous reprîmes notre souffle. Alors qu’elle commençait à parler, mes lèvres visitaient sa nuque. A ses hésitations, je murmurais au creux de son oreille d’une voix lascive.

« Je t’écoute Jo’… »

Néanmoins, à son hésitation persistante, je ralentissais le rythme de mes caresses et de mes baisers sur sa peau. Mon regard alla plonger dans le sien, je pouvais lire en elle comme dans un livre parfois.
L’invitant du regard à poursuivre, c’est ce qu’elle fit. Elle fuya mon regard, qui était clairement surpris. J’avais entrouvert les lèvres sous la surprise, avant de les refermer.
Ma conversation, quelques jours avant, avec Aldo me revenait en plein fouet. Mon regard vint à s’adoucir…ma femme désirait un enfant de moi ? De Nous ?
Elle fuyait toujours mon regard, celui tendre et amoureux que j’avais pour elle, continuant de dire ce qui était en effet la nécessité pour le bien-être de celle que j’aimais.

Glissant mes doigts sous son menton, je relevais son visage pour qu’elle me fasse face. Je voulais qu’elle voie la joie dans mes prunelles, le bonheur et la tendresse les habitant. Je voulais qu’elle se rende compte combien sa requête avait augmenté le rythme de mon cœur d’un coup, tant dans la surprise que l’acceptation.
Avançant mon visage vers le sien, juste avant que nos lèvres ne se retrouvent en un nouveau baiser, je donnais ma réponse de vive voix :

« Je serais le plus heureux des hommes Jordanne…Encore plus qu’au jour d’aujourd’hui. »

L’embrassant, mes mains reprirent alors leurs caresses. Mes lèvres quittèrent ses lèvres pour descendre sur sa jugulaire, et mes mains retirèrent son haut. J’embrassais le haut de sa poitrine, sans toucher à ses seins pour le moment…je la caressais. A travers mes gestes, je lui faisais ressentir tous l’amour que j’avais pour elle.

Toute gênée qu'elle fut, Jordanne gardait la tête basse pour ne pas montrer sa vulnérabilité à son mari, qui lisait en elle comme dans un livre ouvert. Son désir d'enfant n'était pas récent et ne s'était pas éteint, au contraire. Plus le temps passait, et plus il grandissait et devenait limite une obsession. Le fait de sentir une vie bouger à l'intérieur de son corps, ce devait être fantastique...

Mais la réalité, elle, l'était beaucoup moins. Dans quelques temps, elle devrait partir pour la bataille, et en y réfléchissant bien, peut-être même qu'elle y resterait une année supplémentaire pour pouvoir combattre aux côtés d'Arthur et ne pas avoir à dépasser une année sans autre contact qu'une lettre de temps en temps. Sans parler de l'inquiétude qui la rongerait plus sûrement que la rouille rongeait le fer abîmé.

Son mari la prit par le menton et la força à poser ses yeux dans les siens, délivrant une joie extrême en réponse à sa demande, une joie et un amour infini, éveillant toute une gamme de sensations dans le cœur serré de la jeune rouquine. Son propre sourire s'éveillant en comprenant le sens de ses mots, Jordanne finit par entourer le cou d'Arthur avec fougue, alors que ce dernier commençait à la déshabiller pour entamer cette danse amoureuse qu'ils connaissaient tous deux très bien mais dont ils ne se lasseraient sûrement jamais...

~~~~~~~~~~~~~~~~

Épuisée et repue, Jordanne commençait tout doucement à somnoler entre les bras de son bien-aimé, alors qu'ils étaient tous deux enfouis sous une couette épaisse et douillette. Elle ne remercierait jamais assez le directeur Fletcher de leur avoir attribué cette chambre personnelle. Sans cela, comment auraient-ils pu se prouver physiquement leur amour ? L'intimité d'un couple marié était précieuse et ne pouvait se permettre d'être simplement écartée, le bonheur se faisant rare, il était même impératif de le conserver.

Caressant le torse d'Arthur d'une main légère, la jeune femme soupira et enfouit sa tête dans le cou masculin, déposant un baiser à même la peau. En trois ans, elle n'avait jamais pu résister aux tentatives de séduction de son mari, et lui n'avait pas non plus fait tellement d'efforts dans ce sens pour résister aux siennes. Depuis le tout premier baiser qu'ils avaient échangé dans la chambre du jeune homme à Dali, le désir qui couvait entre eux allait toujours en s'intensifiant, bien qu'ils apprirent à le contrôler un peu mieux au fil du temps.

- Je t'aime, Arthur. Et j'ai tellement hâte que tout soit derrière nous... Je veux avoir un fils qui te ressemble, et que nous élèverons tous les deux, comme nos parents l'ont fait avec nous.

En souriant, les yeux brillants d'émotion, c'était bien la première fois que Jordanne faisait référence à Aaron et Morgane McCallan sans pleurer. La douleur ne partirait jamais de toute façon, mais en pensant à l'avenir, elle finirait par s'atténuer pour finir par ne plus être qu'un battement sourd, un écho simplement triste mais toujours présent, pour leur rappeler qu'ils n'étaient finalement tous que de passage sur cette terre...

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