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Trois ans.
Trois jours comme trois décénie.
J'ai pris un siècle.

Elle renifla de manière dédeigneuse, le visage couvert de boue, les mains poisseuses, à genoux dans une tente. Ses doigts passaient dans ses cheveux gras, créant une natte grotesque au fil de leurs mouvements. Ce geste avait été fait des centaines de fois. Des milliers de fois. Des centaines de milliers de fois. La toile de tente vibra avec le vent. La jeune femme ne réagit pas. La jeune femme ? Son visage disait trente ans, ses yeux en disaient cinquante, mais, elle, n'en avait que vingt-deux. Elle avait vu trop de choses, connus trop de visages cadavériques, foulés par les armées, parce qu'on ne savait plus ou passer. Enterrer les morts ? De l'histoire ancienne. Les épidémies couraient sur les fronts. La jeune femme acheva sa tresse. Elle l'attacha d'un cordon de cuir et se redressa. Ses yeux ternes ne cherchèrent même pas ses armes, elle passa son bras sur le sol et les saisit.
Il n'y avait plus qu'une chose chez elle.

Une chose.
La résignation.

Pouvait-on croire qu'Ulum avait perdu sa joie de vivre et son mépris profond pour les règlements ? Non. Mais elle avait grandit. Un peu trop vite. Un peu trop. Personne ne méritait de grandir de cette manière. C'était pourtant arrivé à tout ceux qui l'entourait. Chaque combat était un suplice, chaque bataille était un massacre. Le soleil les avait abandonnés, la lune leur jouait des tours. Et mère nature, parmi eux, déchirée, comme ce peuple, ces gens. Pour quoi se battaient-ils ? Un ancien ? Une alliance ? ... Une vie. Leur vie. Celle des autres parfois. Car pire qu'une loi crée par un dragon, la loi de nature, elle ne faisait aucune pitié. Face à la mort, il n'y avait plus aucune feinte, aucune entourloupe, aucun retrait. Le néant. Seulement.

Un jour meilleur ? Nous attendons. Tous.

Elle glissa sa main sur son foureau. Un petit couteau sec à son côté, un arc dans son dos. Ces pieds qui s'enforçaient dans la boue. Il n'y avait plus de découvertes dans ce sol qu'elle foulait tout les jours, irrémédiablement, attendant la fin. Quelle fin ?

Ses doigts carressèrent avec délicatesse les écailles de Legitimens alors qu'elle marchait jusqu'à son museau et lorsque leurs regards se rencontrèrent il n'y eut pas besoin de mots. Ils comprirent.

Je t'aime.

Elle s'aggripa à ses écailles et se hissa sur le haut de son crâne où elle prenait toujours place. Un harnais avait été fixé entre les deux cornes, Ulum glissa ses pieds dedans. Elle vérifia par habitude que la corde avec laquelle elle se battait dans ses combats aériens était toujours à ses côtés. Elle était abimée par elle avait subi plusieurs coup d'épées et autres armes tranchantes. L'un de ses deux bouts était brûlé. La guerre.

Garder les yeux rivés sur son ultime but : Que cette guerre cesse.
Pour toujours.

Un étrange sourire étira les lèvres de la jeune femme.

- Allons-y Legitimens ! Allons combattre pour notre paix !

Ulum, femme de contradictions. Femme rurale. Soldat des armées.
Legitimes s'élança, Ulum se coucha sur son crâne.


Aldo ne volait pas à ses côtés. Non, pas aujourd'hui. Le monde avait tellement changé. Aldo avait tellement grandit. Ils avaient tous grandit. L'étrange admiration, excessive, qu'Ulum avait eut pour lui s'était mué en amour, en véritable amour. Et le jeune homme se plaisait parfois à échanger quelque caresses. La guerre malheureusement, si elle rapproche les êtres, n'est pas propice à ce genre de choses... Elle se rappelait comment elle l'avait retrouvé comme ci c'était encore hier.

Quitter l'Académie n'avait pas été dur, mais aller faire la guerre n'avait rien de réjouissant. La jeune femme, enfin libérée de ses chaînes, faisant corps avec Legitimens s'était retrouvée déboussolée sur le champ de bataille. Ici, il fallait lutter. Toujours. Lutter pour vivre. Lutter pour survivre. La facile et simple définition du mot dur était soudainement devenue plus complexe, plus difficile, plus... douloureuse.


Elle toucha les écailles immaculées de Legitimens du bout des doigts, marchant autour de lui.

- Mon bon vieux Legitimens, si on se sort de cette horreur, je promets de tout faire pour en protéger les innocents.... Chuchota-t-elle tout contre sa peau.

Ses doigts quittèrent les écailles. D'une poigne ferme, elle saisit l'attache qui lui permettait de se hisser entre ses cornes et s'y attela. Elle était au milieu de ses compagnons, tous prêt au combat. La jeune femme se tint bien droite, elle inspira une grande bouffée d'air. Son lasso enroulé autour d'elle, elle se pencha ensuite sur le crâne du dragon et elle pensa pour lui.

" Toi qui a vu la guerre, déjà, guide-moi... "
" Toujours petite humaine. "

Le chef sonna dans sa corne, tous les dragons s'envolèrent d'un même ensemble. Legitimens était grand, il était imposant, mais il était aussi incroyablement puissant. Il vinrent à la rencontre des Wyrms. Vite, trop vite. Les combats s'enchaînèrent. Ulum s'épuisait et s'essouflait, tout comme ses adversaires. Elle avait été écartées de son groupe par deux Wyrms et leurs dragons. Legitimens se battait avec fureur, cherchant à les tenir à l'écart. Il faisait claquer ses énormes mâchoire et parfois saisissait un bout de chair mais ceux-ci le lui rendait bien.

EN COUR