Tout plein de ses nouvelles résolutions, le jeune homme marchait d'un pas tranquille, les mains dans les poches de son pantalon vert-gris, en direction de sa chambre pour y prendre un repos bien mérité après une longue journée d'étude et d'entrainement. Il avait déjà pris sa douche après un cours de combat, plus tôt dans l'après-midi et il flottait toujours autour de lui un parfum de Keven qu'il affectionnait, aux discrètes senteurs boisées. Il rendit un salut de la tête à un camarade, un autre de la main à une autre élève plus jeune, un sourire discret à quelqu'un qui lui lançait une vanne sur sa nouvelle coupe de cheveux. Il apprécia le calme une fois la vague d'élèves passées et relevait la tête juste au moment où un masse frêle, à la longue chevelure émeraude le percutait de plein fouet. Par réflexe il sortit les mains des poches et attrapa la jeune femme par les épaules pour l'empêcher de tomber.

Bryne était comme tétanisée et levait son visage fin vers Sloan, plongeant son regard désormais vide dans ceux de son cousin, sans savoir que c'était lui qu'elle avait percuté. Elle s'excusait, la voix haut perchée, les larmes aux bords des yeux et la voir si fragile entre ses mains eut le don de réveiller de désirs qu'il essayait plus que tout d'enfouir au plus profond de son coeur. S'il avait voulu, il aurait pu pencher un peu son visage vers celui de Bryne, et poser délicatement ses lèvres sur les siennes, goûter au fruit qu'il s'interdisait depuis tant de temps, cette fleurs aux épines empoisonnées.

Mais il n'en fit rien et écarta juste un peu Bryne de lui et lâcha ses épaules pour prendre ses petites mains froides entre les siennes, plus grandes et plus chaudes.

-Tout va bien Bryne, c'est Sloan. Je te ramène à ta chambre ? Ou ton bureau ?

Sa voix chaude se faisait presque murmure dans le silence des couloirs de l'académie, comme s'il craignait que parler plus fort romprait le charme et le renverrait à sa solitude et ses peurs. Il serra un peu plus les doigts de la jeune femme entre les siens. Si Seulement elle pouvait voir ce qu'il était devenu, son sourire, douceur et amour, son regard sans la rancune et la rage qui l'animaient avant, ses piercings envolés, son ancienne vie balayée pour de bon, les étoiles dans ses yeux quand il était en présence de sa cousine et le rouge à ses joues. Il toussa un peu pour cacher sa gêne et reprendre, se rendant compte de son erreur.

-... pardon, je veux dire, Madame la Directrice.

La voix de Bryne s'était fait plus murmure encore, soufflant le prénom de son cousin comme si elle le faisait pour la première fois. Le jeune homme avait dû réprimer un frisson, traversé par une chaleur nouvelle, alors que Bryne semblait se détendre légèrement à son contact. Elle s'embrouilla dans ses mots, hésitante, loin de l'image de capitaine intransigeant qu'elle avait toujours été aux yeux de Sloan. Elle rougit même, sans parvenir à sortir une réponse cohérente. Elle parut plus confuse encore et parvint cependant à lui indiquer de la ramener à son bureau, s'embrouillant apparemment entre le protocole auquel elle s'était toujours astreint avec lui, et la familiarité de leur lien de sang. Le rouge avait quitté ses joues et Sloan se tenait prêt à devoir rattraper son corps s'il devait chuter. Mais la jeune femme resta sur ses jambes, malgré une faiblesse évidente.

Le Terra pivota et tendit son bras à sa cousine pour y crocheter sa petite main et qu'elle le suive dans les couloirs jusqu'à son bureau. Il resta un moment silencieux, ne sachant plus quoi dire, ni comment se comporter avec elle. Il savait qu'il avait été un idiot depuis le début alors qu'elle lui avait tendu la main et le mal était sans doute irréparable, mais en cet instant, elle ne le repoussait pas et acceptait son aide. Peut-être tout n'était-il pas aussi perdu qu'il le pensait.

Soudain Bryne reprit la parole et sembla se justifier par rapport à la femme qui avait combattu avec eux. De ce qu'il en avait appris c'était une criminelle en fuite, un ancien soldat qui avait déserté il y a plusieurs années. Elle s'appelait Morwen O'... quelque chose, comme lui, peut-être était-elle aussi originaire de Keven. Peu importe, elle avait sauvé la vie de Bryne et de Mi-Cha, c'était pour lui plus que suffisant. Il avait une dette envers elle... même si elle en était inconsciente. Mais au-delà d'une admiration soudaine pour la rousse inconnue, Sloan la jalousait également, car elle avait eu de Bryne ce que lui n'avait pas le droit d'espérer et son coeur se serra au souvenir de ce baiser échangé en plein combat devant l'académie. Sur le coup, Sloan n'avait pas eu le loisir de réfléchir à ce geste et ne l'avait pas plus choqué que cela. Il lui faisait mal cependant, cela, il ne pouvait le nier. Et perdu dans ses rélfexions il en fut tiré de nouveau par le toussottement de sa cousine et sa voix, un peu plus assurée, qui le complimenté pour ses actes durant l'attaque sur Lindorm. Il se sentit rougir de nouveau, mais de honte cette fois et fut ravie que Bryne ne puisse le voir ainsi. Il n'était pas fier de son comportement ni de ses résultats pendant les combats, car il s'était perdu corps et âme pour un combat qu'il ne pouvait pas gagner, sans penser à se protéger, se concentrant sur une seule et unique personne : Bryne. S'en était-elle rendu compte ? Sloan préférait l'ignorer pour le moment et se força à sourire malgré tout.

- Cette attaque aura au moins eu une chose positif : je peux désormais contrôler mon don. C'est comme si être confronté à plus fort que moi, pour une question de vie ou de mort, je n'avais pas eu le choix, et c'est comme si cela avait scellé mon don en moi. Je peux y faire appel quand je veux, avec la puissance dont j'ai besoin. Mais j'arrive aussi à me contrôler moi. Du moins pour le moment...

Il lança un furtif regard à la jeune femme et ne vit que son profil, droit et sans expression particulière, concentrée sur le chemin qu'ils parcouraient. Tentait-elle de mémoriser le nombre de pas qu'il y avait pour retourner à son bureau, les murs et portes qu'ils franchissaient ?

- Et... tu n'as pas à te justifier, c'est ta vie et tu... fréquentes qui tu veux. Cette femme nous a bien aidé pendant l'attaque. Elle t'a sauvé plus d'une fois, alors, je lui suis redevable, d'une certaine façon. Si tu... si tu n'étais plus là...

Sa voix mourut et il déglutit avec difficulté mais préféra ne pas continuer sur cette lancée qu'il savait dangereuse. Inutile de se faire de faux espoirs et retomber dans les affres de la rage et du désespoir. Il avait décidé d'aller de l'avant et c'est ce qu'il ferait. Bryne serait toujours sa cousine, quoi qu'il arrive. Ils auraient toujours ce lien du sang qui les unissait, et c'était déjà pas mal.

-Nous sommes presque arrivés, ton bureau n'est plus qu'à quelques pas.

Dit-il finalement pour recadrer la conversation. Il sentait son coeur tambouriner dans sa poitrine et dû se faire violence et respirer profondément pour se calmer. Ce n'était pas le moment de faire trembler les murs de l'académie, au risque d'effrayer et de mettre en colère la jeune femme accrochée à son bras. De plus, c'était lui qui venait juste de lui affirmer qu'il avait tout sous contrôle désormais !

Cette femme avait toujours eu don de tout remettre en question en lui !

Trop vite à son goût, les deux jeunes gens arrivèrent au bureau de Bryne. Trop tôt la jeune femme devrait de nouveau endosser le rôle de directrice et lui son rôle d'étudiant. Il avait imperceptiblement ralenti le pas, comme pour retarder le moment où elle lâcherait son bras pour marcher d'elle-même. Il ne pourrait pas toujours être là pour l'assister. Elle devait retrouver l'usage de ses ailes et s'envoler de nouveau... loin de lui.

Contre toute attente cependant, Bryne l'invita à entrer pour prendre un thé et Sloan fut pris au dépourvu, si bien qu'il garda le silence alors qu'il la suivait à l'intérieur de la pièce, redécouvrant un lieu qu'il avait souvent fréquenté par le passé. Bryne avait tout arrangé à son goût, à ses habitudes, et tout était dans un ordre impeccable. Rien ne trainait, chaque chose avait une place et la tenait fermement. Il suivit sa cousine du regard se dirigeait vers la cheminée qui distillait une chaleur agréable alentour, et attraper une bouilloire pour préparer le thé. Il sursauta légèrement, ne sachant que répondre. Il ne buvant que rarement du thé et il ne savait auquel allait sa préférence.

-Euh... peu... peu importe, je prendrai le même que toi. Je ne m'y connais pas beaucoup en thé.

Il l'écouta parler, livrer ce qu'elle ressentait, ce qui lui pesait sur le coeur, par rapport à Morwen, à sa cécité, au destin. L'Unique pour lui, ne signifiait pas grand chose, il ignorait même si ses parents y croyait. Dans le groupe qui l'avait accueillit dans son enfance on ne parlait pas beaucoup de ces choses-là. Il se souvenait que certains évoquaient Gahîé, sans comprendre vraiment à quoi cela faisait référence. En somme, il ne s'était jamais vraiment posé la question d'une quelconque puissance supérieure... il avait son amour pour Vhaxas pour cela.

Bryne termina sa tirade en prétextant que s'il admirait Morwen cela détruirait Bryne.

-Non ! Lança-t-il sans réfléchir, sans parvenir à se contenir. Dans le même temps, il avait fait un pas vers la jeune femme et avait esquisser un geste vers elle, comme pour la prendre par la taille. La serrer contre lui, il avait pensé à cela, instinctivement, mais il s'était ravisé. La Bryne qu'il connaissait n'aurait jamais toléré un tel geste. Qu'en était-il de la Bryne qui se dévoilait à lui en cet instant ?

Sloan garda le silence, à un pas derrière Bryne, sans parvenir à bouger, ni parler, l'écoutant déverser son fardeau, ses secrets, son coeur se pinçant à l'évocation de cet homme qui avait la chance d'avoir sa place dans le coeur de la jeune femme. Il crispa les mâchoires, serra les poings et se força à respira calmement, lentement et profondément.

Un silence lourd s'installa dans l'air et pesa sur ses épaules alors que Bryne ne disait plus rien, et ne bougeait plus. Pouvait-il la rassurer, en avait-il le pouvoir ? En avait-il même le droit ? Lui était-il permis en tant qu'étudiant de prendre la directrice dans ses bras et la serrer fort comme pour la rendre plus tangible, plus vivante contre son coeur... après tout, elle était sa cousine et quoi qu'il ait été par le passé, ils devaient toujours être là l'un pour l'autre... non ?

Il parcourut le peu de distance qu'il y avait entre eux et se colla doucement dans le dos de la jeune femme, la dominant de toute sa taille, baissant la tête il frôla ses cheveux et son oreille. Sans la contraindre ni serrer, il posa simplement ses mains sur ses hanches menues et d'une voix calme et posée il dit :

-Je t'interdis de penser que tu es inutile, Bryne. Sans toi cette école ne se serait pas relevée après l'attaque, il y aurait sans doute eu plus de blessés et de morts. Sans toi je n'en serais pas là, à pouvoir contrôler et mon don et mes humeurs.

Son coeur battait tellement fort, au contact de son corps contre le sien, il en avait des étoiles devant les yeux, les jambes flageolantes et l'estomac noué. Il sentait la discrète présence de Vhaxas à l'orée de son esprit, qui avait la décence de ne pas se manifester, mais Sloan sentait sa présence rassurante et son soutien. Il ferma les yeux et inspira les fragrances de la jeune femme qui se mélangeaient et lui parvenaient. Jamais plus il ne pourrait être aussi près d'elle... il voulait prolonger ce contact le plus longtemps qu'il lui serait permis.

Sloan perçut à peine le bruit de la porcelaine qui tintait, tremblant dans les mains de Bryne et quand elle reposa la tasse. Quand elle se retourna pour lui faire face, il crut qu'elle allait s'éloigner, le repousser, voire le gifler, lui cracher au visage ou l'ignorer, purement et simplement. Pourtant, elle posa simplement une main sur son bras, son torse, son cou, puis sa joue, et retira sa main aussitôt comme si elle s'était brûlée. Le jeune homme se rendit compte que c'était la cécité qui provoquait l’hésitation chez la jeune femme et ne bougea pas, fixant du coin de l'oeil les doigts fins qui avait autant le pouvoir de la vie que de la mort si elle le voulait. Il n'avait pas peur, il était juste prudent. Les doigts légers se reposèrent sur sa joue, moins hésitants et Sloan ferma un instant les yeux, retenant le souffle qui lui manquait. Les paroles de Bryne sonnaient creux et il ne parvenait toujours pas à s'inclure dans ce "tous" dont il avait toujours fait partit, sans le vouloir. Il avait vu Mi-Cha et d'autres se démener. Il savait qu'il avait lui-même donné de la puissance dans ses attaques, mais il n'était pas plus fier du résultat. Il s'était vidé de son énergie bien trop tôt, incapable de faire appel à son don comme il l'aurait souhaité, s'il s'était entrainé plus depuis plus longtemps. Mais il ne s'appitoyait plus sur son sort et allait de l'avant, s'entrainant d'arrache-pied depuis ce jour-là, en plus des cours.

Il rouvrit les yeux et vit Bryne, le visage levé vers le sien. Elle constaté qu'il avait grandi et rougissait. Etait-ce le contact, la proximité, la gêne, ou la chaleur du feu qui la faisait rougir si aimablement ? Son discours se fit plus personnel, argumentant une enfance, deux enfances en vérité, si différentes et secrètes. Sloan baissa un peu les yeux, de honte, se remémorant le comportement odieux qu'il avait eu avec elle la première fois qu'ils s'étaient rencontrés, alors qu'elle était spontanément venue vers lui, sans le connaître, désireuse de le connaître et de lui enseigner leur héritage, leur famille commune. Elle expliqua ce qui les opposait, ce qui les rapprochait peut-être un peu, son don si particulier et si puissant, pour lui faire comprendre qui elle était... ou ce qu'elle s'imaginait être. Lui ne la voyait pas ainsi. Elle ne serait jamais le monstre qu'elle pensait être, à ses yeux et il ouvrit un peu les lèvres comme pour répondre, protester, argumenter, mais aucun mot ni son ne venait. Que pouvait-il répondre à cela ? Elle n'avait peut-être pas tord c'est vrai, mais lui ne voyait pas les choses de cette façon-là... en même temps, il ne s'était jamais vraiment posé la question. Elle avait toujours été une entité étrangère et pourtant si familière, comme une partie de son être, pour l'aider à se sentir plus entier, complet.

L'entendre dire qu'ils étaient pareilles, qu'ils se ressemblaient, c'était plus que ce que Sloan avait pu imaginer. Bien sûr il y avait leurs cheveux et jamais Bryne ne verrait comme la ressemblance était plus frappante aujourd'hui. Ils avaient tous deux cet air juvénile qui les faisait paraître plus jeunes que leur âge réel. Mais en-dehors d'une vague ressemblance physique, jamais le Terra n'aurait pensé que Bryne puisse le considérer comme son égal... son semblable.

La jeune femme avait baissé les yeux, rouge de nouveau, enlevé sa main de la joue de Sloan et il n'était plus qu'obnubilé par ce visage si doux capable de tant de colère et de carnage sur un champ de bataille.

Lentement, il leva une main vers le visage de la jeune femme, l'autre toujours sur sa hanche. Il posa sa paume chaude contre la joue de Bryne et la sentit froide et tremblante.

-Oh Bryne... souffla-t-il en la serrant un peu plus contre lui, désireux de lui distiller sa chaleur pour qu'elle ne tremble pas, qu'elle n'ait plus froid, plus jamais, qu'elle se sente en sécurité, à l'abri dans cette pièce qui se faisait le témoin d'un échange intime, déplacé peut-être.

-Je suis tellement désolé de m'être comporté comme un crétin. Je suis désolé... que nos familles ne soient pas celles qu'elles auraient dû être. Depuis toujours j'ai fais des choix pas toujours judicieux, qui m'ont tellement coûté. Des choix qui m'ont éloigné de parents qui ne m'ont jamais aimé. Des actes qui m'ont valu la prison et la peine de mort... Jusqu'à l'attaque sur l'académie, je ne pensais pas être digne de devenir l'allié d'un dragon, de devenir soldat d'élite, dragonnier. Mais beaucoup de choses ont changé, à commencé par moi. Et je suis tellement désolé que tu ne puisses pas le voir... Avoua-t-il dans un souffle, le coeur à vif de ne pouvoir lui avouer ce qu'il ressentait, se permettant seulement d'être le cousin, l'ami, le confident, rien de plus.

Il se recula un peu, lâchant subitement la jeune femme et recula de quelques pas. Il se cogna à l'angle du bureau, se prit les pieds dans une chaise et bouscula quelques livres qu'il s'empressa de ramasser pour les remettre sur la table. Il avait l'intention de se précipiter vers la porte et de sortir de ce bureau pour ne plus jamais y revenir, faire en sorte de ne plus être seul dans la même pièce que Bryne, son contact, son regard mort, étant trop d'entailles dans son âme. Mais il n'avait plus bougé après avoir ramassé les livres, parfaitement immobile et silencieux, la pièce emplie seulement du crépitement des braises dans l'âtre.

Soudain, il se redressa et revint vers la jeune femme. Il lui prit le visage entre les mains et l'embrassa avec force, mais délicatesse à la fois, inspirant les senteurs de la jeune femme comme pour les faire siennes et les imprimer pour toujours dans sa mémoire. Alors le temps n'avait plus d'emprise et son esprit se vida totalement. Plus rien n'avait d'importance, le monde n'existait plus. Il n'y avait plus qu'elle et son contact contre son corps.

La réalité le frappa de plein fouet, le ramenant à l'endroit et l'instant présent. Bryne le repoussa violemment, criant et gesticulant, comme affolée. La magie n'opérait plus, le charme était brisé, par ce simple baiser, ce contact que le jeune homme avait provoqué, cette intrusion alors qu'il n'y avait pas été invité. On ne l'avait jamais repoussé avec tant de virulence, mais en même temps il n'avait jamais été jusqu'à voler un baiser à une jolie demoiselle. Pas comme ça. Il aurait mieux fait de partir quand il en était encore temps, quand il avait souhaité ne plus être dans la même pièce que sa cousine... il avait deviné que ce serait désormais le cas et qu'il lui serait d'autant plus difficile de faire marche arrière. Le mal était fait et alors qu'il avait voulu reconstruire, il n'avait fait que détruire un peu plus.

Il regardait, tétanisé, les ronces crever la peau de Bryne, répandant son sang en autant de perle sur sa peau et ses vêtements, et l'entourer comme une bulle hermétique et protectrice. Il perçut au loin la menace de Hagen, ressentant la terreur, la colère et la douleur de sa dragonnière. Sloan se recula, un pas après l'autre, puis courut vers la porte et s'enfuit comme le lâche qu'il avait toujours été, dans les couloirs jusqu'à l'extérieur. Il sentait déjà la puissance de son don gronder dans sa poitrine. Il sentait les vibrations sous ses pas, à chaque foulée qu'il faisait et la voix de Vhaxas retentissait, affolée, dans son esprit.

*Qu'as-tu fait, Sloan ? Pourquoi tu as agi ainsi ? Tu sais que tu n'aurais pas du, hein, tu le sais, n'est-ce pas ?*

Le jeune dragon n'obtint pour toute réponse qu'un tremblement de terre à peine maitrisé, si faible que les autres ne devaient pas le ressentir, mais lui savait que s'il ne se maitrisait pas, il n'y aurait plus d'académie, ni d'étudiants. Alors il continua à courir, sans fin, pour éviter que son don ne se concentre à un endroit précis, pour éviter aux fondations de trembler et de s'effondrer, et il courut ainsi jusqu'à en perdre le souffle et même encore il continua jusqu'à l'extérieur de l'académie, sur les chemins qui montaient en direction du volcan, parce qu'il n'y aurai que là qu'il pourrait laisser toute la puissance, toute sa honte, toute sa rage, toute sa peur, s'exprimer, sans risquer de faire plus de mal à ceux qu'il aimait... car il ne sait faire que cela : blesser les gens qu'il aime.

Alors seulement la terre semit à trembler plus fort lorsqu'il s'arrêta enfin et s'écroula au sol, totalement vidé de son énergie. Vhaxas atterrit à ses côtés et l'enveloppa, alors que le terrain s'affaissait déjà autour de lui et les arbres déracinés menaçaient de l'écraser. Il emmena son dragonnier à peine conscient loin au-dessus de la terre, car il n'y avait que là qu'il ne pourrait faire de mal à personne, et qu'il pourrait retrouver ses esprits.

Les larmes roulaient en cascade sur ses joues, séchant presque aussitôt à cause de l'air sur son visage. Il pleurait en silence du gâchis dont il était capable, incapable de construire la moindre chose positive... comme il était difficile de changer...