Le retour des vacances avait été quelque peu difficile. Revoir Nahel, devoir le laisser repartir, tout cela l'avait chamboulée, même si Jillah était aussi retournée à Lindorm le cœur plus léger. Elle était de bien meilleure humeur, plus à l'écoute de ses camarades et bien plus concentrée durant les cours et ses notes bien plus stables. Evidemment, elle avait rejoint le haut du panier comme auparavant et elle prenait bien plus plaisir à suivre ses matières préférées.

Sans oublier la joie de voir l'un de ses héros devenir professeur ici-même! Ivar Björnulf! Elle avait cru l'apercevoir au bal mais n'en était pas certaine alors, et là, voilà qu'il leur faisait cours! Bon évidemment, elle aurait préféré qu'il leur dispense un cours plus tourné vers les dragons mais c'était déjà mieux que rien! Bien sûr, elle avait surtout été surprise! Plus que la matière, c'était le fait qu'elle l'ait comme professeur qui l'avais surprise au plus haut point et surtout de constater à quel point il avait changé. Aux dernières nouvelles, il avait de longs cheveux blonds mais cet homme avait les cheveux blancs et ils étaient bien plus courts! Enfin, il avait bien été présenté en tant que Professeur Björnulf. Ainsi, le doute n'était plus permis!

Souriant, elle se rendit au gymnase pour se préparer pour le cours d'athlétisme justement, profitant de son heure de battement entre deux cours pour se préparer et pourquoi pas faire quelques étirements. La jeune étudiante Terra entra donc dans le bâtiment et se dirigea vers les vestiaires pour se changer et passer sa tenue de sport composée d'une brassière exposant son ventre plat et musclé, ainsi qu'un pantalon noir. Ensuite, elle retourna dans la salle principale et haussa un sourcil en voyant un ballon traîner près de la réserve.

Quelqu'un avait dû le faire tomber en rangeant les autres. Soupirant doucement, la jeune femme se pencha pour le prendre et poussa la porte en chantonnant et en faisant tourner le ballon sur son doigt. Mais, alors qu'elle pensait simplement trouver le matériel de gymnastique habituel dans la pièce, elle se figea et le ballon lui échappa des mains, tomba au sol et rebondit plusieurs fois avant d'être arrêté par le mur.

Devant elle se tenait justement le professeur Björnulf et une autre personne qu'elle peinait à distinguer à cause de l'obscurité. Et visiblement, ils n'étaient pas là pour ranger ou pour préparer un cours en commun...Non, ils étaient occupés à tout autre chose...Plissant les yeux, elle aperçut des cheveux bleus et un torse d'homme plutôt fin. La bouche entrouverte, et les yeux agrandis par la surprise, elle commença à reculer :

-Euh je...excusez-moi...

Quel choc! Le professeur Ubieto et le professeur Björnulf! Ici, ensemble! La jeune étudiante Terra n'en revenait pas.

Pour rien au monde, il n’aurait voulu en cet instant, en cette semaine, changer de place. Ivar était comme une goutte d’eau dans le désert, dans l’aridité moite qu’avait été son existence. Chaque matin il se réveillait à ses côtés et il ne pouvait croire qu’un homme tel que lui soit à ses côtés, qu’il subisse ses sautes d’humeurs, ses assauts perpétuels avec le sourire d’un homme comblé. Il savait qu’Ivar avait été un coureur de jupon, mais aujourd’hui ce trait de caractère lui rendait un fier service.

Ses élèves le traitaient souvent de psychorigide qui devait sans doute avoir un balais de trois mètre coincé dans l’arrière train, mais au final cela convenait au professeur. Il préférait ça à passer pour le pire débauché de tout Laragon. Chose qu’il devait sans doute être.

« Tu n’as pas intérêt… »

Son regard bleuté rencontra celui de l’élève qui se tenait et son corps tout entier se figea. Il se passa quelques secondes sans qu’il réagisse, puis son visage vira au cramoisi et instinctivement il repoussa violement Ivar pour refermer sa chemise.

« Ma..mademoiselle Le Derrien.. » Dit Caeruleus d’une voix un peu tremblante. Il chercha dans sa tête une piètre excuse qui pourrait légitimer leurs actions mais il ne trouva rien de suffisamment intelligemment à dire. Sa tête se tourna vers Ivar, cherchant un quelconque soutien alors que ses poings se serraient sur sa chemise pour la maintenir fermée.
Au final, l’énervement prit le pas sur la peur et il lâcha d’une voix sèche :

« Que faites-vous ici ? Votre cours ne commence pas avant une heure… »

Oui, il connaissait les emplois du temps de chaque session par cœur, sa capacité à mémoriser de telles choses lui rendait quelques fois service. Se passant la langue sur les lèvres dans un tic nerveux, il enfonça ses lunettes sur son nez et croisa les bras sur sa poitrine, un air véritablement contrarié sur le visage.
Contrarié d’avoir interrompu, contrarié d’avoir été surprit, contrarié de ne pouvoir se sortir de cette situation sans perdre sa dignité.

La réaction de Caerus ne se fit pas attendre, s'effarouchant en se couvrant de nouveau, alors qu'Ivar, décidément très torse-nu, ne sembla pas le moins du monde gêné de s'exposer ainsi. Mais c'était surtout la frustration qui dominait, et il poussa un soupir qui ressemblait à un grondement de loup dérangé, croisant les bras sur le torse, se plaçant tout naturellement entre Caeruleus et la jeune femme.

La réaction de son compagnon avait quelque chose de très mignon et il se jura de le taquiner un peu plus tard sur le sujet. Un peu essoufflé d'une envie interrompue, il arborait, au contraire du professeur de stratégie, un sourire chafouin, se passant une main dans les cheveux, pas franchement trop gêné. Voir pas du tout en réalité.

"Mademoiselle, Le Derrien, je sais qu'il est louable de venir s'entraîner en avance mais je suis occupé à l'entraînement particulier de Ciry... heu de votre professeur Ubieto."
Ivar n'était pas du genre farouche mais enfin... Il préférait qu'elle se concentre sur lui pour laisser à son amant le temps de se remettre un peu. Leur désir mutuel n devait guère être très discret. Bah, quelle importance ? Ils ne faisaient rien de mal, après tout. Et il espérait que la jeune femme n'allait pas faire de scandale inutile. les adolescentes pouvaient être tellement pénibles.

Hein? Hein? Quoi? Non, sérieusement, Jillah ne savait pas quoi penser de cette situation. Elle regardait ses deux professeurs, l'un débraillé et l'autre torse-nu, l'un en colère l'autre absolument pas gêné d'avouer qu'il était occupé avec son "compagnon". Non vraiment, la situation avait quelque chose de surréaliste! La jeune étudiante se fichait bien des préférences de ses deux professeurs, ils faisaient bien ce qu'ils voulaient mais...dans une pièce du gymnase! En pleine journée! Ce n'était tout de même pas à elle de s'excuser après tout! Ils auraient pu se douter qu'un élève pouvait surgir à n'importe quel moment ou presque!

Les joues rougies par la gêne et le début de colère qui commençait à poindre, la jeune femme remonta le menton en croisant les bras sur sa poitrine généreuse, toisant ses deux professeurs :

-Je sais bien que mon cours ne commence que dans une heure, professeur Ubieto, seulement je tiens à occuper mon heure de libre de manière utile. Enfin j'ai bien l'impression que vous en faites de même...

Non mais vraiment, comme professeurs irresponsables, ils se posaient là tous les deux! La jeune femme pencha la tête sur le côté en souriant:

-Et bien je ferai sans doute mieux de vous laisser à votre "entrainement particulier". Je ne voudrais pas que vous ayez à faire cours dans...cet état.

Finit-elle par dire en pointant leur pantalon du doigt. Ah les hommes! Avec ça, s'ils comptaient l'impressionner, ils devraient se montrer créatifs. Et ils n'avaient surtout pas intérêt à la punir alors que c'était EUX qui étaient en tort!

Levant les yeux au plafond, elle posa la main sur la poignée de la porte et s'apprêta à sortir. Pas question qu'elle soit en plus obligée de les regarder faire!

Pourquoi ne pouvait-il pas tout prendre avec la nonchalance d’Ivar ? Parce qu’au fond de lui, il avait honte, honte de ce qu’il était, honte d’être aussi lubrique, honteux d’éprouver finalement du plaisir à se faire surprendre de la sorte. Ses yeux se redressèrent, fixant les larges épaules de son amant qui se mettait devant lui. Il rougit de plus belle, refermant sa chemise un peu précipitamment, boutonnant dimanche avec lundi.
Fusillant la jeune Terra quand elle se permit une remarque sarcastique, il allait lui répondre sur le même ton quand Ivar s’interposa, l’appellant par son surnom et ne cachant aucunement leur activité.

Comme deux ronds de flans, il sentit le rouge lui monter au visage et il se cacha dérrière ses lunettes. Sa main trembla légèrement, mais il apprécia qu’Ivar encaisse une partie de sa honte et le masque un peu à la vue. Néanmoins, il n’aimait pas qu’on étale sa vie de cette façon.
Les bras toujours croisés sur sa poitrine, il marmonna :

« A quoi ça sert d’avoir un don de vision, si tu ne peux même pas prédire ce genre d’accident... »

Poussant un soupir, il se tendit quand Mademoiselle Le Derien fit une remarque sur leur état mutuel. A quoi s’attendait-elle ? Jouant avec sa salive, il émit un son qui montrait clairement son agacement et son esprit se mit à fuser pour trouver une solution à tout le problème.
Sa main se posa finalement sur l’épaule de son amant et une lueur de victoire brilla au fond. D’un geste du menton, il indiqua l’élève et lança avec cynisme :

« Rattrape là ! J’ai une solution à notre problème... »

Enfonçant ses lunettes sur son nez, sa main glissa le long des reins d’Ivar et il fit claquer ses dents à son oreille en lui chuchotant :

« J’ai hâte de reprendre cet entraînement particulier... »

Lui souriant par dessus ses lunettes, il sortit de sa poche sa paire de gant blanc en tissus et les enfila lentement. Il tira sur le tissus pour les ajuster, ce qu’il s’apprêtait à faire risquait de les éclabousser un peu, autant être protéger.

Finalement, il se figea de nouveau, son corps pivota et ses yeux se braquèrent sur le nouveau venu. Sa tempe se mit à battre frénétiquement et ses yeux se firent assassins.

« Monsieur Jung, tiens donc ! Venez, plus on est de fous plus on rit n’est-ce pas... »

Lançant un regard complice à Ivar qui avait certainement comprit où il voulait en venir, il le vit fermer la porte derrière Mi-Cha et Caeruleus eut un large sourire.

« Un ou deux, c’est la même chose...Préparez-vous mes chers élèves, vous n’allez pas vous en remettre... »

Peu importe que Mi-Cha fasse une syncope ou que Jillah s’énerve. Dans quelques instants tout serait bientôt finit.

Vraiment, pourquoi en faire tout un plat ? L'air offusqué de Jillah lui tirait un sourire plutôt qu'autre chose, et se faire pointer du doigt le fit vraiment éclater brièvement de rire, incapable de contenir cette hilarité.
"Ce serait scabreux, c'est sûr." Répondit-il à la jeune fille, pas du tout gêné pour sa part - l'armée n'était pas le même genre de milieu et vivre tout ce temps avec ses hommes lui donnait une familiarité naturelle et une aisance certaine dans la promiscuité. Après tout, lors des mois de campagne, paumés au milieu d'approximativement nulle part et rien, les hommes et femmes avaient tendance à avoir des besoins qu'ils assouvissaient tandis que les autres faisaient mine de ne pas entendre. Il y avait bien quelques blagues bien graveleuses, mais rien de bien méchant en somme. Son amant était toujours si pudique - oui bon, sauf avec lui... - que cela en devenait presque comique.
Néanmoins, son affection pour l'autre homme lui donnait envie de le ménager et il le cachait naturellement, se fichant pas mal d'être torse nu. Son excitation ne tarderait pas à se calmer, d'ailleurs et il accusa le grommellement de Ciry avec un nouveau rire franc, lui répondant tout de go : "Mon cher, à moins que je ne lise l'avenir dans quelque... fluide de ton charmant corps, je ne voit pas comment j'aurais pu Voir quoi que ce soit."
Son sourire était délibérément taquin. Il espérait désamorcer la situation, soulagé de voir que Jillah semblait vouloir quitter les lieux sans faire trop d'esclandre quand l'entrée en scène d'un nouvel élève le conduit à poser sa main sur son visage avec un lourd soupir. Ce n'était pas un moulin, cette réserve !

Le jeune homme... Jung ? semblait trop choqué pour parler et Ivar resta un moment à se demander ce qu'il convenait de faire, maintenant. Bon, ce n'était pas dramatique - sa propre excitation c'était calmée et il soupira de nouveau, avant d'être pris de vitesse par un Caeruleus débraillé, qui les enferma tous les quatre. Mais que...

Il comprit, alors que son compagnon remontait ses manches, et son sang se glaça un instant. Bien sûr, il connaissait le Don de son ancien lieutenant. Bien sûr, oui. Mais il n'allait quand même pas...

Sortant de son hébétement d'un instant, il fondit aussitôt sur son cadet, lui attrapant les mains. "Non mais tu crois faire quoi, là ?" Gronda-t-il, la voix grave, les pupilles dans ces prunelles bleues rétrécies à deux fentes.
"Ce sont des enfants, Caerus. Est-ce que c'est si grave s'ils nous ont vu ? Arrête tes conneries. Maintenant." Sa voix cinglait, comme à l'armée, en un ordre sortit avec l'habitude de ceux qui détiennent sous leurs ordres tant de vies.
Sans ménagement - il était fâché - il attrapa plus fermement son amant, le forçant à rester contre lui et ouvrit la porte d'un coup de pied bien sentit, faisant sauter la serrure, libérant le passage.
"Excusez-le. Il est un peu à cran. Alors il fait des conneries, comme tout le monde." Fit-il, surveillant son compagnon, d'un geste adroit, ignorant les éventuelles tentatives pour se libérer, il l'entoura d'un bras, le calant contre lui avec autorité. Oui, était-ce si grave qu'on les ait vu ? Ca n'avait pour le professeur d'Athlétisme aucune importance : il avait été très clair sur ses motivations en venant à Lindorm et si jouer à se cacher était amusant cinq minutes, hors de question d'altérer des mémoires pour le confort égoïste de ce joli oiseau bleu.

L'arrivée de Mi-Cha surprit Jillah qui sursauta légèrement en se retrouvant face à son camarade Terra. Elle aurait préféré qu'il ne soit pas témoin du triste spectacle que leur offrait leurs deux professeurs débraillés. Mais elle n'en avait pas eu le temps. Le jeune homme semblait être totalement pétrifié. Evidemment, lui qui tenait aux traditions et aux protocoles de son pays...il devait être bien mal à l'aise face à ce genre de situation. Et pourtant...il faudrait probablement qu'il finisse par s'y habituer.

Enfin pour l'instant, elle devait surtout le faire sortir de cette pièce ou alors le pauvre Mi-Cha allait finir par faire des cauchemars voire même une syncope! Seulement, ce n'était visiblement pas dans l'idée du professeur Ubieto dont le regard ne présageait rien de bon.

Par réflexe, la jeune étudiante Terra se plaça devant le jeune homme et fronça les sourcils:

-N'avancez plus professeur!

En position de défense, la jeune fille tenta de réfléchir rapidement à tout ce qui était en train de se passer. Que comptait-il faire au juste?

Mais ses inquiétudes s'envolèrent quelque peu quand le professeur Björnulf récupéra son compagnon et qu'il lui exprima son désaccord. Il semblait prendre les choses avec moins de sérieux que leur professeur de tactique et stratégie militaire. Un léger soupir de soulagement s'échappa des lèvres sensuelles de la jeune femme qui se tourna ensuite vers Mi-Cha:

-Ca va aller. Ce sont nos professeurs après tout, il n'y a aucune raison pour qu'ils s'en prennent à nous d'une quelconque façon...

La jeune Terra se redressa et se détendit complètement, un léger sourire aux lèvres lorsqu'elle tourna la tête vers Ivar:

-La situation est assez peu conventionnelle, je comprends donc les inquiétudes du professeur Ubieto. Cependant, sachez que nous ne sommes pas des commères. Ce que vous faites vous concerne vous et seulement vous. D'ailleurs, vous pourriez faire ça dans votre bureau et votre chambre, vous prendriez moins de risques...

Jillah se gratta finalement la tête. Pourquoi avait-il fallu qu'ils se mettent dans cette situation! Elle allait avoir du mal à regarder le professeur Ubieto et le professeur Björnulf comme avant maintenant!

La journée n’était pas terminé que Caeruleus avait déjà envie d’aller se coucher, d’oublier tout ce qui venait de se dérouler et de passer à autre chose. Non vraiment, des fois les jours n’apportaient rien de bon.
Poussant un soupir agacé sous la remarque plus que déplacée d’Ivar sur ses fluides corporels, il enfila ses gants, prêt à tout pour préserver son intégrité. Il ferma la porte durement avant de poser son regard bleus sur ses deux élèves. A vouloir fouiner on ne récoltait que des ennuis. Un sourire aurait presque pu naître sur ses lèvres, mais il se retint, se contentant d’hausser un sourcil quand Mademoiselle Le Derien lui ordonna de rester à distance. Etait-elle sérieuse ? Croyait-elle un seul instant qu’elle ferait le poids face un ancien soldat des Escadrons d’élite ?

Caeruleus était certes, mince, fluet, il n’en restait pas moins dangeureux. Agitant les doigts sous le regard effrayé de Monsieur Jung, il souffla doucement :

« Dans quelques secondes, tout cela ne sera qu’un mauvais souvenir... »

Il allait fermer les yeux pour se concentrer quand des mains se refermèrent sur ses poignets. Son regard transperça Ivar, répondant à sa colère avec tout autant de rage. La voix forte de son ancien Capitaine claqua dans l’air et pendant un instant Caeruleus vacilla. Il replia ses doigts, obéissant à la voix impérieuse, obéissant à celui qui lui avait donné des ordres pendant plus de quatres ans, obéissant à celui pour qui il avait cacher la moindre parcelle de son être.
Puis finalement, il gronda :

« Tu n’es plus mon supérieur Ivar, je n’ai aucun ordre à recevoir de toi... »

Soutenant son regard, il ouvrit grand les doigts pour faire appelle à la brume. Le coin de sa lèvre tressauta alors que la colère grondait en lui. Il faisait ça pour eux, il faisait ça pour les protéger. Il ne voulait pas qu’on sache, il ne voulait pas qu’on sache qu’il était, un être pitoyable, incapable de se retenir, de sombrer à la moindre pulsion lubrique. Il se fichait d’alterer la mémoire de ces élèves. Il voulait juste tout effacer et tout recommencer.

Ivar le saisit durement, le destabilisant, faisant reculer la brume qui passait sous la porte. Porte qui s’ouvrit en grand sous les assauts de son amant. Le professeur de Stratégie se débattit furieusement mais Ivar était Ivar, il n’aurait sérieusement aucune chance contre lui.

« Lâche moi.. » Grogna t-il à l’encontre de son amant. Puis ses yeux fixèrent Jillah et il eu un sourire blasé. Merci du conseil Mademoiselle Jillah, mais la situation n’était pas aussi simple qu’il n’y paraissait. Se retenant de cracher ses sarcasmes, il s’arrêta finalement de remuer, stupéfait par la remarque de Jung.

Le sang lui monta à la tête, se fichant qu’il soit en état de choc.

« Bienvenu dans le monde réel Monsieur Jung, il serait peut être temps de quitter les temps anciens pour vivre à notre époque ! » Cracha t-il avec cynisme.

Tourjours tenu à la taille par un Ivar définitivement au mieux de sa forme, il coula un regard vers lui et lança :

« Ne crois pas que je fasse cela pour pur amusement Ivar, je nous protège c’est tout. Je ne veux pas qu’ils sachent, personne ne doit savoir, pour nous, pour moi... » Serrant les dents pour ne pas en dire plus, il serra les poings et rajoute amer : « Je nous protège de ces arrièrés qui pensent encore comme au siècle dernier....et quoi, tu ne crois pas qu’il s’en sortirait mieux si j’effaçais tout ? »

Pestant, il se débarassa du bras et ses yeux fouillèrent la pièce pour tomber sur la lettre. Il fit quelques pas la ramassa avec hargne et la tendit à Mi-Cha.

« Ce qui est indécent, c’est votre façon de penser... » Oui il était glacial et intransigeant, mais il ne ferait aucun cadeau, à personne. Car personne ne lui en avait fait.

Ivar maintenait Caerus avec force, là, tout contre lui. Il ne le laisserait pas faire. Il ne pourrait se le pardonner. C'était de leur faute, toute cette affaire, hors de question d'aggraver les choses. Le jeune homme aux cheveux blanc semblait le plus choqué - heureusement que Jillah faisait preuve de réflexion. Il pouvait le comprendre, il était très clairement Wushei, cela se voyait rien qu'à son visage, mais aussi à sa manière de parler et aux termes caractéristiques. Il connaissait un peu la culture Wushei, après tout ça l'avait intéressé à l'époque de Lindorm : parce que c'était aussi un peu les origines de son cher Fergus et que tout ce qui touchait à Fergus l'intéressait en définitive. Donc il avait connaissance de leur mode de pensée et leurs manières. Il se sentit désolé qu'il ai vu cela, et que cela ébranle tant les fondements de son éducation.

Une fois sûr que Caeruleus n'userait pas de son don - il comptait bien l'en empêcher, quitte à l'affronter directement - il relâcha un peu sa prise. Son ancien lieutenant ne faisait pas le poids face à sa force physique, même s'il avait d'autres armes en réserve. Cependant, ce serait toujours suffisant pour éviter les problèmes immédiats.
Cependant, il resta un instant sans voix devant les propos de son amant, sentant lui aussi la colère commencer à poindre... Comment pouvait-il seulement dire de pareilles choses ?
Ivar avait le sang chaud, pour un Nordeheimir et était plus proche de l'eau tumultueuse que du calme lac. Et entendre de tels propos lui fit aussitôt voir rouge, acceptant cependant de lâcher Caerus pour le laisser aller chercher la lettre du pauvre gamin. Se campant bien droit, mains sur les hanches, il lâcha finalement d'une voix pleine de colère rentrée : "Comment oses-tu dire des insanités pareilles ? Non mais tu t'entends parler ?"

C'était proche de l'explosion et Caeruleus mit le feu aux poudre, par son attitude méprisante alors que Caeruleus attaquait directement la manière de penser de Mi-cha. Que savait-il de la manière de penser de ce gamin ?
La colère enfla comme une vague de fond, et il ne put plus retenir ses propos : "Dit le petit péteux. Non mais tu te prend pour qui pour critiquer sa culture ? Tu crois que la tienne vaut mieux ? Tu crois que tu n'es pas arriéré, toi qui ne fait même pas l'effort de comprendre qu'on puisse être conditionné par notre éducation ? Hein ?" Du doigt, il heurta le torse de son amant, se positionnant naturellement entre lui et Mi-cha, ainsi que Jillah. Le menton relevé, dents serrés, la colère balayait tout.

"Tu fais des chichis sur le fait qu'on nous ai vu et c'est lui, l'arriéré ? Non mais t'as quel âge, putain ? C'est bon, on est deux adultes, on est en droit de nous envoyer en l'air si ça nous chante. Mais la p'tite à raison, c'est nous qui aurions dû être plus prudents." Il avait désigné Jillah du pouce par dessus son épaule, sa voix portant avec autorité, comme lorsqu'il passait un savon à l'un de ses hommes. C'était de vieux réflexes, il avait passé vingt ans là bas, après tout.
"Et non, tu n'effaceras pas la mémoire de personne. Tu sais pourquoi ? Parce que c'est ainsi que l'on peut se construire et apprendre. Sans échecs ni erreurs, sans choses qui nous heurtent, nous ne pouvons grandir et apprendre !" C'était ce qu'il pensait, le plus simplement du monde. Il était trop facile de tout faire sombrer dans l'oubli. Mais alors personne ne tirerait jamais de leçons de rien, pas même eux, puisqu'il serait si facile de ne jamais se mettre dans l'embarras.

"Les p'tiots sont sous notre responsabilité ! Nous ne serions que des criminels si nous utilisions nos dons pour notre petit confort d'égoïstes." Il était résolu, clairement, à défendre les deux élèves. C'était leurs conneries qui les mettaient dans l'embarras, hors de question de les laisser tomber. Ivar n'était peut-être pas un saint, mais il avait de l'honneur. Un honneur qui le pousserait toujours à protéger les autres, même avec toute sa naïveté, sa maladresse et ses bêtises. "Et je ne te permet pas de les juger ! Quel professeur es-tu pour le matraquer de ton opinion sans prendre celle du petit en compte ? Moi j'ai tout plaqué pour venir ici pour être avec toi, alors ne me la fais pas à l'envers façon adolescente qui doit se planquer dans les placards. Pigé ?"

Son regard, sur la fin, s'adoucissait. Ses colères, violentes, étaient plus spectaculaires que vraiment durables. Il voulait juste lui faire comprendre qu'il avait tort, sans trop savoir quoi dire de plus, mais maintenant qu'il avait vidé son sac, il restait, l'air un peu bête, sans trop savoir s'il pouvait le prendre dans ses bras pour le consoler où s'ils devaient partir fâchés.

Bien sûr qu'elle avait peur de ce que le professeur Ubieto comptait faire! Seulement, elle ne pouvait pas paniquer alors qu'elle était responsable de la sécurité de son cadet. Heureusement, Ivar vint à leur rescousse ce qui lui permit de se détendre et de souffler, se redressant pour reporter son attention sur Mi-Cha qui semblait être totalement perdu.

-Tout va bien Mi-Cha...

Son expression hallucinée inquiétait la jeune femme. Voir deux hommes dans cette tenue et dont les intentions étaient plus que claires semblait lui faire perdre tous ses repères. Elle comprenait que cela puisse le choquer mais...cela devait bien exister dans son pays non? Jillah ne connaissait malheureusement pas bien le Wuweishu et ses traditions.

Et les paroles de son cadet pouvaient parfaitement blesser leurs deux professeurs. Ce qui sembla être en effet le cas concernant le professeur Ubieto qui s'en prit au jeune homme. L'étudiante Terra posa sa main sur l'épaule de Mi-Cha:

-Professeur...je vous en prie...nous ne dirons rien de ce que nous avons vu, c'est une promesse. N'est-ce pas Mi-Cha?

Le pauvre semblait être au bord de la crise de nerfs. Jillah ne savait pas comment le calmer. Elle ne pouvait pas lui dire que ce qu'il avait vu n'était qu'une illusion, il était temps qu'il affronte la réalité du monde, pour s'endurcir, il devait confronter ses traditions avec la vie réelle, même dans tout ce qu'elle avait de plus laid. Même si ce n'était pas le cas ici. Après tout, qu'un homme en aime un autre, cela arrivait plus souvent qu'on ne le pensait, il en était de même pour les femmes. Elle-même s'était laissée aller à ce genre de penchant avec Nailah. Parce qu'elle tenait énormément à elle. Le monde était ainsi fait, tout le monde était différent.

Cependant, la colère du professeur Björnulf la prit de court alors qu'il explosait face à son amant. La jeune femme les regardait, les yeux ronds comme des billes. Était-ce vraiment la peine de se mettre dans des états pareils? Enfin, il fallait dire qu'elle ne connaissait pas très bien les deux hommes, encore moins comment ils étaient en dehors des cours. Mais l'ancien capitaine ne venait-il pas de faire une déclaration à son amant? Sa colère semblait s'être atténuée et il venait de redorer son blason. En plus, n'avait-il pas déclaré qu'elle avait raison? Ca c'était à coup sûr un bon point pour lui! Jillah espérait tout de même que cela suffirait à apaiser le professeur aux cheveux bleus.

Soupirant doucement, elle croisa à nouveau les bras sur sa poitrine, elle ne savait pas vraiment quoi penser de la situation elle-même. Devaient-ils simplement laisser les professeurs s'expliquer à présent? Ou bien n'en avaient-ils pas encore fini avec eux?

Un peu indécise, Jillah reporta son attention sur son cadet. Elle devrait sans doute discuter avec lui ensuite, qu'il ne sorte pas de là avec des questions plein la tête qui le perturberait assez pour lui gâcher sa journée voire même sa nuit. Lui qui était tant à cheval sur les traditions et le protocole...

-Professeur...pouvons-nous y aller?

Humilié. Il était humilié et c’était Ivar qui le mettait dans cette position, c’était leurs regards sur lui qui glissait, le fixant comme une bête curieuse, choqué par ses propos. Ses mains se mirent à trembler alors que la voix impérieuse d’Ivar résonnait, l’abattant d’un avis qui n’était pas le sien, lui crachant avec colère que son éducation ne valait pas mieux que les autres. Qu’il était lui-même un arriéré.
La bouche fermée, le dos droit il le fixa sans ciller, relevant le menton. Il le laissa déverser sa colère sur lui, il les laissa lui jeter des regards mauvais et condescendants. Tous ces petits nobles à l’éducation étriquée qui vivait enfermer dans des murs de marbre, pas de sexe sans mariage, pas d’amour entre hommes, pas d’amour entre femmes, pas d’amour tout court. Mais lui n’était pas noble, il était hors de la norme et on l’avait toujours jugé pour ça, pour être né au fin fond d’un bordel pour y avoir vécu et grandit. Alors oui il s’était construit une barrière hautaine et dédaigneuse, mais il ne voulait pas se souvenir d’où il venait, il valait mieux que ça.

Sa main se referma sur son poignet pour faire cesser les tremblements qui le prenait. Son corps entier le brûlait. De quoi avait-il l’air ? D’un débraillé ? D’une putain ? D’un professeur intransigeant ? Il n’acceptait pas les critiques, il n’acceptait pas qu’on le rabaisse ainsi, pas devant ses élèves, pas devant ceux à qui il devait montrer l’exemple et leur ouvrir esprit par d’autres mœurs que celle qu’on leur avait inculqué.

Reculant quand Ivar avança vers lui, il le fusilla du regard avant de baisser les yeux. Il se mordit la lèvre, furieux, préférant se taire qu’être ainsi de nouveau bafoué et humilié de la sorte. Ses yeux se posèrent sur Jillah, puis sur Mi-Cha qui semblait soudain s’être reconstruits. Il serra les dents sous son ton dédaigneux, qu’il lui crache dessus s’il le voulait. Il avait l’habitude, on l’avait déjà fait. L’envie de s’approcher de lui et de le gifler lui gonfla l’esprit mais il se contint. Il avait envie de lui hurler dessus, de le secouer, de lui demander de quelle éduction il parlait ? Celle du sexe, la seule qu’il est apprit. Celle de la souffrance et de l’humiliation que Morwen lui avait inculquée. Celle de la dépravation la plus totale ?

Le corps tendu, il se tourna vers Mi-Cha et sa voix s’apaisa légèrement. Il enfonça ses lunettes sur son nez et contint tout les sentiments hargneux qu’il sentait poindre au bord de ses lèvres, il entendait Fog rire au plus profond de son esprit et il inspira profondément avant de déclarer :

« Monsieur Jung, je ne prétends pas avoir une meilleur éducation que la votre. Toutefois, pour vous ouvrir un peu l’esprit, vous aller m’écrire une copie, de la longueur que vous voudrez, dans la langue que vous voudrez sur le thème de l’amour. Qu’est-il pour vous ? Qu’est ce que cela représente ? Pourquoi deux hommes ne devraient-ils pas s’aimer ? Pourquoi le mariage devrait-il est indispensable pour l’amour ? Peut-on se marier sans amour ? »

Le fixant à travers ses lunettes, il croisa ses bras sur son torse.

« Pas la peine d’allez fouillez dans les livres de la bibliothèque, je veux votre propre ressentit sur mon bureau demain à 18h. Nous en parlerons tous les deux autour d’un thé…si cela vous convient. »

Détournant les yeux, il fouilla dans sa poche et en sortit un mouchoir en tissus qu’il lui tendit.

« Sumimasen Jung-san, watashi wa anata ga watashi o yurushite negatte imasu* » Dit-il dans un Wushei quasi-parfait.

Se redressant, il fixa Jillah et indiqua la porte du menton.

« Sortez maintenant… »

Quand la porte se referma, son corps se mit à trembler, il fixa Ivar sans dire un mot, les lèvres pincées. Il avait mal au crâne, il avait le corps qui le brûlait, mais il resta fier malgré les mots durs qu’Ivar avait eux à son égard. Il s’était promit que plus jamais personne n’arriverait à le blesser, et même si son amant le rendait faible, il comprit alors que c’était aussi le cas pour lui. Ivar pourrait le blesser, plus profondément qu’un autre, il pourrait le rendre plus heureux que n’importe qui, mais il pourrait aussi l’entraîner dans les abysses les plus profondes. Sans un mot, il ramassa sa cravate qui était tombée et déboutonna sa chemise pour la remettre correctement. Il se rhabilla en silence arrangeant ses cheveux, nouant sa cravate avec habilité. Son cœur battait à tout rompre, d’amertume, de colère, d’envie, il aurait voulut tomber dans ses bras et pleurer de lui pardonner, mais sa fierté l’en empêchait. Il l’avait humilié devant ses élèves, il n’était pour le moment pas prés à lui parler.
Alors quand il fut à peu prés présentable, il posa sa main sur la poignée de la réserve pour en sortir à son tour.


* Désolé, Jung-San, j'espère que vous me pardonnerez.

Ivar s'était adossé un instant au cheval d'arçon, salut ses étudiants d'un signe de tête, un peu attendrit du titre que lui donna le jeune Mi-Cha, lui répondant en un wushei maladroit : "Arigato, Jung-san. Miss Le Derrien." Sa phrase, teinté d'un mauvais accent, avait au moins le mérite d'utiliser la langue dont il connaissait quelques mots, appris par Fergus. Le Capitaine des Comètes de Feu était demi-wushei et proche de la culture maternelle. C'était tout naturellement qu'il avait apprit quelques rudiments à Ivar, décidément peu doué pour les langues étrangères - mais qui parlait le Nordenheimir antique à la perfection.

Il laissa les jeunes gens filer, sachant qu'il reverrait bientôt Jillah pendant le cours, soupirant légèrement de leur avoir involontairement imposé cela.
Le silence qui suivit était inconfortable, il détestait ce moment plein de tension, regardant son amant remettre sa chemise en place avec un soin maniaque. Sa colère, retombée aussitôt, le laissait un peu triste de la situation. Parfois, il était assez évident qu'ils avaient six ans de différence. Ivar ne voyait pas le problème à être vu en compagnie de Caeruleus : sincèrement. Il avait beau tenter de se mettre à la place de son amant, il ne parvenait pas à savoir ce que ça pouvait bien faire, qu'on les sache en couple.

Lui-même restait torse nu, s'en foutant un peu, au fond, assis finalement sur le cheval d'arçon, regardant Caerus se rhabiller convenablement, comme s'il ne s'était rien passé, dans un silence inconfortable. Il n'aurait pas dû crier. Mais il n'aurait pas pu se taire non plus. Parce qu'il avait toujours pris la défense de ceux en position de faiblesse et que posséder des dons de dragonniers ne devrait jamais être mis au service de son propre confort. Cela ne ferait que donner raison à ceux qui avaient peur d'eux, qui les craignaient et qui ne les voyaient pas d'un bon œil. L'altercation avec Céleste, vivace, lui rappelait sans cesse les dangers qu'ils pouvaient représenter pour les civils innocents. Et avec sa nouvelle capacité, il avait la crainte de perdre le contrôle de son propre corps, que Sleipnir puisse se servir de lui, de son apparence, pour des choses qui le dépassaient lui faisait au moins aussi peur que de pouvoir lui-même posséder cette apparence formidable. Mais cela, il n'en avait parlé à quiconque, pas même à Fergus. C'était une capacité trop étrange pour lui, qui ne lui vaudrait que des ennuis.

Alors, tandis que Caeruleaus posait la main sur la poignée, sa voix s’éleva, plus douce, bien qu'un peu amère :
"Alors là c'est la partie où tu me fais la gueule parce que je ne suis qu'un gros con et que je t'ai froissé..."
Soupirant, le professeur d'Athlétisme se laissa glisser de nouveau sur ses jambes, fixant le dos de son compagnon de son regard de chien battu.
"Si ça te dérange pas qu'on passe à la partie où je m'excuses, tu t'excuses, et on s'embrasse en se câlinant, ça m'arrangerait, je n'aime pas trop les disputes de couple." Il eut un sourire en coin, un peu triste, lui donnant encore plus un air de canin en recherche d'affection.

Céleste était la pro des disputes de couple. Combien de fois avait-il dû se précipiter avec des fleurs ou des chocolats pour la pousser à lui pardonner ? Combien de fois avait-il dormi sur le canapé, et avait dû lui faire le petit déjeuner au lit pour qu'elle consente à lui passer ses maladresses..?

Doucement, il prit le poignet de son compagnon, sans le brusquer, comme pour le retenir quelques secondes de plus avec lui.
"Ciry, je..." Il se tut, parce qu'il allait dire une grosse bêtise. Il se sentait un peu malheureux qu'ils ne voient pas leur relation de la même manière. Relâchant finalement ce poignet fin, il soupira, se reculant, se passant une main dans les cheveux. Ses yeux - toujours trop bleus - étaient teintés de tristesse. Pourquoi est-ce que c'était toujours tellement compliqué, les relations stables ? Voilà pourquoi est-ce qu'il avait toujours préféré les coups d'un soir. Mais comment devait-il définir Caerus ? Comme un amant régulier ? Ou bien comme un couple... ? Le mot lui avait échappé un peu plus tôt, sans qu'il ne s'en rende vraiment compte.
Finalement, il se détourna, pour récupérer sa propre chemise en lin, l'enfilant, dos tourné, pour cacher combien toutes ces questions l'affectaient en réalité. Que Caerus parte s'il le voulait, après tout, c'était toujours un peu comme ça. Visiblement les relations avec les hommes étaient tout aussi compliquées qu'avec les femmes...

La main sur la poignée de la porte, le cœur battant, la colère encore fraîche dans ses veines, les idées de Caeruleus défilaient à toute allure. Il savait qu’il avait été plus qu’outragent dans ses propos, mais il ne supportait pas qu’on remette en question son mode de vie, ou qu’on découvre ce qu’il était tout au fond. Il avait eu peur, et cette peur le rendait exécrable. Pour lui, il était impossible de tout prendre à la rigolade, il ne pouvait pas réagir comme Ivar.
La main de son amant se posa sur la sienne et il l'observa, regardant cette grande main qui glissait si souvent sur son corps. Il releva son regard pour le fixer, attendant la suite, mais elle ne vint jamais.

Le jeune professeur baissa les yeux, il ne voulait plus partir comme ça, pas sans s’être expliqué, pas sans que tout soit clair entre eux. Chaque jour il remerciait le ciel de lui avoir envoyé Ivar, qu’il fait tout cela pour lui. Tout ce qu’il lui avait dit, il ne l’avait pas oublié. Les mots de l’ancien capitaine l’apaisèrent, il n’y avait vraiment que lui, que quand ils étaient seuls qu’il pouvait autant se laisser aller.

Poussant à son tour un soupir, il se retourna, s’appuyant contre la porte un pauvre sourire aux lèvres.

« Je…je suis désolé Ivar, je n’aurais pas dû m’emporter de cette façon. J’ai..j’ai eu peur. » Rougissant devant l’aveu de sa propre faiblesse, il enfonça ses lunettes sur son nez pour masquer son regard. « Depuis que je ne suis plus dans l’armée, je ne fais plus beaucoup preuve de sang-froid…ca n’a d’ailleurs jamais été ma première qualité… »

Une grimace sur le visage, il pencha la tête sur le côté comme si il réfléchissait.

« Je..je ne veux pas qu’on sache qui je suis, tout au fond, personne ne doit le savoir. Je ne veux pas d’une étiquette de putain lubrique collé sur le dos…Je me fiche qu’on sache que nous sommes ensemble...mais pas comme ça, pas surprit en plein…acte… »

Rougissant de honte, il se redressa et jeta un rapide coup d’œil à Ivar.

« J’ai peur..tout le temps, qu’on apprenne où je suis né, ce que j’ai fais toute mon enfance, toutes mes années à Prima à m’envoyer en l’air avec tous les Inventeurs du Collège pour le seul besoin de satisfaire mon corps...je...Ivar, j’ai honte de ce que je suis. »

Caeru se livrait, entièrement, il en avait besoin, il voulait que son compagnon, son ancien capitaine se mette à sa place, qu’il comprenne juste un peu. D’une voix rempli d’amertume, il se frictionna les bras comme si un grand froid l’avait envahit :

« Ici, personne ne me connait, je..je peux oublier, tout ce qu’il s’est passé avant, je ne veux pas tout gâcher… »

S’approchant d’Ivar qui lui tournait le dos, il posa ses mains sur ses omoplates, sentant sa chaleur à travers le tissu. Sa tête s’appuya contre son dos, juste entre ses larges épaules et il inspira l’odeur si caractéristique du professeur.

« Pardonne-moi… »

Ses mains glissèrent sur les cottes, attrapant les boutons pour les nouer avec dextérité. Son menton se posa sur son épaule et il frotta son nez contre son oreille et ses cheveux blancs si soyeux. Puis, avec un léger sourire il demanda :

« Tu penses vraiment..que nous sommes…un couple ? »

Oui il avait entendu, il l’avait noté, et son cœur s’était réchauffé. Leur relation n’avait jamais été claire, il n’avait jamais mit de mots précis dessus, qui était-il l’un pour l’autre ? Ivar lui avait promit de le protéger, d’être là pour lui, il avait tout quitté, tout abandonner, Caeruleus ne voulait pas croire qu’il n’était qu’une passade, mais tout semblait un peu flou.
La proximité du corps d’Ivar mit le professeur au supplice mais il se contenta de serrer son torse avec force.

Fermant les yeux un court instant il les rouvrit et lança taquin :

« Ne me traite plus jamais de péteux, est-ce que c’est bien clair ?! » Amusé, il déposa des baisers sur la ligne du cou de son amant et resta là. Il avait besoin d’Ivar, il s’en rendait compte maintenant, il comptait plus qu’il ne le pensait…

Spoiler:

Il l'écouta cette fois-ci, lui confier ses angoisses, en silence, remettant sa chemise, restant un instant dos à lui. Il comprenait, bien sûr. Il était parfois difficile de montrer sa vraie nature, de l'assumer. Caerus vivait dans la peur, aux yeux d'Ivar. Ce n'était pas pour rien qu'il était venu à Lindorm. Il savait pour la maladie de son amant, et il lui semblait difficile de vivre ainsi, sans sans cesse craindre de fondre sur quelqu'un. Lui-même avait toujours eu tendance à trop regarder les femmes, et avait couché plus qu'il n'y paraissait, avec tout le monde et n'importe qui, en dehors des hommes.

Il songea pour lui-même que si Caeruleus couchait avec des femmes, comme lui, il serait alors passé pour un Don Juan et salué par les autres hommes, au lieu de quoi on le traitait de putain. Les choses étaient si étranges... Il se prit à penser que les choses auraient pu être similaires pour lui, homme facile par excellence. Il était grand temps, à présent de changer tout ça. Grand temps de donner à cet homme qu'il apprenait à connaître une chance de vivre paisiblement, malgré tout. Et qu'il lui saute dessus n'était jamais pour lui déplaire, il était un homme trop porté sur le charnel, de toute façons. Et Céleste n'avait jamais vraiment pu assouvir cela. Il avait dû se plier trois années à la chasteté et à l'abstinence. Un calvaire pour un homme dans son genre.

Sentant les bras de son compagnon l'étreindre, il le laissa venir à lui, glissant seulement une main sur son bras, son contact était doux et chaud. Familier en si peu de temps. C'était un peu étrange, peut-être. Un peu rapide. Ils se connaissaient à la fois bien et superficiellement, pouvait-il vraiment prétendre connaître Caeruleus ? Il ne savait pas trop. Et c'était sans doute trop tôt pour tout ça.

Son expression se fit plus douce alors que Caeruleus lui parlait de couple et il se sentit rougir un peu d'embarras. Il avait dit ça..? Oui. Etait-ce la réalité ? Oui, aussi. D'une certaine façon, non ? Ses doigts glissèrent sur le bras qui l'étreignait, se laissant reboutonner la chemise, des baisers glissant dans son cou et il pencha un peu la tête sur le côté, chatouilleux, appréciant ce moment.

"Je pense qu'on en est un... Un peu, non ? De couple, je veux dire." Fit le nouveau professeur, un peu maladroitement. Il n'était pas très à l'aise avec les déclarations de quoi que ce soit. "Enfin ça dépend... Tu voudrais qu'on en soi un ?" Il se fit plus hésitant, se tournant pour regarder son amant, frissonnant de ses baisers sur la base sensible de sa nuque, glissant sa main sur sa joue.
Il le trouvait beau. Il n'avait jamais été attiré par les hommes. Mais il avait envie de son corps, envie de sa présence. Il voulait simplement être à ses côtés. Juste rester ensembles. Couple ou non, quelle importance ? Ce n'était qu'un mot.
Caressant sa joue en un geste tendre, il fit glisser ses doigts sur les lèvres fines, s'y attardant un instant, humectant ses propres lèvres sans pour autant l'embrasser.

"Et je te le redirais, si tu te comporte encore comme un idiot." Une pichenette sur le nez, gentille. Son regard était tendre. "Je sais que tu as peur. Mais tu ne devrais pas t'en faire comme ça. Les gens ne te jugerons pas si facilement et ta vie n'est pas écrite sur ton front. Tu as le droit d'avoir un amant, que ce soit moi ou quelqu'un d'autre. Cela ne fait pas de toi une traînée. Et beaucoup de nos élèves sont de basse extractions, certains n'étaient que des esclaves, ou pire encore... Et pourtant la force de Lindorm a toujours été de nous réunir tous malgré toutes ces différences. Les gens sont prompts à juger, mais ne les écoute pas. Pour moi, tu es très courageux."
Lentement, tendrement, ses bras autours de ce corps fin, il l'embrassa. Un baiser un peu différent. Plus doux, presque complice. Un baiser pour lui donner du courage. De la force.

"Mais si tu ne veux pas être jugé, ne juge pas en retour." Il lui caressa les reins, l'attirant au plus près de lui, inspirant le parfum de ces cheveux bleus si doux entre ses doigts. "Je... Tiens beaucoup à toi. Si quelqu'un avait quelque chose à y redire, il faudrait déjà qu'il passe par moi." Il voulait le protéger. Réellement. Le protéger de ce monde ingrat. Il avait beau être pudique et maladroit dans ses sentiments, il ne pouvait s'en empêcher. Il désirait Caerus, bien sûr. Mais il voulait aussi être témoin de ses joies et de ses peines et être à ses côtés. C'était sans doute naïf à son âge. Mais chaque jour passé, chaque réveil au matin, avec ce corps endormi au creux de ses bras était un étrange instant d'enchantement fragile. Le désir physique était une chose - il n'avait jamais été aussi comblé physiquement que depuis leur relation - mais l'envie était différente. L'envie de lui. Mais de lui tout entier. De lui auprès de lui. C'était simpliste. Un peu adolescent. Ils n'avaient plus l'âge. Mais était-ce si mal que ça, au fond ?

Ivar savait que c'était idiot, de se découvrir si subitement attiré par les hommes. Les hommes ? La vérité était qu'il ne savait pas trop. En dehors de Fergus et Caeruleus, il n'avait jamais été attiré par d'autres. Ces derniers temps, cependant, il se sentait parfois un peu troublé de quelques uns des élèves, ou de certains professeurs. Mais était-ce vraiment de l'attirance pour les hommes ? C'était trop tôt pour le dire. Pourtant, il trouvait dans le plaisir pris avec son amant une intensité qu'il n'avait ressentit que vingt ans plus tôt et cherché ensuite en vain dans le plaisir. Une jouissance particulière. Il n'était pas encore adroit avec le corps masculin - il n'osait pas encore trop aller voir du côté trop masculin de l'anatomie de son amant, ni ne s'était jamais fait prendre par un homme... Enfin c'était il y avait très longtemps, et Fergus avait été le seul. Mais il se sentait petit à petit plus en confiance.

"Je ne sais pas trop où ça pourra nous mener... Mais je veux que tu puisses dire que je suis ton amant. Je ne veux pas que tu ais à en rougir. Je suis fier que tu sois avec moi, sache-le. J'en suis vraiment fier, que sur tous les hommes de cette terre, tu m'ais choisi pour ce temps. Je veux pas être comme les autres : je veux être plus que ça. Je te veux tout entier, avec ton sale caractère et ton dragon taré en prime. Je te veux vraiment, Ciry. Pas que ton corps. Je te veux toi." Il était si sérieux, en vérité, à cet instant, le tenant tout contre lui, dans sa chaleur, pour lui redonner une chance. Pour lui transmettre toute cette force. Parce que ses sentiments, pour confus qu'ils soient, lui donnaient envie de le protéger. Autant qu'il le pourrait.

Pourquoi mourrait-il d’envie de sourire comme un idiot ? Pourquoi voulait t’il rester contre ce dos si large ? Dans ses bras qui l’enserrait avec douceur et force ? Pourquoi toute trace de colère ou de rancune avait disparu à l’instant même où il avait poser les yeux sur lui ?
Son coeur se gonfla, ses poumons respirèrent un air nouveau et son corps se relâcha. Le fourmillement habituel de ses envies impérieuses étaient toujours là, mais il le contenait, il y arrivait, grâce à lui. Ivar était plus âgé, peut être un peu plus sage que lui malgré son côté trublion, il avait vécu plus de chose que lui, il savait le tempérer, lui pardonner pour ses excès d’humeurs, il ne lui tenait pas rigueur de son comportement. Alors pour le remercier d’être là, il embrassa sa nuque avec douceur, lui confiant ses plus profondes angoisses, sa peur sur cette maladie qui le rongeait désespérément depuis l’enfance. Cette maladie qui lui avait fait découvrir tant de chose, tout n’était pas positif, loin de là, mais il se dit que si elle n’avait pas été là, il n’aurait jamais sombré dans ses bras d’un Ivar saoul, que cette nuit là dans cet hôtel n’aurait jamais eu lieu, Ivar ne serrait sans doute pas à ses côtés et sa vie à Lindorm aurait été un véritable enfer.
Mais les choses étaient telles que son ancien Capitaine se tenait dans ses bras, frissonnant sous ses baisers, souriant doucement, rougissant sur la question de ce qu’ils étaient l’un pour l’autre.

Un couple ? Peut être, sûrement même.

Souriant devant les joues rouges d’Ivar, Caeruleus se retint de rire pour ne pas le froisser, il déposa un baiser sur ses joues, écoutant avec attention son avis sur la question. Le bout de ses doigts noua le dernier bouton pour venir courir sur le dos de la main qui enserrait son bras.

« Je le pense aussi, nous en sommes un non ? Tu n’aurais pas fait tout cela, juste pour le plaisir de m’avoir sous les yeux... » Riant doucement, il serra la main et baissa légèrement les yeux. « Mais sommes-nous un couple avec tout ce que cela sous entends, ou devons nous créer notre propre définition...Après tout, ce n’est qu’un mot... »

Sa bouche s’entrouvrit sous les doigts d’Ivar et un sourire étira ses lèvres alors qu’il mordillait la pulpe de ses doigts avec gentillesse. Devait-il instaurer des règles ? Définir sérieusement ce qu’ils étaient ? Ou laisser au temps de voir les limites de chacun ? Caeruleus avait peur d’avouer, qu’une nuit il avait été ailleurs, qu’il s’était sentit si mal qu’il en avait été malade, qu’il avait eu la nausée rien que de sentir un autre qu’Ivar entre ses cuisses. Devait-il lui dire et briser ce début de bonheur ? Devait-il parler de celle qui se trouvait dans la chambre de la directrice et qui pouvait littéralement faire de lui ce qu’elle voulait ? Devait-il parler de ce mot glisser sous sa porte qui le faisait fuir sa chambre ? Les yeux un peu triste, il secoua la tête et fronça les sourcils sous la pichenette avant de s’adoucir devant le regard tendre de son amant.

« Je sais, mais j’ai vécu toute ma vie avec ça, cela me fait un peu bizarre pour le moment, de me dire qu’ici, personne ne sait. ..Enfin à part toi, et que tu l’acceptes sans condition, ce passé honteux, que tu me veuilles comme compagnon, alors que... » Caeruleus ne voulut pas finir sa phrase, il ne voulu pas dire que tant d’autres étaient passé avant lui. Avant Ivar, que Fergus, son meilleur ami avait touché son corps un nombre incalculable de fois.
Baissant le regard, il ferma les yeux sous le baiser et un léger soupire de contentement franchit ses lèvres. Quand il rouvrit les paupières il vit le visage d’Ivar qui le fixait avec tant de douceur que les larmes lui montèrent aux yeux.

Chaque mot qu’il prononça ne fit que faire battre son coeur plus fort, ne fit qu’accenteur son envie irrépressible de le garder pour lui, de l’enchaîner à lui pour toujours. Comment un tel homme pouvait exister ? Pourquoi ne s’était-il pas rendu compte plus tôt, qu’il était là, juste sous ses yeux. Pendant prés de quatre ans, il l’avait fuit, il avait tout fait pour qu’il ne découvre pas son terrible secret, il avait serrer les dents quand parfois il refermait un de ses boutons de son uniforme, quand il remettait une mèche de cheveux car il avait quitté avec précipitation les douches de la douche caserne. Il l’avait dévorer des yeux, il avait passé des heures à lutter contre lui même pour ne pas ouvrir cette foutue porte et se jeter dans ses draps, et maintenant, juste là, il le regardait comme si il était la chose la plus extraordinaire du monde, comme si il le découvrait pour la première fois.

Il avait envie de lui dire qu’il lui appartenait, qu’à partir de maintenant il n’y aurait que lui, qu’il n’avait pas honte, mais il ne pouvait pas. Il savait qu’au fond, tout au fond, Fog attendait, qu’à la moindre incartade, au moindre vacillement il serait là pour le faire replonger. Alors il resta dans ses bras, ses doigts autour de sa nuque, jouant avec les cheveux blancs, son nez contre ses tempes.
Posant son front contre le sien, il lui frôla la joue et glissa dans un chuchotement :

« Tu n’es pas comme tous les autres Ivar. Je peux te le jurer...Tu n’es pas comme eux. » Embrassant ses lèvres avec douceur, il lui saisit délicatement le visage et le força à le regarder, plongeant ses yeux bleus dans l’océan qu’était ceux d’Ivar. « Je..je tiens beaucoup à toi, plus que je ne le devrais, plus que ce que je me suis toujours autorisé. Tu es mon amant, et je ne le cacherait pas, je te le promets. Tu peux le crier sur tous les toits si cela t’enchante... » Riant doucement, il sentit ses mains trembler alors que tout ce que lui disait son amant lui revenait en mémoire.

Il le voulait lui, lui et son sale caractère, lui et son dragon taré. Ses yeux ne purent retenir quelques larmes et il hoqueta légèrement. Sa main se plaqua sur sa bouche pour étouffer ses sanglots et il fixa le visage si sérieux d’Ivar. Il avait envie de rire, de sourire, de pleurer en même temps. Son coeur se serrait et s’emplissait de joie, il avait envie de courir partout, d’hurler à qui voulait l’entendre qu’un homme voulait de lui, que le plus bel homme de tous les continents l’aimait lui. Lui Caeruleus Ubieto, de la plus basse extraction, ancienne putain, ancien inventeur génie et accessoirement amant de la moitié de Prima, ancien élève dragonnier effacé et torturé, ancien piètre soldat névrosé, maintenant professeur rigide et intransigeant.

Sa respiration se coupa légèrement alors qu’il essuyait ses yeux, mouillant ses lunettes comme un gamin. Il voulait que chaque matin, son regard tombe dans ces grands yeux à côté de lui, que ses jambes s’entrecroisent avec les siennes sous les draps, que le poids de son bras tombe sur ses hanches, que sa respiration souffle sur son cou. Il voulait tout ça, il l’avait mérité, Ivar le lui avouait, Ivar lui donnait ce droit d’être enfin à quelqu’un. Il voulait y croire.

« Tu es plus que ça... » Répéta t-il, avec soudainement un air sérieux à son tour. Se penchant en avant, il enserra son torse, embrassant ses lèvres, donnant au baiser un petit goût salé de larme. Retenant toute la fougue et les envies qui le pressait, se faisant doux et tendre.

Il ferait tout pour que ça marche, il ne faiblirait plus, personne ne se mettrait en travers de sa route. Il avait maintenant quelqu’un qui veillait sur lui, quelqu’un qui le poussait à devenir meilleur. Rougissant sous le baiser qu’il venait de lui donner, il écarta ses mèches de cheveux blanches et embrassa ses pommettes.

« Je te veux toi, tout autant, tout entier .»

Caeruleus répéta les mots d’Ivar, comme ceux d’une promesse scellée pour l’éternité.

Dans les bras l'un de l'autre, finalement, malgré tout. Il sourit un instant, contre le cou de Caeruleus, bêtement heureux de cette situation. Malgré la dispute, vite oubliée, il savourait ces instants, pas rancunier pour un sou, cet idiot aux cheveux blancs.
L'odeur de son amant, sa chaleur, tout lui plaisait. Ils n'étaient peut-être pas un couple conventionnel, mais il s'en foutait un peu : les choses conventionnelles étaient si ennuyeuses !
Il avait envoyé tout balader, en se réveillant comme après vingt ans passé la tête sous l'eau. Ce n'était pas sa place, pas l'endroit où il voulait être. Ce n'était pas ce qu'il était. Rien dans l'armée ne lui avait jamais vraiment intimement correspondu. Cela n'empêchait pas les réflexes d'exister. Mais arrêter de jouer à faire semblant le fit sourire, blotti contre la chaleur de l'homme, de son homme rien qu'à lui.

Ho, il n'était pas dupe, la maladie de Ciry le pousserait peut-être vers des bêtises, d'autres que lui. Mais il ne voulait pas y penser, il ne voulait pas se soucier de ça. Il voulait croire que tout se passerait bien. Qu'ils pourraient vivre heureux, tous les deux. Même s'ils étaient deux hommes et qu'il n'osait pas toujours trop y penser. Pourtant, ce corps similaire au sien savait déclencher en lui un maelström de désir, de plaisirs inconnus et d'envies furieuses.
Tant pis pour les bien-pensants. Tant pis pour Fergus, finalement. Ce n'était qu'un amour immature et avorté. Il ne voulait plus y penser, se voilant volontairement la face. Et son attachement à Ciry n'était pas qu'une passade. Il ne voulait pas que ça se résume ainsi. Il le voulait à lui, entièrement, brûlant et désirable, tendre et capricieux. Malgré tout le reste. Ce n'était pas le plus important.

Alors, le serrant fort contre lui, la tête dans son cou, grisé de son parfum, ignorant malgré tout toutes sortes de choses, dont Morwen et l'inconnu de la nuit où il n'était pas venu...
Parce que cette nuit-là, il possédait un corps de dragon et un dragon possédait son corps. Mais ça, il ne voulait pas le lui dire, c'était sans doute trop bizarre.
Il y avait beaucoup de choses qu'il ne lui dirait pas, parce qu'il était, sous ses dehors excentriques, un homme secret. Pas encore, pas tout de suite. Des projets, des envies, des doutes.

Mais, embrassant la paume de la main de son amant, il scella leur promesse.
"A toi." Dit-il doucement. Et son regard brillait, définitivement, d'un amour encore silencieux mais si présent qu'il faisait à cet instant battre leurs deux cœurs à l'unisson.



[Clos pour moi, merci à tous pour ce super topic *-*)

Après trente et une année à se fourvoyer, à rejeter la faute sur sa propre existence, il avait enfin l’impression de voir une lumière qui l’attendait au bout du tunnel. Une lumière emplie de douceur et d’une odeur qui le rendait fou.
Ivar lui avait promit, il avait le droit ce bonheur, il le méritait. Il était fier de lui et il n’y avait rien à cacher. Alors, Caeruleus se promit de surmonter sa honte.
Il irait voir Monsieur Jung et s’excuserait le plus platement du monde, il essaierait de le comprendre, peut être de le convaincre de changer d’avis, tout évoluait, sans cesse. Et si il n’y arrivait pas au moins peut être parviendrait-il à semer le doute dans ses pensées, à le faire réfléchir par lui même. C’était son devoir de professeur.

Il avait le droit au bonheur, malgré ce qu’il avait vécu, malgré son enfance, malgré Morwen, malgré sa prise de bec avec la directrice, malgré les rumeurs sur son compte, malgré son impuissance face à certaines choses de la vie. Malgré tout cela, il ferait en sorte que tout aille bien. Il ne voulait pas prévoir, se torturer, se poser milles et une question. Alors pour une fois il cessa de réfléchir, mettant de côté de côté un peu strict de lui même. Il écouta son corps qu’il mettait toujours en pause.

Il se lova contre Ivar, savourant son nez dans ses cheveux, baisant son cou avec délice. Peu importe comment se déroulerait l’avenir, Ivar serait là pour le soutenir.

A ses mots, il lui prit doucement la main et déposa un baiser dans sa paume à son tour. "Voilà..." Il lui promettait d’être à lui, tant qu’il le pouvait, ils se découvriraient, lentement, ils avaient chacun leurs secrets, mais leurs années à Lindorm s’annonçaient chargées en rebondissement, mais ils seraient ensemble.

Alors, riant doucement, il relâcha sa main, il quitta l’étreinte chaude et bloqua la porte avec une chaise qui se trouvait là. S’avançant vers son amant, il retira sa cravate et lui lança un regard remplit de malice et de désir inavoué. Ils leur restaient plus de trente minutes, c’était largement suffisamment pour s’aimer encore un peu...


[Clos - Merci à tous, j'vous love ]