Shattered Memories

Ca faisait maintenant neuf ans. Les souvenirs de son enfance s'étaient émiettés petit à petit. Au fil du temps, les détails s’effaçaient inexorablement. Les images de sa sœur, de son père et de cette femme s'évanouissaient dans le néant. La plupart des personnes auraient souhaité oublié un passé difficile pour se reposer. Ils sont faibles. Hez' avait travaillé sans relâche dans le but ultime de se venger. De trouver cette femme et de lui planter sa lame au fond de sa gorge. Il aimerait retrouver sa sœur aussi mais son visage est embrumée, il peine à se rappeler de son sourire, de son odeur, de sa voix... Rien que d'y penser son bras gauche lui fit souffrir.

La nuit tombait lentement, le paysage prit très rapidement une teinte tamisée. Une légère brise agréable se faisait sentir provenant de l'oasis caressant avec une légèreté étonnante le torse du lieutenant. Il se préparait sans trop d'entrain à partir vers le nord, Wilhjelm. Des rumeurs plus ou moins fondés parle d'un homme qui aurait le pouvoir de faire ressurgir des souvenirs. On raconte qu'il fait ressurgir vos souvenirs d'un simple regard, d'autre parle d'illusion et de glace. On raconte beaucoup de choses mais beaucoup ne font que répéter des inepties. Cependant, les personnes au courant étaient tous d'accord sur la manière de trouver : Suivez les Aurores Boréales.

Hezrael en avait jamais vu et inconsciemment, il stressait aboutissant à un malaise non voulu et assez désagréable pour une personne qui s'avère être toujours sur de ces choix. Il a un vague souvenir d'une discussion sur le sujet «  Des nuages lumineux et colorés ». Il n'avait que cette vague description.

Ses préparations prirent un temps considérable. Il enfila un t-shirt et une veste accompagné d'une épaisse cape de fourrure.

Et dans les 10 minutes qui suivaient, il était déjà sur le dos de son dragon. Il se dirigeait vers les terres de glaces, silencieusement et à l’affût de tout ennemi. La main serré sur le pommeau de son arme. Hez' naviguait dans les airs à la recherche d'un phénomène inconnu, incertain sur la durée de son voyage. Très vite, il serra la cape de fourrure près de son corps légèrement irrité par le froid.

Son regard s'arrêta. Il traita l'information, surpris par la beauté de ces lumières. C'était donc ça. Il perdit de l'altitude petit à petit, examinant toujours aussi frappé par la beauté de ces aurores. Arrivé sur le sol, il descendit de son dragon visiblement surpris. Il réajusta ses vêtements pour éviter que le vent glacial vienne le chatouiller.

Il avançait silencieusement et prudemment. Irrationnellement, il avait peur de briser la glace sous ses pieds. Hez' cherchait l'homme en question. Il s'attendait à voir une vieille personne assez décrépi et rongé par le temps. Comme les voyants que l'on trouve dans les petits villages rustiques.

Après une bonne demi-heure de marche dans le froid. Il vit une silhouette, il s'en approcha avec la même cadence. Il était déjà fatigué et agacé du froid de cette région. Il avait l'impression d'avoir été berné lorsqu'il vit un jeune homme et son dragon. C'était inespéré de trouver une personne dans ce désert de glace et pourtant.

« Excusez moi. Savez vous où je peux trouver un homme qui aurait le don de réveiller les souvenirs ? »

Il l'examina brièvement. Il avait l'intime conviction que ce n'était pas la personne qu'il cherchait mais les apparences sont parfois trompeuses.

Ils étaient là, tout les deux, l’un à côté de l’autre à fixer l’obscurité de la nuit descendre doucement sur les plaines de Cristal. Le soleil s’embrasa quelques instant avant de disparaître et de laisser les ombres bleutées s’élevées avec un calme imperturbable.
Un grondement sourd semblable à un soupir fit vrombir la gueule de Seihval et Zachary s’appuya contre son dragon les bras croisés sur sa poitrine, incapable de détacher son regard des couleurs qui vibraient autour d’eux.
Puis, alors que le soir prenait possession des cieux, de petits dragons aux écailles aussi blanches que du cristal vinrent chahuter Sei. Il gronda un peu et agita ses ailes pour faire glisser les petites créatures sur la glace, piaffant les dizaines de petits dragons roulèrent, certains voletèrent autour de lui, et tous ensemble ils dansèrent avec joie sur ce territoire aussi magnifique que dangereux.

Zacha s’assit sur une peau de bête un sourire amusé sur les lèvres. Il aimait venir ici, Seihval aussi. Après tout, son dragon était né ici-même, dans le berceau des aurores boréales. Il avait été l’un de ces petits dragons avant de se voir grandir et de pouvoir s’envoler au loin pour faire briller les aurores jusqu’au désert de glace. Alors, quand tout les deux avaient besoin de calme, de reprendre confiance, ils venaient ici pour regarder le ciel s’enflammer.
Seihval et ses petits compagnons s’amusèrent pendant plus d’une heure, leurs écailles reflétant milles et une couleur dans le ciel clair de Wilhjelm. Puis secouant sa grosse tête, il marcha en claudiquant jusqu’à son dragonnier. Zachary le suivit du regard et fixa la patte beaucoup trop courte et mutilée de son dragon. Une colère sourde résonna dans son cœur mais Seihval gronda immédiatement pour le calmer.

*Pas de colère ici mon ami ! Ce lieu est notre sanctuaire, nous devons le préserver de cette rage qui nous anime* Glissa Sei dans l’esprit de Zach pour l’apaiser.

Le jeune homme aux cheveux blancs secoua la tête pour effacer de son esprit les images de Ionnan qui semblait défiler sous ses yeux et il se pinça l’arrête du nez avant de tomber en arrière et de s’allonger pour fixer le ciel. Seihval se coucha à côté de lui, repliant ses immenses ailes. Des couleurs dansèrent dans sa cage thoracique et son cou, éclairant ses écailles d’une lueur bleutée.

« Tu crois qu’un jour, nous pourrons vivre paisiblement ? » Demanda Zach alors qu’il penchait la tête pour fixer les yeux jaunes de son ami.

*Je le crois Zach, ce monde à encore beaucoup à offrir. Quand nous serons débarrassés de cette haine, alors tout ce que nous avons fait avant n’aura plus d’importance. Nous vivrons sans nous poser de questions, juste pour être heureux.*

Un sourire étira les lèvres du Wyrm et il sentit son cœur se réchauffer. Le froid de la nuit glissa sur eux, mais cela ne dérangea pas Zach. Il avait l’habitude des basses températures et était équipé pour. Se redressant après de longues minutes, il rabattit sa capuche sur son crâne car ses oreilles commençaient à geler.
Seihval releva la tête aux aguets :

*Quelqu’un approche… * Humant l’air, il rajouta. * Un homme et un dragon…* Se relevant sur ses trois pattes il s’avança pour mettre Zach dans son ombre.

Le jeune homme se mit debout et resta sur ses gardes. Il ne pensait pas que cela pouvait être un soldat, pas ici, pas seul. Même les escadrons d’élite ne pénétraient pas en territoire inconnus seul. Cela devait être quelqu’un qui s’était perdu, ou qui le cherchait lui…

Au loin, ils virent une silhouette arrivée accompagné de son dragon. Il était fin, presque rachitique, quasiment aussi grand que le dragon de glace. Z regarda Sei et ils ne dirent rien restant à l’affut de la moindre agressivité à leur encontre.
Puis finalement le duo arriva jusqu’à eux avec calme.

Les yeux bleus de Zach observèrent l’homme, cherchant ses armes et fixant le moindre de ses gestes. Il n’était pas grand, dû moins, pas autant que lui, bien bâtît, sans doute un combattant, un visage carré, des cheveux blonds et court et deux yeux vairons attirèrent son attention.

La phrase de l’homme fit hausser un sourcil à Zach et il croisa ses bras sur sa poitrine. Au moins il n’y allait pas quatre chemins.
Le fait que l’homme lui parle de souvenirs et non d’illusions le rassura. Il ne dealait plus d’illusions depuis quelques années déjà et ne souhait plus truquer des souvenirs pour faire plaisir à ceux qui les regardaient.

« Vous avez beaucoup de courage pour venir jusqu’ici.. » Lâcha t-il avant de tendre sa main emmitouflé dans une moufle en cuir garnit de fourrure. « Votre quête touche à son terme, je suis celui que vous chercher…»

Son visage resta plus ou moins hermétique malgré le fait qu’il voulait se montrer plutôt accueillant.

« Que puis-je faire pour vous ? »

Seihval ne cessa de fixer le dragon, et se redressa de toute sa hauteur derrière Zach pour montrer qu’il ne fallait pas les chercher et qu’ils seraient prêts à se défendre en cas d’attaque.

Du courage ? Il n'en avait pas besoin. Quiconque essayerait de l'attaquer échouerait. Il avait profondément confiance en ses compétences, en sa force. Il se contenta d'examiner avec précision le jeune homme. Il n'arrivait pas à distinguer l'age de l'inconnu, c'était troublant. Et cette unique question s'incrusta dans son crâne.

Vingt six ans ? Beaucoup trop jeune.

Hez' inspecta ensuite son dragon. Étrange. Il ne semblait pas s'être battu comparé au sien. D'ailleurs Frim regardait le dragon en face silencieusement mais son maître savait très bien qu'il voulait aller faire connaissance. Mais Frim n'était pas avenant loin de là et puis il y avait cet humain qu'il détestait et craignait. Le compagnon restait fière, dévoilant ses ailes.

Trente cinq ans ? Nan, il a beau avoir des cheveux blancs, ses traits sont encore jeunes.

Le lieutenant esquissa un très léger sourire lorsqu'il comprit que l'homme qu'il avait en face était en fait le voyant sexagénaire qu'il imaginait. Il inclina très légèrement la tête, visiblement surpris. Sa main s'échappa ensuite de la fourrure embrassant l'étreinte glaciale environnante pour venir entretenir une bonne poignée de main avec l'inconnu. Même si quelque part, il était méfiant, il aurait bien pu lire dans ses souvenirs par un simple contacte...

«  C'est pas commun pour moi de demander ça. Mais si vous êtes la personne que je cherche, j'aimerais 'éclaircir' un de mes souvenirs. »

Son regard fuyait légèrement celui de l'inconnu mais revint aussitôt, sur de lui.

« Je sais pas comment votre pouvoir marche. Mais j'ai envie de me souvenir d'un moment précis. » dit-il d'un ton assez sec.

Il soupira, une vague buée se dessina pour disparaître. Il indiqua d'un simple regard à son dragon de s'en aller. Il n'avait pas envie de partager ce moment avec Frim. Frim, s’exécuta et s'envola d'un puissant bon. Le dragon planait alors autour s'amusant des différentes aurores.

« Est-ce possible ? » dit-il sans trop d'espoir. Il enchaîna avec conviction.

« Je vous serez énormément redevable. » Sous entendant ainsi que si l'inconnu aurait besoin d'un service, il s’exécuterait.

Trente ans. Pensa-t-il.

Le corps un peu tendu, Zachary resta droit, les membres souples prêts à saisir sa hâche si jamais quelque chose tournait mal. Il était méfiant, comme toujours. Depuis que celui qu’il aimait l’avait trahit, l’espèce humaine ne lui inspirait guère confiance. Ses années sous les bannières des Ailes Ecarlates lui rappela combien il fallait se méfier des apparences, combien il fallait se méfier de soi-même, car c’était souvent sa propre âme qu’on trahissait.
L’homme en face de lui semblait légèrement surprit que ce se soit lui qu’il cherchait. C’était souvent l’effet que cela faisait quand quelqu’un s’imaginait le rencontrer. Et non, il n’était pas un vieillard proche de sénilité, il avait trente ans et ses capacités, il les maîtrisait à la perfection.

Seihval souffla derrière lui et ne cessa de fixer l’autre dragon, restant calme et observateur. Zach haussa un sourcil quand l’homme lui parla d’éclaircir un souvenir et son esprit se mit à réfléchir à la manière la plus appropriée pour l’aider.

« On n’oublie jamais rien, on a juste du mal à s’en souvenir. » Dit-il d’un ton neutre alors que ses yeux bleus détaillèrent l’homme. « Je peux seulement faire apparaître vos souvenirs et les mettre sous vos yeux, c’est souvent plus facile de se rendre compte de certains détails que quand il sont enfermé là-dedans.. » Indiquant sa tête, il vit le dragon s’envoler dans le ciel et commencer à danser avec les Aurores Boréales. Aucun dragon ne résistait à l’envie de fondre sur ces superbes couleurs.
Seihval déploya ses ailes givrées et poussa sur ses pattes arrière, dévoilant la blessure et le membre manquant sur sa patte avant. Il s’envola à son tour et rejoignit le dragon de l’inconnu.

Cherchant des yeux un endroit dans les plaines de Crystal, il montra du doigt une petite grotte à l’abri du vent.

« Se sera plus simple de faire ça là-bas. »

Prenant les devants, il dépassa l’homme, sa main sur la garde de sa hache au cas où il lui viendrait l’idée de lui planter une épée dans le dos. Ses bottes glissèrent un peu sur la glace, mais habitué, il trouva vite son équilibre et rejoignit la grotte rapidement.
Là il étendit une peau de bête sur le sol gelé et s’y assit en tailleur, invitant l’autre homme à faire de même. Il comptait bien à ce que l’inconnu lui soit redevable, il ne faisait pas ça gratuitement, il n’était pas du genre à avoir bon cœur avec les gens qu’il ne connaissait pas.

« Bien. Je vais vous expliquez comment ça va se passer. Je vais faire apparaître un mur de glace sur lequel vos souvenirs pourront prendre forme. Se sera à vous de vous concentrer sur le moment que vous voulez voir, de faire travailler votre esprit pour vous souvenir. Certains détails vont stimuler votre esprit et des choses que vous pensiez avoir oubliez, vont revenir. Il faut se détendre, et ne pas se forcer… tout doit être fluide. »

Retirant ses moufles, il les posa sur ses genoux et sa main glissa sur la glace pour en faire sortir une grande feuille, comme un miroir, elle resta ancrée dans le sol et s’éleva d’un bon mètre. Sa paume se posa sur la surface froide et pour montrer à l’inconnu ce qu’il pouvait faire, il fit apparaître une biche, celle-ci brouta, puis releva la tête et fixa l’homme avant de s’enfuir et de disparaître en des volutes gelées.

« Posez votre main sur la glace et concentrez-vous » Glissa t-il alors qu’il retirait sa capuche dévoilant enfin son visage en entier.

« Je pense que ça fera l'affaire » expira t-il. *Du moins j'espère*

Le lieutenant le suivit d'un pas décidément lent. Sa tête était autre part, il doutait. Voulait-il vraiment se rappeler de tout ses détails. Il verra sans doute une fois de plus son village brûlé, des cadavres calcinés.

Hez' remarqua la blessure du dragon de l'inconnu. Et quelque part, il s'identifiait à ce dragon. Paradoxalement, sa haine envers ces monstres était toujours présente, rien qu'un regard participait à l’émécher un peu plus. Il entra dans la petite grotte, appréciant qu'il n'ait plus cette brise glacial insupportable qui commençait à franchement l'irriter.

Il s'asseya avec plaisir, se laissant tomber pour se rattraper avec son seul bras. Il se confina une fois de plus dans sa cape. Il l'écoutait sans trop l'écouter, il regardait autour de lui méfiant et curieux.

« Et vous êtes obligés de rester à mes cotés ? » Question bête, mais il n'avait pas forcément envie de partager son passé avec un parfait inconnu. Il n'a pas envie de pitié ou de compassion.

Enfin bref. Hezrael s'éxecuta, il se décida à sortir sa main de son antre de chaleur pour venir épouser la glace. Essayant de se concentrer, il pensa tout d'abord à cette femme sur le dragon mais ses souvenirs s’enchaînèrent trop vites.

Dans l'écran de glace, on pouvait voir s’apparaître un dragon d'ébène, puis dessus se trouvait cette femme à la chevelure blonde. Hez pu distinguer des yeux ambrés mais la voir, lui fit penser à son père. Ainsi, s'afficha brusquement cette femme qui trancha son père en deux. Machinalement il pensa à sa sœur, à son visage avec ces mêmes yeux ambrés. Cette dernière pensée, lui rappela le moment où elle a cautérisé son bras.

Une douleur incroyablement lancinante apparut. Son bras gauche lui faisait fantomatiquement divaguer. Sa main quitta le piédestal pour venir sa caler au niveau de son moignon. Hez se tordit un moment, recroquevillé, attendant que la douleur passe. A ce moment là, le lieutenant aurait pu prendre n'importe qui ou n'importe quoi en guise d’exutoire.

«  Je ne sais pas ce qui me retient de sortir mon arme. » râlant, sous le coup de la colère.

Au moins, il avait trouvé ce qu'il cherchait. Cependant, revoir son père et sa sœur, réveilla en lui un profond sentiment de nostalgie dont il avait pas besoin. Ses yeux pointaient l'inconnu. Sa douleur n'allait pas cesser si son cerveau n'obtenait pas de preuve que son bras gauche était bien absent.
Hez' avait remarqué que l'homme avait une dague, il lui subtilisa pour venir se la planter sur son moignon.

La dague n’atteignit pas sa peau puisqu'il était équipé d'une pièce d'armure à ce niveau. La rapidité et la violence de ses mouvements auraient fait pensé qu'il avait une dent contre l'homme aux yeux bleu mais ce n'était pas le cas. Le lieutenant est juste un peu abrupte.

Ses yeux glissèrent sur la mince feuille de glace. Combien de ce genre de reflet il avait vendu, combien de souvenirs il avait remémoré, combien d’illusions il avait créé de toute pièce ? Trop, beaucoup, peut être des milliers, suffisamment pour que son don soit devenu une seconde nature. Suffisamment pour en connaître les limites, suffisamment pour savoir que justement, il n’y en avait aucune. Il pouvait tout montrer, faire ce qu’il voulait, il pouvait forcer quelqu’un à mettre en lumière ses souvenirs, il pouvait faire croire à un souvenir, il pouvait même, parfois, voir les rêves de ceux qui dormait. Z était puissant, mais il n’était plus vraiment Z, il était redevenu Zachary depuis qu’il avait quitté les champs de batailles de Keven, depuis qu’il avait rejoint les Isolationnistes.

Il essayait d’oublier tout ce qu’il avait fait avant, il ne se servait plus d’illusions, sauf pour amuser les rares enfants qu’ils croisaient, ou quand sa propre survie était en jeu. Il travaillait sur les souvenirs, aidant ceux qui voulaient se reconstruire. C’est pourquoi il accepta d’aider cet inconnu à se souvenir. Peu importe le prix que cet homme devrait payer. Le propre de l’homme était d’oublier, d’oublier pour ne plus souffrir, c’était dans la nature de l’humanité. Il n’était pas toujours bon de chercher à tout prix à ne pas oublier. Il en savait quelque chose, cela faisait plus de dix ans que chaque jours il fixait ses souvenirs de sa vie au côté de Ionnan, qu’il ne parvenait pas à l’oublier, et que cette douleur était aussi forte qu’au premier jour. C’était sa punition pour avoir donner sa confiance.

Secouant la tête pour éloigner ses pensées, il expliqua à l’inconnu comment cela fonctionnait et haussa un sourcil quand il lui demanda si il devait rester là.
Souplement, il se mit debout et quitta la grotte pour rester le dos tourné à l’entrée.
Il savait que certains ne voulaient pas dévoiler ce qu’il avait de plus intime, alors il haussa les épaules et fixa le ciel remplit d’aurores où les deux dragons volaient ensemble. Un léger sourire étira le coin de ses lèvres avant de disparaître. Il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule pour voir si tout ce passait bien et il vit l’homme plié en deux en se tenant le bras.

Intrigué, il s’approcha de lui et se pencha pour lui demander :

« Tout va bien ? » Puis, tout alla très vite, l’homme saisit sa dague à sa ceinture et la leva. Zachary recula vivement et alors que l’homme enfonçait la pointe dans son bras, Zach jeta son poing dans la joue de l’inconnu. Il percuta la mâchoire et ses yeux se braquèrent sur l’homme avant de se rendre compte que ce n’était pas lui qu’il visait.
Reflexe de survie.
Grondant, il saisit la dague et l’envoya au loin, ses yeux en colère fixant le Wyrm.

« Prévenez-moi la prochaine fois qu’il vous prends de vous planter quelque chose dans le bras… »

Pestant il saisit le bras de l’homme pour voir si il était blessé, et remarqua qu’il lui manquait carrément un bout de bras. Comme Seihval, pensa t-il. Ses yeux rencontrèrent ceux de l’inconnu et il poussa un soupir.

« Douleurs fantômes ? »

Il connaissait ça, il arrivait souvent à Seihval de gronder de douleur suite à une souffrance dans son membre disparu.
S’asseyant de nouveau, il relaissa le bras quand il se rendit compte qu’il n’était pas blessé et il se pinça l’arrête du nez et dit avec sérieux.

« Je peux faire disparaître ces douleurs si vous voulez…. »

Insoutenable. Savez vous ce que ça fait de souffrir sans pouvoir atteindre la source de cette souffrance ? Savez vous à quel point souffrir perpétuellement sans même pouvoir se guérir ? Vous ne savez pas si vous ne subissez pas. On vit avec sachant qu'à tout moment, la douleur peut se réveiller amenant avec elle, les souvenirs les plus douloureux. Certains affirmeront connaître cette douleur, du moins la comprendre. Ils ne font que prétendre.

Hez' avait agit sous la colère. Sanguin, l'homme a du mal à défier ses pulsions. Peu après cette plantait cette dague sur la source de la douleur, la douleur s'évanouit. Une douleur tout aussi vive apparut à la seconde qui suivit. L'inconnu, sûrement surpris de vivacité mais aussi de la violence enclencha naturellement un réflexe de survie.

Le lieutenant lui en voulait pas. Il affrontait son regard, les sourcils froncés bien décidé à ne pas baisser les yeux. Un liquide chaud se baladait dans sa bouche, il le cracha sans gène. Très vite le sang se gela pour se fondre dans le sol. Entre temps, Hez s'était redressé comme si de rien n'était aussi impassible qu'à son arrivée.

« Prévenez-moi la prochaine fois qu’il vous prends de vous planter quelque chose dans le bras… »

« Ce n'est pas vos affaires... » expira t-il, le goût du sang encore dans sa bouche. Il se frottait légèrement et lentement les dents afin de s'assurer de ne pas les avoir tachés.

Hezrael regardait l'homme s'approcher, méfiant et loin d'être rassuré par ce qu'il vient de se passer.  Alors qu'il lui saisissait son bras, le lieutenant agrippa fermement le poignet de l'inconnu. A vrai dire, il n'avait pas l'habitude qu'on s'approche d'aussi près. Ca fait 9 ans qu'un être humain ne s'était pas rapproché de lui pour de l'aide. Et pendant un bref moment, son regard perdit sa colère, il était occupé à examiner le bleu de ses yeux. En un fraction de seconde il examina une fois de plus l'homme.

Qu'avait-il a gagné de se soucier de lui ? Etait-il réellement impliqué ? Pendant un instant, il imagina l'inconnu en tant qu'ennemi, de la manière dont il l'aurait tué sans même se soucier de son identité. L'idée fut très vite chasser.

« Douleurs fantômes ? »

« Exact. J'ai vu que votre dragon avait le même soucis. » dit-il avec un très léger sourire inattendu, comme si ce point en commun les rendait indéniablement plus proche.

L'accompagnant, il s'asseya tout en dissimulant une fois de plus son bras manquant. De son poignet, il se frotta le pourtour de ses lèvres, s’inquiétant que du sang serait sorti de sa bouche sans qu'il le sente.

« Les faire disparaître ? Comment ? » Dubitatif. Les faire disparaître paraissait être un phénomène impossible de son point de vue. Il écoutait attentivement les paroles du vieil homme.

«  Et ça peut mal se passer ? »

Faisant directement référence à ce qu'il vient de se passer. Il ne veut pas se retrouver une fois de plus à pester et devenir violent. Plus le temps passait, plus il appréciait ce visage et particulièrement ses yeux, si bleus.

HRP :

Spoiler:

Remuant ses doigts pour voir s’il ne s’était rien cassé en frappant l’inconnu, il le fixa se demandant s’il allait chercher à se venger. Mais dans un monde aussi dur et cruel que le leur il était facile de pardonner un geste de survie. Se redressant, il fixa la tâche rouge au sol avant de plonger ses yeux bleus dans ceux du jeune homme et de sourire intérieurement.
Il avait un peu l’impression de se voir dans un miroir, de reconnaître tous ces gestes un peu durs, violents, cherchant à se défendre contre ceux qui nous voulait du mal. Les Wyrms étaient tous plus ou moins comme ça, quand on avait été blessé, que la guerre s’étalait sur la peau l’on devenait méfiant, prudent, la confiance devenait difficile à acquérir.

Alors Zach ne tint rigueur de rien, il ne voulait pas forcer l’homme à lui raconter son passé, il ne voulait pas chercher à le connaître, par respect, par devoir aussi. Les Wyrms ne fouillaient pas dans le passé des autres, et cela l’arrangeait bien.

Prudemment, il saisit le bras et l’inspecta. C’était bien ce qu’il pensait, ses lèvres s’étirèrent dans un léger sourire pour répondre au sien. Il voulait lui montrer qu’il pouvait lui faire confiance.
Oui, ils avaient effectivement un point commun, même si cela ne le concernait pas vraiment.

S’asseyant en tailleur de nouveau, il se passa la main dans les cheveux, les ébouriffants un peu et finit par se masser légèrement les tempes.
Il sentit que l’atmosphère se réchauffait un peu et il tendit le bras pour attraper sa besace qui traînait dans un coin de la grotte.
Il en sortit une pierre à feu et des herbes sèches. Bien vite, il réussit à allumer un feu et jeta du bois sec dedans.

« Cela risque de durer un bon moment… » Alors autant se mettre à l’aise, faillit-il rajouter.

Il renifla et tenta d’expliquer :

« Les douleurs fantômes sont souvent expliqués par des sentiments hostiles ou de culpabilités avec l’environnement dans lequel ont à perdu son membre. L’esprit n’est pas capable de faire le deuil de cette perte, pour lui votre bras est encore là. La plupart du temps, les douleurs et crises s’estompent avec le temps… »

La chaleur commença à se diffuser dans la grotte et Zachary retira la peau qu’il portait sur les épaules et ouvrit son épais manteau doublé, dévoilant son cou et ses clavicules.

« Le cerveau est très compliqué, je ne suis pas en mesure d’expliquer vraiment pourquoi vous ressentez ça, mais je sais qu’on peut forcer l’esprit à se rendre compte que le membre n’est plus là. Quand il s’en sera rendu compte, les douleurs s’estomperont peu à peu. »

Penchant la tête pour mieux réfléchir, Zachary se mordit la lèvre :

« C’est une expérience douloureuse oui ! Vous allez devoir revivre en boucle le moment où vous avez perdu votre membre jusqu’à ce qu’il comprenne, jusqu’à ce que vous réalisez que votre bras n’est plus là. La douleur peut vous rendre fou. »

Frottant sa barbe mal rasée, il renifla et se frotta le nez :

« Pour Seihval, ça à marché ! Par contre je ne peux rien vous promettre. Je ne l’ai fais que deux fois. A vous de voir si vous souhaitez enduré de nouveau cette douleur et prendre ce risque… »

Le fixant, il relâcha ses épaules et plongea ses yeux dans les siens.

Il le laissa péniblement se rapprocher une nouvelle fois bien que l'envie n'y était pas. Il apprit en ce moment qu'il détestait qu'on l'approche. Il détestait qu'on l'approche car il sentait un sentiment nouveau apparaître. Un sentiment indescriptible qui nous fait perdre les moyens. Cette bienveillance était de trop. Et pendant un instant, par autoprotection, il eu l'envie de le frapper. Mais il se retint, étonnement.

Debout, il l'observa faire du feu. L'inconnu devait sans doute habiter dans les environs pour avoir le nécessaire pour faire de quoi se réchauffer. Hez' n'aurait jamais pensé à ramener quoique soit. Il ne jure que par son arme ces temps-ci. Le lieutenant fléchit ses jambes pour venir poser ses fesses sur ses talons. D'un équilibre impressionnant, il n'oscilla à aucun moment. Ses yeux étaient concentrés sur les flammes miroitant leur gracieuse danse.

Ses flammes lui rappelèrent son passé une fois de plus. Cependant la douleur était moindre, son esprit était ailleurs, les flammes étaient ici chaleureuses et leur contexte était bien éloigné de celui de la guerre. Sa main s'échappa de sa cape pour venir se poser au dessus de la valse. Il en profita pour poser sa cape de part et d'autre de ses épaules dévoilant ses vêtements et son arme.

Il écoutait d'une oreille les propos de l'homme aux cheveux blancs tandis que l'autre écoutait les crépitements du feu. Son regard changea de trajectoire lorsque l'homme se mit à bouger, le regard resta posé sur les parties dévoilées pendant une trentaine de seconde pour revenir ensuite au spectacle. De temps à autre, Hez' remarqua les mimiques de l'homme, il souri intérieurement.

« Vous avez fait revivre un des pire moments à votre dragon... Vous pouvez prétendre connaître la douleur mais, elle est indescriptible. Seihval doit être bien attaché à vous. Je vous aurai abandonné à sa place. » dit-il calmement plongé dans ses pensés.

« Vous êtes bien avenant mais je refuse votre proposition. » Il me reste encore beaucoup de choses à accomplir avant de devenir fou, pensa t-il.

« Votre don est particulier et dangereux. Je n'aimerai à votre place. » Hez' toussota. «  Et qui est la deuxième personne à qui vous avez effectué cette expérience ? »

Ses yeux se relevèrent, inspectant la réaction de l'inconnu dont il ne connaissait toujours pas le prénom. Il se dit qu'il devrait lui demander tout de même quand l'occasion se présentera. En attendant il examina une fois de plus ses clavicules.

Habitué depuis sa plus tendre enfance au froid polaire de Nordheim, Zachary était un homme avisé quand il s’agissait de voyager dans ces contrées. Il connaissait la dureté de cet environnement hostile. Pour y avoir passé plus d’un an, il savait qu’il fallait être prêt à tout, que chaque monticule de neige pouvait vous engloutir sans que vous vous y attendiez. Alors partout où il allait, il avait un nécessaire de survie. Il n’avait pas de chez lui, il n’avait pas d’endroit précis où rentrer, sa maison, c’était les Isolationnistes. Alors il trimballait toujours sa pierre à feu, son amadou, des branches sèches pour faire démarrer les flammes, un peu de nourriture, de l’eau, de la ficelle pour faire des collets ou pêcher, une couverture, deux trois outils, des plantes anti-poison que son ami Caileb lui avait donné et son arme. Puis en cas de problème majeur, il avait Seihval, même si il ne crachait pas de feu, il résistait aux froideurs les plus extrêmes et le protégeait de son corps.
Alors, oui il était habitué à rester des jours entiers dans le froid, il ne le ressentait parfois même plus. Il préférait être ici qu’à traîner dans le désert de Firthan et à crever de chaud.

Ses yeux glissèrent sur le fin sourire de l’homme et il pencha légèrement la tête avant d’avoir un rire franc.

« Je ne prétends pas connaître la douleur, je ne sais rien de ces douleurs fantômes, si ce n’est ce que j’en ai déjà vu. Et Seihval est un vieux dragon, sage et avisé, oh il m’a bien fait la tête pendant un ou deux jours, mais la sensation de libération est beaucoup plus salvatrice que d’être emprisonné dans cette boucle de douleur infernale…Puis c’était son choix. »

Zachary n’imposait jamais rien à Seihval, il se souvenait de ce moment là, quand il avait retrouvé Seihval, le bout de la patte gelée pour anesthésier la douleur, puis leurs longues errances dans le froid, la tension palpable entre eux à chaque crise, cette peur que Seihval ne se maîtrise plus et le déchiquète d’un coup de dent. Mais son ami avait tenu bon, il avait apprit à anticiper la douleur et à s’envoler au loin pour la subir avec rage. Alors un jour, Zachary lui avait proposé d’essayer son idée, il ne savait pas vraiment si c’était le fait de revivre ce moment qui avait fait disparaître la douleur, où le fait d’accepter la perte de son membre qui l’avait guérit. Le résultat étant, Seihval n’avait plus mal, il était libéré de cette emprise.

Zach acquiesça quand le jeune homme refusa son aide. Chacun était libre de faire ce qu’il voulait.

« Si jamais vous changez d’avis, vous savez comment me trouver. »

Haussant un sourcil, il le fixa sans ciller, étonné d’entendre quelqu’un lui dire qu’il n’aimerait pas posséder son don. C’était bien la première fois, d’ordinaire les gens l’enviaient, il pouvait revoir ce qu’il voulait, se créer ses propres souvenirs….Zachary avait eu du mal à maîtriser son don, au départ il se refusait de créer des choses « fausses » se contentant de souvenirs oubliés, et même cela le torturait. Alors, peu à peu, il avait donné de l’espoir, des rêves à travers ses illusions. Il les utilisait plus rarement, avec parcimonie, il les couplait aux tours de passe-passe de Venecia pour émerveiller les enfants, c’était ce qu’il préférait. Poussant un soupir, il regarda le maintient de l’homme et haussa les épaules :

« Nous ne choisissons pas notre don, nous devons vivre avec. J’ai appris à vivre avec le mien, il n’apporte pas que de la douleur ou de la peine…Mais j’ai mis beaucoup de temps à m’en rendre compte. »

Baissant un peu les yeux, il sentit son cœur se vriller quand l’inconnu évoqua le deuxième cas dont il s’était occupé. Et il ne répondit pas. Il préférait ne pas en parler. Grondant un peu méchamment, il lâcha :

« Cela ne vous regarde pas ! » Puis se redressant il fit quelques pas la colère grimpant dans sa gorge. Il marcha jusqu’à l’entrée de la grotte et fixa les deux dragons qui volaient encore dans le ciel étoilé.
Le froid pénétra dans son haut le faisait frissonner, le vent balaya ses mèches blanches et il lâcha un soupir avant de revenir s’asseoir prés du feu.

« Excusez mes sautes d’humeurs, c’est un souvenir que je n’aime pas évoquer… » Fouillant dans sa besace, il en sortit une flasque d’alcool et but une longue gorgée. Le liquide lui brûla gorge et il la tendit à l’homme en le regardant bien en face :

« Vous en voulez ? »

Tandis que la chaleur des flammes se rependait, l'envie d'aller retrouver le climat désertique s'intensifiait. Il avait l'impression de suer mais pourtant il avait toujours froid, une sensation qui lui était particulièrement irritante. Il se demanda si une personne pouvait réellement ce climat insupportable. Discrètement, il se pencha vers le feu pour que la chaleur atteigne son torse et son menton.

Pendant un moment, Hez' s'attarda sur cette besace et son contenu. Il en conclut très vite que l'homme était un vagabond, dans un premier temps, il se dit que ça devait être génial de vivre de cette manière, pas de règle, pas de limite, juste toi et ton dragon. Cependant, il pensa à toutes les embrouilles qui pourraient entraver son chemin, à ce climat dangereux. Il pensa nostalgiquement à son petit abris au désert plaignant secrètement l'inconnu.

Lorsque l'homme en face se mit à rire, il se sentit quelque peu outré mais ce sentiment se dispersa bien vite à l'écoute de ses paroles. Hez' ne hocha la tête qu'une fois, acquiesçant sans objection.

Une boucle de douleur infernale. C'était bien ça, il semblait réellement connaître ce type de douleur. Paradoxalement, le lieutenant était attaché à cette douleur. Seul réel lien avec les événements de son passé, il a peur de perdre une partie de son intégrité, de sa personne. Pire que tout, il a peur que son envie de vengeance disparaisse avec la douleur. Celle-ci ne serait plus là pour lui rappeler l'enfer d'il y a 10 ans. Bien sur, maintenant qu'il connaissait l'homme aux cheveux blancs, il pourrait se rafraîchir la mémoire indéfiniment mais l'idée d'être possiblement dépendant de quelqu'un l'insupportait.

« Pas de problème » dit-il, tournant la tête machinalement pour détendre son cou.

'' Il n'apporte pas que de la douleur ou de la peine...''. Hez' avait vu juste, ce don pouvait être mal utilisé ou à de mauvaise intentions. Et la réaction qui allait suivre soutint son avis. Il s'était définitivement passé quelque chose. Silencieusement, il l'observa sortir dans la grotte puis se pencha à nouveau au dessus des flammes. Réfléchissant à ce qu'il venait dire : il n'avait, selon lui, dépassait aucune limite.

Lorsqu'il revint et s'excusa, Hez leva une main.

« Pas besoin de s'excuser pour si peu ... » Malgré tout, il voulait en savoir plus sur ce second cas et pourquoi il a eu une telle réaction. Il tendit la main pour agripper la flasque. S'il voulait en savoir plus, il fallait bien sympathiser. Il but une gorgée, un peu trop rapidement, la sensation contrastait avec le froid environnant. Un léger toussotement s'échappa bien qu'il s'était concentré ardûment pour que rien ne sorte. Il lui rendit sa flasque, montrant légèrement ses dents avec un petit sourire.
(Il s'étonna lui même de son comportement, se surprenant à sourire plusieurs fois)

« Ca rigole pas... Sinon, la personne à qui je fais face à un prénom ? » tout en effaçant, essayant de rattraper de sa dernière intervention.

« Si vous voulez pas me dire qui était cette personne, je peux au moins savoir ce qu'il s'est passé ? Vous n'êtes pas obligé de répondre. » dit-il tout en se replaçant. Posant sa jambe gauche contre la glace et son autre jambe au dessus très proche du feu.

Il avait l'air sans doute insistant mais il était bel et bien intéressé par cette histoire. L'homme allait sans doute le rembarrer une fois de plus et il était dans son droit de le faire. Alors Hez' irait sans doute sur des sujets moins sensibles (et intéressant) , le contenu de sa besace, le voyage, s'il avait pensé de rejoindre l'armée progressiste.

La solitude, il ne l’avait jamais vraiment connu. Car à vivre son enfance dans un orphelinat, l’on en vient à chérir ces trop rares moments d’intimité, puis il avait eu Ionnan, puis Seihval. Plus jamais il ne serait seul, il sentait son dragon, là au creux de sa poitrine. Au final, sa plus grande peur était peut être cette solitude qui le hanterait et l’emmènerait vers la folie si Seihval venait à mourir un jour. Il préférait ne pas y penser, cela le mettait en rogne et il ne voulait pas tirer une tête de cent pieds de long devant cet inconnu.
Alors il se rassit devant lui, laissant l’alcool glisser lentement dans son sang. Cela le réchauffa et un léger frisson de bien être lui remonta le long de la colonne et il s’arqua légèrement.

Riant doucement quand il vit l’inconnu toussoter, il lança plutôt joyeusement :

« C’est un tord-boyau fabriqué par un Wyrm de Nilheim. Avec ça, on trouve le sommeil facilement, et l’on n’a jamais froid. » Souriant très légèrement, il porta la flasque à ses lèvres et bu une autre gorgée.

« Je m’appelle Zach, et toi ? »

Il décida de passer au tutoiement, vouvoyer quelqu’un, il avait tendance à trouver ça pompeux, surtout que le jeune homme était visiblement plus jeune que lui. Ses yeux glissèrent sur lui, détaillant ses vêtements, sa position, ses cheveux plus court sur le côté. Il était plutôt beau garçon quand il souriait un peu.
Tournant la tête, il fixa l’extérieur de la grotte tendant l’oreille avant de se passer la main dans sa légère barbe un peu embêté par la demande.

« Ce n’est pas le nom de cette personne qui est importante, mais ce qui lui est arrivé par ma faute. »

Baissant les yeux, il but une troisième gorgée d’alcool et marmonna quelque chose d’incompréhensible avant de relever la tête et de fixer Hezrael.

« Je te raconterais tout, si à ton tour tu m’avoue quelque chose. Une chose dont tu as honte, une chose dont tu n’es pas fier et que tu caches à tout prix… »

Voilà, c’était donnant-donnant. Si le jeune homme voulait en savoir plus, il devrait aussi se livrer à lui. Pourquoi n’y aurait-il eu que lui pour raconter un souvenir douloureux ?
S’étirant un peu les jambes, sa botte frôla le genou de Hezrael et Zachary se pencha pour remettre du bois dans le feu. Farfouillant dans sa sacoche, il sortit deux épis de maïs et du poisson séché. Avec habilité, il enfonça une branche dans les épis et les mit à dorer prés du feu. Il fit de même avec le poisson et une douce odeur salée et marine envahit la grotte.

« Tu as faim ? »

Tournant les épis et le poisson à intervalle régulière, il sentit la faim arriver et lui tordre le ventre.
Zach ne savait pas s’il devait faire confiance à Hezrael, il continuait d’être un peu sur ses gardes tout en essayant de se montrer plutôt hospitalier. Il n’y avait vraiment qu’à Lucia et Venezia qu’il avait accordé sa confiance totale et ce plutôt rapidement. La trahison de Ionnan l’avait rendu méfiant à l’égard de tous et ce même avec les siens. Mais on ne devenait pas un Wyrm sans avoir un lourd passé derrière soi.

Alors il était plus sage d’être prudent…

Le liquide arpenta son corps délicieusement augmentant l'ombre d'un instant sa température. Il ne pu s'empêcher au climat désertique et à son habitat, il se voyait là bas torse nue, appréciant les grains de sables venant chatouiller sa peau. Ce climat n'est bel et bien pas fait pour lui.

Se sentant un peu emprisonné dans ses vêtements, et ayant du légèrement transpiré, il se devait de renouveler l'air coincé entre ses vêtements. Alors, il enfonça doucement sa main sous son T-shirt, la remontant jusqu'à son flanc gauche. Il se massa quelques secondes, laissant péniblement la brise glacial chasser l'air. On pouvait clairement voir le quart de son torse.

« Hezrael mais tu peux m'appeler Hez' » Sa main retomba pour redresser son t-shirt, se sentant clairement mieux et tonifié. Le tutoiement fut naturelle, il se calqua naturellement à la façon de parler de Zach.

Hez' l'écoutait attentivement, observant le reflet des flammes sur les murs de glaces qui les entouraient. C'était plutôt joli se dit-il étonné. Puis son regard revint sur Zach, essayant de distinguer ce qu'il était entrain de marmonner. Le lieutenant se mit à réfléchir longuement à ce qu'il venait de lui demander. Il soupira fortement, de la buée apparaissant aussitôt.

Une chose dont il a honte, dont il n'est pas fier ? Sur l'instant il ne savait pas, ses actions étaient toujours réfléchis et entièrement assumés. Son seul regret est de ne pas pu voir protéger son petit village.

Zach le prit au dépourvu, voir la nourriture dorer au dessus de feu et humer une délicieuse odeur lui donna indubitablement faim. Il acquiesça bien qu'un peu gêné de manger quelque chose qu'il n'avait pas gagné ni mérité.

Résigné, Hez' sortit son arme de son fourreau très lentement. La lame noire apparaissait timidement. La lame était spécial, conçu à partir d'une dent de dragon, elle ne reflétait pas la lumière. Dix secondes plus tard, la lame était entièrement sorti et il la tenait fermement, verticale et parallèle à lui.

« Honte, je ne sais pas. Mais pas fier... » lentement la lame descendit jusqu'aux flammes, quelques unes furent absorbées par la lame et dansaient maintenant gracieusement le long de lame, emprisonnées dans celle-ci.

« Je me suis toujours reproché de ne pas être assez fort. » Il sourit un très court instant, se sentant bête et pas à l'aise. « Lorsque j'avais 17 ans, mon village a été détruit. Je suis un des seuls survivants. Je n'ai pu protéger personne et si on m'avait pas aidé, aujourd'hui, je ne serais que cendres. »

Son bras fantomatique le picotait doucement à l'évocation de ces souvenirs. Son arme s'inclina très lentement vers le visage Zach. « Cette arme m'a été offerte par mon père. C'est tout qu'il me reste aujourd'hui avec le souvenir des mes amis calcinés, du corps de mes voisins décapités et un vague souvenir du visage de ma sœur. Ça va faire maintenant 10 ans que je ne l'ai pas vu. »

Le katana revint à lui à une vitesse fulgurante. Il frotta les deux flancs de l'arme contre son genou droit. Les flammes qui y étaient coincés furent libérées et disparurent en une fraction de seconde. Hezrael rangea son arme de la même manière dont il l'avait sorti. C'était donnant-donnant, c'était maintenant autour de Zach.

Il lui sourit, un sourire qui voulait dire « Voilà, c'était ma vie, passionnant n'est-ce pas ? »

« Je suppose que c'est à ton tour maintenant »

L’alcool, il en avait l’habitude. Alors les quelques gorgées qu’il but ne firent que réchauffer son corps. Son esprit se ne sentit pas le moins du monde embourbé par les vapeurs, ni encore moins ralentit. Il lui en fallait plus, beaucoup plus.
Ses pupilles glissèrent sans le vouloir sur le torse dénudé, comme un papillon attiré par la chaleur. Sa langue humecta ses lèvres et il se força à quitter des yeux cette peau qui l’attirait. Il mit de côtés les pensées qui lui traversèrent l’esprit et gonda légèrement avant de s’affairer dans d’autres préoccupations.
Zachary fit tourner les broches de poissons et de maïs et écouta avec une attention toute particulière l’histoire de Hez.

Il fut étonné de voir une lame si rare entre ses mains et dû avouer qu’il aurait aimé posséder une telle arme. Même si vraisemblablement, il ne savait pas s’en servir. Lui il possédait sa vieille hache et elle lui avait jamais fait faux bond.
Etonné de ne voir aucun reflet sur la lame, il vit Hez la plonger doucement dans les braises, le feu dansa sur le métal mat et foncé dans des arabesques hypnotiques. Les mots résonnaient dans son esprit et les quelques furtives images qu’il avait entrevu lors de l’illusion lui revinrent en mémoire. C’était donc ça les flammes qui avait perçu sur la glace, c’était donc ça les légères cicatrices qu’il avait aperçu sur le torse. Le feu ravageait tout.
Zach avait toujours eu une aversion pour les dragons de feu qu’il jugeait terrifiant. Les dragons de glace tuait, mais préservait la beauté de tout à chacun en emprisonnant les corps dans des blocs gelés pour l’éternité. La finalité était la même, mais il ne savait pas, le feu, il détestait ça. Il ne voulait pas mourir brûlé et préférait largement perdre la vie au combat, sous le tranchant d’une lame que sous le flot dévastateur des dragons de Narthan.

Se redressant un peu, il resta silencieux quand Hezrael eu finit et il glissa sans sourire :

« Cette lame n’est pas ton seul souvenir. Cette haine, cette colère les font encore vivre en toi. Elle te rappelle chaque jour ce qu’on t’a arraché… »

Baissant les yeux, il serra les poings sentant remonter au fond de sa poitrine cette rage qu’il côtoyait depuis trop longtemps. Elle faisait partie de lui, et grâce à elle le visage de Ionnan était encore net derrière ses paupières, elle entretenait son souvenir et il n’avait ni besoin d’arme, ou d’un bibelot quelque conque pour se souvenir qu’un jour il lui arracherait la jugulaire à coup de canine si il le pouvait.

Puis, inspirant, il se massa le coin des yeux et commença son récit d’une voix morne aux accents de douleur :

« Il y à peu prés cinq ou six, j’ai fait la connaissance d’un jeune garçon. C’était un Saabi et un ancien d’esclave d’un noble d’Aéria. Pour le punir d’avoir volé, son ancien maître lui avait tranché tout le bras… » Montant sa main jusqu’à son aisselle pour lui montrer ou se situait la coupure, il continua. « Son bras amputé était la source de douleurs fantômes, aussi effroyables que douloureuses. Il ne se passait pas deux jours sans qu’il se mette à hurler de souffrance… »

Reprenant une gorgée d’alcool, il resta un peu silencieux et s’essuya la bouche avec le dos de sa main.

« Je lui ai proposé de faire ce que j’avais fais à Seihval, de revivre inlassablement la scène jusqu’à ce qu’on esprit comprenne. Si cela avait marché sur Seihval, pourquoi cela n’aurait-il pas marché pour lui ? Il lui a fallut visualiser la scène une dizaine de fois avant de s’écrouler terrassé par la peur et la douleur…J’ai cru que cela avait fonctionné. Mais il est devenu fou, les douleurs ont empiré, il se tailladait l’autre bras, il devenait agressif, il me suppliait de lui remontrer encore la scène. Un jour je l’ai trouvé avec l’autre bras tranché, il baignait dans son sang, un tesson de bouteille à la main…et dans un éclair de lucidité, il m’a supplié de l’achever… »

Zachary déglutit péniblement ne finissant pas son histoire. Il n’y avait pas besoin de la finir, la fin était facile à deviner. Croisant ses bras autour de son torse, il frissonna aux souvenirs douloureux qui clignotaient devant ses pupilles et sa bouche devint légèrement pâteuse. Ses yeux remplit de fantôme plongèrent dans ceux de Hezrael et il eu un sourire triste.
Chacun Wyrm portait sa croix, et pourtant cette histoire n’était qu’une parmi toutes les atrocités qu’avait vécu Zachary. Avoir rejoint le rang des Ailes Ecarlates n’avait fait qu’alourdir son fardeau et même si la rage avait fait disparaître les tourments, ils étaient toujours revenus. Il était plus difficile de vivre en paix avec soi-même que dans un tourbillon de haine.

Peiné, il inspira profondément et fixa les paumes de ses mains…

[HRP: Désolé pour l'attente. Pour ce RP, j'ai eu l'impression de beaucoup meubler mais j'espère que ça te va ]

C'était une histoire bien triste. Mais ce qu'il arrive quand on surestime le mental des faibles et sous-estime son don. Ce n'est pas donné à tout le monde de pouvoir revivre le moment le plus choquant d'une vie. Ce n'est pas donné à tout le monde de survivre une seule fois à cette douleur. Hez' écoutait l'histoire légèrement surpris par la fin de l'histoire mais le dénouement était quelque part prévisible.

L'atmosphère était étrange. On pouvait sentir toute la peine de Zach, elle était palpable. Son regard ne fit qu'amplifier ce sentiment de gène. La nourriture commença légèrement à brûler, pile à temps. L'odeur brûlé s'échappa et en quelques secondes, l'odeur avait envahi toute l'espace.
Il agrippa à un des épis et lui donna.

« Un peu plus et c'était immangeable ! » dit-il essayant d'apaiser la situation.

Hez' s'étira longuement se penchant vers la gauche, faisant craquer les articulations de son dos puis ceux de sa main (En l'appuyant sur son genou droit ). Le lieutenant grignota son épis, la faim venant en mangeant.

« Tu as fait ce que tu as pu. Les faibles ne survivent pas longtemps dans ce monde. », le ton sérieux.

Il continua de grignoter lentement son épis qu'il n'avait pas mérité. Sur un coup de tête, il se leva pour aller voir les dragons. Frim semblait bien s'amuser. Quelque part, il était content pour lui, il a pour habitude de le voir se battre inlassablement. Dans un autre temps, il observa Seivhal et son membre en moins. Il avait l'air de le vivre plutôt bien. Observant une dernière fois ce magnifique paysage, il se retourna et posa son épaule sur le mur à l'entrée.

« Dis moi. Tu étais prêt à me faire subir la même chose en sachant que cette scène aurait pu se reproduire ? »

Cette question trottait dans sa tête depuis qu'il avait mentionné cette sombre histoire. Si Zachary voulait vraiment l'aider, pourquoi lui proposait-il encore cette illusion s'il n'était pas sur de résultat ?
Toute cette histoire ne rendit Hezrael que plus prudent face à Zachary, qui reste avant tout un inconnu.

Et finalement, il reprit en posant de haut son regard sur Zach'.

« Je vais te répéter quelque chose que tu sais sans doute. Tu devrais faire réellement attention avec ce don... »

A ce moment, Hez' pensa aux hommes devenus fous qui seraient prêts à le torturer, aux hommes qui voudraient qu'une simple illusion. Cependant, il avait bien conscience que Zach' sait se battre. Rien qu'en regardant sa silhouette, on devine qu'il ne faudrait pas se frotter à lui (Du moins pour se battre).

Plutôt bien placé, il ne le rejoignit pas au niveau du feu et supportait la légère brise glacial sur sa nuque.

HRP:

Le douloureux souvenir, le projeta quelques années en arrière. Dans le vent froid de la caverne, à travers le crépitement du feu il cru entendre les gémissements de douleurs de ce gamin. Il le revoyait hurler, se tordre de douleur devant l’entêtant souvenir de son ancien maître lui tranchant le bras si lentement qu’il avait fallut une volonté de fer pour y survivre. Mais cette volonté s’était envolée, emportant avec elle l’ombre de la folie, la folie douloureuse.

Poussant un soupir, il accueillit le maïs devant lui et ne broncha pas. Il rongea les grains sans envie, et son ventre fut vite rassasié. Il n’était pas un grand gourmand, il avait très rarement faim, car il était habitué à n’avoir rien dans le ventre.

Préférant garder le silence pour survivre à ce souvenir qui le hantait, il se contenta de fixer les flammes d’un œil morne avant de relever la tête et de regarder la silhouette de Hezrael qui lui tournait le dos.
Oui, les faibles ne faisaient pas long feu, mais quel monde pouvait laisser mourir les faibles ? Un monde cruel sans aucun doute…

« Oui. » Dit-il d’un ton neutre. « J’étais prêt à le faire. »

Reportant son regard sur ses paumes, il ferma les yeux et inspira profondément. Son torse se gonfla et quand il rouvrit les yeux, la lueur des flammes se refléta sur ses pupilles.

« C’était ton choix…Si tu avais accepté et que tu étais mort de douleur, alors cela n’aurait été que la conséquence de ce que tu avais choisi d’endurer ou pas. Ta mort n’aurait été qu’un souvenir de plus dans ma mémoire.» Expirant lentement, il rajouta : « Aux fonds de tes pupilles il n’y avait aucune peur… »

Hezrael n’était qu’un inconnu. Pourquoi se serait-il soucier de la mort de cet homme ? Pourquoi aurait-il pleuré sur ce corps sans vie ? Il ne l’aurait pas fait, car il ne connaissait pas. Il ne s’en serait pas voulut non plus. Après tout, c’était lui qui était venu le chercher au fin fond de l’inconnu du Nord. C’était lui qui avait formulé la demande. Hezrael était le seul maître de son destin, et même si le sien venait de croiser celui de Zachary, il n’avait pas à lui tenir rigueur de lui avoir proposé.

Se levant souplement, en posant sa main sur le sol, il s’emmitoufla dans son manteau et sortit de la grotte dépassant le jeune homme. Il avança sous le ciel étoilé et les dragons de Crystal virent danser entre ses pieds.
Alors, il enfonça ses mains dans la neige et un long et haut mur de glace s’éleva en arc de cercle. Puis, la neige commença à tomber sur la glace, elle fondit et tout d’un coup ce fut des gouttes de pluies qui martelèrent le miroir. Pourtant dehors il ne pleuvait pas. Le niveau de l’eau monta doucement, et des vagues vinrent lécher la neige, le roulis continua doucement, et bientôt le niveau de l’eau atteint le haut de la mince feuille de glace. Du fond des océans apparut d’immenses dragons d’eaux aux couleurs châtoyantes qui dansèrent sur les reflets, se mêlant aux poissons multicolores des baies de Lostrego. Des coraux multicolores se déployèrent à perte de vue où nagèrent des tortues, cabriolant parmi les vagues et les tourbillons créer par les dragons. Puis, des écailles argentées reflétèrent le soleil, le niveau de l’eau descendit doucement jusqu’à s’effacer doucement. La main de Zachary quitta la surface gelée et il se retourna pour fixer Hezrael.

« Notre don est ce que nous décidons d’en faire…Et je sais que je suis capable de faire rêver ceux qui en ont besoin. »

Secouant la tête, il remonta vers la grotte et posa sa main sur l’épaule d’Hez.

« Je te remercie de ta prévenance… » Puis lui souriant, il rabattit sa capuche ses épaules, il demanda intrigué : « Mais et toi, quel est ton don ? »

« Ta mort n’aurait été qu’un souvenir de plus dans ma mémoire »

Au moins ça avait le mérite d'être clair. Cette phrase d'apparence anodine le ramena sur terre. Bien qu'ils appartenaient à un groupe commun d'hors la loi, qu'ils aient eu un passé plus ou moins difficile, ils restaient mutuellement inconnus.

Ramené dans un monde cruel qui ne pardonne pas. S'il n'avait pas demandé sur cette autre cas, il n'aurait sans doute pas su les risques qu'il encourait. Pendant un bref instant, Hez' pensa que Zach' était cruel. Ne pas soucier de la mort d'un individu était peu commun, et ce là l'est d'avantage quand la mort est causé de ses propres actes. Hez' essaya de comprendre ce comportement, ce disant qu'il était dans la même position. Cependant, son cas est radicalement différent.

Hez' tuait car il n'avait pas le choix. Les champs de bataille ne pardonnent pas et une erreur peut être fatale. Il doit donc tuer pour ne pas l'être. Ses talents au combat rapproché pourraient éviter la mort de ses ennemis. Il les laisserait avec un handicape majeur mais étant dans cet état, il ne souhaite à personne de vivre gravement blessé.

Zach' se leva. Hez restait sur place, le suivant juste du regard pour venir finalement se retourner.

Il apprécia le spectacle bien qu'un peu sceptique. Et bien que le tableau était magnifique, la vue des dragons l'horripilait et il n'avait qu'une envie : leur couper la tête. Il se contenait. Et assez facilement, cette pensée fut refrénée. Tout ça était bien envoûtant, pour autant son avis ne changea pas et cette illusion affirma sa première impression.

Zach' lui sourit, un sourire qu'il lui rendit mécaniquement toujours dans sa réflexion. Il le regardait avec une certaine méfiance, il est rare qu'une personne pose la main sur lui sans avoir le but de le frapper.

« Mes réflexes sont accrues. Mon temps de réaction est presque nulle. Je suis donc plus rapide, plus fort...Plus dangereux lorsqu'on m'attaque. »

Il lui laissa maintenant le bénéfice du doute. Avait-il fait exprès de se prendre son coup de poing ou l'avait-il simplement pas remarqué ? Il affichait un regard joueur, taquin. De sa seule main, il agrippa lentement le poignet de l'homme pour l'écarter de son épaule. Sa prise se relâchait progressivement. Il devait sûrement apparaître pour un jeune homme aigri mais cette sensation l'irritait.

Le froid ayant eu raison de lui, il s'engouffra un peu plus dans la grotte. Tournant brièvement autour du feu comme un chien qui cherche la position parfaite. Il se posa une fois de plus sur ses talons se tournant vers Zach.

« Dis moi, tu n'as jamais songé à rejoindre l'armée progressiste ? »

Son ton était posé, pas vraiment sérieux. C'était un ton qu'on utilise lorsqu'on parle à un de ses compagnons, un camarade de guerre.

Le monde était cruel. Pourquoi Zachary ne l’aurait il pas été ? Oui il se fichait de ce qu’il pouvait advenir de Hez, après tout il ne le connaissait pas il y avait même pas une heure. Zachary se foutait ouvertement de ce que les autres pensaient, enfin, mis à part quelques uns dont la vie et le sourire comptait plus que tous. Et pour eux, il aurait tout donné. Mais arriver à cette place dans son cœur, n’était pas une mince affaire. Et il doutait que Hezrael ait envie de rejoindre le panthéon de ceux qu’il aimait.

La guerre était cruelle, et si il l’avait rejoins à l’époque c’était plus par défoulement psychologique que par nécessité. Il avait tué, de sang-froid, en étant conscient de ses gestes, il avait achevé des hommes qui le suppliait, des femmes qui pleurait, pourquoi ? Parce qu’il portait simplement un uniforme qu’il haïssait et qui faisait ressurgir sous ses paupières le cauchemar de sa vie. Il n’était pas un tueur sanguinaire, mais sa soif de colère l’avait poussé à faire des actes qu’il regrettait aujourd’hui amèrement. Néanmoins, il vivait avec les choix qu’il avait fait, et il essayait maintenant de se racheter une conduite. Venezia lui avait offert cette deuxième chance, et il ne la laisserait pas passer.

Levant un sourcil au don de Hezrael, il fut un peu surprit et dans son esprit repassa le moment où il l’avait frappé. Avait-il fait exprès de subir son coup pour le tromper ? Peut être, et si c’était le cas, c’était plutôt bien vu de sa part.
Sentant la main de l’inconnu se refermer sur son poignet, il la retira et s’avança dans la grotte pour se rasseoir sur la peau. S’étirant un peu il bailla et se gratta la barde avant de le fixer quand il posa sa question.

« Pourquoi ? Tu en fais partis ? »

Baissant les yeux pour fixer les flammes, il tira sa hache contre lui et entreprit l’aiguiser avec une pierre. Le mouvement répétitif le berça légèrement, le silence aussi et il avoua d’une voix calme.

« J’ai déjà fait partie d’une armée, cela ne m’intéresse plus…Elles ne servent que leurs propres intérêt sans penser aux biens de ceux qui restent loin du front. »

Appuyant sur la pierre, la faisant glisser contre la lame en acier, il observa son propre reflet.

« Je suis éclaireur Isolationnistes…Cela me permets de me racheter. »

Relevant les yeux vers Hezrael, il lui fit un nouveau sourire et demanda froidement :

« Cette femme que tu veux retrouver, que fera-tu une fois qu’elle sera à ta portée ? Tu la tueras pour te venger ? »

Plongeant ses yeux au plus profond des siens, il le fixa sans ciller essayant de trouver une trace de cette colère qu’il sentait bouillir en lui.
Finalement, ils étaient peut être deux inconnus, mais Zachary sentait qu’ils avaient plus en commun que ce qu’ils voulaient bien s’avouer.

« Oui. Je suis lieutenant d'armée. J'effectue mes tâches à l'oasis de Selebor. Je me disais qu'un homme comme aurait été un bénéfice pour l'armée progressiste. Tu as l'air de te porter plutôt bien physiquement et ton don pourrait galvaniser les troupes ou être utilisé contre les ennemis. »

Si jamais l'envie lui venait un jour de lui rendre visite pour une quelconque raison. A vrai dire, il lui était maintenant redevable. Il n'avait pas peur de dévoiler son statut et sa position dans l'armée. Il ne voyait aucun danger à lui raconter tout ça. Et si ça tournait mal, il avait toujours son arme qui pouvait régler n'importe quel problème.

Pour le coup, il avait été plutôt franc. Son point de vue était ici celui du lieutenant, celui qui a des hommes à sa charge et qui cherche les meilleurs atouts pour les siens. Hez l'observa aiguiser sa hache sans trop se soucier du mouvement qu'il exécutait.

« Ceux qui restent loin du front ? Je pense que tu ne battais pas pour la bonne cause. Les choses ne peuvent pas changer si les plus forts ne se combattent pas. Je respecte ton choix mais si un jour tu veux nous rejoindre, tu sais vers qui te tourner. »

Il expira alors fortement, se tordant une fois à gauche puis à droite pour faire craquer tout son dos, puis il tira sur son cou, des deux cotés aboutissant au même type de bruit. Son attention revenait alors à Zach, répondant à son regard avec un petit sourire.

« Pour tout avouer j'hésite. J'ai envie de lui couper les deux bras mais même sans bras, elle serait trop dangereuse. Sinon je la tue.,, Dans tout les cas, elle finira sans bras. Et sans dragon. »

Sa langue se délia si vite qu'il n'eut pas le temps de réfléchir à sa réponse. La colère et l'envie de vengeance avaient dicté machinalement ses mots. Pendant un moment, il se dit qu'il devait être une personne horrible, dire ça de sang froid. Cependant, cette idée disparut aussi rapidement qu'elle fut arrivée. Cette femme mérite ce qui va lui arriver. Cette femme ne mérite en aucun cas de vivre plus longtemps. Cette femme est dangereuse. Cette femme a détruit son passé et sapé son futur.
Voulant se justifier, il enchaîna directement après avoir évoqué son projet.

« C'est peut être cruel mais elle mérite cent fois pire. Je pourrai la torturer mais je pense pas avoir le mental assez solide pour...  Bref. »

Une douleur lancinante s'était installé pendant qu'il pensait à son objectif. Comme toujours, Hez' souffrait en silence. Ne faisant rien apparaître, prenant sur lui. Une fois de plus. Il était entrain de raconter son but à un pur inconnu. Zach' n'était peut être pas du tout intéressé. Des histoires de vengeance, il a du en entendre des tas avec le don qu'il se trimballait. Discrètement, il plongea sa main jusqu'à son moignon. Le fait d'y poser sa main atténua considérablement la douleur fantomatique.

« Et tu comptes te racheter toute ta vie ? Tu as bien un autre objectif ? »

Il n'y allait pas par quatre chemins. Hez' avait la merveilleuse qualité d'être franc et directe. Le flammes rétrécissaient petit à petit, peinant à danser au dessus du bois. Si Zach voulait que la discussion dur un peu plus longtemps, il fallait qu'il sorte de sa besace quelque brindilles supplémentaires.

HRP:

Haussant un sourcil au statut de l’homme, Zachary eu un léger sourire en coin. Comme quoi, l’armée le rattraperait toujours. Dire qu’il avait un jour tenté d’intégrer celles des Escadrons d’Elite. Des souvenirs de son épreuve d’Alliance lui revinrent à l’esprit et il poussa un léger soupir. Voilà pourquoi il n’aimait pas Narthan. Quelle idée de l’envoyer dans un pays aussi chaud avec un dragon de glace. Ils s’étaient planté, lamentablement. Une haine farouche envers ce gouvernement et ces lois imposées par Limlug avait commencé à poindre en lui et il avait préféré radié à jamais cette alliance douloureuse. Non, Seihval et lui avaient prit leurs temps et s’était tout naturellement qu’ils s’étaient allié avec son dragon. Il n’y avait eu ni pleurs, ni peur, juste un doux échange remplit de confiance et de complicité. C’était peut être pour cela que les Wyrms arrivaient si bien à tenir tête aux Escadrons. Leurs liens étaient peut être plus fort, la séparation forcée raffermissant à jamais cette union.

Relevant un œil de sa hache quand il lui avoua que les forts devaient combattre, il s’empêcha de repliquer et continua son mouvement. Hezrael devait être bien jeune et emplit d’une certaine fierté pour parler comme ça. Pourtant il ne comprenait pas son raisonnement. Le jeune homme avait perdu tout ce qui lui était cher et il n’était pas capable de comprendre que le plus important ce n’était pas le combat, mais la protection, de rester auprès de ceux qu’il fallait défendre et que l’on construisait plus par l’entraide et le soutien qu’en annilant toute trace de vie.
Mais Zachary comprenait aussi son engouement. Il avait été pareil, la rage avait bouillonnée en lui et il avait cru pouvoir sauver le monde entier. Mais il s’était lourdement trompé, il ne le découvrait que maintenant, bien des années après.

« Je n’hésiterais pas si jamais l’envie me prenait. » Dit-il en souriant tranquillement.

D’un geste répétitif, il aiguisa sa hache et rit de bon cœur à la réponse de Hezrael quand à la torture qu’il infligerait à cette femme.

« Tuer son dragon serait la pire des punitions. Mais réfléchis bien avant de passer à l’acte, ne le regrette pas un jour. »

Zachary ne lui déconseilla pas de ne pas la tuer. Après tout cela ne le regardait pas vraiment, puis il n’était pas le genre d’homme à être blanc comme neige. Lui aussi avait tué des gens qui l’avait fait souffrir, même des inconnus. Il le mit pourtant légèrement en garde et se massa le menton en se grattant la barde.

« C’est bien de connaître ses limites. » Dit-il un peu narquois.

Puis fixant Hez qui se tenait le bras mutilé, il le dévisagea quand il lui posa la question et grogna méchamment avant d’avaler une nouvelle lampée de sa flasque.
Penser à Ionnan le rendait morose, il n’avait qu’une envie c’était de l’étriper. Le retrouver et le tuer, et pour lui, il serait assez fort pour le torturer un peu. Juste par plaisir. Pour lui retourner ce qu’il lui avait fait subir en le trahissant et en l’abandonnant.

Ouvrant la bouche, il eu une moue un peu perplexe et lâcha en grondant de colère :

« Ma vie entière ne sera jamais assez pour payer le nombre de vie que j’ai pris…. » Puis en serrant les poings, le visage complètement fermé, il rajouta : « Je dois retrouver celui que j’aime, et quand je l’aurais retrouvé, je le tuerais à petit feu… »

Rageur, ses yeux se firent froids et il fixa le feu avec intensité. Voilà lui qui se sentait détendu il y avait quelques secondes, il était de nouveau tendu et chaque pensée envers Ionnan le rendait terriblement colérique.
Remettant du bois dans les braises, il plissa le nez et avala d’un trait le reste de l’alcool pour sentir son esprit commencer à divaguer légèrement et effacer les souvenirs de Ionnan.

Zachary ne rejeta pas sa proposition, sans doute par politesse. Il l'inspecta aiguiser sa hache sans trop d’entrain, ses pensées étant ailleurs. Il réfléchissait encore à la façon dont il allait se venger, ce sentiment saper tout ce qu'il y avait de bien chez lui et dominer rapidement sur ce qu'il lui restait de ses bons cotés. La mise en garde de Zachary s'évanouissait dans les diverses pensées de tortures et d’exécutions morbides qu'imaginait le lieutenant. Ses limites...Aveuglé par cette rage qui s'est installé dans ses tripes. Une rage entretenu par des souvenirs scellés dont la seule clé de voûte est la mort d'une femme aux cheveux blonds.

Sentant le regard de l'homme se posait sur lui, il inspira profondément et expira lentement. Purgeant par la même occasion ses sales pensées. Sans juger, il le regarda boire visiblement mécontent. Avait-il été indiscret ? Sans doute.

Zach' gronda assez méchamment. La plupart des personnes auraient été un peu déstabilisé et intimidé face à l'homme ; Hezrael resta de marbre. Il avait conscience que certains mots doivent sortir mais les mots ayant un certains poids, il faut parfois s'exprimer de manière moins délicate pour que ses mots s'échappent. Et l'histoire l'étonna d'autant plus. Décidément, cette homme avait vécu des choses passionnantes. (Ou c'était sa vie qui était triste.)

Dans un premier temps, il assimila la première information. Il était en couple avec un homme. Il n'était pas vraiment surpris, à vrai dire, il l'imaginait mal avec une femme. Étrangement, il ne n'avait pas de réel argument, il n'avait que ses premières sensations. (Peut être, Zach' avait posé trop longtemps ses yeux sur son torse auparavant. ) . Puis il la seconde information fut traiter. Il tuera celui qui l'aime.

*Je n'ai que regardé * se dit-il pour se rassurer, souriant intérieurement.

Cependant, la situation n'avait rien d'amusante. Le poids de ses mots avaient joué sur la gravité et l'atmosphère était à nouveau devenu pesante. Les sonorités du bois craquants dominaient sur le silence environnant. Quelques minutes passèrent. Il ne disait rien. Hez' n'était pas un grand orateur et il n'a jamais eu les mots pour réconforter qui que ce soit. Il n'a jamais eu les amis pour non plus. Le reste d'alcool qu'avait bu Zachary était suffisant pour faire divaguer l'esprit.

C'était le moment adéquat pour partir. S'il restait encore, ils s'avoueraient encore les actes de leur passé... Et Zach' étant un peu éméché, il se peut qu'il dise ou fasse des choses qu'il regretterait. Par sagesse, il se leva et fit craquer tout ses os. Il tordit son dos des deux sens, puis son cou et sa main.Il posa brièvement le regard sur l'homme.

« Tant que tu ne le regrettes pas... » Alors qu'il allait continuer son intervention, il s'arrêta net. Ce qu'il allait dire aller être déplacé : Il tuera sans doute son unique amour. Son ame sœur, une compatibilité parfaite et prédestinés qu'il songe à détruire. Il se dirigea d'un pas lent vers la sortie ne voulant pas trop se détacher de cette nouvelle connaissance. Hez' siffla trois notes distinctes et son dragon arrêta de jouer avec son nouveau camarade de jeu et se posa devant l'entré à une dizaine de pas.

Hez' se retourna une ultime fois.

« Je te suis redevable, s'il y a quoique ce soit que je peux faire pour t'aider tu sais où me trouver. »

La vie était ainsi faite, elle dure et cruelle comme elle pouvait être douce et monotone. La vie était ce qu’on choisisait d’en faire. Zachary s’était trop longtemps laissé porté par une rage sans nom pour osé prétendre que sa vie était un paradis. Il regrettait aujourd’hui amèrement de n’avoir pu faire la part des choses, de n’avoir pu tout simplement se détacher de Ionnan, d’hausser les épaules et dire « tant pis pour lui ». Non il n’en avait jamais eu le courage et il s’accrochait désespérément à ce souvenir car il ne lui restait que ça au monde. Avait-il des amis ? De la famille ? Non rien de tout ça.
Alors quand Hezrael lui tourna le dos, il poussa un léger soupire.

Bien sûr qu’il regrettait, il s’en mordait les doigts, mais jamais il ne le dira, ni même l’avouerais. Non jamais. L’esprit encore un peu flottant à cause de l’alcool, il haussa les épaules quand le soldat lui avoua lui être redevable.
Redevable de quoi ? Il n’avait même pas pu vraiment l’aider et en plus il lui offrait un spectacle bien pathétique.
Se levant à son tour, il dispersa le bois d’un coup de pied et les flammes moururent gelées sur la glace.
Suivant des yeux la silhouette du dragon d’Hezrael qui s’envolait dans l’aurore qui se levait, il se tourna vers Seihval qui l’attendait non loin.
Non, vraiment, la vie n’était pas tendre.

Mais parfois, à quelques moments, un calme pouvait s’installer, un instant d’éternité perdus entre des tranches de violences, un moment pour réfléchir, un moment pour soi.

Enjambant Seihval avec souplesse, Zachary glissa sa main sur ses écailles et flatta son encolure gelée.

« Direction Valhöll. Il est temps de mettre les choses au clair. »

Le dragon des Aurores Boréales poussa sur ses lourdes ailes, et tout deux disparurent dans le ciel éclairé.